Rinaldo de Haendel mis en scène par Claire Dancoisne
Rinaldo à l’Opéra Grand Avignon : un spectacle merveilleux tant d’un point de vue musical qu’esthétique
L’opéra Rinaldo de Haendel est un des sommets de la musique baroque*. Alors qu’il est maître de chapelle à Hanovre, Haendel se rend à Londres en 1710 et rencontre un des directeurs du Queen’s Theatre, Aaron Hill, qui lui propose de créer un opéra, s’inspirant de La Jérusalem délivrée du Tasse. Haendel écrit en quinze jours la musique de Rinaldo, sur un livret de Giacomo Rossi. Comme de nombreuses œuvres de la période baroque, Rinaldo est un « pasticcio », une œuvre lyrique qui réutilise des compositions antérieures de Haendel mais aussi des morceaux célèbres d’autres compositeurs. De fait, cet « opera seria » propose une succession d’airs à succès d’une extraordinaire inventivité et d’une beauté mélodique bouleversante.
Cette œuvre a été beaucoup remaniée par Haendel lui-même. La version que proposent le chef Bertrand Cuiller et la metteuse en scène Claire Dancoisne est plus resserrée, gommant l’aspect religieux de l’œuvre originale pour davantage mettre en valeur l’univers symbolique et fantastique de l’opéra. Le résultat est époustouflant : chacun des tableaux est d’une grande créativité, tout en rappelant l’imaginaire de Jérôme Bosch. Un travail scénique qui, en outre, fait appel à toutes les techniques théâtrales, en un hommage spectaculaire aux machineries londoniennes de l’époque de Haendel, notamment quand apparaissent la magicienne Armida sur un dragon ailé, ou Argante sur un poisson à la mâchoire impressionnante, semblant prête à dévorer l’orchestre. On notera aussi les emprunts au théâtre sicilien de marionnettes (« Opera dei Pupi ») pour les scènes de guerre, ou encore au petit théâtre d’objets et de marionnettes (marionnettes manipulées par les interprètes eux-mêmes). L’humour est aussi très présent avec de nombreux clins d’œil à la pop culture et des scènes hilarantes notamment quand le héros Rinaldo enfourche son fidèle destrier, un cheval de fer, à roulettes, démesuré et désarticulé.
Cette splendide mise en scène n’éclipse pas, bien au contraire, l’interprétation musicale. Depuis son clavecin, le chef d’orchestre Bertrand Cuiller dirige avec fougue et précision le superbe ensemble Le Caravansérail, qui tantôt accompagne les chanteurs, et tantôt dialogue avec eux. La qualité de l’interprétation de l’orchestre tient une part importante dans le succès de ce spectacle total salué par de longues ovations. On n’oubliera pas, bien sûr, les cinq chanteurs lyriques dont les prestations vocales et scéniques ont conquis le public.
Un spectacle à ne pas manquer
Critique de Ruth Martinez
* Elisa Barbessi, professeure de Clavecin et d’Histoire de la musique au Conservatoire du Grand Avignon et chercheuse au Collegium Musicæ (Sorbonne Université) a donné le 19 novembre une conférence passionnante autour de Rinaldo, « summa de l’opéra baroque ». Elle était accompagnée de Célia Vakanas, professeure de flûte à bec au Conservatoire du Grand Avignon.
Dimanche 20 novembre 2022 à 14h30
Mardi 22 novembre 2022 à 20h00