Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand

Comédie héroïque en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois le 28 décembre 1897, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris.
Distribution : 41 hommes, 13 femmes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

Le résumé

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84060213

Acte I. En 1640, dans l’Hôtel de Bourgogne, le public attend le début de la représentation. La foule des bourgeois, soldats, petits marquis discute. Christian de Neuvillette vient d’arriver à Paris pour entrer dans la compagnie des Cadets de Gascogne. Il aime en secret Roxane que le Comte de Guise convoite et qu’il souhaite marier au vicomte de Valvert. Mais alors que la représentation débute, elle est interrompue par Cyrano de Bergerac qui empêche le comédien Montfleury de se produire. Valvert intervient et provoque Cyrano : tout en bataillant, celui répond par la célèbre tirade des Nez. Le calme revient. Cyrano, secrètement amoureux de sa cousine Roxane mais dont le physique l’empêche de se déclarer, apprend que celle-ci lui fixe un rendez-vous le lendemain. Exalté, il raccompagne son ami Lignière pour le protéger d’une embuscade de cent hommes.

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Acte II. Cyrano attend Roxane dans la boutique de Rageneau, rôtisseur pâtissier et poète, alors que ses compères font le récit épique de son exploit de la veille : il a défait seul cent hommes. À son arrivée, Roxane évoque leur enfance commune, puis révèle peu à peu à Cyrano qu’elle est amoureuse du baron Christian de Neuvillette, qui vient d’être engagé dans la compagnie de Cyrano. Elle lui demande de protéger Christian. Cyrano – effondré, mais n’en montrant rien – accepte. Christian cherche à braver Cyrano pour s’imposer dans la compagnie des Cadets ; malgré les provocations de Christian, Cyrano ne réplique pas. Christian évoque alors Roxane qu’il ne peut conquérir n’ayant pas de talent oratoire. Cyrano lui propose son aide et lui donne la déclaration d’amour qu’il vient de rédiger. Christian l’accepte, sans se douter qu’elle était précisément destinée à Roxane.

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Acte III. Sur une petite place de l’ancien Marais. Le comte de Guiche rend visite à Roxane, qu’il cherche à séduire.  Alors qu’il lui annonce que le régiment de Cyrano, dans lequel sert Christian, part à la guerre, Roxane, qui veut protéger Christian, convainc le comte de laisser ce régiment à Paris. Peu après, malgré les conseils de Cyrano, Christian rencontre Roxane, mais s’avère incapable de lui parler d’amour. La jeune femme le quitte, déçue. Cyrano aide Christian à rattraper cet échec. Caché dans l’ombre sous le balcon de Roxane, il souffle à Christian ses mots, puis prend sa place et déclare à Roxane son amour, la laissant totalement charmée par un si bel esprit qu’elle pense être celui de Christian. À peine ont-ils le temps d’échanger un baiser, que Roxane et Christian sont interrompus par un capucin, qui remet à la jeune femme une lettre du comte de Guiche lui annonçant qu’il va la rejoindre cette nuit même. Roxane ruse en indiquant que le courrier du comte demande au capucin de célébrer sur le champ son mariage avec Christian. Pendant ce temps, Cyrano retarde de Guiche en se faisant passer pour un homme tombé de la lune. Arrivé à l’hôtel de Roxane, le comte la découvre mariée ; constatant qu’il a été abusé, il envoie aussitôt Christian et Cyrano combattre au siège d’Arras.

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Acte IV. Sur le champ de bataille, la compagnie que dirige de Guiche fait le siège d’Arras. Les soldats sont affamés. Cyrano franchit tous les jours les lignes ennemies, pour faire parvenir à Roxane des lettres qu’il écrit et signe du nom de Christian. Touchée par ces lettres, Roxane parvient, grâce à la complicité de Ragueneau, à se rendre au siège d’Arras avec un carrosse rempli de victuailles. Christian comprend alors que Cyrano est lui aussi amoureux de Roxane et que la jeune femme est amoureuse de l’esprit de Cyrano. Il supplie Cyrano de révéler la vérité à Roxane, mais les Espagnols attaquent le camp et le jeune homme meurt au combat. Il laisse à Roxane une dernière lettre d’adieu écrite par Cyrano. Celui-ci décide de garder le secret de son amour et demande à De Guiche de sauver Roxane.

