Dernières recommandations de Libre Théâtre

Inspiré d’une histoire vraie, Swing Gum retrace la rencontre entre un soldat américain et une jeune Française au moment du Débarquement. Mais leur idylle est de courte durée : le soldat est rapidement envoyé sur le front de l’Est. Ce n’est que 75 ans plus tard qu’ils se retrouveront. La Martin’s Tap Dance Company s’empare de cette histoire pour proposer une série de tableaux dansés évoquant cette romance sur fond de libération de la France. Portés par une troupe de danseurs d’exception et une chanteuse à la voix remarquable, les numéros s’enchaînent au rythme des plus grands succès français et américains. De la fougue du lindy hop à l’énergie des danses irlandaises, en passant par des danses populaires revisitées avec sabots et outils de la ferme, voire même palmes au pied, la compagnie déploie tout son talent et une belle dose d’inventivité. Un spectacle musical pétillant, plein d’humour, d’énergie et de gaieté. À ne pas manquer !

À l'heure où le In est devenu une caricature de la "culture" bourgeoise subventionnée, tandis qu'un Off toujours plus inflationniste propose souvent le pire de ce que peut engendrer le libéralisme en matière de spectacle, la Bourse du Travail CGT nous propose une uchronie théâtrale : et si les idéaux de Mai 68 avaient triomphé au lieu de déboucher sur les seuls Accords de Grenelle et sur un grand coup de barre à droite ? Certes, ce happening à l'humour potache et réalisé sans grands moyens ne relève pas du grand spectacle commercial, mais l'enthousiasme des comédiens et la force du propos emportent immédiatement l'adhésion du public. Les plus jeunes découvriront quelques aspects méconnus d'un épisode mythique de l'Histoire de la France. Les plus âgés revisiteront avec nostalgie ces événements qui ont marqué leur jeunesse. Et si l'utopie, par définition, n'est pas destinée à se réaliser en totalité, il reste essentiel de continuer à rêver pour que demain le monde soit meilleur qu'aujourd'hui. Une bombe à eau jetée pacifiquement dans le marigot avignonnais... et qui n'engendrera que des éclats de rire. Un Coup de Cœur de Libre Théâtre

Si de nombreuses pièces de théâtre ont donné lieu à des adaptations cinématographiques, on assiste depuis quelques années à un mouvement inverse, avec la transposition de films sur scène. Et c’est à un monstre sacré du cinéma que s’attaque le spectacle Lights on Chaplin. Ce spectacle, entièrement sans paroles, s’inspire du chef-d’œuvre Les Lumières de la ville ainsi que de quelques scènes burlesques emblématiques, mettant en scène des personnages bien connus de l’univers de Chaplin tels que le policier maladroit, l’imposant boxeur, la tenancière de bar revêche ou encore le milliardaire alcoolique. Alwina Najem-Meyer, qui signe une mise en scène très esthétique et incarne la touchante marchande de fleurs aveugle, recrée avec justesse l’atmosphère des premiers films muets de Charlie Chaplin. Accompagnés en direct par un pianiste virtuose qui rythme l’action, les comédiens réussissent la prouesse de faire entrer les spectateurs dans le film. Un spectacle drôle et poétique à ne pas manquer, notamment pour faire découvrir aux plus jeunes l’univers de ce tendre génie.

Frantz raconte l’histoire d’un jeune homme qui ne s’est jamais posé de questions sur sa vie, réglée comme du papier à musique, jusqu’au jour où son père meurt et où tout bascule. Peu à peu, ses souvenirs enfouis remontent à la surface…Grâce au mime, et surtout aux bruitages réalisés en direct avec des objets du quotidien, l’univers de Frantz se déploie sur scène, donnant à voir et à entendre ses émotions les plus intimes. Les chants exécutés a cappella, d’une profonde beauté, apportent encore davantage de chair à ce récit à la fois drôle et émouvant, sollicitant l’imaginaire de chacun.Les cinq membres de la Compagnie BPM (Battements Par Minute), comme un clin d’œil au rythme du cœur et à la pulsation de la vie, embarquent le spectateur dans un voyage poétique, aussi inventif que bouleversant.Un spectacle à ne pas manquer.

Si les chansons de Cole Porter ont traversé les décennies, sa vie reste peu connue en France, et plus encore la relation singulière qu’il entretenait avec son épouse, Linda. En 2009, Stevie Holland crée un spectacle musical qui donne la parole à cette femme restée dans l’ombre : Linda s’adresse directement au public, évoquant sa vie, son amour pour Cole, et le lien particulier qui les unissait, à une époque où l’homosexualité demeurait un tabou. Isabelle Georges a eu l’excellente idée d’adapter ce monologue musical en français. Elle y incarne une Linda à la fois pétillante et touchante. Accompagnée d’un remarquable trio de jazz, elle interprète, au fil du récit, quelques-unes des plus belles chansons de Cole Porter, telles que Night and Day ou My Heart Belongs to Daddy, de sa superbe voix de mezzo-soprano. Certaines chansons, chantées en français, prennent une résonance nouvelle et bouleversante, éclairant la vie intime de ce couple hors normes, entre le Paris des années 30, l’effervescence intellectuelle new-yorkaise et les soirées débridées d’Hollywood. Un spectacle lumineux et joyeux, un véritable hymne à l’amour et à la musique à ne pas manquer. Un coup de cœur de Libre Théâtre

La pétulante Sophie Forte vous reçoit au Petit Louvre comme dans son salon, et presqu'en famille, pour vous conter avec malice... non pas sa vie, mais celle de son père. Avec un sens inné de la scène et un rapport complice au public, elle nous embarque avec une touchante sincérité dans cette saga familiale et artistique qui se poursuit et se perpétue encore aujourd'hui. Ne cherchez pas de valise dans cette adaptation du roman éponyme de Sophie Forte. Mais ne portons-nous pas tous avec nous en bagage l'histoire et en partie les gènes de nos géniteurs ? À nous d'en faire un destin personnel... Ce spectacle pétille comme une coupe de champagne. Alors pourquoi ne pas aller trinquer avec elle ?

