XIXe siècle

Chronique sur des pièces ou des auteurs dramatiques du XIXème siècle.

Le théâtre au XIXe siècle

Lorenzaccio
Lorenzaccio. Sarah Bernhardt. Affiche pour le Théâtre de La Renaissance par Mucha. Source : BnF/ Gallica

Le théâtre romantique

Le drame romantique apparaît au début du XIXème siècle, influencé par le théâtre de Shakespeare, redécouvert à cette époque, ainsi que par les romantiques allemands. Il est théorisé par Victor Hugo dans la Préface de Cromwell (1827) qui proclame la liberté totale de l’invention et de la forme théâtrale.

C’est un théâtre le plus souvent historique où se mêlent différents styles, le tragique, le pathétique, mais aussi le comique afin de représenter le monde dans sa totalité, à la fois grotesque et sublime. Cette nouvelle forme de théâtre refuse de se confronter aux obligations et règles d’écriture du théâtre classique comme le maintien des trois unités (lieu, temps, action), le respect de la bienséance ou le principe de la vraisemblance. L’effet dramatique vise à émouvoir le spectateur, en faisant appel à sa sensibilité. L’action se déroule dans de multiples lieux, décors intimes mais également dans la nature.

Le héros romantique incarne les révoltes et le « mal du siècle ». C’est un être déchiré, torturé, en proie aux passions mais souffrant aussi d’aspirations contradictoires comme  Lorenzaccio, dans le drame de Musset, Ruy Blas, le héros de Victor Hugo ou Chatterton le personnage tourmenté de Vigny.


Jean-Jacques Grandville - Les Romains échevelés à la première représentation d'Hernani
Jean-Jacques Grandville – Les Romains échevelés à la première représentation d’Hernani -Wikimedia Commons

Les représentations des pièces du théâtre romantique donnent lieu à des confrontations entre les « modernes » et les « classiques ». En 1830, Hernani, de Victor Hugo, déclenche les passions et provoque la « bataille d’Hernani » en raison de son thème, de son style et de sa composition. La pièce, qui ne respecte pas les règles de la dramaturgie classique, est répétée à la Comédie-Française dans des conditions difficiles. Le soir de la première représentation, le 25 février 1830. Les partisans de Victor Hugo, les jeunes artistes romantiques mais aussi Balzac, Nerval, Dumas, Berlioz et Gautier sont là et acclament la pièce, étouffant toute critique. Le lendemain les journaux font des comptes rendus très négatifs de la pièce et s’offusquent de l’intervention bruyante des romantiques.

Ce n’est qu’à la fin du siècle, avec Edmond Rostand que le théâtre romantique renait après une parenthèse de quelques décennies. Il obtient son premier succès en 1894 avec Les Romanesques, pièce en vers présentée à la Comédie-Française, mais le triomphe vient avec Cyrano de Bergerac (1897) puis avec L’Aiglon (1900).

Le théâtre complet de Victor Hugo sur  Libre Théâtre  (texte intégral, résumé des oeuvres et illustrations)
Le théâtre complet d’Alfred de Musset sur Libre Théâtre (texte intégral, résumé des pièces et illustrations)
Le théâtre complet d’Edmond Rostand sur Libre Théâtre (texte intégral, résumé des pièces et illustrations)
Le théâtre d’Alfred de Vigny sur Libre Théâtre
Le théâtre d’Alexandre Dumas père sur Libre Théâtre


Pixérécourt
[L’homme à trois visages Pixérécourt : costume de Tautin (Abelino) 1801] Source : BnF/ Gallica

Le mélodrame

Parallèlement au romantisme se développe un genre théâtral plus populaire baptisé « mélodrame ». Inspirant la crainte et les larmes, il s’appuie sur un jeu et des effets scéniques spectaculaires. Les mélodrames se déroulent généralement en trois actes. Les intrigues tumultueuses reposent sur le conflit entre un « bon » et un « méchant », le héros triomphant de tous les obstacles. L’action est conçue autour d’une succession de péripéties et de rebondissements spectaculaires (batailles, poursuites à cheval, catastrophes en tout genre). René Guilbert de Pixérécourt est le plus connu des auteurs de mélodrames.

Le théâtre de Pixérécourt  sur Libre Théâtre.


Le vaudeville

Le chapeau de paille d'Italie
Le chapeau de paille d’Italie, comédie d’Eugène Labiche et Marc-Michel : portrait de Paul Grassot : dans le rôle de Nonancourt par Lhéritier 1851/ Source : BnF/ Gallica

Au XIXe, le vaudeville, qui mêlait à l’origine comédie et chansons,  évolue : le terme désigne  désormais une comédie populaire légère, pleine de rebondissements dont les chansons ont disparu. (Le théâtre chanté prend alors le nom d’opérette, popularisée par Jacques Offenbach.)

Le vaudeville se développe sous le Second Empire : la bourgeoisie enrichie devient le plus fidèle public du théâtre où il est bon de se montrer.

Avec  Un chapeau de paille d’Italie (1851), Eugène Labiche fait évoluer le genre en imposant un rythme endiablé : quiproquos, jeux de mots et péripéties se multiplient. A travers ses 176 pièces, souvent écrites en collaboration, il porte un regard critique et amusé sur les travers de la petite bourgeoisie.

Georges Feydeau perpétue le vaudeville en développant la mécanique comique : Tailleur pour dames (1886), L’Hôtel du libre échange (1894), La Dame de chez Maxim (1899)… Il renouvelle ensuite le genre par une étude plus approfondie des caractères dans ses comédies de mœurs en un acte, montrant notamment la médiocrité des existences bourgeoises  avec On purge bébé (1910), Mais n’te promène donc pas toute nue ! (1911).