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Acte V.  Quinze ans plus tard, Roxane, toujours amoureuse de Christian, s’est retirée dans un couvent parisien où Cyrano lui rend visite une fois par semaine. Mais, ce jour-là, Cyrano tombe dans une embuscade et arrive au couvent mortellement blessé. Alors que Roxane évoque la dernière lettre de Christian, qu’elle porte constamment sur elle, Cyrano demande à la voir et la lit à voix haute. Son ton trouble Roxane, qui reconnaît la voix qu’elle avait entendue sur son balcon ; elle s’aperçoit que Cyrano ne lit pas la lettre, la nuit est tombée, mais la connaît par cœur. Elle comprend alors « toute la généreuse imposture ». Cyrano meurt débout, son épée à la main, en emportant avec lui son « Panache ».

(Iconographie extraite du dossier de la BnF rassemblant les documents relatifs à la première représentation, consultable sur Gallica)

Cyrano : le premier film sonore en couleur de l’histoire du cinéma

Ce film a été tourné en 1900 à l’occasion d’une expérience de cinéma sonore, le Phono-Cinéma-Théâtre pendant l’Exposition Universelle de Paris. Ce film est exceptionnel à plus d’un titre : on y voit Coquelin, le créateur de Cyrano en 1897 dans un film colorisé, avec une bande son. Serge Bromberg a trouvé et restauré ce film incroyable : pour en savoir plus, interview sur le site formatcourt.com)

Parmi les autres curiosités historiques, on écoutera ou visionnera :

  • la tirade des « Non merci » par Ralph Hertz sur le site de la Bibliothèque du congrès 
  • la tirade des nez par Daniel Sorano en 1962 sur Gallica
  • l’adaptation télévisée de 1977 avec Philippe Noiret sur le site de l’INA (extraits ou version intégrale premium).
  • le reportage du Journal Télévisé du 28/12/1997 réalisé à l’occasion du centième anniversaire de la première représentation : brefs extraits de tirades  interprétées par Jacques Toja, Jean Piat, Francis Huster, Daniel Sorano, Jacques Weber, Jean Marais, Gérard Depardieu. – Extraits du film « Cyrano » de Jean-Paul Rappeneau, avec Gérard Depardieu. Lien vers le site de l’INA

Iconographie autour de Cyrano

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8528775g
Constant Coquelin dit aîné créateur de Cyrano. Source : BnF/ Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8438886n
Sarah Bernhardt dans « Cyrano de Bergerac », comédie d’Edmond Rostand en 1909. Source : Bnf/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8437190t/
Les programmes de « La Rampe ». Tournée Moncharmont-Luguet. Dessin de L. Métivet. 1898. Source : BnF/ Gallica


Dossiers pédagogiques

Pièce (Dé)montée : dossier pédagogique « Théâtre » et « Arts du cirque » du réseau SCÉRÉN en partenariat avec la MC93 à Bobigny, mise en scène de Lavaudan. Une collection coordonnée par le CRDP de l’académie  de Paris. Septembre 2013. Lien vers le site

Dossier pédagogique du TNB élaboré à l’occasion de la mise en scène de Dominique Pitoiset, avec Philippe Torreton. Lien vers le site


«  La Première de Cyrano de Bergerac  » par André Lénéka

Article paru dans le numéro spécial de la revue La Rampe du 15 décembre 1918 consacré à la mort d’Edmond Rostand (Source : Gallica)

« Soirée stupéfiante, formidable, irrésistible ! Impossible de chercher noise au moindre détail, de chicaner sur la moindre faute au cours de ces 5 actes. L’ennemi le plus intime du poète de La Princesse lointaine, entraîné par le courant électrique de l’enthousiasme le plus pur, aurait acclamé plus fort que les autres. Et voici Edmond Rostand sacré notre plus illustre poète dramatique. Cyrano a été un succès, que dis-je un succès, un triomphal succès. Et c’était justice, puisque c’était le triomphe de l’imagination, de l’esprit, de la sensibilité, de l’abnégation et de la bravoure. C’est un conte de fées, mais de l’espèce la plus captivante qui soit, l’histoire d’un vrai artiste et contée par un vrai poète».

