Courteline Georges

Chroniques consacrées à Georges Courteline : biographie, œuvres théâtrales, thèmes abordés…

Ombres parisiennes de Georges Courteline

Ombres parisiennes. Edition Flammarion 1894. Source : : BnF/ Gallica
Ombres parisiennes. Edition Flammarion 1894. Source  : BnF/ Gallica

Recueil de textes (nouvelles et saynètes) de Georges Courteline, paru en 1894 chez  Flammarion (Lien vers l’édition sur Gallica).
Contient :

Petin, Mouillarbourg et consorts : fantaisie judiciaire en un acte pour 7 hommes et 1 femme
Vieux Ménage : saynète pour 1 homme et 1 femme
Chez l’avocat : saynète pour 2 hommes

M…onsieur fin de siècle : saynète pour 2 hommes
Le Buis : saynète pour 2 hommes
L’invité (nouvelle)
La Présentation : saynète pour 1 homme et 1 femme
Une messe :  saynète
Quelques livres : saynète
Grandeur d’âme : saynète  pour 3 hommes (et figurants)
Les Choux  : monologue pour un homme
La voix d’Anatole (nouvelle)
Le coup de marteau (nouvelle)
La tournure (nouvelle)
Monôme (nouvelle)
Le tortillard (nouvelle)
L’Incendie : monologue pour un homme
Trois petites crottes (nouvelle)
Premier en anglais : saynète pour 2 enfants
Le Nez du général Suif : saynète pour 2 hommes, 1 femme, 1 enfant
Quand on plaide en divorce : saynète
L’impoli : saynète
Muselé ! : saynète
Le Bout de l’an : saynète
L’Ecole des mufles : saynète
Cochon de cocher : saynète
La série (nouvelle)
Soir tombant (nouvelle)
Mon petit frère (nouvelle)
A huitaine ! (nouvelle)
Les bienfaits de l’éducation (nouvelle)


Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :

Potiron de Georges Courteline

Recueil de textes (nouvelles et saynètes) de Georges Courteline, paru en 1890 chez Marpon et Flammarion (Lien vers l’édition sur Gallica).

Contient :

https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3ACh.Leandre_Courteline.png
Courteline s’amusant avec son théâtre de marionnettes – Fusain aquarellé de Charles Léandre. (source : Wikimedia Commons)

Potiron (nouvelle)
Le monsieur qui a trouvé une montre (nouvelle avec le personnage de Breloc, repris dans Le Commissaire est bon enfant)
A l’atelier
La loi sur les chiens (nouvelle)
La pénitence (nouvelle)
Un homme qui boit (nouvelle)
L’escalier (nouvelle)
La pendule (nouvelle)
Une envie
L’employé qui ne veut pas aller à son bureau (Monsieur Badin)
Les Babouches
Le Premier jour de bonheur (Ma femme est en voyage)
Les Amputés
Les Grandes Douleurs (Gros chagrins)
Un coup de fusil
Un client sérieux
Les locutions complaisantes
Avant et après
Un souvenir du siège (nouvelle)


Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :

Grandeur d’âme de Georges Courteline

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11580090
Ombres parisiennes. Edition Flammarion 1894. Source : : BnF/ Gallica

Extrait des Ombres parisiennes.
Distribution : 3 hommes (et figurants)
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

Une partie de cette saynète est reprise dans Le Prix d’une Gifle. Petin et Bougnasse se trouvent devant le tribunal.
Une autre scène de duel chez Courteline : Le principal témoin

Le Texte

Sur le terrain

Le Médecin.
A cette heure vraiment solennelle, comment vous trouvez-vous, monsieur de la Mouillette ? Pas de fièvre (Il lui tâte le pouls.) Eh là ! Que de fièvre, au contraire ! Plus de cent pulsations à la minute. Mauvais, cela ! Très mauvais ! Excessivement mauvais.

La Mouillette, s’efforçant de sourire.
Que voulez-vous, docteur ! L’émotion inséparable d’un premier début.

Le Médecin.
L’émotion inséparable… l’émotion inséparable… Avec tout ça, vous êtes hors d’état de tirer juste. (Lui serrant la main.) Vous êtes un homme fichu, monsieur de la Mouillette.

