Le théâtre au XVIIIe siècle
Le renouvellement de la tragédie
Le début du XVIIIème siècle marque le déclin de la tragédie classique. Prosper Jolyot de Crébillon (dit Crébillon père, 1674-1762) développe le « tragique de situation » : de nombreuses scènes d’horreur sont représentées sur la scène, rompant ainsi avec les principes de bienséance ; des intrigues comportant de nombreux coups de théâtre annoncent le mélodrame du XIXème siècle. (oeuvres de Crébillon Père sur Libre Théâtre)
Des renouvellements plus profonds apparaissent avec les tragédies de Voltaire (1694-1778) qui introduit des sujets modernes en gardant la structure classique et l’alexandrin. 30 pièces de Voltaire entrent au répertoire de la Comédie-Française et sont très souvent représentées au cours du XVIIIème siècle. Sémiramis (1748) et L’Orphelin de la Chine (1755) révolutionnent l’illusion théâtrale avec la suppression définitive des banquettes occupées par les gentilshommes sur scène. Voltaire, assisté de son principal interprète, Lekain, définit scrupuleusement les effets théâtraux et scéniques : les décors et les costumes correspondent désormais au cadre historique des pièces. Après 1789, trois pièces, Nanine, Brutus et Mahomet, sont fréquemment jouées faisant respectivement écho à la moralisation des mœurs, au républicanisme et au refus du fanatisme religieux. (oeuvres de Voltaire sur Libre Théâtre)
Le renouvellement de la comédie
Jean-François Regnard, dans la lignée de Molière, écrit des arlequinades, des comédies de caractères (Le Joueur, Le Distrait) et des comédies d’intrigues (Le Légataire universel), dont la fantaisie et la verve sont saluées. Ses comédies sont très souvent représentées au début du XVIIIème siècle sur la scène de la Comédie-Française. (oeuvres de Regnard sur Libre Théâtre)
Lesage (1668-1747) marque la comédie de mœurs avec Turcaret (1709), une dénonciation des milieux financiers. Après sa brouille avec les Comédiens Français, il se tourne vers le théâtre de la Foire, qui rencontre un immense succès populaire à cette époque, et écrit, en collaboration avec d’autres auteurs, plus d’une centaine de pièces. (oeuvres de Lesage sur Libre Théâtre)
Dancourt (1661-1725) entre en 1685, dans la troupe de la Comédie-Française, dont il devint sociétaire, et fait jouer la même année sa première comédie, Le Notaire obligeant ou les Fonds perdus. Il rencontre le succès et écrit plus de 80 comédies e mœurs dépourvues de moralité et très réalistes, caricaturant les bourgeois vaniteux et les magistrats véreux. Il est considéré par certains comme le père du vaudeville moderne. (Oeuvres de Dancourt sur Libre Théâtre)
La Régence de Philippe d’Orléans permet le retour, dès 1716, des Comédiens Italiens chassés par Louis XIV en 1697. Les spectacles sont d’abord joués en italien puis rapidement des auteurs écrivent en français pour mettre en scène les personnages issus de la commedia dell’arte comme Arlequin, Colombine ou Pantalon. Marivaux, notamment, écrit pour la troupe Arlequin poli par l’amour qui connaît un grand succès en 1720. 18 comédies (sur 27) seront destinées à la Comédie Italienne. Marivaux fait évoluer le genre de la comédie : il explore le sentiment amoureux, en développant l’art de la conversation galante, devenue marivaudage (La Double Inconstance, les Fausses Confidences, le Jeu de l’amour et du hasard…) mais aussi les problèmes de société, autour des relations entre maître et valet, de la liberté et l’égalité (l’Île des esclaves), la situation des femmes (La Nouvelle Colonie).(Oeuvres de Marivaux sur Libre Théâtre)
Les comédies de Beaumarchais (1732-1799) renouvellent le genre : tout en élaborant des intrigues joyeuses avec de multiples rebondissements, Beaumarchais développe une satire sociale et politique à travers le personnage de Figaro, un valet débrouillard qui conteste le pouvoir de son maître, avec le Barbier de Séville (1775) et le Mariage de Figaro (1784). Cette pièce, représentée après plusieurs années de censure fut un vrai triomphe. Dénonçant les privilèges archaïques de l’aristocratie, elle est considérée comme l’un des signes avant-coureurs de la Révolution française.
Les oeuvres de Beaumarchais sur Libre Théâtre
Apparition d’un nouveau genre : le drame bourgeois
Diderot évoque pour la première fois le « drame bourgeois », qu’il nomme « genre sérieux », entre comédie et tragédie, dans les Entretiens sur le Fils naturel. Le principe de l’unité de temps et de lieu est abandonné, ainsi que le principe de vraisemblance du théâtre classique.
