Black Boy d’après Richard Wright par le Théâtre du Mantois

Spectacle vu le 25 janvier 2024

Il suffit d’ouvrir un journal local, hélas, pour se souvenir que dans notre pays, notre ville, notre quartier… le ventre est encore fécond d’où surgit la bête immonde du racisme. Oui, aujourd’hui encore, au bistrot du coin, on peut être tabassé sans aucune raison, du seul fait de la couleur de sa peau. 

Ce spectacle, cependant, nous parle d’un temps où le racisme, loin d’être un délit condamné par les tribunaux, était érigé en système par l’État lui-même, aux États-Unis mais aussi en Afrique du Sud. Ségrégation ou apartheid, ce système, prolongeant l’esclavage, avait pour but de faire d’une partie de la population des sous-hommes, et pour conséquence de désigner ces parias à la vindicte des imbéciles dont la seule gloire était d’être nés blancs. 

Paru en 1945, Black Boy, de Richard Wright, est le premier roman écrit par un afro-américain pour décrire de l’intérieur la machine infernale du ségrégationnisme. Refusant de se laisser réduire au statut de victime, cependant, ce jeune homme révolté et héroïque expérimentera une forme de résilience par la lecture, puis par l’écriture, en devenant ainsi, par le pouvoir de la littérature, l’auteur et l’acteur de sa propre vie. 

Cet étonnant spectacle rassemble sur scène un comédien, un musicien et un illustrateur. Jérôme Imard incarne à la perfection Richard Wright pour nous conter avec malice l’histoire terrifiante de ce jeune Noir dans l’Amérique ségrégationniste de la première moitié du XXème siècle. Olivier Gotti, une guitare posée à plat sur ses genoux et un bottleneck dans la main gauche, nous livre un blues habité, venu tout droit du Mississippi. Tandis que Jules Stromboni illustre ce récit poignant en projetant sur un écran les dessins presqu’animés qu’il effectue en direct avant de les effacer pour faire place à d’autres. 

Il en résulte un spectacle inédit dans sa forme et bouleversant par ce qu’il nous raconte, de façon presque hallucinatoire. Tous les éléments du cinéma sont là – l’image, le verbe, la musique – mais ils sont en quelque sorte dissociés pour mieux mettre en valeur l’importance de chacun d’eux. On pense aux premiers temps de ce qui deviendra le cinéma, quand il ne s’était pas encore tout à fait détaché du théâtre, avec des dessins animés, des vignettes pour le récit, et un musicien sur scène.

Un magnifique spectacle qui nous donne à voir et à entendre une œuvre magistrale et un message universel malheureusement toujours d’actualité. À ne manquer sous aucun prétexte.

Critique de Jean-Pierre Martinez

Jérôme Imard : adaptation, jeu
Olivier Gotti : lap steel guitare, chant
Jules Stromboni : dessin

Lien vers le site web du Chêne Noir

Dans le cadre du Festival de théâtre Fest’Hiver d’Avignon

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