La Mouillette.
Vous êtes gai, avec vos pronostics.

Le Médecin.
Il ne faut pas vous fâcher pour ça, je vous le dis comme je le pense. Que diable, aussi, quand on est taffeur à ce point, on ne cherche pas des affaires aux gens.

La Mouillette.
Qu’est-ce que vous me chantez là, docteur ! Je n’ai cherché d’affaires à personne. C’est Truffe qui m’a provoqué. Tenez, pendant que les témoins comptent les pas et chargent les armes, je vais vous raconter comment c’est arrivé. Truffe, que j’avais connu au quartier Latin, était resté mon ami. Je l’avais eu pour garçon d’honneur à ma noce et depuis ce temps il venait dîner à jour fixe, le jeudi. Oh !On ne se foulait pas pour lui, on le traitait en camarade. Une bolée d’eau dans le bouillon, une pincée de sel, ça faisait le compte. Très bien ; un beau matin, voilà ma rosse de femme qui se tire des pieds avec lui. Je me dis : « Toi, mon vieux Truffe, si jamais tu me tombes sous la main, tu verras de quel bois je me chauffe ! » Et en effet, six mois plus tard, – c’était, ça, avant-hier soir – je me trouve nez à nez avec Truffe au coin du faubourg Montmartre. A sa vue, la colère me prend, un voile de sang me monte aux yeux, tout le diable et son train. Je m’avance, les poings clos, sur Truffe, et je lui dis :

– Tu es encore un joli coco. Quand on prend la femme d’un ami, on pourrait au moins la lui rendre. Si je te demandais « Donne-moi une cigarette » et que je file en mettant le paquet dans ma poche, qu’est-ce que tu dirais ? Hé bien ? C’est la même chose.

Truffe me répondit :

– Si tu veux, nous allons aller au café. Nous causerons de ça en nous rafraîchissant. Utile dulci.

J’acceptai.

Nous entrâmes dans une brasserie et Truffe se soûla comme un porc. A son onzième verre de cognac, il commença à devenir insolent, je ne sais pas à propos de quoi, et à me reprocher les défauts de ma femme, disant que les femmes étaient ce que les hommes les faisaient, que si j’avais roué de coups la mienne, elle ne s’en serait pas plus mal trouvée, au contraire, et dès lors, il n’aurait pas, lui, Truffe, le désagrément de vivre avec un chameau. Et, tout à coup, voilà qu’il me lance un soufflet.

Un soufflet !… je bondis sous l’insulte. Une carafe se trouvait à portée de ma main, je la saisis, instinctivement et debout, farouche, pâle de rage, je criai d’une voix formidable :

– Garçon !… Un bock !

Je pensais que les choses allaient en rester là. Car enfin quoi ? S’il fallait se couper la gorge avec les gens pour une méchante calotte, qu’est-ce qu’on ferait s’ils vous avaient traité de mufle ? Mais ouitche, j’avais compté sans ces imbéciles qui se mêlent de tout et s’occupent de choses qui ne les regardent pas. On me représenta que je devais me battre. Je niai qu’il en fût ainsi. Alors on me traita de tous les noms ; je dus céder pour avoir la paix, et à cette heure, me voici sur le terrain.

Le Médecin, hochant la tête.
J’ai bien peur que vous n’en reveniez pas. Enfin ! … Mais voici que les témoins s’apprêtent à donner le signal du combat. Bonne chance, monsieur de la Mouillette.

(dernières formalités. Les deux adversaires sont placés à égale distance l’un de l’autre, comme disait élégamment l’excellent Hippolyte Nazet.)

Le premier témoin.
Rien ne va plus ? (Se reprenant.) Pardon !… Vous êtes prêts, messieurs ? Un ! Deux !  Trois ! Feu !
(A la gueule du pistolet de Truffe un petit bouquet de fumée blanche est apparu.)

La Mouillette, triomphant.
Il ne m’a pas touché ! Il ne m’a pas touché ! (A part.) La Mouillette tu ne vas pas tuer un vieux camarade sans défense et qui, en somme, ne t’a rien fait. Un peu d’indulgence ! Montre une belle âme ! Epate ton lâche adversaire par ta magnanimité.
D’une voix solennelle.
Truffe! La rancune étant incompatible avec les grands caractères, je te pardonne. Tu m’as outragé : voilà comment je me venge.

