Le Roi s’amuse de Victor Hugo
Drame en cinq actes et en vers, représenté pour la première fois le 22 novembre 1832 à la Comédie-Française.
Distribution : 20 hommes, 2 femmes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.
L’argument
Victor Hugo, dans sa Préface, se défend contre l’interdiction de sa pièce et sa prétendue immoralité. Il rappelle ainsi son argument.
« La pièce est immorale ? croyez-vous ? Est-ce par le fond ? Voici le fond. Triboulet est difforme, Triboulet est malade, Triboulet est bouffon de cour ; triple misère qui le rend méchant. Triboulet hait le roi parce qu’il est le roi, les seigneurs parce qu’ils sont les seigneurs, les hommes parce qu’ils n’ont pas tous une bosse sur le dos. Son seul passe-temps est d’entre-heurter sans relâche les seigneurs contre le roi, brisant le plus faible au plus fort. Il déprave le roi, il le corrompt, il l’abrutit ; il le pousse à la tyrannie, à l’ignorance, au vice ; il le lâche à travers toutes les familles des gentilshommes, lui montrant sans cesse du doigt la femme à séduire, la sœur à enlever, la fille à déshonorer. Le roi dans les mains de Triboulet n’est qu’un pantin tout-puissant qui brise toutes les existences au milieu desquelles le bouffon le fait jouer. Un jour, au milieu d’une fête, au moment même où Triboulet pousse le roi à enlever la femme de Monsieur de Cossé, monsieur de Saint-Vallier pénètre jusqu’au roi et lui reproche hautement le déshonneur de Diane de Poitiers.
Ce père auquel le roi a pris sa fille, Triboulet le raille et l’insulte. Le père lève le bras et maudit Triboulet. De ceci découle toute la pièce. Le sujet véritable du drame, c’est la malédiction de monsieur de Saint-Vallier. Écoutez. Vous êtes au second acte. Cette malédiction, sur qui est-elle tombée ? Sur Triboulet fou du roi ? Non. Sur Triboulet qui est homme, qui est père, qui a un cœur, qui a une fille. Triboulet a une fille, tout est là. Triboulet n’a que sa fille au monde ; il la cache à tous les yeux, dans un quartier désert, dans une maison solitaire. Plus il fait circuler dans la ville la contagion de la débauche et du vice, plus il tient sa fille isolée et murée. Il élève son enfant dans l’innocence, dans la foi et dans la pudeur. Sa plus grande crainte est qu’elle ne tombe dans le mal, car il sait, lui méchant, tout ce qu’on y souffre. Eh bien ! la malédiction du vieillard atteindra Triboulet dans la seule chose qu’il aime au monde, dans sa fille. Ce même roi que Triboulet pousse au rapt, ravira sa fille, à Triboulet. Le bouffon sera frappé par la Providence exactement de la même manière que M. de Saint-Vallier. Et puis, une fois sa fille séduite et perdue, il tendra un piège au roi pour la venger ; c’est sa fille qui y tombera. Ainsi Triboulet a deux élèves, le roi et sa fille, le roi qu’il dresse au vice, sa fille qu’il fait croître pour la vertu. L’un perdra l’autre. Il veut enlever pour le roi madame de Cossé, c’est sa fille qu’il enlève. Il veut assassiner le roi pour venger sa fille, c’est sa fille qu’il assassine. Le châtiment ne s’arrête pas à moitié chemin ; la malédiction du père de Diane s’accomplit sur le père de Blanche.
Sans doute ce n’est pas à nous de décider si c’est là une idée dramatique, mais à coup sûr c’est là une idée morale. »
Pour aller plus loin
L’interdiction de la pièce
La pièce est interdite dès le lendemain de la première représentation. Dans la préface à l’édition originale de 1832, Victor Hugo dénonce la censure qu’il a subie de la part de la monarchie et de la noblesse : « L’apparition de ce drame au théâtre a donné lieu à un acte ministériel inouï. Le lendemain de la première représentation, l’auteur reçut de M. Jouslin de la Salle, directeur de la Scène au Théâtre-Français, le billet suivant, dont il conserve précieusement l’original : « Il est dix heures et demie et je reçois à l’instant l’ordre de suspendre les représentations du Roi s’amuse. C’est M. Taylor qui me communique cet ordre de la part du ministre. Ce 23 novembre ». (texte intégral dans l’édition de Libre Théâtre).
Victor Hugo intenta un procès au Théâtre-Français pour protester contre l’interdiction de sa pièce. Dans l’édition intégrale de ses Oeuvres figure le « détail du procès dont le Roi s’amuse a été l’occasion. Ce détail est emprunté à un journal qui, soutenant à cette époque le pouvoir, ne saurait être suspect de partialité en faveur de l’auteur. » (reproduit également dans l’édition de Libre Théâtre).
Le 22 novembre 1882, lors du cinquantenaire de la pièce, Le Roi s’amuse est de nouveau mis en scène à la Comédie-Française, en présence de Victor Hugo et du Président de la République avec une musique de scène de Léo Delibes.
Maquette de décors
En 1832, Le seul élément nouveau, pour les décors , fut une toile de fond représentant le vieux Paris, brossée par Ciceri. Pour le reste, on puisa dans des décors gothiques réalisés par Ciceri pour le More de Venise, Clovis, Hernani, l’Espion, Dominique, et on utilisa des éléments empruntés à Iphigénie en Aulide et au Barbier de Séville.
Lors de la reprise de la pièce en 1882, plusieurs décorateurs de talent participèrent :
– acte I : décors de V. Duvignaud et Gabin,
– acte II : Jean-Baptiste Lavastre,
– acte III : Charles Cambon,
– actes IV et V : Auguste Rubé et Philippe Chaperon .
Les costumes étaient des créations de Théophile Thomas et Émile Perrin.
Musique de Léo Delibes (1882)
Les interprètes du 22 novembre 1882 à la Comédie-Française
Le roi s’amuse en images
Reprise par la Comédie-Française en décembre 1991, dans une mise en scène de Jean Luc BOUTTÉ avec Roland BERTIN (Triboulet). interviews et extraits sur le Journal de 20H (A2) et Soir 3 sur le site de l’INA
Le Roi s’amuse, 1941
Film italien réalisé par Mario Bonnard
Avec Michel Simon (Triboulet est renommé Rigoletto, comme dans l’opéra de Verdi) , Maria Mercader, Rossano Brazzi plus d’information sur IMDB
Pour en savoir plus sur Libre Théâtre :
Le Théâtre de Victor Hugo
Biographie de Victor Hugo à travers son théâtre
Victor Hugo, metteur en scène de ses pièces
L’humour dans le théâtre de Victor Hugo