Tout le théâtre de Labiche sur Libre Théâtre (texte intégral, résumé des oeuvres et illustrations)
Tout le théâtre de Feydeau sur Libre Théâtre (texte intégral, résumé des oeuvres et illustrations)


Le drame bourgeois

La dame aux camélias
Sarah Bernhardt dans « La dame aux camélias », pièce d’Alexandre Dumas fils 1882. Source : BnF/Gallica

La « pièce d’intrigue » est popularisée dans les années 1830-1840 par Eugène Scribe. Proche du mélodrame, ce genre appelé ensuite « drame bourgeois »  utilise habilement certains ressorts, comme le retournement de situation, le quiproquo et du suspense. Marqué par le réalisme et influencé par un esprit moralisant, il représente les réalités et les questions sociales de l’époque (mariage, adultère, héritage, etc.). Un des grands succès de la période est La Dame aux camélias de Dumas fils, représentée en 1852. Un autre auteur marquant de drames bourgeois est Émile Augier. (Les Lionnes pauvres)

Le théâtre d’Eugène Scribe sur  Libre Théâtre
Le théâtre d’Alexandre Dumas fils sur Libre Théâtre
Le théâtre d’Emile Augier sur Libre Théâtre.


Le naturalisme et la critique sociale

Poil de Carotte [avec] Miss Suzie Dorlans : [affiche] / Maurice Neumont
Poil de Carotte avec Suzie Dorlans : affiche de Maurice Neumont, 1905. Source : BnF/ Gallica

En France, au milieu du XIXe siècle, l’intérêt pour la psychologie et les problèmes sociaux donne naissance au naturalisme : l’art est investi d’une mission de progrès, qui passe par la description objective du monde réel. Pour Emile Zola, le théâtre et la littérature doivent illustrer les plaies de la société pour mieux les guérir. Il écrit pour le théâtre plusieurs drames, qui font scandale mais ne rencontrent pas le succès : Thérèse RaquinLes Héritiers RabourdinLe Bouton de rose, Renée et Madeleine,

Le théâtre naturaliste trouve son terrain d’expérimentation sur la scène du Théâtre-Libre, ouvert par André Antoine en 1887. Dans ses mises en scène, les comédiens doivent vivre leurs personnages. Il insiste sur l’importance de la gestuelle, libère le jeu d’acteur des conventions et prône un jeu plus naturel. Il veut donner au spectateur l’impression d’assister à une « tranche de vie » en s’appuyant sur des costumes et des décors modernes et réalistes jusque dans les moindres détails. L’obscurité est faite dans la salle tandis que le gaz puis l’électricité permettent de concevoir des éclairages variés. Reprenant la théorie du quatrième mur (Diderot), il donne une grande importance au rôle du metteur en scène, qui passe du statut de technicien à celui de créateur.

Henry Becque  cherche à atteindre une vérité sociale dans les intrigues qu’il met en scène, notamment dans la très cynique pièce Les Corbeaux. Mirbeau propose une tragédie prolétarienne, Les Mauvais bergers, l’éclosion d’une grève ouvrière et son écrasement dans le sang au théâtre de la Renaissance en 1897, avec Sarah Bernhard et Lucien Guitry. On citera également la pièce de Mirbeau le Foyer, terrible histoire d’un foyer charitable recueillant des jeunes filles. Révélé par Antoine, François de Curel pose dans ses pièces des problèmes contemporains : relations entre patrons et ouvriers (Le repas du lion, 1897) ou  l’attitude du savant en face de la science : La nouvelle Idole, 1899). La version théâtrale de Poil de carotte de Jules Renard est montée avec succès par André Antoine en 1900.

Tout le théâtre d’Octave Mirbeau sur Libre Théâtre (texte intégral, résumé des oeuvres et illustrations)
Tout le théâtre d’Emile Zola sur Libre Théâtre (texte intégral, résumé des oeuvres et illustrations)
Tout le théâtre de Jules Renard sur Libre Théâtre (texte intégral, résumé des oeuvres et illustrations)
Tout le théâtre d’Henry Becque sur Libre Théâtre (texte intégral, résumé des oeuvres et illustrations)
Le théâtre de François de Curel sur Libre Théâtre.

 


Le théâtre symboliste

Pelleas et Mélisande
Sarah Bernhardt dans « Pelleas et Mélisande », de Maurice Maeterlinck, 1905. Source : BnF/ Gallica

Le théâtre symboliste refuse tout réalisme et cherche à exprimer les tréfonds de l’âme humaine et des vérités métaphysiques universelles.

Villiers de l’Isle-Adam est précurseur du théâtre symboliste avec Axël ;  ses premières pièces sont autant de tentatives de repenser l’esthétique dramatique et de casser les conventions. (La Révolte)

La représentation, proche de la cérémonie, est d’abord la représentation de la vision du poète. Cette esthétique rejette tout réalisme : les personnages immobiles, passifs et réceptifs à l’apparition de figures de rêve ou de l’au-delà. Les pièces symbolistes sont principalement représentées au Théâtre de l’Oeuvre.

Le décor ne fait qu’évoquer un lieu, le langage est précieux et recherché, le jeu des acteurs  est stylisé. Maeterlinck, avec notamment Pelléas et Mélisande (1892) crée un univers imaginaire et angoissant. Le théâtre symbolique marque une rupture avec certaines conventions théâtrales.

Tout le théâtre de Maurice Maeterlinck sur Libre Théâtre
Le théâtre de Villiers de l’Isle-Adam sur Libre Théâtre


Les nouvelles formes de comédies

La fin du XIXème siècle voit l’émergence de nouvelles formes de comédies.

Cabotine
Germain, Girier et Paul Ardot dans « Cabotine » de Tristan Bernard / dessin de Yves Marevéry, 1907. Source : BnF/Gallica

Georges Courteline dénonce avec un sens aigu de l’observation, les tracasseries administratives, la justice (Un client sérieux, 1897, le gendarme est sans pitié, 1899), l’armée (Les Gaietés de l’escadron, 1895).

En 1896, Alfred Jarry fait représenter Ubu roi au Théâtre de l’œuvre qui fait aussitôt scandale. Parodie du théâtre historique shakespearien ou romantique,  cette  satire féroce de toutes les formes d’autorité subvertit tous les principes du théâtre classique.

Alphonse Allais écrit et fait représenter quelques comédies, vaudevilles, revues, féeries et proverbes de 1896 à 1904.