Le tandem de clowns traditionnel est composé de deux hommes, l'auguste et le clown blanc. La première originalité de ce duo est d'être un couple homme-femme, ce qui introduit immédiatement dans leur relation une dimension plus romantique. Il en résulte une forme de confrontation comique moins basée sur la rivalité voire la cruauté que sur la complicité et la douceur. Même quand ces deux-là se donnent des baffes, c'est avec une certaine tendresse ! On se dit cependant tout d'abord qu'un numéro burlesque reposant uniquement sur ce ressort risque d'être un peu long. Mais très vite, ces deux artistes d'exception nous révèlent toute l'étendue de leurs talents : comédiens, improvisateurs et musiciens bien sûr, mais aussi mimes, contorsionnistes et acrobates hors pair. Ils nous livrent un spectacle tout public d'une belle inventivité et d'une grande virtuosité, à la fois hilarant et touchant, empreint de poésie et de délicatesse. Un vrai Coup de Cœur de Libre Théâtre.

Rêves par le Cirque Inshi Théâtre du Chêne Noir, 8 bis, rue Sainte Catherine – …

Monsieur et Madame Perrichon ont une fille à marier. Un voyage initiatique à la montagne fournira à ce bourgeois pas vraiment gentilhomme l'occasion de trancher entre deux prétendants mettant en œuvre des méthodes opposées pour obtenir de lui la main de la belle ingénue. S'inscrivant dans la grande tradition du théâtre de mœurs porté à son zénith par Molière, Labiche nous livre avec "Le voyage de Monsieur Perrichon" une satire savoureuse de la bourgeoisie du XIXème siècle, de ses petites prétentions et de ses grandes vanités. Sous couvert de légèreté, cependant, Labiche explore aussi les mécanismes de l'âme humaine. La morale de cette fable en forme de comédie de boulevard étant qu'on n'est pas toujours récompensé de mettre son prochain en position d'obligé... Un spectacle complet, superbement mis en scène et interprété par des comédiens d'exception, maîtrisant à la perfection l'art de la comédie, mais aussi la danse et le chant. Le théâtre comme on l'aime, jouant à merveille des modestes moyens que sont ceux de la scène pour des trouvailles irrésistibles qui font tout le charme du spectacle vivant. Un vrai Coup de Cœur de Libre Théâtre.

Sur le thème éternel du mari, de la femme et de l'amant, Sylvain Meyniac nous livre un huis-clos très réussi, en détournant les codes de la comédie de boulevard pour en faire une tragi-comédie romantique à suspense. On n'en dira pas plus pour ne pas divulgâcher l'intrigue de cette pièce pleine de rebondissements, mais on va de surprise en surprise et on ne s'ennuie pas une seule seconde. Le texte est servi par deux comédiens d'exception, Thierry Frémont et Nicolas Vaude, ce dernier nous rappelant dans ce rôle l'immense et regretté Michel Bouquet. La mise en scène, sobre et efficace, est signée par Delphine de Malherbe. Qui manipule qui dans cet étrange triangle amoureux ? Vous avez une heure pour le découvrir, et vous ne la verrez pas passer. Une recommandation de Libre Théâtre.

Travaux en cours : un spectacle catastrophiquement génial ! Ils sont Israéliens, d'origine ukrainienne ou russe, ils ne parlent que quelques mots de français, et ils présentent à Avignon un spectacle burlesque purement visuel. On devine que la vie de ces trois "charlots" n'a pas dû être un long fleuve tranquille et, comme Chaplin, ils ont à l'évidence une conscience aiguë de l'absurdité de l'existence, qui leur a inspiré ce numéro de clowns hilarant mais aussi empreint d'émotion et de poésie. L’absurde, c'est cette impossibilité de l'Homme à comprendre et a fortiori à soumettre le réel. Le comique surgit de cette absurdité potentiellement tragique lorsque le clown joue de son impuissance pour la sublimer en une série de ratages magnifiques. La beauté de ce spectacle résulte aussi de l'apparente économie des moyens mis en œuvre. On est ici dans une esthétique de l'art pauvre, et ce décor branlant finira par s'effondrer sur eux en un cataclysme jubilatoire. Une métaphore du monde instable dans lequel nous vivons... Un spectacle tout public, y compris non francophone. Un vrai coup de cœur de Libre Théâtre.

Ces quatre étoiles, dans la grande tradition de la chanson d'humour à la française, nous proposent un tour de chant aux accents burlesques, chaque chanson étant conçue comme un véritable sketch, qui nous raconte sur un ton souvent corrosif une tranche de vie. Le spectacle est parfaitement réglé, tant d'un point de vue vocal que visuel. On ne s'ennuie pas une seule seconde et quand vient la fin... on en reprendrait bien une tranche. Un spectacle complet, à voir, à entendre et à déguster sans modération. Une recommandation de Libre Théâtre.

33 voix, 3 voyages... et une révélationEn cette veille de Fête nationale, nous avons assisté hier au premier des trois concerts exceptionnels proposés au Petit Louvre par trois jeunes chanteuses à la personnalité et au style très affirmés.Le parcours artistique de Devon Graves et Laura Woody, d’origine américaine, est déjà long et varié. Dotées d’une solide formation musicale, elles ont chacune collaboré à des projets importants et jouissent dès à présent d’une certaine reconnaissance auprès du public français. Entre jazz, pop, folk et comédie musicale, elles nous ont livré une performance d’une extrême précision, basée sur de solides compositions originales, exécutées avec passion et humour.La révélation de la soirée restera cependant la prestation de la plus jeune, et la plus française, de ces trois grâces, Nina Forte, chantant principalement dans notre langue, mais aussi en anglais et même en portugais. Musicienne accomplie malgré son jeune âge, elle nous a offert quelques-unes de ses premières compositions, aux paroles ciselées, souvent écrites en famille avec Sophie Forte, sa mère, avec laquelle elle entretient à l’évidence une grande complicité.Une proposition étonnante et détonante, qui ravira les amateurs de chansons à texte. Mais aussi une personnalité très attachante, cultivant, tant dans sa gestuelle d’interprétation que dans sa manière d’être, un style de fausse débutante faussement ingénue. Nina est capable, dans ses chansons comme dans ses adresses au public, de dire des horreurs sur un ton enfantin. Et c’est ce qui fait tout son charme. On en redemande !Bon sang ne saurait mentir. Ce petit bout de femme a déjà tout d’une grande, et nous lui prédisons un bel avenir. Nous lui souhaitons en tout cas un beau voyage à la découverte de l’univers musical très original qu’elle porte déjà en elle.Il vous reste encore deux dates pour découvrir à Avignon ces trois artistes d’exception.Un coup de cœur de Libre Théâtre.Critique de Jean-Pierre Martinez14 juillet 2025

