François Moschetta : dialogue entre Matisse et un piano
Dans le jardin du Musée Angladon, à la nuit tombante, François Moschetta a donné un récital de piano en contrepoint de l’exposition « Le désir de la ligne. Henri Matisse dans les collections Jacques Doucet ». Déjà invité par l’Opéra du Grand Avignon en novembre 2021, François Moschetta, lors d’un mémorable Midi à l’Opéra, avait captivé son auditoire avec le récit du destin tragique de Scriabine, grand compositeur et pianiste russe qui avait consacré sa vie à la recherche des harmonies et des combinaisons synesthésiques. Inspiré par la visite de l’exposition, François Moschetta, dans un même esprit, a cherché les correspondances entre le travail de Matisse et l’art du piano. En s’appuyant sur des citations ou des titres d’œuvres, tirés au sort par le public, il a fait dialoguer les œuvres de Matisse avec plusieurs pièces pour piano.
« Mon trait ému a modelé la lumière de ma feuille blanche »
Comprendre comment Matisse aborde la profondeur permet de mieux mettre en lumière le travail mélodique de Debussy, l’apparition d’un thème à partir de la répétition de petits motifs. François Moschetta en a donné une illustration brillante en interprétant deux Arabesques.
« Mon étude faite ou plutôt mon point de départ établi, je laisse courir ma plume au gré de son caprice. Constatez : il y a là toutes les étapes qui, de la forme au rythme, me permettent d’assister à mes propres réactions. C’est ce que j’appelle le cinéma de ma sensibilité. »
Cette analyse rappelle le processus de l’improvisation au piano. François Moschetta le démontre avec brio en choisissant le premier mouvement de la sonate n°11 de Mozart, retranscription d’une improvisation de Mozart sur un thème avec six variations.
« Petit bois noir, Petit bois clair et grand bois. »
Ce sont les titres de trois épreuves utilisant la xylographie sur du papier vélin. François Moschetta s’interroge sur la façon dont les artistes transforment une matière inerte, le bois, en la rendant sensible et vivante. Son interprétation du prélude opus 32 n°12 de Rachmaninov illustre magistralement comment la précision du geste révèle l’âme du musicien.
« L’expression ne réside pas dans la passion qui éclatera sur un visage ou qui s’affirmera par un mouvement violent. Elle est dans toute la disposition de mon tableau.. »
Bach est le meilleur exemple de cette recherche de l’équilibre (Gigue de la Partita n°1).
« La main n’est que le prolongement de la sensibilité et de l’intelligence. Plus elle est souple, plus elle est obéissante. »
Malgré le froid et le mistral qui se lève, François Moschetta achève ce programme en interprétant le deuxième scherzo de Chopin, avec une expressivité remarquable, pleine de couleurs et de nuances.
Le concert s’achève dans la nuit noire. Le public est transi mais heureux de ce voyage musical et pictural hors du temps.
(Article de Ruth Martinez)
Une coréalisation de l’Opéra Grand Avignon et du Musée Angladon.
Lien vers le site du Musée Angladon (exposition jusqu’au 9 octobre)
Lien vers le site de l’Opéra Grand Avignon