Avec Les Affaires sont les Affaires (1903), Octave Mirbeau revient à la comédie classique de mœurs et de caractères. Il fait aussi jouer en 1904 six petites pièces en un acte, recueillies sous le titre de Farces et moralités (Vieux Ménage ,L’Epidémie, Les AmantsLe Portefeuille ,ScrupulesInterview).

Tristan Bernard écrit plus de soixante-dix comédies, explorant toutes les facettes du genre, de la comédie d’intrigue à la comédie de mœurs, peintures indulgentes, sensibles et gaies de personnages souvent attachants  (Les Pieds nickelés, le Danseur inconnu, Le Costaud des Epinettes).

Tout le théâtre de Georges Courteline sur Libre Théâtre
Tout le théâtre d’Octave Mirbeau sur Libre Théâtre
Le théâtre de Tristan Bernard sur Libre Théâtre 
Le théâtre d’Alfred Jarry sur Libre Théâtre
Le théâtre d’Alphonse Allais sur Libre Théâtre

Les Lionnes pauvres d’Emile Augier

Les Lionnes pauvres est une pièce en 5 actes et en prose, d’Emile Augier, écrite en collaboration avec Edouard Foussier et représentée pour la première fois le 22 mai 1858 au Théâtre du Vaudeville. C’est une  comédie de mœurs qui évolue au fil des scènes vers le drame car Augier choisit de privilégier le point de vue du mari trompé et déshonoré. La censure a tenté d’interdire la pièce qui a été finalement autorisée après l’intervention du prince Napoléon-Jérôme. De nombreuses pièces d’Augier figurent au Répertoire de la Comédie Française : c’est l’un des dix auteurs les plus joués en nombre de représentations (données de septembre 2009), avec 3304 représentations. L’oeuvre d’Emile Augier est aujourd’hui un témoignage intéressant sur la vie sociale et les mœurs de la petite et moyenne bourgeoisie, dans la deuxième moitié du XIXème siècle.

Distribution : 7 hommes, 5 femmes
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L’argument

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Mme Réjane dans les Lionnes Pauvres.   Source BnF/ Gallica

Séraphine Pommeau est une jeune femme, belle et coquette, épouse d’un maître clerc plus âgé, honnête et modeste.  Leur appartement est très richement décoré et les toilettes de Séraphine, très élégantes :  c’est grâce à son ingéniosité pour dénicher de bonnes affaires pense son mari. Thérèse Lecarnier, pupille élevée par Pommeau, craint que les dépenses de Séraphine ne ruinent le clerc. En réalité, Séraphine se fait entretenir par son amant, qui n’est autre que Léon Lecarnier, le mari de Thérèse. Thérèse découvre la vérité et garde le silence, malgré les rumeurs qui commencent à circuler dans les salons. La situation s’aggrave pour Séraphine qui doit dix mille francs à Mme Charlot, la « marchande à la toilette ». Son amant ne les a pas, et il perd l’argent qui lui reste à une table de jeu. Alors que Séraphine est au Mont-de-Piété pour tenter de réunir l’argent, Pommeau se trouve face à Mme Charlot qui lui démontre au vu de la richesse de son intérieur que Séraphine a dépensé largement plus que son revenu. Pommeau s’engage à payer toutes les dettes de Séraphine, mais à son retour celle-ci lui affirme qu’elle n’a pas d’autres dettes et avoue avoir un amant. Pommeau se réfugie chez Thérèse où il découvre, terrassé par la douleur, que l’amant n’est autre que le mari de sa pupille. Séraphine, quant à elle, est partie au théâtre vers d’autres conquêtes.

Extrait de la préface d’Emile Augier

« La peinture de la dépravation graduelle de Séraphine nous a paru aussi dangereuse que tentante. Nous avons craint que le public ne se fâchât tout rouge à la transition de l’adultère simple à l’adultère payé. Cette peinture ne présentant d’ailleurs qu’un intérêt psychologique, il nous a semblé que ce côté de notre sujet pouvait être traité suffisamment en récit, et nous l’avons placé dans la bouche de Bordognon, le théoricien de la pièce. Une donnée aussi scabreuse ne pouvait passer que par l’émotion ; et l’émotion ne pouvait être obtenue que par la situation du mari ; c’est donc là que nous avons cherché la pièce. »

Les Lionnes pauvres

Lionnes (Sortie de la messe d'1 heure) : estampe de Gustave Doré
Lionnes (Sortie de la messe d’1 heure) : estampe de Gustave Doré. Source BnF/ Gallica

La formulation du titre est expliquée par l’ami de la famille, Bordognon, qui porte sur l’ensemble des personnages de la pièce un regard ironique et critique : « Qu’est-ce qu’une lionne dans cet argot qu’on nomme le langage du monde ? Une femme à la mode, n’est-ce pas ? c’est-à-dire un de ces dandys femelles qu’on rencontre invariablement où il est de bon ton de se montrer, aux courses, au bois de Boulogne, aux premières représentations, partout enfin où les sots tâchent de persuader qu’ils ont trop d’argent aux envieux qui n’en ont pas assez. Ajoute une pointe d’excentricité, tu as la lionne : supprime la fortune, tu as la lionne pauvre. »


Emile Augier

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Emile Augier par Félix Nadar

Emile Augier débute avec des comédies en vers qui se déroulent dans le monde antique puis se tourne vers des comédies « sérieuses » dénonçant l’hypocrisie et les excès des milieux bourgeois de la monarchie de Juillet, puis du Second Empire. Il reste principalement connu pour ses comédies de mœurs.

Dans L’Habit vert,  proverbe en un acte et en prose, écrit avec Alfred de Musset, il décrit la vie du quartier latin. Il fut élu à l’Académie française en 1857.

Emile Augier est avec François Ponsard un des représentants de l' »Ecole du bon sens », qui s’oppose au mouvement romantique. Augier défend la morale bourgeoise, dénonçant le mauvais usage de l’argent l’appétit de luxe, la spéculation (Les Effrontés), le matérialisme (La Contagion), l’hypocrisie des Jésuites (Le Fils de Giboyer, Lions et renards).