Gagnant gagnant : bienvenue à la pire convention d'entreprise. Sans problèmes techniques (et sans problèmes tout court), une convention d'entreprise ne serait pas tout à fait une convention d'entreprise. Telle est la devise de ce spectacle jubilatoire. Se jouant des travers et des outrances de "l'esprit d'entreprise" lorsqu'il est poussé jusqu'à la caricature, comme c'est le cas dans ces grand-messes aux allures sectaires que sont les conventions d'entreprise, ces cinq comédiens drôlissimes nous entraînent dans un tourbillon de gags, de bons mots et de situations désopilantes. Un spectacle qui nous rappelle, comme une mise en abyme, qu'une entreprise est aussi un théâtre... et qu'une compagnie de théâtre est aussi une petite entreprise. Coup de chapeau tout particulier à Gilles Dyrek, auteur, metteur en scène et acteur principal de ce spectacle, dans lequel il fait à nouveau la preuve de sa belle inventivité et de son talent burlesque. Un coup de cœur de Libre Théâtre.

Loin d'être seulement (et c'est déjà beaucoup) cet écrivain régionaliste qui a enchanté notre enfance, et ce dramaturge de génie qui a si bien su mettre en scène la Provence, Marcel Pagnol est aussi un merveilleux cinéaste. Le Schpountz est d'ailleurs au départ un film écrit et réalisé par Pagnol juste avant-guerre, avec pour vedette principale l'inoubliable Fernandel. Arthur Cachia et Delphine Depardieu nous en proposent une version théâtrale très réussie, servie par une distribution étincelante. Inspirée d'une anecdote réelle survenue lors du tournage d'un précédent film de Pagnol, Le Schpountz est un hommage à tous ceux qui, comme disent les chansons, auraient « voulu être un artiste », et se voyaient déjà en haut de l'affiche. Un éloge de tous ces ratés magnifiques qui ont au moins le mérite de ne pas abandonner leurs rêves d'enfant. Cette comédie est aussi un plaidoyer pour le comique, trop souvent décrié aujourd'hui par l'institution théâtrale. Comme le rappelle pourtant cette pièce à la fois drôle et touchante, le rire est le propre de l'homme, et le vrai comique est souvent teinté de tragédie et d'émotion. On saluera tout particulièrement dans le rôle-titre la prestation d'Arthur Cachia, que nous avions déjà eu le bonheur d'applaudir dans Naïs. Merci à lui de faire vivre le théâtre de Pagnol et de le servir avec autant de fidélité et de passion. Un coup de cœur de Libre Théâtre.

Au cœur du Festival d’Avignon, le lieu intimiste et chaleureux du Délirium accueillait hier un concert d’exception.Depuis la disparition d’Anne Sylvestre, on mesure plus que jamais l'importance de ses chansons dans la construction de générations de femmes et d’hommes nourris aux idéaux féministes et humanistes.Le spectacle Des Sorcières comme les autres réunit cinq autrices, compositrices et interprètes de talent, Garance, Lily Luca, Louise O’sman, Nawel Dombrowsky et Yoanna, autour du répertoire de cette grande figure de la chanson française. Sur scène, ces jeunes artistes, aux personnalités singulières entremêlent, avec une joyeuse énergie, les titres emblématiques d’Anne Sylvestre avec leurs propres compositions. Les combats portés par la chanteuse résonnent aujourd’hui avec une acuité toujours brûlante. La sororité prend corps, s’incarne, se chante et se transmet, sur scène comme dans la salle.Un moment de grâce, de mémoire et de lutte partagée, à ne pas manquer.Prochaine représentation : le 23 juillet à 21h30, à l’Arrache-Cœur (Avignon).

Mireille est pour tous les Provençaux, de naissance ou de cœur, bien plus qu’un poème : c'est une œuvre emblématique et un chant d’amour à la terre provençale. À travers le destin tragique de Mireille et Vincent, Mistral parvient à saisir avec une rare justesse l’âme profonde de son pays, et donne vie aux paysages dans toute leur diversité, de Vallabrègues aux Saintes-Maries-de-la-Mer, en passant par les Alpilles et la Crau. Avec Mirèio, un rêve de Mistral, Gérard Gélas propose une interprétation fidèle du poème épique, en mettant en scène l’auteur lui-même, incarné magistralement par Nicolas Dromard. Mistral devient ici le narrateur de son œuvre, et sous ses yeux, comme sous les nôtres, s'animent les figures de cette tragédie. La mise en scène épurée, accompagnée par la musique discrète de Philip Glass, laisse toute sa place à la force du verbe mistralien et à l’émotion brute qui s’en dégage, pour atteindre l’universel. Un spectacle à ne pas manquer, pour redécouvrir ce chef-d’œuvre absolu, fondateur de l'identité provençale.

L'Europe est un cercle fragile dont la circonférence n'est nulle part mais dont le Nombril est peut-être à Prague ou à Budapest. Sur des textes de Kundera et sur les écrits des héros qui ont donné leur vie pour que ne meurt pas la liberté, les 13 artistes accomplis de la Dusan Hegli Company nous offrent une performance poignante et époustouflante, mêlant danses traditionnelles et musique, empruntant à la fois au répertoire folklorique, au classique... et à Pink Floyd.Un spectacle magnifique, courageux et rassembleur, qui aurait mérité la Cour d'Honneur, encombrée cette année par des provocations stériles.Le plus gros Coup de Cœur de Libre Théâtre depuis le début du Festival.

Et la lumière fut par les Swing Cockt’Elles Peut-on raconter une histoire pleine d’humanité et d’espoir uniquement à travers des reprises de chansons populaires ? Le défi était audacieux, mais il est brillamment relevé par les Swing Cockt’Elles. Ce trio féminin éblouissant, accompagné d’un pianiste aussi à l’aise à l’accordéon qu’en beatbox, mêle virtuosité vocale et fantaisie musicale avec un talent rare. L’originalité et l’humour du spectacle tiennent avant tout à l’interprétation décalée de morceaux parmi les plus emblématiques du répertoire français et international, du baroque à Patrick Sébastien ! Fondatrice du trio, Annabelle Sodi-Thibault signe des arrangements inventifs, portés par la finesse des harmonies. Mais au-delà du plaisir et de la légèreté, l’émotion affleure lorsque les voix s’entrelacent pour faire passer subrepticement, à travers des mélodies familières, des messages de tolérance et de paix. Un spectacle musical joyeux et pétillant, à ne pas manquer.

