La période de confinement est l’occasion de faire du rangement, de classer ce qu’on a laissé s’entasser, chez soi ou sur son ordinateur. Le tri des photographies numériques ou argentiques, loin d’être fastidieux, procure beaucoup d’émotions, entre évasion et nostalgie. Cette activité fournit le prétexte d’explorer aujourd’hui l’utilisation des photographies dans le théâtre du XIXème et du début du XXème siècle.
Cette chronique a aussi été inspiré par une exposition virtuelle de la Bibliothèque nationale de France et par un documentaire diffusé sur Arte, tous deux consacrés à Nadar. Félix Nadar est très présent sur le site Libre Théâtre et nous permet d’illustrer les œuvres du XIXème siècle grâce à ses caricatures (Labiche, Pierrot Posthume de Théophile Gauthier) et bien sûr ses célèbres portraits photographiques, réalisés par lui-même, son frère ou son fils au sein de l’Atelier Nadar (George Sand, Emile Zola, Sarah Bernhardt…).
Eugène Labiche était un ami très proche de Nadar et il a utilisé les photographies comme accessoires dramatiques dans plusieurs pièces.
Célimare le bien aimé d’Eugène Labiche (1863)
Célimare, séducteur bourgeois et hypocrite de 47 ans, décide de se ranger en épousant Emma, une jeune fille qui a 18 ans. Mais les maris de ses anciennes conquêtes, Vernouillet et Bocardon, qu’il avait amadoués pour mieux les tromper, sont toujours sous son charme, et lui compliquent sérieusement et bien involontairement l’existence. Tout au long de la pièce, Vernouillet ne cesse d’offrir une photographie de lui : « J’ai fait faire ma photographie. (Il tire des porte-cartes de sa poche.) Et je n’ai point oublié ces dames… il y en aura pour tout le monde. »
Lien vers le texte intégral de la pièce sur Libre Théâtre
Le Cachemire X. B. T. d’Eugène Labiche et Eugène Nus (1870)
Lobligeois et Rotanger ont une belle boutique et une bonne enseigne : « Au Castor Laborieux ». Mais ils ne cessent de se disputer depuis qu’ils se sont mariés, et les épouses mettent de l’huile sur le feu… La dispute se concentre sur le cachemire X.B.T. dont personne ne veut : c’est un joli châle pour l’un, une horreur pour l’autre… La réconciliation se fera grâce à la photographie d’une femme.
Lien vers le texte intégral de la pièce
L’Amour de l’art d’Eugène Labiche (1877)
Antoine, le nouveau domestique de la Comtesse, est bien savant… La Comtesse est intriguée : elle redoute qu’il soit un voleur et demande des renseignements à son ancien employeur. Mais celui-ci lui envoie la photographie d’un autre.
Lien vers le texte intégral sur Libre Théâtre
La Lycéenne de Georges Feydeau (1887)
Monsieur et Madame Bichu veulent marier leur fille, Finette, lycéenne de 17 ans, à Saboulot, un professeur de physique de 47 ans. Finette refuse ce mariage : elle est amoureuse d’Apollon Bouvard, jeune peintre désargenté, qui s’introduit dans la maison de la jeune fille au moment de la signature du contrat de mariage. Apollon et Finette font tout pour empêcher cette signature : Finette est renvoyée au pensionnat, où elle provoque la révolte des lycéennes… Un vaudeville opérette dans lequel les jeunes filles prennent les armes et refusent les mariages arrangés…
« C’est curieux comme toutes les femmes se laissent prendre aux vers. Au fait, si, en post-scriptum, je lui demandais sa photographie. Sois gentille, belle chérie… Envoie-moi ta photographie… Tiens ! c’est encore en vers… et ils sont de moi, ceux-là. Photographie… Comment ça s’écrit photographie, pho-to-gra-phie combien d’h. Qui est-ce qui sait comment s’écrit photographie ? »
Lien vers le texte intégral de la pièce sur Libre Théâtre
Renée d’Émile Zola (1887)
Un drame qui a fait l’objet de nombreuses polémiques.
Renée est une jeune fille qui a été violée par un homme marié. La fidèle domestique de Renée fait croire à son père qu’elle a fauté avec un homme qu’elle se doit d’épouser. Aristide Saccard, qui a déjà un jeune fils, Maxime, un homme ambitieux mais sans aucun bien accepte de se prêter à ce jeu. conclut le marché avec Renée et son père, désespéré par cette situation. Nous les retrouvons dix ans après : Aristide Saccard a fait fructifier la dot de Renée et est devenu un bourgeois prospère. Renée reçoit beaucoup et a de somptueuses robes. Elle souffre toutefois d’un mal qui la ronge : elle découvre qu’elle est passionnément amoureuse de Maxime, le fils d’Aristide Saccard, qui doit prochainement se fiancer et lui a montré la photographie de sa promise.
Lien vers le texte intégral de la pièce sur Libre Théâtre
L’Etrangleuse de Tristan Bernard (1908)
La Comtesse est seule dans son château avec son vieux serviteur de 97 ans et sa servante, Florentine, qui s’avère être une étrangleuse, placée dans cette maison il y a six mois par la Société des Etrangleurs du grand Monde, pour dévaliser la Comtesse. Avec l’aide du Grand Bibi, elle tente de voler un coffret rempli de bijoux. Mais rien ne se passe comme prévu. Et à la dernière scène, une photographie renverse la situation.
Lien vers le texte intégral de la pièce sur Libre Théâtre
Photo de famille de Jean-Pierre Martinez (2006)
Deux frères et deux sœurs qui ne se voient plus guère se retrouvent une dernière fois dans la maison de vacances familiale pour la vendre, après le décès de leur mère. Mais les comptes qu’ils ont à régler ne sont pas seulement financiers…
Lien vers le texte intégral de la pièce sur Libre Théâtre
Et ailleurs
À propos de Nadar
Un excellent documentaire consacré à Nadar sur le site Arte (disponible jusqu’au 5 mai 2020)
Une superbe exposition de la BnF consacré aux Nadar, Les Nadar une légende photographique accessible en ligne (et un court reportage sur le site d’Arte )
Le théâtre se lit aussi ! En attendant que les théâtres ouvrent de nouveau leurs portes et que l’on se précipite tous ensemble dans les salles, petites et grandes, pour profiter du spectacle toujours vivant, Libre Théâtre vous propose chaque jour quelques idées de lecture : des pièces, souvent peu connues, décalées, dans des genres très différents, piochées sur notre site et accessibles comme toujours librement, ainsi que quelques pépites littéraires, cinématographiques ou télévisuelles, récoltées sur le web.
Tous les textes sur Libre Théâtre sont libres de droit de représentation, à l’exception des pièces de Jean-Pierre Martinez (accessibles librement à la lecture, mais soumises aux droits de représentation, gérés par la SACD).