Les Lionnes pauvres à la Comédie-Française

En 1917, René Doumic dans la Revue des deux mondes écrit un article sévère, mais drôle, à l’occasion de l’entrée des Lionnes Pauvres dans le répertoire de la Comédie-Française en mars 1917 (période 6, tome 38)

« Les Lionnes pauvres ont fait leur entrée à la Comédie-Française. Ce n’a pas été une entrée triomphale. La pièce a paru vieillote et falote. Il est vrai qu’elle n’est guère bien jouée et que la mise en scène en est sans agrément. Mais la faute n’est pas seulement aux interprètes et au metteur en scène, elle est bien à la pièce elle-même, qui a cessé de porter sur le public. Retrouvera-t-elle quelque jour son action sur lui, et, avec le temps, éveillera-t-elle de nouveau cet intérêt de curiosité qui s’attache aux choses d’autrefois ? Pour l’instant, elle n’est que démodée. On l’a écoutée avec une attention déférente : à vrai dire, sans plaisir et sans émotion. La plupart des mots font long feu, presque tous les effets ratent, et on n’a aucune envie de pleurer aux endroits pathétiques. Il faut un effort pour se représenter que l’œuvre est loin d’être négligeable, qu’elle a eu du succès et qu’elle le méritait, — mieux encore : qu’elle a fait scandale !

Car les Lionnes pauvres sont un des ouvrages les plus réputés d’Emile Augier, un des spécimens les plus caractéristiques de la comédie de mœurs telle qu’on la pratiquait sous le Second Empire. La formule a cessé de plaire : ce n’est nullement la preuve qu’elle valût moins qu’une autre. L’auteur dramatique, d’après cette conception, était d’abord un moraliste qui, venant de découvrir une plaie sociale, la révélait à ses contemporains et s’arrangeait pour que sa découverte ne passât pas inaperçue. »

La suite de l’article de René Doumic sur Wikisource ou sur Gallica

La Dame de chez Maxim de Georges Feydeau

Illustration de Marevéry
Joseph Torin.  Théâtre des Nouveautés 21 mars 1906.  dessin de Yves Marevéry. Source BnF/ Gallica

La Dame de chez Maxim est un vaudeville en trois actes de Georges Feydeau, représentée, pour la première fois, le 17 janvier 1899 au Théâtre des Nouveautés.  dans une mise en scène de l’auteur. C’est la plus longue pièce de Feydeau  (moyenne de 3 heures de représentation pour la mise en scène du texte intégral), avec vingt-neuf rôles (certains comédiens peuvent jouer plusieurs rôles). C’est aussi un de ses plus grands succès : après avoir obtenu les faveurs de la critique, la pièce est jouée plus de 500 fois.

Son succès est tel que Feydeau lui donne une suite, en 1902, La Duchesse des Folies-Bergère.
Distribution : 17 hommes – 12 femmes

Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Le Docteur Petypon, entraîné par son collègue Mongicourt, a fait la fête jusqu’au petit matin chez Maxim. Mongicourt le découvre endormi à midi sous un canapé renversé. De la chambre sort la Môme Crevette, une danseuse du Moulin-Rouge.

Le général Petypon, l’oncle, arrive inopinément. Il prend la Môme pour l’épouse de celui-ci qui ne le dément pas. Le général  invite son neveu au mariage de la nièce Clémentine, dans son château en Touraine. Le Docteur se voit contraint d’emmener la danseuse avec lui…

Programme 1910
Photographie de programme. Théâtre des Bouffes-Parisiens, 27 juin 1910. Source BnF/ Gallica

Gabrielle, la femme du Docteur, reçoit tardivement la lettre qui lui annonce le mariage. Elle part à son tour pour la Touraine. Mongicourt, apprenant le départ de Gabrielle, y part lui aussi.

Tous se retrouvent au château. Les dames de province, prenant la Môme pour une Parisienne, se mettent, par snobisme, à l’imiter dans son allure et dans son parler truculent : « Et allez donc, c’est pas mon père ! ».

Un pur vaudeville.

Le début de la pièce n’est pas sans rappeler L’Affaire de la rue de Lourcine de  Labiche. Les quiproquos se succèdent dans un rythme effréné.  Les bons mots fusent.

Il est aussi beaucoup question d’esprits : la Môme Crevette puis Petypon se déguisent en séraphin ou en ange pour duper Gabrielle, très crédule.  Autre ressort comique : un fauteuil extatique que le docteur Petypon veut utiliser pour opérer ses patients et qui provoque un profond sommeil lorsque l’on s’y assoit.

Le manuscrit de l’auteur

La Bibliothèque nationale de France détient la version primitive de la pièce, comportant de très importantes variantes par rapport à l’édition originale de 1914. Les f. 67-70 sont un remaniement des scènes 18-19 de l’acte I.

Source : Manuscrit de La Dame de chez Maxim, Bibliothèque nationale de France, sur Gallica

Les mises en scène

Cette pièce est très souvent mise en scène, parfois avec des coupes pour réduire sa durée. Libre Théâtre propose quelques illustrations de mises en scène marquantes.

1965 : mise en scène de Jacques Charon au Palais-Royal (plus de 600 représentations) avec Zizi Jeanmaire ( la Môme Crevette), Pierre Mondy, Jean le Poulain et Claude Gensac.

1981 : Mise en scène par Jean Paul Roussillon à la Comédie Française avec 24 sociétaires, dont Jean Le Poulain, Françoise Seigner, Catherine Samie

Extrait sur le site de l’INA et interview de Jean-Paul Roussillon.

1998 : mise en scène de Roger Planchon à l’Opéra Comique avec Hervé Pierre (dans le rôle de Petypon) et Vanessa Guedj (dans le rôle de la Môme Crevette)

Extraits de la pièce et interviews sur le site de l’INA

2009 : mise en scène de Jean-François Sivadier au Théâtre national de Bretagne, puis à l’Odéon avec Nicolas Bouchaud (Lucien Petypon),  Norah Krief (La Môme Crevette), Gilles Privat (le général Petypon du Grêlé)…
Reportage sur Culture Box
Dossier pédagogique du Théâtre de l’Odéon  (20 mai – 25 juin 2009)

Vous pouvez explorer l’univers de Feydeau à travers les articles suivants :

– Le Théâtre de Georges Feydeau
– Biographie de Georges Feydeau
– Les ressorts comiques du langage chez Feydeau
– La politique dans les pièces de Feydeau
– Les progrès techniques dans les pièces de Feydeau
– Le vaudeville et Feydeau (à travers deux articles de Feydeau).