Génération Barber : un cabaret musical et burlesque virtuose. Le Barber Shop Quartet, que nous avions déjà applaudi dans deux de ses cinq précédents spectacles, revient à Avignon sous le nom de Génération Barber, avec une distribution partiellement renouvelée et un spectacle tout aussi réussi. Né dans les échoppes de barbiers à Chicago au début du XXème, le Barbershop est un style musical basé sur des chants a capella et une grande richesse harmonique. Ce quartet vocal très français s’empare de ce genre populaire anglo-saxon en lui donnant une coloration franchement burlesque, pour nous offrir un numéro d'une extrême virtuosité, mêlant prouesses vocales et humour. Brillamment mis en scène par Sophie Forte, ces quatre comédiens et musiciens accomplis nous livrent une performance aussi époustouflante qu'hilarante, en parvenant à créer sans accessoires ni artifices un univers très original et extrêmement attachant. N'hésitez pas à pousser la porte de ce Barber Shop pour assister (voire qui sait participer) à ce spectacle tout sauf barbant.

L’Opéra Grand Avignon, en coproduction avec l’Opéra de Limoges proposait les 6 et 8 juin Les Mamelles de Tirésias, opéra bouffe d’une inventivité éblouissante, aussi bien dans son propos que dans sa fantaisie musicale. L’interprétation de l’Orchestre national Avignon-Provence, sous la direction de Samuel Jean, souligne toute l’ironie malicieuse et espiègle de la partition de Francis Poulenc, qui multiplie les pastiches musicaux. Portée par un ensemble de solistes inspirés, notamment Sheva Téhoval, éblouissante Thérèse, et Jean-Christophe Lanièce, savoureux Mari, l’interprétation rend un bel hommage à l’esprit facétieux de l’œuvre, mais également à sa richesse harmonique et mélodique. Le Chœur de l’Opéra Grand Avignon n’est pas en reste en proposant une prestation vocale et scénique superbe. Enfin, la mise en scène inventive de Théophile Alexandre et la scénographie poétique de Camille Dugas multiplient les références au surréalisme, offrant une lecture métaphorique subtile et ludique de cette œuvre, à la fois légère et joyeusement iconoclaste.Un superbe spectacle longuement applaudi par le public.

Affiche Festival Avignon 2025

Festival d’Avignon 2025 : Sélection Libre Théâtre dans le IN et le OFF Cette page …

United Dances of America

Avec United Dances of America, l'Opéra Grand Avignon présentait hier trois œuvres de jeunes chorégraphes d'outre-Atlantique, magistralement interprétées par le Ballet de l'Opéra. Le titre même du spectacle, qui renvoie malicieusement aux États-Unis d'Amérique aujourd'hui plus divisés que jamais, résume son propos : un bouleversant appel à la liberté et à la tolérance, notamment mais pas seulement en matière d'orientation sexuelle.

La vie en rose

L’Opéra Grand Avignon a une nouvelle fois attiré un public nombreux et conquis lors du Midi à l’Opéra ! de ce vendredi 16 mai. Runpu Wang, soprano et artiste du Chœur de l’Opéra Grand Avignon, accompagnée au piano par le chef de chœur Alan Woodbridge, proposait un programme original autour d’histoires de femmes, nous entraînant des paysages du Sud de la Chine jusqu’au Paris de Francis Poulenc, en passant par l’Auvergne de Joseph Canteloube. Ce voyage musical, illustré par des projections d’aquarelles réalisées par Runpu Wang elle-même, a révélé les multiples nuances de sa voix expressive de soprano. Très élégante dans l'interprétation exigeante d'un extrait de Don Giovanni, Runpu Wang sait aussi se montrer pétillante et espiègle dans J'ai deux amants, un air issu de l’opérette L'Amour masqué de Sacha Guitry et André Messager. Ce concert a également permis de découvrir une autre facette du chef Alan Woodbridge, qui a interprété avec sensibilité les Deux Arabesques de Debussy. Son approche mélodique, marquée par une grande fluidité de la ligne musicale, a offert une lecture personnelle et vivante de ces pièces impressionnistes.

C'est une salle bondée qui à L'Étoile de Châteaurenard a applaudi debout à la fois l'œuvre de Marcel Pagnol, la belle mise en scène de Frédéric Achard et la remarquable prestation de l'ensemble des comédiens. Sans prétendre nous faire oublier la distribution légendaire de la pièce lors de sa création, immortalisée par le film, mais sans la pasticher non plus, la Compagnie Biagini a pendant plus de deux heures régalé le public de l'Étoile en servant avec brio ce monument de la culture provençale et ce chef d'œuvre du théâtre français.

C’est une Bohème à la fois sobre et émouvante que nous propose Frédéric Roels à l’Opéra Grand Avignon, reprenant la production qu’il avait conçue en 2019 avec la regrettée Claire Servais, aujourd’hui disparue. Ces trois représentations lui sont dédiées. Dans cet opéra de Puccini où l’on retient souvent la dimension tragique, le metteur en scène réussit à mettre en lumière les touches d’humour présentes dans le livret, accentuant par contraste la puissance dramatique du dénouement. Débarrassée de tout artifice spectaculaire, la scène symbolise la misère qui caractérise la vie des artistes. Dans ce décor minimaliste, où les costumes rappellent cependant le contexte historique, le jeu des chanteurs prend toute sa place et offre un regard plus direct sur l’essence du récit. Les solistes sont dirigés avec justesse et brillent par leur engagement vocal et dramatique. Gabrielle Philiponet incarne une Mimì bouleversante, sa voix chaude et expressive donnant une intensité particulière à Mi chiamano Mimì et à l'ultime Sono andati? qui arrache les larmes à une audience conquise. Diego Godoy, en Rodolfo, charme par la clarté de son timbre et par sa puissance dans le célèbre Che gelida manina. Charlotte Bonnet illumine le rôle de Musetta, notamment dans Quando m’en vo’, où elle se montre à la fois piquante et rayonnante. Aux côtés de Diego Godoy, Geoffroy Salvas (Marcello), Mikhael Piccone (Schaunard) et Dmitrii Grigorev (Colline) incarnent avec talent les artistes bohèmes, formant un quatuor parfaitement équilibré. Le Chœur de l’Opéra Grand Avignon et la Maîtrise donnent une belle ampleur aux scènes de foule. Malgré l’étroitesse du plateau, la chorégraphie des mouvements de foule est fluide et parfaitement maîtrisée, apportant une dynamique scénique lors des scènes de rue. L’Orchestre national Avignon-Provence, sous la direction inspirée de Federico Santi, déploie une richesse de nuances qui souligne les contrastes entre comédie et tragédie. Une mise en scène intelligente et sensible, qui apporte un regard renouvelé sur cette histoire d'amour intemporelle.

