Cochon de Cocher de Georges Courteline

Saynète extraite des Ombres parisiennes.
Distribution : 4 hommes.
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

Texte

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90263794
Le dernier cocher de France et son cheval : [photographie de presse] / Agence Meurisse 1926. Source : BnF/ Gallica

Tiracinqdebout près d’un fiacre vide et consultant le cadran éclairé de la gare de Lyon.
Cochon de cocher, qui me dit : « Ne bougez pas, je reviens. Le temps d’aller satisfaire un besoin… » et qui ne donne plus signe de vie !… Ce que je le plaquerais de bon cœur, lui et son fiacre, s’il était facile, possible même, de trouver, gare de Lyon, à trois heures du matin, un cocher acceptant de vous conduire à Levallois pour la somme de quarante-cinq sous ! Mais voilà ; allez donc trouver cet oiseau rare ! Débarqué par le train de 1 h55, j’ai sondé plus de trente automédons, et habilement, notez bien!… tâchant à exercer sur eux des séductions irrésistibles : « A Levallois ? Il y en a pour dix petites minutes!.. Cinq sous de pourboire à la clé ! » Ouat !… Ils m’ont tous envoyé au bain avec une…

Un passantattardé.
Vous êtes libre ?

Tiracinq, froissé de la méprise.
Allez donc au bain ! imbécile !

Le passant,
Ah ! pardon !
(Il s’éloigne).

Tiracinq.
…Avec, dis-je, une touchante unanimité. En sorte que, désespéré… — Trois heures dix!…Cochon de cocher qui ne revient pas ! — J’allais aller frapper à la porte d’un hôtel, quand. (Au cheval, qui donne des signes d’impatience)… Eh là !… le hasard m’a fait…- eh là !… — mettre la main. — eh là, donc !… Il ne se tiendra pas tranquille, ce carcan-là !… (Il empoigne le cheval au mors et poursuit sa narration)… mettre la main sur le titulaire de cette voiture, qui a daigné accepter de me mener bon train à Levallois en échange de quarante-cinq sous payés comptants, bien entendu. « Ne bougez… »

Un voyouqui passe.
Va donc, Collignon!

Tiracinq.
Je vais aller t’enlever le derrière, moi… ! « Ne bougez pas, a-t-il ajouté, je reviens. Un petit besoin à satisfaire ». Je consentis ! Il y a de cela vingt minutes, et mon homme ne reparaît pas ?… Cochon de cocher!… Qu’est-ce qu’il peut faire?. Je vais être chez-moi à une heure insensée ! (Scrutant les ténèbres de la nuit.) Mais n’est-ce pas lui qui vient là-bas ? (Un temps. Le cocher s’approche). C’est lui-même ! (Au cocher) — Vrai, alors, vous y avez mis le temps! (Ouvrant la portière du fiacre). Eh bien, à Levallois ! Au trot, hein!

Le cocher.
Impossible.

Tiracinq.
Comment! impossible.

Le cocher.
Oui, je vais remiser, rue de Lyon.

Tiracinqstupéfait et exaspéré.
Et vous ne pouviez pas me dire cela tout à l’heure?

Le cochersimple.
Si, Monsieur, mais, en mon absence, qui aurait gardé ma voiture ?

Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :

Retour en haut