Le théâtre de Georges Feydeau

Téléchargement gratuit de l’ensemble des pièces de Feydeau. 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53049803x
Portrait d’acteurs / dessin de Yves Marevéry 1907 . Source : BnF/ Gallica

Accès ci-dessous aux pièces :
– les grandes pièces (3 actes ou plus)
– les courtes pièces
– les monologues

Vous pouvez explorer l’univers de Feydeau à travers les articles suivants :

Biographie de Georges Feydeau
Les ressorts comiques du langage chez Feydeau
La politique dans les pièces de Feydeau
Les progrès techniques dans les pièces de Feydeau
Le vaudeville et Feydeau (à travers deux articles de Feydeau).


Télécharger gratuitement les pièces de Feydeau

Les grandes pièces

À qui ma femme ? vaudeville en trois actes

Cent millions qui tombent – pièce inachevée

Champignol malgré lui – vaudeville en 3 actes

Chat en poche , vaudeville en trois actes

Je ne trompe pas mon mari, vaudeville en trois actes

L’Affaire Edouard, vaudeville en trois actes

L’Âge d’or, comédie musicale en trois actes et neuf tableaux

L’Hôtel du libre échange , vaudeville en trois actes

La Dame de chez Maxim , vaudeville en trois actes

La Duchesse des Folies-Bergère, comédie en cinq actes

La Lycéenne, vaudeville-opérette en trois actes

La Main passe !, comédie en quatre actes

La Puce à l’oreille, vaudeville en trois actes

Le Bourgeon, comédie de moeurs en trois actes

Le Circuit, comédie en trois actes et quatre tableaux

Le Dindon, comédie en trois actes

Le Mariage de Barillon, vaudeville en trois actes

Le Ruban, vaudeville en trois actes

Le Système Ribadier, vaudeville en trois actes

Les Fiancés de Loches, vaudeville en trois actes

Monsieur chasse !, comédie en trois actes

Occupe-toi d’Amélie !, comédie en trois actes

Tailleur pour dames, comédie en trois actes

Un fil à la patte, vaudeville en trois actes

Les courtes pièces

Amour et piano comédie en un acte

C’est une femme du monde comédie en un acte

Deux coqs pour une poule, comédie en un acte

Dormez, je le veux !, vaudeville en un acte

Feu la mère de Madame, vaudeville en un acte

Fiancés en herbe, comédie enfantine en un acte

Hortense a dit : « je m’en fous ! », comédie en un acte

Gibier de potence, comédie-bouffe en un acte

L’Amour doit se taire, drame en un acte

L’Homme de paille, comédie-bouffe en un acte

Léonie est en avance ou le mal joli, comédie en un acte

Les Pavés de l’ours, comédie en un acte

Mais n’te promène donc pas toute nue !, comédie en un acte

Monsieur Nounou, pochade en un acte

Notre futur, comédie en un acte

On purge bébé !, comédie en un acte

On va faire la cocotte – comédie en un acte (pièce inachevée mais qui peut être jouée en l’état)

Par la fenêtre, comédie en un acte

Séance de nuit, comédie en un acte

Un bain de ménage, vaudeville en un acte

Les monologues

Aux antipodes, monologue provenço-comique (femme)

Complainte du pauv’ propriétaire, monologue (homme)

L’Homme économe, monologue (homme)

L’Homme intègre, monologue (homme)

La Petite Révoltée, monologue (femme)

Le Colis, monologue (homme)

Le Volontaire, monologue (homme)

Le Billet de mille, monologue (homme)

Le Juré, monologue (homme)

Le Mouchoir, monologue (homme)

Le Petit Ménage, monologue (homme)

Le Potache, monologue (homme)

Les Célèbres, monologue (homme)

Les Enfants, monologue (homme)

Les Réformes, monologue (homme)

L’Homme économe, monologue (homme)

J’ai mal aux dents, monologue (homme)

Patte en l’air, monologue (homme)

Tout à Brown-Séquard  !, Monologue (homme)

Trop vieux, monologue (homme)

Un coup de tête, monologue (femme)

Un monsieur qui est condamné à mort, monologue (homme)

Un monsieur qui n’aime pas les monologues, monologue (homme)

———

Textes à saisir :
Eglantine d’Amboise, pièce historique en deux actes et trois tableaux
La bulle d’amour, ballet à grand spectacle en deux actes et dix tableaux; musique de Francis Thomé, créé le 11 mai 1898 au théâtre Marigny (Edité en 1898). (lien vers des coupures de presse sur Gallica).
Le ballet de Joséphine, opéra-comique à grand spectacle en trois actes et quatre tableaux, écrit avec Jules Méry, musique d’Alfred Kaiser, créé le 23 février 1902 au théâtre de la Gaîté
Madame Sganarelle, saynète-monologue, créée le 31 août 1891 au casino de Spa (Belgique)

Emissions radiophoniques pour en savoir plus :

Georges Feydeau, le maître du vaudeville, Ça peut pas faire de mal (France Inter) émission du samedi 8 décembre 2012 , sur le site de France Inter

Georges Feydeau à la radio, sélection d’adaptations radiophoniques à la distribution prestigieuse sur le site de l’INA

Les nouveaux chemins de la connaissance consacrés à La jalousie (4/4): Feydeau : « Ciel, mon mari ! » sur le site de France Culture

L’Hôtel du Libre-Echange de Feydeau et Desvallières

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Programme du Théâtre de la Gaîté en 1906 source Gallica

Pièce en trois actes de Georges Feydeau, écrite en collaboration avec Maurice Desvallières, représentée pour la première fois à Paris le 5 décembre 1894, au théâtre des Nouveautés.  Très vif succès : 371 représentations. Première édition en 1928.
Distribution : 10 hommes – 8 femmes

Pièce à télécharger  gratuitement sur Libre Théâtre.