Si la musique baroque suscite un vif intérêt depuis de nombreuses années, le répertoire de la guitare baroque à cinq cordes demeure méconnu. Le guitariste Bruno Helstroffer nous invite à découvrir l’œuvre d’Henry Grenerin, musicien du Roi dès 1641. À travers un récit fantasmé mêlant la figure d’Henry Grenerin et l’histoire, entre ombres et lumières, du Roi-Soleil, il insuffle une nouvelle vie à cette musique injustement oubliée, dans une mise en espace poétique portée par le mime Stefano Amori. Un instant suspendu, empreint de grâce et propice à la rêverie.

La compagnie Les Pieds Nus propose une version adaptée et « modernisée » du Bourgeois Gentilhomme de Molière. C’est avec quelque appréhension que nous allions voir ce spectacle, car pourquoi revisiter cette pièce dont le message malgré les siècles reste d’une actualité brûlante : l’obsession des apparences et du statut social mène à l’aveuglement et à la manipulation. Nos craintes furent vite dissipées par la cohérence de la mise en scène de Bastien Ossart, qui incarne aussi également Monsieur Jourdain, et la virtuosité de l’ensemble des interprètes. Légèrement resserrée, la pièce de Molière est interprétée suivant les codes exigeants du théâtre baroque : une déclamation emphatique, une diction claire et rythmée soulignant la musicalité du texte et une gestuelle proche de la pantomime, sans oublier la mise en abyme et la rupture du quatrième mur. Ainsi les scènes originales sont commentées lors d’intermèdes burlesques qui éclairent les enjeux de l’intrigue, facilitant ainsi la compréhension des plus jeunes spectateurs. Les costumes, et singulièrement les chapeaux et coiffes, sont à la fois spectaculaires, colorés et délirants, évoquant l’univers fantasmagorique de Tim Burton. L’ensemble respecte à merveille l’esprit des comédies de Molière où texte, danse et chant s’entrelacent dans un rythme échevelé, déclenchant de nombreux éclats de rire. Un spectacle tout public, drôle, intelligent et surprenant, à ne pas manquer.

Le spectacle propose le récit de cette vie d’engagement et dresse un portrait sensible, porté par deux voix féminines, Marie-Christine Barrault et Hinda Abdelaoui. Chacune incarne tour à tour Gisèle Halimi, révélant les différentes facettes de cette personnalité emblématique, dont la force motrice fut une indignation viscérale face à l’injustice. La sobre mise en scène laisse toute la place à la parole, rythmée par des archives sonores où résonne la voix même de l’avocate, faisant naître une intense émotion. La grande salle de la Scala Provence était comble, rassemblant un public varié, avec de nombreux jeunes, attentifs et séduits. Au delà de l’hommage, le spectacle Gisèle Halimi, une farouche liberté est un spectacle essentiel qui invite à la réflexion et nourrit le débat toujours actuel sur les droits des femmes et la justice sociale.

Chaque année, l’Opéra Grand Avignon propose un opéra participatif, l’occasion de faire découvrir une œuvre emblématique à un jeune public, appelé à travailler plusieurs chants avant la représentation, dans le cadre scolaire ou lors d’ateliers d’apprentissage ouverts à tous, puis à participer depuis la salle lors de la représentation. La qualité et la variété des documents pédagogiques, disponibles en ligne ou en version papier, méritent d’être soulignées. Ces ressources, riches et adaptées, jouent un rôle clé dans le succès de cette initiative, ayant pour but de populariser l’opéra auprès du grand public, et notamment auprès des plus jeunes, en le rendant inclusif et participatif. Pour la saison 2024-2025, l’Opéra Grand Avignon, en coproduction avec l’Opéra de Rouen Normandie et le Teatro Sociele di Como-AsLiCo a choisi Turandot, présenté en version française. L’adaptation, particulièrement ingénieuse, offre une mise en abyme de l’histoire de Turandot : Calaf est un jeune homme d’aujourd’hui qui tombe éperdument amoureux du portrait de Turandot lors de la visite d’un musée. L’adaptation dramaturgique signée Andrea Bernard et le remaniement musical de la partition de Puccini par Enrico Minaglia mettent cet opéra grandiose à la portée d'un public familial, sans aucunement le dénaturer. L’histoire mêlant passion et enjeux tragiques se déploie dans une Chine légendaire, évoquée par des éléments visuels tels que les gongs, lanternes, dragons, masques ou jeux d’ombre. Ces symboles dialoguent subtilement avec la musique de Puccini, dont les orchestrations et motifs mélodiques évoquent un Orient imaginaire, empreint de mystère.

Le Bibliothécaire par la Compagnie du Gros Orteil Spectacle vu le 19 décembre 224 à …

Concert au Balcon de l'Ensemble 44

Fondé en 2019 à Avignon par la compositrice Elisabeth Angot, l’Ensemble 44 a relevé le défi de populariser la création contemporaine auprès du grand public. Ce dimanche 8 décembre, le Théâtre du Balcon accueillait le troisième volet de la Saison Contemporaine en Avignon avec un concert intitulé Bagatelle : un voyage musical à travers des œuvres des XXe et XXIe siècles.

