Le dernier jour de Pierre, un spectacle de Baptiste Zsilina par DERAÏDENZ.
Conte contemplatif sans texte, ponctué de Brèches Noires horrifiques.
Spectacle vu le 30 janvier 2024 au Théâtre du Chêne Noir
Le dernier jour de Pierre, une poétique du désespoir
Un vagabond arrive dans un village où il trouvera asile. Malgré cette chaleureuse hospitalité, cependant, cette âme en peine sera rattrapée par ses démons. Ainsi pourrait-on résumer l’intrigue du dernier jour de Pierre, défini par la compagnie elle-même comme une poétique du désespoir.
Imaginé par Baptiste Zsilina, assisté par de nombreux autres membres de cette compagnie avignonnaise, ce spectacle de marionnettes, sans parole, constitue une expérience sensorielle et émotionnelle unique, dans la lignée des précédentes créations de la Compagnie Deraïdenz (Les souffrances de Job, InKarnè ou Byba Youv) qui, en convoquant des univers très singuliers et des sujets très forts, ont durablement marqué tous les spectateurs.
L’aspect serein et lumineux des décors et des marionnettes, rappelant l’univers hivernal des santons de Provence, contraste avec l’univers sombre et torturé constituant la marque de fabrique de la Compagnie Deraïdenz, prenant toujours un malin plaisir à nous faire peur pour nous faire réfléchir, en nous donnant à voir la « matière noire » qui nous entoure… On s’attendait donc à ce que ce conte sans histoire tourne au cauchemar. Et ce fut bien le cas avec le surgissement saisissant des « brèches noires » dans ce paysage lumineux exhalant déjà une infinie tristesse.
L’une des nombreuses originalités de ce spectacle, cependant, réside dans le jeu sur l’espace théâtral et sur la perspective. Ce qui dans cette histoire relève de la « réalité » banale est présenté dans le cadre traditionnel, familier et rassurant du théâtre de Guignol. Un espace très réduit, éclairé d’une lumière crue, et habité par des personnages ordinaires parfois minuscules parce que mis à distance. Des jumelles sont d’ailleurs fournies aux spectateurs à l’entrée pour mieux percevoir les détails de ces miniatures. Ce qui tient en revanche d’un fantastique cauchemardesque déborde du cadre, tombant du ciel ou surgissant des ténèbres, en apparitions gigantesques.
Dire le désespoir et le donner à voir, c’est bien sûr une tentative pour le conjurer. Ce spectacle puissant n’est donc finalement pas désespérant. C’est surtout une expérience esthétique extraordinaire, comme seuls peuvent nous la procurer les plus grands chefs-d’œuvres de la peinture. En l’occurrence, on a parfois l’impression de voir Bacon surgir dans un tableau de Brueghel…
Un spectacle rare et une proposition exigeante, à ne décliner sous aucun prétexte.
Critique de Jean-Pierre Martinez
Distribution – Dramaturgie, Conception et Mise en Scène : Baptiste Zsilina, en collaboration avec Léa Guillec
Marionnettistes : Coline Agard, Léa Guillec, Hanna Malhas et Marion Piro
Régie plateau et manipulations : Églantine Remblier et Nicolas Pautrat, en alternance avec Luce Causin
Régie Générale et Création Lumière : Loris Lallouette
Construction Castelet et Machinerie : Nicolas Pautrat, assisté par Thierry Hett et Coline Agard
Construction Marionnette et Décor : Baptiste Zsilina, Églantine Remblier, Marion Piro avec le soutien du Lycée des Arts et Métiers de Vedène et de nombreux bénévoles
Costumes : Sarah Rieu avec le soutien de l’Atelier Métissé et de nombreux bénévoles
Composition Musique : Baptiste Zsilina
Sound design et mixage : Arthur Bohl
Musiciens : Etienne Beauny, Soraya Chaubert, Théodora Carla, Sylvain Mazens, Fanfare Haut les Mains, Christophe Pottier, Baptiste Zsilina, Alexis Borrely, Lelia Piris, Eric Chanas, Nico Maindiaux
Photos de Plateau : Serge Gutwirth
Communication et Diffusion Anna Massonnet.
Production : DERAÏDENZ
Lien vers le site de la Compagnie
Institutions : DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, Département de Vaucluse, Ville d’Avignon / Coproducteurs : Scène 55 (06), L’Entre-Pont (06), Le MeTT en Ardèche (07), Théâtre des Possibles (66)