L’argument

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Carte Postale – Théâtre de la Gaîté en 1906 (source Gallica)

Pinglet, entrepreneur en bâtiment marié à une femme acariâtre, est épris de l’épouse de son ami et associé, l’architecte Paillardin. Celui-ci devant s’absenter pour une expertise, madame Paillardin, lassée de la froideur de son mari, accepte le rendez-vous secret que lui fixe Pinglet. Les deux terminent leur soirée dans un « hôtel borgne », l’hôtel du Libre-Échange. Ce qu’ils ignorent, c’est que Paillardin s’y trouve également. L’hôtel est aussi le lieu de rendez-vous de la bonne de Pinglet et du neveu de Paillardin. Enfin, Mathieu, un ami de province descendu à Paris avec ses quatre filles, y loge lui aussi…

Sécurité et discrétion ! Hôtel du Libre Echange, 220, rue de Provence ! Recommandé aux gens mariés… ensemble ou séparément !…


Le succès d’un vaudeville particulièrement réussi

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Carte Postale – Théâtre de la Gaîté en 1906 (source Gallica)

Saluée par la critique, la pièce se joue 375 fois, jusqu’à la fin de 1895. Malgré ce triomphe, L’Hôtel du Libre-Échange ne sera publiée qu’en 1928, soit 7 ans après le décès de Georges Feydeau et 2 ans après celui de Maurice Desvallières.

Les décors et la mise en scène sont extrêmement complexes. Pour le deuxième acte, le décor est divisé en trois : à droite, une grande chambre à cinq lits, à gauche une petite chambre à un lit, au milieu, le palier du premier étage de l’hôtel avec son escalier. Les portes s’ouvrent, se referment. Neuf personnages se croisent, s’évitent et se rencontrent finalement. Les péripéties se succèdent. Il y a dans l’ensemble de la pièce 279 entrées et sorties !

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Carte Postale – Théâtre de la Gaîté en 1906 (source Gallica)

Chaque accessoire, décrit dans les didascalies et évoqué dans le texte, a son importance et sera utilisé dans le récit : le chapeau, le vilebrequin, la boule d’eau chaude, la robe puce, la clé… mais aussi la pluie et l’orage.

Tous les ingrédients du vaudeville sont réunis et habillement combinés, aussi bien les jeux de situation (péripétie, quiproquo, face-à-face impromptu, méprise) que les jeux au niveau de la langue : bégaiement de Mathieu ou répétition de l’expression « Quelle nuit, mon Dieu, quelle nuit ! », répétée par 5 personnages dans le troisième acte.


Mise en scène d’Alain Françon

A lire l’excellent dossier accompagnant la mise en scène d’Alain Françon, au Théâtre de la Colline avec Clovis Cornillac  sur le site du théâtre.

Voir aussi sur le site de l’INA, un extrait de cette mise en scène

Mise en scène d’Isabelle Nanty à la Comédie-Française (2017)

Dossier de presse à télécharger sur le site de la Comédie-Française


Vous pouvez explorer l’univers de Feydeau à travers les articles suivants :

– Le Théâtre de Georges Feydeau
– Biographie de Georges Feydeau
– Les ressorts comiques du langage chez Feydeau
– La politique dans les pièces de Feydeau
– Les progrès techniques dans les pièces de Feydeau
– Le vaudeville et Feydeau (à travers deux articles de Feydeau).

Le Philosophe sans le savoir de Sedaine

Le philosophe sans le savoir

Comédie en prose et en cinq actes. Cette pièce a été représentée pour la première fois le 2 novembre 1765 par les Comédiens Français ordinaires du Roy. Elle connut au départ des difficultés avec la censure,  du fait du sujet traité. Sedaine dut modifier le titre initial « le Duel », ainsi que quelques scènes.
Distribution : 9 hommes, 4 femmes
La pièce en téléchargement gratuit sur Libre Théâtre

L’argument.

Le riche négociant, Vanderk, marie sa fille. Le même jour, son fils doit se battre en duel contre un officier qui a traité tous les commerçants de fripons. Considérant que son père a été insulté, le fil provoque l’officier en duel. L’atmosphère de fête liée au mariage est assombri par la perspective de ce duel. La scène centrale de la pièce met en scène l’échange entre le père et le fils : le fils se demande si son père a réellement été insulté et s’il ne risque pas de tuer un innocent. Le père condamne le duel, « préjugé funeste » et « abus cruel du point d’honneur », mais il ne détourne pas son fils de son projet pour sauver son honneur.

La censure

Grimm dans sa Correspondance littéraire, philosophique et critique, mentionne ainsi l’épisode de la censure de la première version de la pièce :

« un duel conseillé par un père a mis toute la police en alarmes ; on a craint sans doute que, le lendemain de la représentation, tous les enfants ne demandassent l’aveu de leurs parents pour se couper la gorge ».

Une fois les modifications effectuées et une nouvelle représentation organisée pour les censeurs (et leurs femmes, Grimm mentionne que sans elles la pièce n’eût pas été représentée), l’autorisation est donnée.

L’accueil du public

« Médiocrement accueilli à la première représentation, il a toujours été accueilli de plus en plus aux suivantes : incessamment on en sera ivre… »

Grimm décrit la réaction de Diderot, enthousiaste dès la première représentation. Un extrait (c’est Diderot qui s’exprime):

« il faut vraiment que je sois honnête homme, car je sens vivement tout le mérite de cet ouvrage… et il n’y a personne au monde à qui elle dût faire plus de mal qu’à moi car cet homme me coupe l’herbe sous le pied ».

Un drame

Si la première édition mentionne qu’il s’agit d’une comédie en cinq actes et en prose, c’est bien d’un drame dont il s’agit. La pièce présente un parfait exemple du drame bourgeois tel que l’a défini Diderot : écrit en prose, fondé sur une représentation réaliste faisant l’éloge des négociants, de la vie familiale, du travail, du sentiment et de la morale. (voir aussi sur le drame bourgeois, la notice sur les Deux Amis de Beaumarchais).