La quête des origines est un sujet inépuisable dans la littérature en général et au théâtre en particulier. Avec cet étonnant seul en scène, Kelly Rivière (alias Kelly Ruisseau) nous emmène avec elle dans la quête de ses racines irlandaises, à la recherche de son grand-père, exilé en Angleterre avant de disparaître complètement, sans que sa famille sache vraiment s'il est mort ou encore vivant. Cette enquête existentielle prend la forme d'un road-movie familial et drolatique, mettant en scène une galerie de personnages hauts en couleur, s'exprimant tantôt en français et tantôt en anglais. Kelly Rivière nous offre avec ce spectacle inspiré de sa vie une performance scénique exceptionnelle, aux allures d'introspection psychanalytique, mêlant émotion et humour. Bien entendu, cette quête de la vérité posera plus de questions qu'elle n'apportera de réponses. Mais comme chacun le sait, le voyage est toujours plus important que la destination. "Une histoire irlandaise" qui nous prouve qu'en effet, les petits ruisseaux font les grandes rivières...

Martin Harriague s'est emparé de ce motif mythique du rêve ou du cauchemar américain, non pas pour le caricaturer car tout leader populiste est déjà une caricature de lui-même, mais pour en extraire les structures, les mouvements et les rythmes sous-jacents, afin de démonter la mécanique hypnotique de Ia redoutable machine médiatique qui a conduit à la réélection de Donald Trump. Il en résulte une œuvre chorégraphique étonnante qui, loin d'être un plaidoyer ou un réquisitoire, souligne le pouvoir fascinant de la rhétorique de l'outrance, arme de ceux qui prétendent apporter une réponse simple à la complexité des problèmes du monde. Porté par l'enthousiasme et le talent des jeunes artistes du Ballet de l'Opéra Grand Avignon, et empruntant à l'iconographie et à la discographie éternelle de l'Amérique, America nous interroge sur le processus qui a conduit un homme seul, par un discours incantatoire, à plonger tout un pays dans une transe primitive pour le conduire, tel un joueur de flûte, au bord du précipice. Oui, hélas, tout totalitarisme comporte aussi une facette esthétique voire ludique qui peut fasciner. Et c'est aussi le propos, en forme de mise en garde, de cette œuvre exceptionnelle, avec laquelle Martin Harriague, qui vient d'être nommé directeur du Ballet de l'Opéra Grand Avignon, ouvre cette saison chorégraphique qui promet d'être magnifique.

Crédit : Studio Delestrade - Avignon

Inspiré du roman La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils, l'opéra La Traviata est un chef-d'œuvre intemporel. La fascination qu'il suscite réside dans le talent de Verdi à traduire en musique toute la complexité et l'humanité de personnages confrontés aux diktats d’une société conservatrice. L'interprétation de La Traviata proposée à l'Opéra Grand Avignon pour l'ouverture de la saison intulée « Femmes ! », s'inscrit d'ores et déjà parmi ces moments d'exception qui marquent les esprits et demeurent gravés dans les mémoires.

Poursuivant leur réflexion sur l'Art Brut, Gustavo Giacosa et son compagnon de route et accompagnateur Fausto Ferraiuolo, nous proposent un spectacle en forme d'hommage au très singulier destin de Melina Riccio, artiste hors norme au sens propre du terme. D'abord styliste, mariée et mère de famille, Melina Riccio, après une révélation, finira par tout abandonner afin de tenter de sauver le monde à sa façon, en un parcours à la fois christique, politique et artistique d'une extrême radicalité qui, après d’innombrables condamnations, la conduira à plusieurs reprises à l'internement en psychiatrie.

Lieu de spectacle, de création et de formation déjà profondément ancré dans le paysage culturel avignonnais et plus largement provençal, La Scala Provence nous proposait hier Les gros patinent bien, primé aux Molières 2022 en tant que meilleur spectacle de théâtre public. Avec ce titre énigmatique, Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan nous proposent un duo burlesque, hommage à la grande tradition de l’humour anglo-saxon, mais qui en est aussi une irrésistible parodie. S’il y a un message derrière cette avalanche de gags et de trouvailles en tous genres, c’est qu’on peut faire un grand spectacle avec des bouts de ficelles et de cartons… et en faire un véritable carton auprès du public. À condition bien sûr que ce spectacle soit porté par des artistes de talent, avec un engagement total. La performance repose entre autres sur le fait que le récit de cette histoire absurde est porté d’un côté par des pancartes à la manière de celles des films muets, et de l’autre par un hilarant monologue dans une langue inventée n’ayant de l’anglais que la sonorité. Un pur divertissement qui fait du bien en ces temps moroses.

L'art d'accommoder les restes

Dans le cadre de la désormais célèbre Semaine Italienne d'Avignon, la Compagnie Rocking Chair Theatre nous proposait hier soir au Théâtre du Balcon un concert marionnettique. Un spectacle qui tout d'abord relève d'une prouesse technique, deux jeunes comédiennes et chanteuses prêtant leurs mains et leurs voix pour animer leurs doubles plus âgées en forme de marionnettes à taille humaine, tandis qu'une troisième manipule les têtes et les visages de ces personnages de commedia dell'arte. Le tout pour un récital de chansons populaires siciliennes, accompagnées à la guitare, au synthétiseur et au tombasse. Il émane de ce numéro burlesque mettant en scène deux vieilles dames plus ou moins indignes mais profondément attachantes un sentiment d'intense humanité. C'est la magie du spectacle vivant et de l'art de la marionnette, quand il est maîtrisé à ce point, que de conférer à une simple poupée de bois, de cuir ou de tissu une présence scénique plus importante encore que celle d'un simple acteur en chair et en os. Ce spectacle est aussi un pied de nez très poétique à la vieillesse, à la déchéance et à la mort. Le discret hommage à Brigitte Fontaine, autre vieille dame indigne de la chanson française devenu icône nationale, allait donc tout à fait de soi. Courez voir ces deux divas décrépies et déjantées, elles vous feront perdre la tête.

Le Rouge Gorge nous proposait ce dimanche, à l’initiative de l’Association Un Vent de Jazz, un voyage aux temps mythiques de la prohibition dans l’Amérique des années folles et des « speakeasies », ces bars clandestins où, bravant les interdits, on pouvait à la fois boire de l’alcool et écouter une musique émergente participant d’une certaine contre-culture. Explorant un répertoire ragtime, charleston, black bottom ou swing, ancré dans les cabarets des grandes villes du Nord plutôt que dans les clubs de la Nouvelle Orléans, ce talentueux et sympathique quintet nous transporte avec ce spectacle dans l’univers interlope des bars légendaires où s’est forgée autour du jazz une culture populaire empreinte d’un esprit de liberté qui allait révolutionner l’Amérique et le monde.