(Il tire par-dessus son épaule et tue le médecin placé derrière lui.)

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Les Facéties de Jean de la Butte de Courteline

Ces saynètes de Courteline sont issues des chroniques régulières parues dans  L’Echo de Paris, sous le titre  Ombres Parisiennes et signées Jean de la Butte, en l’honneur de Montmartre.
L’édition de 1892 (Flammarion) contient  (source : BnF/ Gallica)

L’édition de 1904 (Albin Michel) contient : (source : BnF/ Gallica)

  • Kuiller Hapo (nouvelle)
  • L’Aveuglette (poème)
  • La Pénitence (nouvelle)
  • Le Coup de Marteau (nouvelle)
  • Première Armes (nouvelle)
  • Les Animaux malades (saynète)
  • La Série  (pantomime)
  • Une Evasion de Latude (saynète)
  • L’art de Culotter une pipe (nouvelle)

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Les Marionnettes de la vie de Georges Courteline

Première édition du théâtre de Courteline sous le titre chez Flammarion, en 1900.
Contient les textes suivants (les textes sont téléchargeables indépendamment en cliquant via les notices)

https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3ACh.Leandre_Courteline.png
Courteline s’amusant avec son théâtre de marionnettes – Fusain aquarellé de Charles Léandre. (source : Wikimedia Commons)

Lidoire : Un soldat de carrière est confronté à l’imbécilité et au despotisme absurde de la chose militaire et doit de surcroît se montrer presque maternel avec un frère d’armes totalement ivre.
Boubouroche : le premier acte se déroule dans un café. Des amis jouent au carte : on comprend rapidement que Boubouroche est un personnage faible et timide, exploité par ses « amis », qui entretient depuis plusieurs année une jeune femme, Adèle. Un vieux monsieur qui a écouté la conversation lui apprend qu’elle le trompe. Le second acte se déroule dans la chambre d’Adèle où Boubouroche vient lui demander des comptes. Alors qu’il surprend l’amant, Adèle réussit à lui faire croire qu’elle ne l’a jamais trompé. Et c’est le vieux monsieur qui sera puni par Boubouroche.
Monsieur Badin : un fonctionnaire régulièrement absent est accueilli par son chef qui lui demande des comptes. Pour sa défense, il lui expose les affres que lui font subir la crainte perpétuelle de sa révocation, et finit par en tirer argument pour réclamer une augmentation.
La Peur des coups : de retour d’une soirée, scène de ménage. Lui est jaloux, mais aussi terriblement couard. Il ne supporte pas que des hommes fassent la cour à sa femme ni même lui parlent, mais il est incapable de leur demander des comptes. Elle le provoque.
Les Boulingrin : Des Rillettes,  un pique-assiette, essaie de s’immiscer  chez Les Boulingrin. Il pense pouvoir passer d’agréables moments chez eux bien au chaud pendant une bonne partie de l’hiver, mais il se retrouve au centre d’une scène de ménage et devient un prétexte de chamaillerie supplémentaire, le couple le prenant pour arbitre. La scène bascule jusqu’à devenir absurde :  les meubles de cet intérieur bourgeois typique sont brisés, les insultes et les cris fusent, des coups de revolver partent. La scène s’achève par un incendie.
Théodore cherche des allumettes : à trois heures du matin, le jeune Théodore rentre chez lui après une fête, complètement ivre. Dans les escaliers de son immeuble, il dérange tous les voisins. Puis, cherchant des allumettes dans son appartement, il réveille son père qui est furieux de sa conduite.
Un client sérieux : Le Substitut craint d’être révoqué car Barbemolle, avocat au Barreau de Paris, voudrait prendre sa place. Dans la salle d’audience, Lagoupille se présente pour être jugé des faits qui lui sont reprochés mais ce dernier n’a pas d’avocat… Par chance, le fameux Maître Barbemolle est présent dans la salle et va être désigné avocat de Lagoupille par l’huissier.
Le tribunal entre en séance. La première audience de la journée est reportée pour une quatrième fois. La deuxième audience concerne justement le cas de Lagoupille. Alfred accuse ce dernier de se comporter « comme un cochon » dans son café du Pied qui remue. Le patron, excédé par le comportement de Lagoupille qui accapare tout autour de lui quand il se rend dans son café, a tenté de l’en expulser par la force.
Hortense, couche-toi : Un propriétaire impitoyable, Monsieur Saumâtre, s’apprête à faire saisir les meubles du locataire, La Brige, qui a commencé à déménager alors qu’il lui reste un loyer à acquitter ; La Brige a en effet dû consacrer l’argent du loyer à des frais médicaux pour sa femme, enceinte de neuf mois. Il propose au propriétaire différentes solutions, en vain. La Brige alors ne se laisse pas faire :  il refuse de payer et de quitter les lieux, la loi accordant à sa femme neuf jours pour accoucher et la situation de retourne…
Le Droit aux Etrennes : Le 1er janvier, un bourgeois nommé Landhouille établit la liste des étrennes qu’il a reçu (aucune) et celles qu’il a donné à quantité de fâcheux et de casse-pieds. Alors qu’il est au milieu de cet inventaire à la Prévert, d’autres importuns viennent avec insolence réclamer leur part : un cocher de l’ »Urbaine »qui l’a renversé lors d’une course en fiacre,  un soldat qui se révèle l’amant de sa cuisinière,  Louison, son ancienne maîtresse, accompagnée « d’un monsieur bien mis».
Le Gendarme est sans pitié : M. Boissonnade, procureur de la République est très ennuyé. Le gendarme Labourbourax, susceptible et inculte, est le champion du procès-verbal pour outrage à agent. Il sanctionne notamment tous ceux qui prononcent diverses expressions populaires ou savantes, dans lesquelles il entend des injures, faute d’en saisir le sens. Il s’en prend au baron Larade, homme affable et pacifique qu’il pousse à bout par sa sottise.
Le Commissaire est bon enfant : Un commissaire tyrannique mais poltron reçoit différents plaignants.
L’Article 330 : Monsieur La Brige se trouve au Palais de Justice. Accusé « d’outrage public à la pudeur » (article 330 de l’ancien Code pénal) par le Ministère Public, ce dernier expose sa vision des faits et organise sa défense face au Président d’audience, à l’huissier et au substitut : il a montré son derrière aux visiteurs de l’Exposition universelle, exaspéré des quolibets qu’ils lui jetaient en passant devant ses fenêtres ouvertes alors qu’ils se trouvaient sur le Trottoir Roulant…