Le philosophe

Estampe de Méhu et Villerey fils. 1810-1830
Semaine – Estampe de Méhu et Villerey fils. 1810-1830

Le personnage de Vanderk père, noble qui a dû se tourner vers le commerce par amour, n’est pas un homme de lettres ou un philosophe mais il incarne parfaitement les valeurs philosophiques du siècle des lumières : humanisme et souci d’égalité.

Sedaine explique à propos de la genèse de cette pièce :

« En 1765, m’étant trouvé à la première représentation des Philosophes* (mauvais méchant ouvrage en trois actes), je fus indigné de la manière dont étaient traités d’honnêtes hommes de lettres que je ne connaissais que par leurs écrits. Pour réconcilier le public avec l’idée du mot philosophe, que cette satire pouvait dégrader, je composai le Philosophe sans le savoir ».

*de Charles Palissot de Montenoy

Des maquettes de costumes datant de représentations de 1926 sont disponibles sur la base La Grange de la Comédie Française : costumes de Sophie, Victorine, Mme Vanderk, la Marquise.

Lien vers le théâtre de Sedaine

Thérèse Raquin d’Emile Zola

Drame en quatre actes, représenté pour la première fois à Paris sur le théâtre de la Renaissance, le 11 juillet 1873.  L’adaptation du roman par Émile Zola lui-même offre aux acteurs des rôles poignants et aux metteurs en scène un univers original, entre naturalisme et fantastique.
Distribution : 5 hommes, 3 femmes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

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Mariée à Camille, un homme souffreteux, Thérèse s’est prise de passion pour Laurent, un ami d’enfance de son époux. Les deux amants décident de supprimer le mari gênant, mais une fois le crime commis, ils sont hantés par le remords. Les deux complices sont poursuivis par le regard accusateur du portrait de Camille, que Laurent a peint autrefois. En outre la mère du défunt, frappée de paralysie et incapable de parler après avoir entendu fortuitement les aveux de sa belle-fille et de son nouvel époux, continue de vivre sous leur toit sans pouvoir dénoncer leur crime…

Le naturalisme au théâtre

Extrait de la préface rédigée par Emile Zola.

« C’est sous l’influence de ces idées que j’ai tiré un drame de Thérèse Raquin. Comme je l’ai dit, il y avait là un sujet, des personnages et un milieu, qui constituaient, selon moi, des éléments excellents pour la tentative que je rêvais. J’allais pouvoir faire une étude purement humaine, dégagée de tout intérêt étranger, allant droit à son but; l’action n’était plus dans une histoire quelconque, mais dans les combats intérieurs des personnages il n’y avait plus une logique de faits, mais une logique de sensations et de sentiments et le dénouement devenait un résultat arithmétique du problème posé. Alors, j’ai suivi le roman pas à pas j’ai enfermé le drame dans la même chambre, humide et noire, afin de ne rien lui ôter de son relief, ni de sa fatalité ; j’ai choisi des comparses sots et inutiles, pour mettre, sous les angoisses atroces de mes héros, la banalité de la vie de tous les jours; j’ai tenté de ramener continuellement la mise en scène aux occupations ordinaires de mes personnages, de façon à ce qu’ils ne « jouent » pas mais à ce qu’ils vivent » devant le public. »

Les conditions de la création

Extrait de Emile Zola, Notes d’un ami par Paul Alexis, Editions Charpentier, 1882, sur Gallica.

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Marie Laurent dans le rôle de Madame Raquin

Exécutée assez vite, la pièce était primitivement en cinq actes.

« M. Hostein, directeur de la Renaissance (…) était le seul directeur qui pût recevoir, et monter tout de suite, une œuvre osée, exceptionnelle, contenant une tentative littéraire. (…) Il ne se décida que lorsqu’une grande artiste, madame Marie Laurent, voulut bien prendre le rôle de « madame Raquin, » en se contentant d’appointements proportionnés aux recettes, c’est-à-dire problématiques. La saison était très avancée. Il fallait que Marie Laurent eût bien foi dans l’œuvre et dans son rôle.

— Ah ! soupirait-elle, que n’ai-je dix ans de moins !… Au lieu de faire madame Raquin, je ferais Thérèse, et je voudrais passionner tout Paris.

Le 11 juillet 1873, eut lieu la première. Une belle salle, pour la saison. La presse au grand complet, naturellement. L’impression de ces quatre actes, se passant dans la même chambre triste, fut très forte, très poignante. Certes, il n’y avait pas là un grand régal pour le public boulevardier des premières. Plus d’un gommeux, dans les couloirs, crut bon genre de trouver cela crevant. Plus d’une cocodette poussa de petits cris pudibonds. Mais, la part faite à ces dissidences inévitables, la salle entière resta saisie et palpitante devant ce drame si peu compliqué, mais si puissant, qui vous serrait le cœur comme une catastrophe personnelle.

— Moi, je suis malade ! Ce Zola me rend positivement malade ! disait ce soir-là dans les couloirs M. Sarcey, lui qui, au théâtre, veut s’amuser.

Une partie du public était donc très malade, si malade même qu’au commencement de la nuit de noces, on tenta quelques protestations, afin de réagir et d’échapper au cauchemar. Au moment où Thérèse ôte sa robe de mariée, la salle risqua quelques « hem ! hem ! » comme pour se persuader qu’il allait se passer des choses très risquées, ce qu’elle désirait sans doute. On feignit même de ne pas comprendre l’intention, banale à dessein, de quelques phrases sur la pluie et le beau temps, que Laurent et Thérèse échangent, une fois seuls, dans la chambre nuptiale. Mais plus fort que ces mauvais vouloirs et ces hypocrisies, le drame emporta bientôt tout, étreignant les cœurs et bouleversant les âmes. Je crois pouvoir constater, en témoin impartial, que la pièce, à deux doigts de sa chute, au commencement du troisième acte, se redressa tout à coup par un tour de reins, lors de cette minute critique, à partir de laquelle le succès définitivement obtenu ne fit que grandir.

Le succès de Thérèse Raquin fut sans lendemain. La critique se montra très dure pour le nouvel auteur ; on subissait les chaleurs caniculaires de juillet : la pièce ne fit pas d’argent. Au bout de neuf représentations, non seulement Thérèse Raquin disparut de l’affiche, mais la Renaissance ferma ses portes — pour ne les rouvrir qu’à l’hiver, et avec un genre nouveau, l’opérette ! »

Source des illustrations :  Oeuvres complètes illustrées de Émile Zola. 31, Editions Fasquelle (Paris).  Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 4-Y2-3550 (31) sur Gallica.

