Hernani de Victor Hugo

Drame en cinq actes et en vers représenté pour la première fois à la Comédie-Française le 25 février 1830 et publiée la même année.
Distribution: 16 hommes, 3 femmes
Texte intégral de la pièce à télécharger sur Libre Théâtre

L’argument

L’action principale se situe en Espagne en 1519.

ACTE I : LE ROI (Saragosse, une chambre à coucher au palais du duc Don Ruy Gomez de Silva, la nuit)

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Hernani. Les feux de la rampe. 1830. Source : BnF/Gallica

Le roi d’Espagne Don Carlos s’introduit la nuit dans la chambre de Doña Sol dont il est secrètement amoureux. Caché dans une armoire, il assiste à la rencontre entre Doña Sol et Hernani, un banni. Hernani, fils d’un homme décapité sur ordre du père de Don Carlos, s’est promis de venger son père. Doña Sol aime Hernani mais elle est fiancée à son oncle sexagénaire, Don Ruy Gomez de Silva.Don Carlos sort de sa cachette et les deux rivaux s’apprêtent à croiser le fer. Mais le vieux duc frappe à la porte. Don Ruy Gomez de Silva s’indigne en voyant deux hommes chez sa nièce. Le roi justifie sa présence et fait passer Hernani pour quelqu’un de sa suite. Le roi vient trouver Don Ruy Gomez car l’empereur Maximilien : doit-il se porter candidat au trône du Saint-Empire ?

Resté seul, Hernani  exprime sa haine et médite sa vengeance.

ACTE II : LE BANDIT (Saragosse, un patio du palais de Silva)

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M. Mounet-Sully – Mlle Sarah Bernhardt dans Hernani. Acte II. Scène IV : Hernani à dona Sol. Soyons heureux ! buvons, car la coupe est remplie, Car cette heure est à nous, et le reste est folie ! Parle-moi ! Ravis-moi ! n’est-ce pas qu’il est doux D’aimer et de savoir qu’on vous aime à genoux ? : [estampe] / Dessin de M. Ferdinandus ; V. Stablo. 1877. Source : BnF/Gallica
Le lendemain, à minuit, dans une cour du palais de Don Ruy, Don Carlos se rend sous la fenêtre de Doña Sol. Il souhaite enlever la jeune fille avant Hernani. Trompée par l’obscurité, Doña Sol le rejoint. C’est alors que surgit Hernani. Il propose un duel au roi, qui refuse car il le croit roturier. Hernani laisse la vie sauve au roi. Restés seuls, Hernani et Doña Sol échangent quelques mots d’amour. Mais l’armée du roi est déjà à sa poursuite. Hernani quitte Doña Sol et part rejoindre sa troupe.

ACTE III : LE VIEILLARD (Le château de Silva, dans les montagnes d’Aragon)

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Comédie-Française. Hernani. Acte III. Scène VI : Don Ruy Gomez, à don Carlos …J’ai promis l’une ou l’autre. N’est-il pas vrai, vous tous ? Je donne celle-ci ; Prenez-la : [estampe] / Dessin de M. Brun ; gravure de M. Dutheil 1877. Source : BnF/Gallica
Quelques semaines plus tard, dans la grande salle du château du duc de Silva, dans les montagnes, le vieux duc Don Ruy Gomez de Silva va épouser Doña Sol, sa jeune nièce. Le jour des noces, un pèlerin frappe à la porte du château de Silva.

Découvrant Doña Sol en tenue de mariée, le pèlerin déchire son habit et déclare son identité : « je suis Hernani ».
La tête d’Hernani est mise à prix, mais la loi de l’hospitalité étant sacrée, Don Ruy Gomez de Silva fait barricader le château De Silva et décide de le protéger.

Hernani et Doña Sol restent seuls et dissipent tout malentendu. La jeune femme lui montre le poignard qu’elle a dérobé au roi. Hernani et Doña Sol échangent des mots d’amour et s’enlacent. C’est alors que surgit Don Ruy Gomez qui a des mots très durs sur l’attitude d’Hernani mais, au nom de l’honneur, il se refuse toujours à trahir son hôte. C’est alors que les trompettes annoncent l’arrivée du roi. Don Ruy Gomez cache Hernani dans une cachette que seul lui connait, derrière son portrait.

Le roi pénètre dans le château et est furieux d’apprendre que Don Ruy Gomez cache Hernani. Il lui propose le choix : ou Don Ruy accepte de livrer Hernani ou il sera tué. Le duc hésite, mais finalement refuse de livrer Hernani. Le Roi décide d’ enlever Doña Sol. Après son départ, Don Ruy Gomez et Hernani complotent pour tuer le roi. Hernani offre son bras et sa vie à Don Ruy Gomez.

