La Nouvelle Idole de François de Curel

Pièce en trois actes, représentée pour la première fois à Paris, au Théâtre Antoine, le 11 mars 1899. Représentée à la Comédie-Française le 26 juin 1914.
Distribution : 4 hommes, 4 femmes
Retraitement par Libre Théâtre à partir de l’édition du Théâtre complet de Françoise de Curel (tome 3) : textes remaniés par l’auteur avec l’historique de chaque pièce, suivi des souvenirs de l’auteur. (Source : Gallica)
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre
Lien vers le Théâtre de François de Curel

Argument

Albert Donnat, médecin réputé et professeur à l’Ecole de médecine, a commis un acte irréparable. Travaillant sur le cancer et soignant une jeune religieuse phtisique dont le diagnostic laisse présager sa mort prochaine, il lui inocule une tumeur pour en pouvoir suivre l’évolution. Le scandale de ses expérimentations humaines est dévoilé par la presse. Sa femme le rejette violemment, dans un premier temps, et essaie de trouver du réconfort auprès d’un jeune psychologue expérimental. La jeune fille guérit miraculeusement de sa phtisie, après avoir bu de l’eau de Lourdes, sans savoir qu’elle va bientôt mourir d’un autre mal : le savant constate que le cancer « inoculé » se développe à grande vitesse dans le corps de la patiente. Albert décide alors de s’injecter à son tour les cellules cancéreuses.


À propos de la pièce

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9030893j/
M. de Curel, académicien / Agence Meurisse. Source : Gallica

Les pièces de François de Curel sont des « pièces à thèses ». Elles s’inscrivent dans la veine naturaliste et mettent en scène des problèmes philosophiques et moraux : les rapports familiaux, la réalité sociale, les questions morales…

François de Curel, dans la Nouvelle Idole, oppose trois Idées qui permettent, selon lui, à l’homme de s’élever : la Science (incarnée par Albert Donnat), la Foi (incarnée par la jeune religieuse Antoinette Milat) et l’Amour (incarnée par la femme d’Albert Donnat, Louise).


La création

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10501855q/f13.item
Caricature d’André Antoine par Camara (vers 1905). Source Gallica

La pièce est crée le 11 mars 1899 au Théâtre Antoine, par André Antoine, qui signe la mise en scène et interprète le rôle principal d’Albert Donnat.
Les réactions de la presse sont très positives comme se plaît à le rappeler François de Curel dans la préface introduisant la pièce dans l’édition de ses œuvres complètes (consultable sur Gallica)
Dans le Journal Catulle Mendès écrit : « pour la première fois sur la scène française, des idées abstraites en opposition sont devenues des êtres réels en conflit, réels et vivants, d’une humanité si douloureuse qu’elles créent, dans la sublimité spirituelle, un poignant drame sensuel. »
Léon Kerst dans le Petit Journal : « J’ai bien dit un chef-d’oeuvre. Et j’entends maintenir le mot ; car jamais, si j’interroge mes souvenirs, je n’ai éprouvé sensation pareille ni émotion comparable… Que cela est beau ! Et quelle puissance détient le penseur qui peut vous faire ainsi vibrer par la seule force de l’Idée et du Verbe qui l’exprime. »
Robert de Flers dans la Liberté : « À peu près seul en ce temps où l’ironie, le scepticisme et la rosserie se partagent les scènes parisiennes, M. de Curel a eu la noble audace de porter à la rampe les conflits des plus graves problèmes contemporains. »
Seul le célèbre critique Sarcey émet des réserves mais François de Curel retient les aspects positifs le concernant : « Il a des qualités indéniables d’homme de théâtre. Il y a, dans la Nouvelle Idole, une scène dont l’idée, au point de vue purement dramatique, est géniale. »


La mise en scène d’André Antoine

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Une_le%C3%A7on_clinique_%C3%A0_la_Salp%C3%AAtri%C3%A8re.jpg
Une leçon clinique à la Salpêtrière, André Brouillet, 1887. Source : wikimedia.

Le deuxième acte se déroule chez le psychologue expérimental, Maurice Cormier, où la femme d’Albert Donnat vient se réfugier. Il pratique l’hypnose pour soigner les névroses hystériques de jeunes femmes. Le cabinet permet d’observer sans se faire voir les réactions des jeunes femmes une fois hypnotisées. Mireille Losco-Lena dans un article intitulé «Une leçon clinique à la Salpêtrière, 1887 : trois conceptions de la mise en scène théâtrale » souligne la mise en abyme du dispositif théâtral sur lequel travaille André Antoine avec le Théâtre-Libre : observer depuis le « quatrième mur » les milieux et les gestes (voir aussi sur Libre Théâtre, le théâtre de Zola et le naturalisme) : « Antoine invente un usage nouveau de la mise en scène : il en fait un outil d’observation en faisant glisser dans le champ du spectacle théâtral l’expérience du regard clinique. »


Une histoire inspirée d’articles concernant d’Eugène Doyen

Caricature du docteur Eugène Doyen dans La Vie ardennaise illustrée. Journal artistique et littéraire. Source : wikimedia

Eugène Doyen est considéré comme l’un des rénovateurs de la chirurgie française de la fin du XIXème siècle malgré ses théories inexactes sur le cancer et ses pratiques controversées. Il est l’inventeur de nombreux instruments chirurgicaux et de perfectionnements dans la technique opératoire.
À partir de 1888, il s’engage dans des expériences d’immunisation contre le cancer. En 1891, éclate « l’affaire Doyen » dite de la « greffe cancéreuse » qui fait scandale dans les journaux. Sur deux de ses patientes, il est accusé d’avoir prélevé un fragment tumoral sur un sein malade pour le greffer sur le sein indemne. La justice ouvre une enquête qui, faute de preuves, reste sans suites. Ces travaux l’éloignent de la Faculté et l’isolent dans ses recherches.
Il croit plus tard découvrir le germe en cause dans les cancers et utilise des sérums et un vaccin censé permettre la rémission de certaines tumeurs. Sa renommée internationale lui permet de proposer des traitements très onéreux qui n’aboutissent pas. Il est définitivement discrédité aux yeux de la communauté académique mais continue de faire paraître des articles dans les publications médico-chirurgicales.


La Nouvelle Idole est l’une des premières œuvres littéraires qui mentionne le cancer, au moment où se développe la peur de cette maladie.

Pour aller plus loin :

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