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La Compagnie toulonnaise Hors Surface proposait en accès libre le 13 mars sur la grande scène de La Scala Provence une sortie de résidence, étape de travail pour la création de son spectacle « Face aux murs », mêlant acrobatie et poésie visuelle au service d’un propos résumé dans le titre : la difficulté des hommes à s’inscrire dans une société où l’exclusion du plus grand nombre est devenue la règle. À partir de deux trampolines disposés de part et d’autre d’une cage centrale, jouant avec les trois dimensions pour en ajouter d’autres jusqu’à nous faire perdre la notion de l’espace, du temps et tout simplement du réel (ce que l’on voit en double, ce que l’on ne voit qu’à moitié, ce que l’on ne voit pas du tout), ces voltigeurs de l’extrême ont offert au public avignonnais, venu en nombre et en famille, un spectacle d’une incroyable intensité. Avec un engagement total et une grande générosité. Merci à eux, et merci à La Scala Provence pour ce cadeau. Au vu de la qualité de cette étape de travail, on a hâte de voir le spectacle abouti lorsqu’il sera proposé au public dans quelques mois. À ne manquer sous aucun prétexte. Déjà un coup de cœur de Libre Théâtre. Critique de Jean-Pierre Martinez

Les heureux spectateurs présents à l’Opéra Grand Avignon le 10 mars 2024 se rappelleront longtemps l’émotion ressentie lors de la représentation d’Atys. Nul doute qu'ils auront aussi conscience d’avoir vécu un moment historique, avec la renaissance de ce chef d’œuvre, interprété par des artistes d’exception. C’est en effet à Avignon qu’a été révélée pour la première fois cette nouvelle version d’Atys, fruit de nombreuses années de recherches et d’études musicologiques, sous la direction musicale d’Alexis Kossenko, réunissant Les Ambassadeurs ~ La Grande Ecurie et le Centre de musique baroque de Versailles.

On connaît la célèbre tirade de Perdican dans "On ne badine pas avec l'amour" de Musset, par laquelle le jeune homme prétend convaincre sa bien-aimée de renoncer à entrer au couvent, et de prendre malgré tout le risque de vivre, en pariant sur la possibilité d'un amour pur sur une Terre décrite comme un cloaque. C'est l'une des plus belles et des plus tragiques odes à la vie, et c'est aussi le propos de cette pièce poignante écrite et mise en scène par Cliff Paillé : un hommage à cette jeunesse d'aujourd'hui qui, entre pessimisme absolu et totale insouciance, a le courage de choisir la vie, dans un monde semblant plus que jamais courir à sa perte.

Dans une société où l'impossible quête de la conformité à une norme est devenue une impitoyable tyrannie, il était plus que nécessaire de faire l'éloge de la singularité et de la fragilité. C'est ce que nous propose ce magnifique spectacle, mettant en scène quelques jeunes gens qui, en nous racontant avec poésie et humour leurs différences que la société leur renvoie en son miroir comme des handicaps, nous apprennent à apprivoiser nos propres singularités et nos propres faiblesses pour en faire si ce n'est des alliées du moins des compagnons de route.

Un vagabond arrive dans un village où il trouvera asile. Malgré cette chaleureuse hospitalité, cependant, cette âme en peine sera rattrapée par ses démons. Ainsi pourrait-on résumer l'intrigue du dernier jour de Pierre, défini par la compagnie elle-même comme une poétique du désespoir. Imaginé par Baptiste Zsilina, assisté par de nombreux autres membres de cette compagnie avignonnaise, ce spectacle de marionnettes, sans parole, constitue une expérience sensorielle et émotionnelle unique, dans la lignée des précédentes créations de la Compagnie Deraïdenz (Les souffrances de Job, InKarnè ou Byba Youv) qui, en convoquant des univers très singuliers et des sujets très forts, ont durablement marqué tous les spectateurs. L’aspect serein et lumineux des décors et des marionnettes, rappelant l’univers hivernal des santons de Provence, contraste avec l’univers sombre et torturé constituant la marque de fabrique de la Compagnie Deraïdenz, prenant toujours un malin plaisir à nous faire peur pour nous faire réfléchir, en nous donnant à voir la « matière noire » qui nous entoure… On s’attendait donc à ce que ce conte sans histoire tourne au cauchemar. Et ce fut bien le cas avec le surgissement saisissant des « brèches noires » dans ce paysage lumineux exhalant déjà une infinie tristesse.

Actualité du répertoire de Jean-Pierre Martinez

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