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Le Bout de l’an de Georges Courteline

Extrait des Ombres parisiennes.
Distribution : 3 hommes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

Le Texte

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6927788b
Eglise de la Trinité. Photographie Agence Rol. 1912. Source : Bnf/Gallica

L’huissier-audiencierappelant.
Le ministère public contre Le Gasteux de la Roche Tarpéienne !

Le Gasteux de la Roche Tarpéienneà part.
Que dira la marquise douairière ?…
(Il se lève et, entre les deux municipaux assis à ses côtés sur le banc de la correctionnelle, il apparaît costumé en sauvage.)

Le Président.
Le Gasteux, vous êtes prévenus d’avoir causé du scandale dans un lieu affecté au culte. Jeudi dernier, le jour de la Mi-Carême, vous avez pénétré au moment des Vêpres dans l’église de la Trinité, grotesquement affublé du déguisement que vous portez encore et avec lequel vous avez été été arrêté – un costume de roi nègre, je pense.

Le Gasteux de la Roche Tarpéiennetrès simple.
Behauzin.

Le Président.
Cela est possible. Vous n’en avez pas moins pénétré dans l’église, au grand émoi des fidèles assemblés ; puis, comme le suisse voulait vous faire sortir, arguant avec raison de l’inconvenance de votre tenue, vous l’avez abreuvé d’injures, le traitant de croquant et de bélître, disant que vous lui feriez bâiller les étrivières, etc. etc.

Le Gasteux de la Roche Tarpéienne.
Je voulais faire dire une messe de bout de l’an à l’intention de feu mon oncle.

Le Président.
Vous auriez pu attendre au lendemain.

Le Gasteux de la Roche Tarpéienne.
Impossible. C’eût été trop tard. Une messe de bout de l’an se mange chaude le jour anniversaire du décès de la personne.

