Premier en anglais de Georges Courteline

Texte établi par Libre Théâtre à partir de l’édition Coco, Coco et Toto Albin Michel, Paris, 1905 (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k66297d)
Saynète pour deux enfants.
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Texte intégral

Toto.

– Moi, comme j’ai été le premier en anglais. maman a dit comme ça « Comme cet enfant, qu’elle a dit, a été le premier en anglais, pendant les vacances de Pâques, on le mènera voir la comédie puisqu’il a été le premier en anglais. »

– Ah !

– Oui. Alors papa est allé louer des places. Ça fait qu’il a rentré mardi en disant « Je viens de louer des places » – « Pour où que tu as loué des places ? » qu’a dit maman. Papa a dit qu’il avait loué des places pour aller au Théâtre-Français voir jouer Le Supplice d’une femme. Alors, maman s’a fichu en colère ; elle a dit que papa était un imbécile et qu’il ne faisait que des bêtises.

– Ah ?

– Oui. Elle criait : « Est-ce que tu perds la tête, de mener cet enfant à une pièce pareille ? Tu veux donc lui donner des mauvaises idées ? » Et papa baissait le nez parce qu’il ne savait pas quoi répondre. A la fin, maman a dit que papa ne savait pas ce qu’il faisait, mais quelle aimait encore mieux que j’aie de mauvaises idées que de laisser perdre des places qui avaient coûté vingt-cinq francs. Alors on a été tout de même voir jouer Le Supplice d’une femme.

– Ah !

– Oui. En voilà une pièce qu’est bête !…mon vieux, on n’y comprend rien. C’est rien que des gens qui parlent à tort et à travers et qui disent tout ce qui leur passe par la tête. T’as jamais rien vu de plus bête. Et tout le temps maman me disait : « N’écoute pas ce qu’ils disent, Toto : c’est des mensonges » ; et elle disait à papa « II faut être aussi fou que tu l’es pour avoir amené cet enfant à une pièce aussi immorale. » A la fin, on a rentré et maman a dit comme ça : « Je ne veux pas que cet enfant reste sous le coup de mauvaises idées ; demain soir, on ira voir jouer La Chatte Blanche. »

– Ah ?

– Oui. Ça fait que le lendemain on a été au Châtelet. Mon vieux, c’est ça qui est rupin ! Pour sûr. alors, c’est rupin !… Si tu savais !… (Les yeux hors de la tête.) Mon vieux, il y a des dames toutes nues !…c’est joli !… On voit tous leurs estomacs. A un moment, y en a qui dansent ; des fois elle relèvent leurs jupes et elles font voir leurs derrières. Tu ne peux pas te faire une idée comme c’est chic !… Cré nom, j’ai rudement rigolé ! Maman aussi. Tout le temps elle disait « Tu t’amuses, Toto ? » et elle disait à papa « Hein ? Voilà un vrai spectacle à faire voir à des enfants. Au moins, ça ne leur donne pas de mauvaises idées! » Je serais toi, je dirais à ta mère de te mener voir La Chatte Blanche. C’est pas comme Le Supplice d’une femme où on ne sait pas ce que ça veut dire. On comprend, mon vieux !… On comprend…

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1158111d
Illustration de Barrère de l’édition de 1910. Source : BnF/Gallica

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