C’est ainsi qu’un de nos confrères, parmi tant d’autres, s’exprimait. C’est ainsi que je m’exprimais en d’autres termes dans L’Etendard et dans Le Mascarille où j’avais l’honneur de tenir le double porte-plume de critique dramatique.

Car j’assistais à cet apothéose. Et ce fut inoubliable  ! Dès les premières répliques qui partaient en fusées multicolores, ce fut un délire. À la fin du premier acte on s’embrassait dans les couloirs. Le théâtre morose, triste, décevant, la tranche de vie réaliste, banale de ces quinze dernières années, qui avaient embrouillardé toute notre génération, mordaient poussière. Le panache d’Henri IV, de d’Artagnan, de Lagardère, celui de nos guerres républicaines et napoléoniennes de 1792 à 1814, sortait prestigieux de son étui fermé, enfoui dans les greniers de nos mémoires paralysées. Et quel panache  ! Celui dont la France ne saurait se passer, qu’elle semble par instant dédaigner, pour mieux le ressusciter ensuite, l’acclamer par la voix, le suivre des yeux, l’aimer dans son cœur : le panache, pour le panache  !

Sarcey, notre oncle Sarcey exultait, comme toute la critique où l’on remarquait, parmi les plus emballés, Catulle Mendès, dont on connaît le mot heureux : « Il a charmé et dompté la France et lui a reconquis le monde ». Jules Lemaître, qui déclare tout haut que c’est un chef-d’oeuvre, Henry Céard, Henry Bauer, Henry Maret, Henry Pouquier (les quatre Henry), Léon Kerst, Duquesnel, Léon-Bernard, Derosne, Adolphe Aderer et tant d’autres. Tout ce qui avait un nom dans les lettres, les arts, la politique était là. Coppée et Déroulède, celui-ci surtout débordant débordant grandiloquent mais sincère. Paul Maurice se pinçait les lèvres, mais déclarait que « l’auteur avait de l’avenir ». Paul Maurice espérait-il se tromper  ! II craignait sans doute que la gloire de Victor Hugo n’en fût atteinte ?

Le Bargy, le créateur des Romanesques, qui devait remplacer Coquelin quinze ans après dans le rôle de Cyrano, paraissait, tant il était absorbé, l’étudier déjà. Jamais première ne fut plus éclatante. Et jamais nulle salle de théâtre ne fut plus en communion avec la pensée du poète, avec le verbe et les gestes des interprètes. Du haut en bas, des galeries à l’orchestre, on était secoué, électrisé par les étincelles éblouissantes qui jaillissaient des vers de Rostand, presque à toutes les répliques, et par l’image sans cesse renouvelée des mots colorés, se heurtant, s’éclairant, vibrants, spirituels, trop spirituels. C’est le seul reproche qu’on ait pu avec quelque raison faire au poète, qui semblait vouloir, avec un cadre trop chargé d’or, dérober un instant, aux yeux du public, les beautés d’une toile de maître.

Et ce fut très beau sur la scène, et plus beau encore dans la salle. Car rien n’est beau, émouvant, comme un public, tout un public qui admire et crie son admiration. D’acte en acte, sans se lasser, on applaudissait, on suivait le poète dans le merveilleux développement de son action héroïque mais pourtant humaine, d’une humanité toute idéale, celle qui console de l’autre, celle qui nous rend meilleur et nous conduit à toutes les victoires.

Et celle-ci fut prodigieuse, éloquente, spontanée au début, enthousiaste, raisonnée et définitive, alors que Cyrano meurt en beauté, ne laissant échapper son secret au dernier acte qu’à l’ultime souffle de sa vie de dévouement, de courage et d’amour. (…)


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