Le Président.
Si bien qu’il vous fallait la vôtre à l’instant même ?

Le Gasteux de la Roche Tarpéienne.
Sans doute.

Le Président.
En vérité, c’est inimaginable!… Alors oui ? Vous croyez qu’on rentre dans une église se faire dire une messe de bout de l’an à quatre heures de l’après-midi, comme on rentre chez le pharmacien acheter de l’antipyrine ?

Le Gasteuxaprès un silence.
J’étais ivre.

Le Président.
Je n’en doute pas.

Le Gasteux.
Mais je jure n’avoir pas eu un seul instant une intention blasphématoire !… En somme, c’était simple comme bonjour. L’anniversaire de feu mon oncle tombait le jour de la mi-carême, en sorte qu’une messe de bout de l’an avait été, le matin, célébrée à cette occasion. Cette messe, je m’étais juré d’y assister et j’y aurais assisté en effet si je n’eusse, après de longues hésitations, opté pour le Dahomey. (Que celui qui n’a pas, une fois sacrifié le devoir au plaisir, la vertu à la volupté, me jette la première pierre.) Bref je revêtis le présent déguisement et m’en fus déjeuner en joyeuse compagnie, dans un café du boulevard.

Vers trois heures, des fumées de liquides généreux commencèrent à faire germer en ma conscience des remords de bon aloi. Devant mes yeux se dressa le fantôme de mon oncle me reprochant d’avoir négligé ses mânes, et de lui avoir posé un lapin… Un quart d’heure plus tard, la chartreuse aidant, je versais des torrents de larmes et décidais de racheter les torts en faisant dire tout exprès pour le mort une messe payée de mes deniers.

Le Président.
C’est alors que vous vous rendez à l’église de la Trinité.

Le Gasteux.
Parfaitement, j’en franchis le seuil et je jetais au suisse mon porte-monnaie. « Tiens, mon drôle, prends cette bourse et va-moi quérir le curé. » Mais comme le suisse parlait d’aller quérir les sergents de ville : «Or ça m’écriais-je, qu’est-ce ceci ? Sur mon honneur, voilà un impudent coquin ! Voyez-moi ce carême-prenant, avec son chapeau à plumes, qui se permet de manquer de respect à des personnes de qualité ! Tu périras sous le bâton, drôle ! Holà, quelqu’un ! Champagne ! Bourgogne ! Picard ! Qu’on s’empare de ce bélitre et qu’on lui baille les étrivières. » Que vous dirai-je ?… C’était un homme robuste, plus robuste que moi cent fois. De sa dextre, il saisit le collet de mon costume, cependant que de sa main gauche il empoignait le maillot par le fond… Des agents vinrent, vous savez le reste.

Le tribunal délibère puis condamne Le Gasteux de la Roche Tarpéienne à huit jours d’emprisonnement

Le Gasteuxemmené à part.
Que dira la marquise douairière ?…

FIN

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Muselé de Georges Courteline

Extrait des Ombres parisiennes.
Distribution : 3 hommes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

Le texte

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53019401k
En vente chez Fréderic Henry, libraire. La liberté pour le chien, playdoyer historique, philosophique et physiologique dédié aux amis de la race canine par E. Meunier . Affiche 1870. Source : BnF/ Gallica