Ces pièces se veulent moralisatrices et exaltent les vertus de l’amitié, de la solidarité et de l’altruisme. Le spectateur doit être ému par les situations pathétiques auxquelles sont confrontées des familles bourgeoises. Une autre caractéristique du drame bourgeois est le développement de la pantomime qui permet d’exprimer passions et sentiments au travers des gestes et des attitudes des acteurs. Les drames bourgeois les plus célèbres sont : le Fils naturel (Diderot, 1757), le Père de famille (Diderot, 1758), le Philosophe sans le savoir (Sedaine, 1765), la Brouette du vinaigrier (Mercier, 1775) ou encore la Mère coupable (Beaumarchais, 1792).
Les oeuvres de Diderot sur Libre Théâtre
Les oeuvres de Sedaine sur Libre Théâtre
Les oeuvres de Mercier sur Libre Théâtre
Les oeuvres de Beaumarchais sur Libre Théâtre
Le théâtre politique
À la fin des années 1770, Olympe de Gouges monte sa propre troupe de comédiens, qui se produit à Paris et dans ses environs. Elle publie de nombreuses pièces, dont Zamore et Mirza ou l’heureux naufrage (1785), qui prend parti contre l’esclavage, pièce acceptée puis retirée du répertoire du Théâtre-français. Elle participe activement à la Révolution et continue à publier des pièces portant sur des sujets de société ou d’actualité politique, abolitionnistes et féministes. Elle périt sur l’échafaud le 3 novembre 1793.
Les œuvres d’Olympe de Gouges sur Libre Théâtre
Evolution du vaudeville et apparition de l’opéra-comique
Dans la première moitié du XVIIIe siècle, la comédie « à vaudevilles » se développe : les scènes sont entrecoupée de ballets et de couplets chantés sur un air connu dont les paroles sont modifiées. Des personnages, inspirés de la comédie italienne, sont mêlés à des situations cocasses à rebondissement, avec souvent des allusions à l’actualité. Voir les oeuvres de Lesage sur Libre Théâtre.
L’Opéra-Comique, fondé en 1714, est issu d’une des troupes de la foire Saint-Germain : un décret autorise la troupe à avoir son propre théâtre avec une contrainte : intercaler des dialogues parlés dans les œuvres chantées. Les débuts de l’Opéra-Comique sont difficiles et connaissent plusieurs périodes de fermeture. En 1743, Jean Monnet prend la direction de l’Opéra-Comique. Avec notamment Charles-Simon Favart, le genre évolue : le texte est désormais associé à une musique originale c’est la naissance du véritable opéra-comique. Voir les oeuvres de Favart sur Libre Théâtre.
Mais la simple comédie à vaudevilles subsiste, en donnant une part plus importante au dialogue parlé au détriment de la partie musicale, réduite à quelques couplets.
En 1792, la proclamation de la liberté du théâtre permet l’éclosion de scènes spécialement consacrées au genre : ce fut d’abord le théâtre du Vaudeville qui contribua au transfert de sens du terme vaudeville, désormais appliqué à la pièce elle-même.
Beaumarchais et la société des auteurs dramatiques
Le 3 juillet 1777, lors d’un repas auquel il convie une trentaine d’auteurs, Beaumarchais propose la fondation de la première société des auteurs dramatiques. Après le succès du Barbier de Séville, Beaumarchais souhaite défendre le droit des auteurs face au monopole des Comédiens français et redéfinir les conditions de rétribution des auteurs. Le combat qu’il mène aboutit à la reconnaissance légale du droit d’auteur par l’Assemblée Constituante le 13 janvier 1791.
C’est la première loi édictée dans le monde pour protéger les auteurs et leurs droits. Le droit de représentation sera reconnu par les décrets de janvier 1791, le droit de reproduction en 1793. La loi Le Chapelier confère aux auteurs un monopole d’exploitation sur la reproduction et la représentation de leurs œuvres : les auteurs ont désormais le droit de vivre du fruit de leur travail.
Le Théâtre de la Révolution
La Loi relative aux spectacles du 13 janvier 1791 permet à chacun d’ouvrir une salle de spectacle sur simple déclaration et les ouvrages dont les auteurs sont morts depuis 5 ans au moins peuvent être représentés librement. Les salles se multiplient pendant cette période. 1637 pièces sont imprimées.
Le théâtre devient un lieu d’enjeux politiques où se passe les affrontements politiques et idéologiques. Le théâtre devient un lieu de célébration des héros républicains et de commémorations des exploits républicains.
La Comédie-Française devient en 1789 le théâtre de la Nation et perd ses privilèges notamment le monopole exclusif des œuvres du répertoire classique. La tragédie Charles IX ou la Saint-Barthelemy de Chénier, censurée en 1788, est représentée en novembre 1789 : le jeune et ambitieux Talma est propulsé sur le devant de la scène théâtrale et politique.
Sous la Terreur, la censure est rétablie en août 1793. Après Thermidor, les pièces « patriotiques » sont remplacées par des opéras-comiques ou des satires sociales.
Le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte le 18 Brumaire (1799) va entraîner un rétablissement officiel de la censure. Le gouvernement concède à la société des Comédiens-Français le Théâtre Français de la République, rue de Richelieu. Napoléon se fait le protecteur de la Comédie-Française. Le nombre de théâtre est réduit : 8 salles à Paris en 1807.