Le théâtre du XXe siècle

Théâtre de boulevard et théâtre satirique

Guitry
Abel Tarride, Gabrielle Réjane et Gabriel Signoret dans « La clef » de Sacha Guitry / dessin de Yves Marevéry. 1907. Source : BnF/Gallica

L’engouement populaire pour le vaudeville et le théâtre de boulevard continue  au début du XXème siècle. De nouveaux dramaturges renouvellent le genre :  Sacha Guitry développe un humour caustique et misogyne dans des satires de la bourgeoisie, multipliant les bons mots ; Marcel Pagnol connaît le succès, en premier lieu au théâtre, avec ses pièces provençales, interprétées par Raimu, transposant vaudeville et mélodrame dans une société pittoresque et poétique.

La verve satirique de Jules Romains trouve sa meilleure expression dans Knock (1923) jouée plus de mille fois par Louis Jouvet.

Côté drame, Henri Bernstein propose des pièces psychologiques et cruelles.


Nouvelles écritures

Tirésias
Les Mamelles de Tirésias, Paris 1947. Source : BnF/Gallica

Le théâtre est également le lieu de nouvelles expériences surréalistes ou dadaïstes avec Guillaume Apollinaire (Les Mamelles de Tirésias, 1917) ou avec Roger Vitrac (Victor ou les Enfants au pouvoir, 1928).


Réécriture des mythes

Après ses premiers drames symbolistes (Tête d’Or, 1894), Paul Claudel développe des œuvres lyriques, marquées par l’empreinte profonde du christianisme et une écriture comparable à des versets bibliques  (Le Soulier de satin, 1929).

Portraits de Jean Anouilh. Source : BnF/Gallica
Portrait de Jean Anouilh. Source : BnF/Gallica

Dans des styles très différents, Jean Giraudoux, Jean Anouilh et Jean Cocteau, réécrivent les grands mythes antiques, interrogeant les notions de destinée et de responsabilité humaine à l’aune des enjeux contemporains : Giraudoux avec La Guerre de Troie n’aura pas lieu (1935) et Électre (1937) ; Cocteau avec Œdipe-Roi (1927) ; Anouilh avec Antigone (1944). Ils modernisent les mythes, en les désacralisant, en jouant avec les  anachronismes et en mêlant le comique au tragique.

Henry de Montherlant renoue avec le drame classique dans La Reine Morte en 1942.


Le théâtre engagé

Après la Seconde Guerre mondiale, dans un monde désorienté, Albert Camus (L’État de siège, 1948, Les Justes, 1949) et Jean-Paul Sartre (Les Mains sales, 1948, Huis clos, 1945) défendent un théâtre plus engagé politiquement, illustrant leurs réflexions philosophiques sur l’action, la révolution ou la responsabilité individuelle et sociale.

Dans les années 50 et 60, Jean Genet, avec Les Bonnes (1947), Le Balcon (1956) ou Les Nègres (1958), développe un théâtre de la transgression, de nature toujours plus politique. La représentation des Paravents en 1966 qui fait allusion à la guerre d’Algérie et condamne le colonialisme et le racisme, entraîne de violentes manifestations.

Aimé Césaire fonde une poétique engagée dans La Tragédie du roi Christophe (1963) et Une saison au Congo (1966).


Le théâtre de la cruauté, le théâtre de l’absurde et le nouveau théâtre

Antonin Artaud, dans Le Théâtre et son double en 1938, condamne les causes de la décadence du langage théâtral et l’assujettissement du théâtre à la parole. S’inspirant du théâtre oriental, il propose de revenir à un spectacle intégral, engageant le corps de l’acteur et utilisant sur scène toutes les formes artistiques.

Ionesco
Rhinocéros, d’Eugène Ionesco : photographies d’Etienne Bertrand Weill, 1960. Source BNF/Gallica

Samuel Beckett, En attendant Godot (1952), Oh les beaux jours (1963) et Eugène Ionesco (La Cantatrice chauve (1950), Les Chaises (1952) le théâtre de l’absurde reflète la perte des repères et la défiance vis-à-vis du langage manipulateur. Ces auteurs renouvellent l’art dramatique, tout en mélangeant tragique, métaphysique et humour : les personnages sont réduits à des pantins, rendant impossible toute communication, l’intrigue n’a plus de cohérence, et le langage est totalement déstructuré.

Le « Nouveau Théâtre » des années 1960 met en pratique les théories d’Artaud, avec les créations collectives des acteurs du Théâtre de la Cruauté de Peter Brook  ou du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine.


Le metteur de scène et le nouveau rapport au public

La « décentralisation théâtrale » après la guerre crée de nouveaux lieux sur le territoire français, et tente de démocratiser le théâtre en cherchant à toucher tous les publics. En 1947, autour de Jean Vilar, naît l’aventure du Festival d’Avignon. Au Théâtre National Populaire à Paris, Jean Vilar crée des spectacles de qualité, accessibles au plus grand nombre, avec des comédiens de renom comme Gérard Philipe. Le rôle du metteur en scène dans la création théâtrale est désormais reconnu, avec notamment Roger Planchon, Georges Lavaudant, Patrice Chéreau… (voir sur le sujet le très beau film de Daniel Cling, Une aventure théâtrale, 30 ans de décentralisation)


Nouvelles formes du langage théâtral

Bernard-Marie Koltès (Combat de nègre et de chiens, 1983 et Dans la solitude des champs de coton, 1987) propose dans son théâtre une réflexion métaphysique sur le langage et les rapports humains. Cette réflexion se retrouve sous des formes variées dans le théâtre de Valère Novarina (L’Atelier volant, 1974), Jean-Luc Lagarce (Les règles du savoir-vivre dans la société moderne, 1993) et Michel Vivaver (La Demande d’emploi, 1972).

De nouvelles formes du langage théâtral apparaissent avec  Marguerite Duras (Le Square, 1955), Roland Dubillard (Les Diablogues, 1975), Nathalie Sarraute (Pour un oui ou pour un non, 1982), Yasmina Reza (Art, 1994), Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri (Cuisine et dépendances, 1989).

Note : les oeuvres de la plupart des auteurs du XXème siècle ne sont pas encore entrées dans le domaine public (en général, en France, cela intervient 70 ans après la mort de l’auteur). Libre Théâtre alimente chaque année le Répertoire des oeuvres libres de droit avec les nouvelles pièces entrées dans le domaine public. 


Internet et les nouvelles formes de diffusion de la création

Comme pour la musique, Internet modifie au début des années 2000 le circuit de diffusion des oeuvres de théâtre. L’auto-édition peut ainsi être une option dans le domaine de l’édition théâtrale. En effet, en ce qui concerne le théâtre, l’auteur ne perçoit pas seulement des revenus sur la vente de ses livres, mais aussi et surtout sur les droits de représentation de ses œuvres, collectés par la SACD. Parce que le théâtre est d’abord fait pour être joué et qu’une diffusion plus large permet de multiplier les montages, certains auteurs choisissent de proposer le téléchargement gratuit de leurs textes sur Internet. Jean-Pierre Martinez, co-fondateur du site Libre Théâtre, propose ainsi dès 2001 tous les textes de ses comédies en téléchargement gratuit sur son site La Comédiathèque.

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