Pour en savoir plus :

Lien vers le Théâtre de Zola sur Libre Théâtre
Lien vers la Biographie de Zola sur Libre Théâtre
Lien vers le théâtre de Zola et le naturalisme sur Libre Théâtre


Publications aux Editions La Comédiathèque

Mariée à Camille, un homme souffreteux, Thérèse s’est prise de passion pour Laurent, un ami d’enfance de son époux. Les deux amants décident de supprimer le mari gênant, mais une fois le crime commis, ils sont hantés par le remords. Les deux complices sont poursuivis par le regard accusateur du portrait de Camille, que Laurent a peint autrefois. En outre la mère du défunt, frappée de paralysie et incapable de parler après avoir entendu fortuitement les aveux de sa belle-fille et de son nouvel époux, continue de vivre sous leur toit sans pouvoir dénoncer leur crime…
En adaptant son roman à succès au théâtre, Zola expérimente dans ce drame les principes du mouvement naturaliste.

Distribution : 5 hommes, 3 femmes
ISBN 978-2-3770-5102-1
Juillet 2017
85 pages ; 18 x 12 cm ; broché.

Disponible dans votre librairie ou sur les sites :

Le Faiseur (Mercadet) d’Honoré de Balzac

Mercadet

Comédie d’Honoré de Balzac en trois actes et en prose, écrite en 1840, créée en 1851.

La pièce Mercadet a été écrite en 1840 (sous le titre Le Faiseur), mais on ne manquera pas d’être frappé par l’étonnante résonance de ce texte illustrant les dérives de la bourgeoisie financière sous la Monarchie de Juillet : lancement de rumeurs, manipulation de l’information, spéculation, délit d’initié… Mercadet  utilise toutes ces ficelles pour duper ses créanciers et arrive à les convaincre de sa bonne fortune, même lorsqu’il se trouve au bord de la faillite. Les bons mots et les traits d’esprit rythment cette comédie économique où l’on perçoit aussi le talent de Balzac moraliste. 

Le lecteur ou le spectateur sera également surpris par le personnage de l’associé dont Mercadet ne cesse de parler et que l’on ne verra pas… Godeau ! (extrait de la scène 7 de l’acte I)


MME MERCADET
Je m’imagine toujours que Godeau peut revenir.
MERCADET
Après huit ans sans nouvelles, vous espérez encore Godeau !.. Vous me faites l’effet de ces vieux soldats qui attendent toujours Napoléon.

Godeau

Plus de cent ans avant Beckett, Balzac met en scène l’absence, qui n’est pas encore un vide existentiel, à travers le personnage de Godeau. Barthes y a consacré dans ses Essais critiques quelques pages éclairantes :

Le grand thème du Faiseur, c’est donc le vide. Ce vide est incarné : c’est Godeau, l’associé-fantôme qu’on attend toujours, qu’on ne voit jamais, et qui finit par créer la fortune à partir de son seul vide. Godeau est une invention hallucinante ; Godeau n’est pas une créature, c’est une absence, mais cette absence existe, parce que Godeau est une fonction : tout le nouveau monde est peut-être dans ce passage de l’être à l’acte, de l’objet à la fonction ; il n’est plus besoin que les choses existent, il suffit qu’elles fonctionnent ; ou plutôt, elles peuvent fonctionner sans exister. Balzac a vu la modernité qui s’annonçait, non plus comme le monde des biens et des personnes (catégories du Code napoléonien, mais comme celui des fonctions et des valeurs : ce qui existe, ce n’est plus ce qui est, c’est ce qui se tient. Dans Le Faiseur, tous les personnages sont vides (sauf les femmes), mais ils existent parce que, précisément, leur vide est contigu : ils se tiennent les uns par les autres. »

Une critique politique

Dans ce vaudeville, la critique politique n’est jamais très loin et Balzac dresse un portrait sans concession d’un arriviste :  le personnage De la Brive, une sorte de double de Mercadet, annonce ainsi son projet de devenir homme politique, après son mariage avec la fille de Mercadet. Nul doute que la lecture du passage de la scène 4 de l’acte II vous fera réagir…

Téléchargez le texte intégral sur Libre Théâtre

Quelques représentations remarquables

La pièce a fait l’objet d’une lecture par la Comédie-Française en 1848, sous le titre Le Faiseur.

Elle sera créée trois ans plus tard, en 1851, au Théâtre du Gymnase, sous le titre de Mercadet. La pièce est jouée pour la première fois à la Comédie Française en 1868.

En 1934, sous le titre Mercadet ou Le Faiseur, adaptée par Simone Jollivet, la pièce est montée par Charles Dullin qui joue le rôle-titre. Darius Milhaud compose la musique de scène.

Faiseur_FilmEn 1936, André Hugon réalise un film à partir de la pièce (informations complètes sur le site d’Unifrance et sur le site de Jacqueline Waechter).

En 1957, pour le TNP, Jean Vilar l’adapte, la met en scène et joue le rôle-titre (notice sur data.bnf.fr).

La pièce fait l’objet d’une adaptation pour la célèbre émission télévisée d’Au Théâtre ce soir, lors des fêtes de fin d’année en 1977
Lien vers l’adaptation sur le site de l’INA

En 2014, Emmanuel Demarcy-Mota met en scène la pièce au Théâtre de la Ville à Paris. Il en transpose l’action dans les années 1970 (Lien vers différentes émissions de France Inter où Emmanuel Demarcy-Mota évoque le texte et sa mise en scène).

"Le faiseur" de Balzac par la troupe des TrŽéteaux de France  Crédit photo : Eric Facon
« Le faiseur » de Balzac par la troupe des Tréteaux de France. Crédit photo : Eric Facon

La pièce était  à l’affiche au Théâtre de l’Épée de Bois, produite par les Tréteaux de France,  mise en scène de Robin Renucci. Lien vers la pièce à l’affiche

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