Les Midis à l’Opéra nous proposent, une fois par mois à l’heure du déjeuner, une parenthèse musicale enchantée. Un rendez-vous plébiscité par le public d’Avignon et des alentours. Ce vendredi, les Marx Sisters nous invitaient à un joyeux périple à travers l’Europe à la découverte de la musique et de la culture klezmer. Avec le violoniste Charles Rappoport, l’accordéoniste Raphaël Setty et le contrebassiste Benjamin Chabert, les sœurs Judith et Leah Marx, au chant et à la guitare, ont rassemblé autour d’elles une formation à la fois traditionnelle et originale. Ces jeunes artistes interprètent le répertoire des chansons yiddish et de la musique klezmer avec une douceur mêlée de fantaisie, invitant aussi bien à la joie qu’à la mélancolie, la musicalité et la richesse des harmonies vocales résonnant par ailleurs à merveille dans la très intimiste salle des Préludes de l’Opéra Grand Avignon. Un spectacle complet, plein d’humour, qui a vite emporté l’enthousiasme d’un public conquis. Si vous n’avez pas encore eu la chance d’entendre les Marx Sisters, ne manquez pas Drom’n’Klez, le festival de musique klezmer, qu’elles organisent ce week-end à Dieulefit.

Café Müller, créé par Pina Bausch en 1978, est une œuvre emblématique dans l'histoire de la danse contemporaine. Chaque mouvement, chaque déplacement et chaque interaction semble constituer les éléments constitutifs d’une bible originelle à laquelle se réfèrent tous les chorégraphes depuis. Boris Charmatz, le nouveau directeur artistique du Tanztheater Wupertal, nous invite avec Forever à une immersion totale dans Café Müller. Pendant sept heures, vingt-cinq danseurs se relaient pour interpréter cette pièce mythique, dans une transe, envoûtante et cathartique. L’interprétation a cappela des airs de Purcell par Julien Ferranti décuple l’émotion. Chaque performance est accompagnée de témoignages d’auteurs et de danseurs, figures historiques ou nouveaux interprètes, offrant des éclairages singuliers, parfois pleins d’humour, sur cette œuvre majeure. Le public participe aussi à sa façon à cet atelier imaginaire : inconfortablement installés à dessein sur des praticables au contact direct des danseurs, debout sur les passerelles ou plus classiquement assis dans des fauteuils, les spectateurs sont invités à se déplacer afin de varier les points de vue. Tentant parfois maladroitement de se mouvoir avec la même grâce que les artistes, le public devient partie intégrante de cette expérience unique. Un spectacle coup de cœur de Libre Théâtre.

Alexis HK et Benoît Dorémus nous proposent un tour de chant théâtralisé, composé de chansons à thème et d'intermèdes en forme de sketchs faussement ou parfois vraiment improvisés. L'univers est à la fois poétique et humoristique. Ce duo comique et romantique fonctionne à merveille, la voix chaude et la nonchalance du premier se combinant parfaitement avec la voix plus perchée et le caractère plus mordant du deuxième. Le spectacle dans son ensemble apparaît comme un éloge de la modestie, l'apparente superficialité du propos cachant une profonde sensibilité aux petites choses de la vie, qui en font tout le sel. On est vite conquis par cet irrésistible duo aux allures de Simon and Garfunkel sous Prosac, dissertant dans leur loge avant un concert sur la vanité de l'existence en général et du showbiz en particulier. Un coup de cœur de Libre Théâtre.

Il est de grands écrivains comme Céline, dont on admire l'œuvre en dépit de la petitesse de leur vie, qui les disqualifie en tant qu'homme par des compromissions nauséabondes. Il en est d'autres dont l'œuvre est en parfaite harmonie avec une vie exemplaire, vouée toute entière au service de l'Homme et du Peuple. Hugo et Zola sont de ceux-là. Située au moment de "l'Affaire", cette pièce est un duel verbal sans merci entre Zola, le génie littéraire que tout le monde connaît, qui sa vie durant paya le prix de ses engagements, et un pamphlétaire à succès de l'époque, complètement oublié aujourd'hui : Léon Daudet, le fils d'Alphonse. L'Affaire Dreyfus est la la fois la honte et l'honneur de la France. La honte des obscurs motifs de la condamnation de cet honnête homme, en pleine montée de l'antisémitisme dans notre pays. L'honneur de son éclatante réhabilitation, rendue possible par le courage d'une poignée d'intellectuels et par la liberté de la presse. Ce spectacle s'inscrit dans la lignée des grandes confrontations verbales au théâtre, comme "Le Souper" ou "Diplomatie". Il est solidement basée sur l'écriture ciselée de Didier Caron, servie par l'interprétation étincelante de Pierre Azéma et de Bruno Paviot. Il nous livre avec brio et souvent avec humour un message humaniste, en ces temps troublés où ressurgissent partout dans le monde les vieux démons qui ont déjà causé tant de souffrances par le passé. Oui, tout simplement, cela fait du bien d'entendre parfois un très beau texte, superbement interprété, et porteur d'espoir. Alors pourquoi s'en priver ? Cette pièce, en effet, nous rappelle aussi qu'il n'y a pas de bon spectacle sans un bon auteur... à une époque où, à Avignon notamment, trop de comédiens ou de metteurs en scène pensent pouvoir se passer d'un auteur tout court. Avec des œuvres comme celle-ci, mais aussi Fausse Note, ou encore Un Cadeau Particulier, cet auteur discret, qu'on peut croiser tous les jours en train de tracter lui-même dans les rues d'Avignon, bâtit une œuvre à la fois brillante et engagée, s'adressant néanmoins à un très large public. Le théâtre que l'on aime et que l'on défend. Un Coup de Cœur de Libre Théâtre.