ACTE IV : LE TOMBEAU (Aix-la-Chapelle, dans le tombeau de Charlemagne)

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Hernani : esquisse de décor de l’acte IV, par le décorateur Léger. 1830. Source : BnF/ Gallica

Deux mois plus tard, en juin 1519, à Aix-la-Chapelle, Don Carlos attend les résultats de l’élection impériale tout en déjouant un complot : parmi les conjurés se trouvent Don Ruy Gomez et Hernani ; ce dernier, désigné pour assassiner le roi, refuse de laisser sa place à Don Ruy Gomez, qui lui propose pourtant de rompre le pacte. Élu empereur (Charles Quint), Don Carlos pardonne aux conjurés et annonce le mariage de Doña Sol avec Hernani, qui révèle sa véritable identité (car il est noble mais né en exil) qui est celle de Jean d’Aragon et abandonne son idée de vengeance.

ACTE V : LA NOCE (Saragosse, sur une terrasse du palais d’Aragon)

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Ne le réveillez pas, Seigneur duc de Mendoce (Hernani, acte 5) : estampe 1839. Source : BnF/Gallica

Quelques semaines après, à Saragosse dans le palais d’Hernani, redevenu Don Juan d’Aragon, les noces de Doña Sol et d’Hernani ont lieu ; mais Don Ruy Gomez, implacable, vient exiger le respect du pacte fatal ; Doña Sol s’empoisonne, imitée par Hernani. Don Ruy Gomez se poignarde alors sur leurs corps.


Pour aller plus loin

La bataille d’Hernani

Jean-Jacques Grandville - Les Romains échevelés à la première représentation d'Hernani Domaine public via Wikimedia Commons
Jean-Jacques Grandville – Les Romains échevelés à la première représentation d’Hernani
Domaine public via Wikimedia Commons

La pièce est accepté par le Comité de la Comédie-Française, même si le rapport de censure rédige un rapport sévère : « Cette pièce abonde en inconvenances de toutes natures. …Toutefois, malgré tant de vices capitaux, nous sommes d’avis que, non seulement il n’y a aucun inconvénient à autoriser la représentation de cette pièce, mais qu’il est d’une sage politique de n’en pas retrancher un seul mot. Il est bon que le public voie jusqu’à quel point d’égarement peut aller l’esprit humain affranchi de toute règle et de toute bienséance. »

La première représentation, le 25 février 1830 à la Comédie-Française attire un grand nombre d’opposants : la pièce, qui ne respecte pas les règles de la dramaturgie classique et menace de s’attirer les foudres du pouvoir en place : la monarchie vient d’être restaurée avec l’avènement de Charles X et Hugo ne cache pas sa fascination pour Napoléon – qu’on peut reconnaître à travers le personnage de Don Carlos. Les partisans de Victor Hugo, les jeunes artistes romantiques mais aussi Balzac, Nerval, Dumas, Berlioz et Gautier sont là et acclament la pièce, étouffant toute critique.

La « bataille d’Hernani » se mène ainsi sur deux fronts : esthétique et politique. Elle devient le symbole d’un conflit historique entre réactionnaires et modernes et fait du romantisme un mouvement contestataire. Cette querelle, où les quolibets et les sifflets des détracteurs se mêlent aux applaudissements à tout rompre des partisans, reste dans l’histoire des arts et des lettres comme le temps du triomphe de l’école romantique, porteuse de nouvelles formes et capable, grâce au génie poétique, de participer au progrès des idées.

Théophile Gautier, éd. posthume de ses articles, Histoire du romantisme (sur wikisource)

«Ce n’était pas les Huns d’Attila qui campaient devant le Théâtre-Français, malpropres, farouches, hérissés, stupides ; mais bien les chevaliers de l’avenir, les champions de l’idée, les défenseurs de l’art libre ; et ils étaient beaux, libres et jeunes. Oui, ils avaient des cheveux – on ne peut naître avec des perruques – et ils en avaient beaucoup qui retombaient en boucles souples et brillantes, car ils étaient bien peignés. Quelques-uns portaient de fines moustaches, et quelques autres des barbes entières. Cela est vrai, mais cela seyait fort bien à leurs têtes spirituelles, hardies et fières, que les maîtres de la Renaissance eussent aimé à prendre pour modèles.
Ces brigands de la pensée, l’expression est de Philothée O’Neddy, ne ressemblaient pas à de parfaits notaires, il faut l’avouer, mais leurs costumes où régnaient la fantaisie du goût individuel et le juste sentiment de la couleur, prêtaient davantage à la peinture. (…) Même le feutre mou et la vareuse des plus jeunes rapins qui n’étaient pas encore assez riches pour réaliser leurs rêves de costume à la Rubens et à la Velasquez, étaient plus élégants à coup sûr que le chapeau en tuyau de poêle et le vieil habit à plis cassés des anciens habitués de la Comédie-Française, horripilés par l’invasion de ces jeunes barbares shakespeariens. […]

