L’Accord parfait de Tristan Bernard et Michel Corday

Comédie en trois actes et en prose, représentée pour la première fois sur la scène du Théâtre Fémina, le 25 novembre 1911. Retraitement par Libre Théâtre à partir de l’édition de La Petite Illustration théâtrale du 17 février 1912.
Distribution : 4 hommes, 3 femmes
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L’argument

L’accord parfait propose une version moderne du triangle amoureux, multipliant les situations inattendues et les pieds de nez à la morale bourgeoise et hypocrite. Les arrangements entre le mari, la femme et l’amant sont présentés avec un grand naturel et une sensibilité délicate.  L’ironie mordante de cette comédie de mœurs traverse les âges et séduit encore aujourd’hui.

Présentation par les auteurs

«  L’Accord parfait est une comédie de mœurs ironique. (…) Il y a peut-être des gens qui vont trouver notre pièce immorale, et il y en a d’autres sans doute qui vont la trouver très morale. À défaut de la Moralité, avec un grand M, je crois qu’on rencontrera beaucoup de petites moralités. Nous avons mis en scène des êtres un peu spéciaux, moins exceptionnels qu’ils n’en ont l’air, plus généraux, en tout cas, qu’ils ne le croient eux-mêmes. Car, au fond, c’est une vérité assez vieille que de dire que les hommes se ressemblent beaucoup. Si, depuis pas mal de temps, les hommes appellent d’autres hommes leurs semblables, c’est qu’il y a peut-être à cela une petite raison… Nous pensons que parmi les tâches diverses de l’écrivain, une des plus intéressantes est de montrer comment des êtres soi-disant exceptionnels se rattachent toujours à l’humanité. »

La critique au moment de la création

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9804248h/f13.item
Source : Gallica/Bnf

Léon Blum déclare, dans Comœdia, que cette œuvre, comique en apparence, pleine de mots et de traits d’un humour charmant ou profond, est si hardie dans son fond, et pose avec une sereine tranquillité des idées si graves qu’il n’a pu l’écouter sans une sorte de frisson : « On n’y prend pas garde, tant la pièce est agréable et heureuse, tant les personnages sont faciles et nonchalants, tant MM. Tristan Bernard et Michel Corday ont apporté de tact et d’apparente insouciance à voiler leurs hardiesses très volontaires. Mais cependant, ce qui est dit reste dit, et je ne crois pas que jamais on ait fait accepter au public rien de plus audacieux. »

Adolphe Brisson, dans le Temps : « L’anarchisme indolent et souriant de M. Tristan Bernard – et M. Brisson prie M. Michel Corday de prendre pour lui la moitié des observations et des compliments que, pour plus de commodité, il adresse au seul Tristan Bernard – cet anarchisme s’y épanouit avec une sorte de sérénité. Il semble que le délicieux écrivain se dise : les vérités contenues dans mon ouvrage sont désormais établies ; elles ont la force de l’évidence et presque la banalité du lieu commun ; il est superflu d’y insister. Jamais M. Tristan Bernard ne s’était montré si affirmatif tout ensemble et si paisible, n’avait enveloppé de formes plus aimables son nihilisme agressif. Car ne vous y trompez pas, cet auteur nonchalant de qui la grâce nous charme et la gaieté nous ravit, a des idées violentes. Traditions séculaires, principes ou préjugés de notre vieille morale, conventions ayant pour but de maintenir l’ordre social, toutes ces choses que de furieux coups de bélier n’ont pas ébranlées, le flegme de M. Tristan Bernard les énerve, les dissout, les détruit. Rien n’est plus curieux qu’un travail de désagrégation si énergique et poursuivi par des moyens en apparence si inoffensifs. On ne se méfie pas. La comédie s’intitule l’Accord parfait. Ce pourrait être le titre d’une estampe galante de Fragonard. C’est, en effet, fort galant, mais nous allons voir de quelle façon, et tout ce que recouvrent ces légèretés, ces gentillesses, ces ironies. Il y a là une audace tranquille, très symptomatique, très « moderne. »

M. Adolphe Brisson, s’étant livré à l’analyse de ces trois actes, conclut : « Une impression singulière se dégage de ce dialogue dont la hardiesse souriante et paisible eût soulevé jadis des orages. Vous figurez-vous la stupeur du public de 1865, ou de 1875, ou de 1880…, si on le lui avait offert ? L’indifférence amusée des spectateurs de 1911 indique l’étape parcourue, l’évolution accomplie. Ils n’éprouvent pas le besoin de s’insurger. Leur attitude est d’autant plus significative qu’ils sentent bien que l’exposé de ces principes, de ce traité conclu entre le mari, la femme et l’amant, que cette réglementation méthodique et si l’on peut dire familiale de l’adultère, que ces choses ne sont nullement paradoxales dans l’intention des auteurs, que ceux-ci ne blaguent pas, ne bluffent pas, qu’ils ne soutiennent pas une gageure, mais expriment sincèrement, et sans hypocrisie, ce qu’ils pensent. »

Edmond Sée, dans Gil Blas, juge cette petite comédie tendre cyniquement, comiquement émouvante.

Edition de la pièce par Libre Théâtre.

L’édition contient également la postface de Gaston Sorbets parue dans La Petite Illustration théâtrale, en 1912. Il  rapporte les conditions dans lesquelles les deux auteurs ont composé ces trois actes et détaille les réactions de la presse lors de la création de la pièce.


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