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Les recommandations de Libre Théâtre
Le dernier jour de Pierre par la Compagnie Deraïdenz
La Compagnie Deraïdenz recevait hier soir le public avignonnais au Théâtre du Chêne Noir pour échanger avec lui sur le processus de création en cours de son prochain spectacle : Le Dernier Jour de Pierre. Un moment rare de partage. Si un magicien ne révèle jamais ses trucs, il est aussi exceptionnel qu’une compagnie de marionnettes prenne ainsi le risque de mettre à jour la mécanique généralement cachée derrière les rideaux, et de dévoiler ses secrets voire ses doutes. Imaginé par Baptiste Zsilina, assisté par de nombreux membres de cette compagnie avignonnaise, ce spectacle de marionnettes, sans parole, s'annonce comme une expérience esthétique, sensorielle et émotionnelle unique, dans la lignée des précédentes créations de la Compagnie (Les souffrances de Job, InKarne ou Baba Youv) qui en convoquant des univers très singuliers et des sujets très forts ont durablement marqué tous les spectateurs.
Olivier Fredj joue avec intelligence des images vidéos, tout en convoquant la machinerie traditionnelle de l’opéra pour proposer des scènes d’une grande beauté. Il parvient à provoquer l’hilarité du public par la gestuelle et la voix de ces personnages extravagants, ainsi que par les costumes dont ils sont affublés. Olivier Fredj réussit également à transmettre avec finesse le message de l’œuvre originale, prônant la tolérance vis-à-vis de l’Autre et critiquant les préjugés de la société bourgeoise, en ce qui concerne la condition féminine notamment. Jamais le choix de mélanger les genres n’a paru aussi pertinent et cohérent, le tout sous le portrait en transparence d'un Offenbach goguenard, plus actuel que jamais. La musique entraînante de Jacques Offenbach, servie avec allant par l’orchestre de l’Opéra Grand Avignon sous la direction d’Yves Senn, réjouit par son inventivité. Elle provoque elle aussi le rire, et parfois l’émotion. L’ensemble des interprètes, solistes et membres du Chœur de l’Opéra Grand Avignon, jouent la comédie aussi bien qu’ils chantent. Le duo dans les airs d’Héloïse Mas, incarnant avec panache le rôle travesti de Caprice, et de Sheva Toval, une Fantasia tour à tour enjouée ou touchante, restera longtemps dans nos mémoires. On n’oubliera pas les danseurs acrobates qui contribuent également au succès de cette féerie.
L’ensemble Châkam au Festival andalou
Programmées dans le cadre du Festival Andalou, les trois musiciennes de la formation Chakâm ont enchanté le public avignonnais venu en nombre pour les écouter au théâtre Le Chien qui fume. La richesse mélodique et la variété rythmique des compositions et des improvisations de ce trio féminin très attachant nous entraînent dans un voyage hors du temps, tout en constituant au présent un engagement pour la liberté, notamment celle des femmes, d'exprimer sa passion par la voix et par la musique. Une formation à suivre.
Une épopée d’Al Andalous au Rouge-Gorge à Avignon
Il faut d'abord parler du lieu. Car venir au Rouge Gorge, surtout pour la première fois, est en soi un événement extraordinaire. Installé dans l'ancienne imprimerie Aubanel, au pied du monumental Palais des Papes, et adossée au Rocher des Doms qui affleure encore à l'intérieur, le Rouge Gorge, avec sa structure métallique et sa vaste nef centrale entourée d'une coursive, le tout surplombé d'une verrière, a des allures de cathédrale industrielle ou de paquebot transatlantique. C'est d'ailleurs à un voyage musical et culturel entre l'Occident et l'Orient que nous invitaient l'Orchestre Tarab et la chorale Les Chandalous, sous la direction du maître Fouad Didi. Un voyage de l'Andalousie à Damas, nous invitant à découvrir des musiques savantes ou populaires, associées à des textes poétiques et philosophiques.
La terre et la poudre par le Teatro Strappato
Teatro Strappato nous revient cette fois avec un spectacle de conte et de masques sur le thème de l'exil. "Terre et poudre", écrit et mis en scène par Vene Vieitez et magistralement interprété par Cecilia Scrittore, est le récit poignant de la tragique errance d'une femme chassée de son pays par la guerre, qui la jette sur les routes de l'exode avec son enfant après la mort de son mari. On ne peut évidemment pas résumer ce spectacle à cette simple trame dramatique. "Terre et poudre", en effet, joue avec brio sur les codes de l'énonciation et du théâtre dans le théâtre, une narratrice introduisant les divers personnages de cette tragédie, tous étant incarnés par une seule comédienne d'exception, Cecilia Scrittore, à l'aide de divers masques et d'une gestuelle d'une grande puissance évocatrice.