L’orchestre et le balcon étaient pavés de crânes académiques et classiques. Une rumeur d’orage grondait sourdement dans la salle ; il était temps que la toile se levât ; on en serait peut-être venu aux mains avant la pièce, tant l’animosité était grande de part et d’autre. Enfin les trois coups retentirent. Le rideau se replia lentement sur lui-même, et l’on vit, dans une chambre à coucher du seizième siècle, éclairée par une petite lampe, doña Josefa Duarte, vieille en noir, avec le corps de sa jupe cousu de jais, à la mode d’Isabelle la Catholique, écoutant les coups que doit frapper à la porte secrète un galant attendu par sa maîtresse :
Serait-ce déjà lui ? … C’est bien à l’escalier
Dérobé.
La querelle était déjà engagée. Ce mot rejeté sans façon à l’autre vers, cet enjambement audacieux, impertinent même, semblait un spadassin de profession, un Saltabadil, un Scoronconcolo allant donner une pichenette sur le nez du classicisme pour le provoquer en duel. [ …]
Malgré la terreur qu’inspirait la bande d’Hugo répandue par petites escouades et facilement reconnaissable à ses ajustements excentriques et à ses airs féroces, bourdonnait dans la salle cette sourde rumeur des foules agitées, qu’on ne comprime pas plus que celle de la mer. La passion qu’une salle contient se dégage toujours et se révèle par des signes irrécusables. Il suffisait de jeter les yeux sur ce public pour se convaincre qu’il ne s’agissait pas là d’une représentation ordinaire ; que deux systèmes, deux armées, deux civilisations même – ce n’est pas trop dire – étaient en présence, se haïssant cordialement, comme on se hait dans les haines littéraires, ne demandant que la bataille, et prêts à fondre l’un sur l’autre. L’attitude générale était hostile, les coudes se faisaient anguleux, la querelle n’attendait pour jaillir que le moindre contact, et il n’était pas difficile de voir que ce jeune homme à longs cheveux trouvait ce monsieur à face bien rasée désastreusement crétin et ne lui cacherait pas longtemps cette opinion particulière. »

Autour des mises en scène

Mise en scène Nicolas Lormeau en 2013 à la Comédie-Française : dossier de presse

Mise en scène de Christine Berg en 2012 : comédie de Reims, dossier pédagogique,  Collège au théâtre, fiche pédagogique n°9.

Mise en scène de Christian Schiaretti au TNP de Villeurbanne en 2002 : lien vers le dossier pédagogique

Mise en scène par Antoine Vitez à Chaillot en 1985, interview du metteur en scène et extraits du spectacle. sur le site de l’INA, interview sur le site de l’INA

Version télévisée réalisée par Jean Kerchbron en 1961  sur le site de l’INA

Etudes

Claude MILLET(dir.), Hernani – Ruy Blas A la foule, aux femmes, aux penseurs. Actes de la journée d’études du 29 novembre 2008
Ludmila CHARLES-WURTZ, L’anti-théâtre: le lyrisme dans Hernani et Ruy Blas format doc / format pdf
Pierre LAFORGUE, Politique d’Hernani format doc / format pdf
Pierre LAFORGUE, Hernani/Ruy Blas, d’une préface l’autre  format doc / format pdf
Franck LAURENT, Politique et apolitique: la question du privé dans Hernani et Ruy Blas format doc / format pdf
Roxane MARTIN, Hernani : un mélodrame ? – Analyse comparative de la fonction dramatique de la musique de scène format doc / format pdf
Claude MILLET, HernaniRuy Blas et les complications du pathétiqueformat doc / format pdf/
Florence NAUGRETTE, Des forces qui vont: le retour du refoulé dans Hernani et Ruy Blas format doc / format pdf
Yvette PARENT, Le mot «peuple» dans Hernani et dans Ruy Blas format doc / format pdf
Sylvie VIELLEDENT, Les parodies d’Hernani format doc / format pdf

 

Les grands interprètes d’Hernani

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53082050f
M. Mounet Sully dans Hernani. Photographie, tirage de démonstration / [Atelier Nadar]. 1877. source : BnF/Gallica

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53124913n
Sarah Bernhardt. Porte St-Martin. « Hernani » : [photographie, tirage de démonstration] / [Atelier Nadar]. 1877. Source : BnF/Gallica

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53049862z/
Charles le Bargy dans « Hernani », de Victor Hugo / dessin de Yves Marevéry. 1906. Source : BnF/Gallica


Les caricatures

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8437942h
Je crèverai dans l’oeuf ta panse impériale. Sublime d’Hernani plat romantique : [estampe] / Lith. de Langlumé 1830. Source : BnF/Gallica

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8437944b
Hernani au théâtre français. Paraissez, nobles castillans, et que le cor d’Hernani sonne le réveil de l’art théâtral : [estampe] / Hadol [sig.] . 1867. Source : BnF/Gallica

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8437943x
Hernani. Estampe par Pescheux 1830. Source : BnF/Gallica


Quelques costumes

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90067381
Hernani, drame de Victor Hugo : costume de Mademoiselle Mars (Doña Sol) / gravé par Maleuvre. 1830. Source : BnF/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9006690n
Hernani, drame de Victor Hugo : costume de Louise Allan-Despreaux (Iaquez) / gravé par Maleuvre. 1830. Source : BnF/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8406126h/f8
Hernani, drame de Victor Hugo : défets de presse 1830. Source : Bnf/Gallica


Manuscrit autographe

Source : BnF/Gallica

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