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Les dernières recommandations de Libre Théâtre
Rusalka d’Antonín Dvořák à l’Opéra Grand Avignon
L’Opéra du Grand Avignon parvient une nouvelle fois à nous surprendre. L’œuvre choisie pour l’ouverture de la saison était le superbe opéra de Dvorak, Rusalka, rarement représenté sur les scènes françaises. S’inspirant du conte d’Andersen, le récit met en scène une jeune sirène qui souhaite échapper à la fois à son père et à la loi de la nature, et aspire à devenir humaine afin de vivre un amour interdit avec un prince. La surprise de la mise en scène est de taille puisque l’histoire est transposée dans une piscine olympique, les sœurs de Rusalka sont des sportives en natation synchronisée et l’Esprit du Lac a des faux airs d’un entraîneur de natation bien connu. Les metteurs en scène Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil réussissent la prouesse de reconstituer une piscine sur une scène d’opéra et mêlent avec brio des vidéos d’espaces naturels souvent oppressants à d'autres mettant en valeur l’architecture spectaculaire du Stade Nautique d’Avignon. Le choix de cette adaptation n’est pas innocent. Le livret de Jaroslav Kvapil aborde de manière poignante le thème de l’oppression des femmes et singulièrement des jeunes filles.
BLACKSTAR : L’humaine quête éternelle d’un impossible rêve
Le Théâtre du Balcon ouvrait hier sa saison théâtrale avec un Objet (théâtral) Volant Non Identifié : Blackstar un spectacle multivectoriel et multisensoriel en forme d’enquête sur les traces de deux étoiles filantes, Saint-Exupéry et David Bowie, deux artistes aux parcours fulgurants qui chacun à leur manière, tel Icare, brûlèrent leurs ailes et leurs vies dans la quête de cette inaccessible étoile chantée aussi par Jacques Brel. Le titre de ce spectacle, Blackstar, résume en lui même par un oxymore la dimension mythique de cette quête éternelle par l’Homme d’un idéal qui le dépasse. L’Étoile Noire n’a pas la clarté de l’Étoile du Berger. Elle n’est pas destinée à guider les troupeaux, mais à indiquer à chacun qu’un destin particulier lui est réservé dans l’obscurité des cieux.
Océano Dúo en concert au Rouge Gorge
Le Rouge Gorge lançait ce samedi 23 septembre sa première saison musicale avec le concert exceptionnel d'un duo venu d'Argentine : Océano Dúo. Une parenthèse enchantée pendant laquelle Silvana Turco (à la flûte traversière et à la quena) et Sebastián Pérez (à la guitare et au chant) ont convié leur auditoire à un voyage aux confins de l'Argentine et du Brésil, en alternant musiques traditionnelles et compositions personnelles. Sans oublier cette touche d'improvisation qui rend unique chacun de leur spectacle. En tournée dans toute l'Europe, ce couple (à la scène comme à la ville) très attachant donnait à Avignon son dernier concert avant de regagner Buenos Aires.
Reconversion par la Compagnie des Barriques
L’usine Plastac va fermer. Cette délocalisation, motivée par de cyniques raisons de rentabilité, poussera vers le chômage des centaines d’employés. Face à cette injustice, trois amis, une ouvrière, un artisan et un prof, basculent sur un coup de tête dans la radicalité politique, en enlevant le journaliste qui, à la télé, défend systématiquement le point de vue de la direction. Avec cette sympathique comédie à la Ken Loach, la Compagnie des Barriques parvient à éviter toutes les caricatures qu’un tel sujet auraient pu susciter. Ici, pas de misérabilisme, de discours militant ou de leçon de morale. On vit surtout cette aventure rocambolesque au plus près de ces trois pieds-nickelés du terrorisme politique, et même de leur otage qui finira par se rallier à leur cause tout en condamnant les moyens utilisés. Le message humaniste, cependant, est clair. Nous vivons dans une société profondément inégalitaire, dans laquelle la richesse des uns résulte directement de la misère des autres. Point n’est besoin d’être marxiste pour le constater. Tout le monde le sait, mais les plus privilégiés d’entre nous excusent leur passivité en rendant responsable de cette situation un système qui s’imposerait à tous, pour le meilleur et hélas souvent pour le pire. Cette pièce habilement écrite est défendue par trois comédiens au jeu très réaliste, presque cinématographique. Cependant la mise en scène, brillante, apporte une dimension visuelle et sonore qui font de cette proposition un véritable spectacle théâtral. Derrière le drame, par ailleurs, l’humour n’est jamais loin. Cette comédie ne changera pas le monde cruel qui nous entoure, mais elle contribuera peut-être à changer un peu le regard que nous portons sur lui, et à considérer avec un peu plus d’empathie ceux qui souffrent vraiment des injustices sociales. Un spectacle à ne pas manquer.
Barbaro par la Dusan Hegli Company
Les populismes identitaires font généralement peu de cas de la culture. Sauf à convoquer un folklore ancien pour exalter les traditions nationales. La création contemporaine et multiculturelle, pour sa part, est délaissée, quand elle n'est pas tout simplement censurée par ces partis politiques d'extrême-droite, souvent élus démocratiquement, mais rétrogrades et réactionnaires. Ce mouvement de repli sur soi est hélas à l'œuvre un peu partout dans le monde, y compris en Europe, et jusque dans notre propre pays. S’emparant à bras le corps de cette problématique très actuelle, la compagnie Dusan Hégli nous propose un spectacle qui, en convoquant à la fois le théâtre, la musique et la danse, prend à revers cette politique culturelle délétère qui voudrait faire de la légitime célébration des traditions une négation de toute invention et de toute évolution. Au départ, il y a le texte puissant de Samuel Beckett, Catastrophe. Écrite en 1982 et créée au Festival d'Avignon la même année, cette pièce est un hommage au dramaturge tchèque Václav Havel, alors emprisonné. Lajos Parti Nagy s’inspire de ce texte pour en densifier le propos. Sous la seule forme d'une voix off, il présentifie sur le plateau et dans la salle un metteur en scène à la fois démiurge et tyran, d'autant plus terrifiant qu'on ne voit de lui que ses mains, en vidéo. Cette sorte de Big Brother s’adresse directement aux neuf danseurs, héritiers de la tradition folklorique d’Europe centrale, pour les diriger, mais surtout pour les dominer et leur imposer sa vision totalitaire. La force de cette proposition est précisément de célébrer ces danses traditionnelles, exécutées à la perfection par des danseurs d'exception, pour dénoncer la célébration du passé lorsqu'elle se veut une négation de l'avenir. La partition musicale de ce spectacle est jouée en direct par un quatuor remarquable, qui fascine par son habileté à mêler mélodies folkloriques, œuvres de Béla Bartok et créations originales. En arrière plan, un mur de vidéos évoque toutes les formes du totalitarisme, de manière symbolique ou réaliste. Un spectacle à la fois magnifique dans sa forme et essentiel dans son propos. Un coup de cœur de Libre Théâtre