Mères. Un chant pour temps de guerre. Les filles et les mères font partout dans le monde l'objet de violence. En temps de paix dans tous les compartiments de la société, mais aussi, voire surtout, dans les foyers. En temps de guerre où le viol est élevé au rang d'arme de destruction massive. Il est des spectacles pour lesquels on ne peut distinguer la dimension esthétique et la portée politique. C'est le cas de cette performance collective chantée et parfois même criée à la face du public et du monde. Marta Górnicka a rassemblé pour l'occasion un groupe de femmes principalement ukrainiennes, victimes de ces violences utilisées comme une continuation de la guerre par d'autres moyens. Quand dire c'est faire, quand crier c'est agir, le spectacle vivant devient un défi à la barbarie et un combat pour l'émancipation. Un combat qui semble hélas sans fin tant les fragiles victoires sont souvent suivies d'impitoyables contre-attaques. Oui, l'invasion de l'Ukraine tient au sens figuré comme au sens propre d'un viol collectif. Et au cri de révolte de ces femmes violentées mais toujours debout, le public de la Cour d'Honneur a répondu par une longue "standing ovation" en marque de soutien. Soutien à l'Ukraine, aux femmes, aux femmes ukrainiennes, et à toutes les femmes partout dans le monde.

Pour tous les amateurs de musique classique, la mention Köchel qui sert à identifier les œuvres de Mozart est souvent une énigme. C’est à la résolution de ce mystère que nous invite ce spectacle, à travers l’exploration des œuvres de Mozart et de la sonate pour piano n° 11 (K331), célèbre pour son troisième mouvement dit « alla turca ». Entre burlesque et récital, Camille de Léobardy illustre le difficile processus créatif, même chez un génie, en faisant dialoguer les personnages de Mozart et de Ludwig van Köchel, tout en interprétant des extraits de la sonate dans sa version originale, mais aussi dans de multiples variations passant avec facilité du tango au jazz. Une prouesse musicale et théâtrale, non dénuée d’humour puisqu’elle propose une version inédite pour harmonica et djembé. Un spectacle rafraichissant pour vos soirées avignonnaises.

Un hommage à Charles Gentes, chanteur de l'après-guerre aujourd'hui oublié, en forme de comédie musicale empruntant aux nombreux tubes de la chanson populaire de cette époque... qui apparaîtrait presque de nos jours comme un âge d'or. Ce spectacle plein d'humour mais aussi d'émotion nous raconte l'histoire familiale épique et tourmentée de ce chanteur surnommé "La voix d'or", mais il le fait d'une façon très originale par une habile mise en abyme, le spectacle étant comme conçu comme le récit de sa propre élaboration. Les six comédiens et comédiennes sur le plateau, accompagnés par un musicien, chantent à la perfection et dansent à merveille. On ne résiste pas longtemps à leur bonne humeur et à leur enthousiasme. Un spectacle qui fait du bien et dont on ressort ragaillardi.

Dans le monde du trafic de drogue comme dans celui des affaires en général, ce sont les plus pauvres qui paient le prix de la prospérité des nantis. Et plus grande est la misère, plus le prix à payer est élevé. Lola Arias a choisi de mettre en lumière celles qui, par leur origine sociale et par leur orientation sexuelle, sont tout en bas de l'échelle, et peinent à trouver leur place, jusque dans un système carcéral répartissant les détenus par genre. La vie de ces damnées de la Terre est un aller-retour permanent entre le dedans et le dehors. La prison, et ce monde hostile qui les rejette encore un peu plus pour avoir fait de la prison. Comme les alcooliques qui comptent leurs jours de sobriété, ces condamnées à vivre comptent leurs jours de liberté, rythmés par la crainte de la rechute. Mais cette sombre médaille a son revers étincelant. Avec ce très beau spectacle aux allures de comédie musicale, Lola Arias offre à ces ex-détenues argentines la possibilité d'une reconversion, et l'espoir d'une rédemption. Le public est saisi dès le départ par l'irrésistible énergie et l'extraordinaire envie de vivre de ces victimes du système résolues à reprendre leur destin en main, en faisant de leur histoire non pas une complainte mais un show flamboyant et un hymne à la vie, à la tolérance, à la liberté et à la fraternité. Dans le cadre somptueux de l'Opéra d'Avignon, voir le public applaudir debout cette résurrection est une expérience exceptionnelle et un motif d'espoir. Un spectacle magnifique, émouvant et nécessaire. Un coup de cœur de Libre Théâtre.

"La Véritable Histoire de Saint-Genest" de Jean de Rotrou raconte l'histoire d'un acteur païen du IIIème siècle, Genest, qui se convertit au christianisme, tout en jouant un martyr chrétien sur scène. Face au public et à l’empereur romain, le comédien transcende l'imitation pour devenir l'incarnation même de son rôle, et il est finalement exécuté pour avoir refusé d'abjurer sa foi. Cette œuvre a marqué l’histoire littéraire par son exploration métathéâtrale, par ses multiples mises en abyme, et par ses considérations sur le doute, la liberté de croire, et l'affirmation que le mérite est indépendant de la naissance. Cette réflexion sur le théâtre et la condition de comédien a bien sa place dans l’effervescence d’Avignon et c’est tout à l’honneur de la troupe de Bourbon de proposer cette pièce exigeante. Avec dix comédiens sur le plateau, la mise en scène sobre mais efficace, met en valeur la langue poétique et expressive de Jean de Rotrou. L’occasion de découvrir ou redécouvrir un classique injustement délaissé du répertoire.

Ernest, Désiré et Stanislas reçoivent un faire-part un peu particulier, puisqu'il leur annonce l'imminence de leur propre mort. Mais ces trois petits vieux ne l'entendent pas de cette oreille, et ils vont faire de la résistance... avant d'accepter finalement avec philosophie cette inéluctable fatalité : la vie n'est pas éternelle. Reste cependant une question beaucoup plus importante : qu'ont-ils fait de leur vie ? Un spectacle burlesque qui nous vient du Québec, mettant en scène trois personnages masqués en révolte contre le destin tragi-comique qui est le leur, comme il est aussi le nôtre. Y a-t-il une vie avant la mort ? Telle est la véritable question. Le décor, très sobre, participe à créer une esthétique très graphique. Un spectacle poétique et drolatique. Pour tout public.

Les réunions de famille constituent un sujet inépuisable pour les comédies de boulevard. Ici, c'est une fratrie qui se retrouve à l'occasion du décès de leur père pour organiser les funérailles. Bien sûr, tout le monde n'est pas d'accord, et les caractères différents de chacun s'opposent en une perpétuelle joute oratoire. Les bons mots fusent du début à la fin. Sans oublier quelques révélations et autres surprises. Car c'est bien connu, quand quelqu'un meurt, on découvre souvent bien d'autres cadavres dans les placards. Une comédie bien ficelée, teintée d'humour noir.

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