L’huissier-audiencierappelant.
Le ministère public contre Vaufroy !
(Vaufroy sort du fond du prétoire et prend place au banc des prévenus.)
Le président.
Vaufroy, levez-vous. Vous êtes prévenu d’outrages à un agent de la force publique. Vous l’auriez traité de « gâteux ». Vous reconnaissez le fait ?
Vaufroy.
Sans nul doute, j’étais tellement dans mon droit !…
Le président.
D’abord non ; vous n’y étiez pas, vous ne serez jamais dans votre droit en traitant de « gâteux » un agent.
Vaufroy.
Les autres soit !… celui-là, si ! Est-ce qu’il n’avait pas… – non, mais écoutez ça ! – est-ce qu’il n’avait pas émis la prétention de conduire mon chien en fourrière, parce qu’il n’était pas muselé ?
(Haussement d’épaules.)
Comme je lui ai dit : « Muselé ! C’est plutôt vous, qui devriez l’être. »
Le président.
Grossièreté toute gratuite, d’ailleurs, et que l’agent ne s’était attiré en rien.
(Vaufroy veut parler.)
Taisez-vous. Votre chien n’était pas muselé, voilà le fait ; en vous menaçant de le conduire en fourrière, l’agent ne faisait strictement que s’acquitter de son devoir.
Vaufroy.
J’ai un chien qui ne supporte pas la muselière. (Un temps.) Ça l’empêche de bâiller cette bête.
Le président, goguenard.
Allons donc !
Vaufroy.
Parfaitement… d’où des contractions d’estomac susceptibles d’amener des troubles dans son organisme. J’ai pas envie que mon chien attrape une gastrite. – Sans compter que ça le fait loucher.
Le président, même jeu.
Se peut-il ?… Il est regrettable que le tribunal ne puisse entrer dans des considérations de cette importance doive s’en tenir à faire respecter les ordonnances du préfet de police.
Vaufroytrès énergique.
Pardon ! Je connais les institutions qui nous régissent, et je déclare, à la face de Dieu, qu’il n’y a ni loi, ni ordonnance empêchant les chiens de bâiller ! Empêcher les chiens de bâiller ! (Avec une pitié ironique.) Les affaires ne vont déjà pas si bien !… Si on se met, par-dessus le marché, à empêcher les chiens de bâiller, où allons-nous ?
Le président.
Si vous connaissiez la loi aussi bien que vous le prétendez, vous sauriez qu’elle vous donne le droit de ne pas museler votre chien à la condition que vous le teniez en laisse. Tenez-le en laisse, votre chien ; il bâillera tant qu’il voudra.
Vaufroy.
Oui, mais il ne pissera plus.
Le président.
Comment, il ne … ?
Vaufroy.
Bien entendu. J’ai un chien qui ne veut plus pisser dès l’instant qu’il est à l’attache.
Le président.
Mais qu’est-ce que c’est qu’un chien comme ça !
Vaufroy.
Il faut le prendre comme il est ; sitôt qu’il se sent à l’attache, toc, il se couche sur le dos, et durant des heures entières, il essaye d’enlever sa laisse avec ses deux pattes de devant. Qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ? Or, ne pissant plus dans la rue, il pisserait dans l’appartement si les bienfaits d’une éducation inculquée depuis des années à coups de botte dans le derrière ne le rappelaient au sentiment des convenances. Alors quoi ? S’il ne pisse ni dehors, ni dedans, où pissera-t-il, cet animal ?
Le président.
La loi…
Vaufroytrès net.
Il n’y a pas de loi qui empêche les chiens de pisser.
Le président.
Mais…
Vaufroy.
Je ne suis pas ici pour faire de la critique. Je me bornerai donc à faire remarquer que le moment serait mal choisi d’empêcher les chiens de pisser, quand les journaux sont unanimes à constater que l’agriculture manque de bras.
Le président.
Et c’est tout ce que vous avez à dire ?
Vaufroy.
Permettez ! J’ai encore à dire ceci : que le règlement de police qui oblige les maîtres à museler leurs chiens est une bêtise et un non-sens.
Le président.
Parce que ?
Vaufroy.
Parce que, si les chiens de maître sont moins exposés à la rage (comme le démontre la statistiques) que ne le sont les chiens errants, ceux-ci en revanche, sont bien moins que ceux-là exposés à la muselière. Des muselières ! Et ta sœur ? Est-ce vous qui leur en payeriez ? Non, n’est-ce pas ? Tant qu’à faire, monsieur le président, et dépenser pour dépenser, il est clair que vous et moi irions plutôt chez le marchand de vin.
Le président.
D’où vous concluez ?
Vaufroy.
D’où je conclus que museler mon chien, qui n’aura jamais la rage, c’est l’abandonner, sans défense, à la morsure des chiens qui l’ont, – je ne musèlerai pas mon chien.
Le président.
La cause est entendue. Le tribunal prenant en considération l’ingéniosité de vos aperçus et la correction de votre attitude vous condamne à un mois de prison et aux dépens.
Vaufroy.
Un mois de… (Les yeux au ciel.) J’en appelle à la postérité.

Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :

Le Buis de Georges Courteline

Extrait des Ombres parisiennes.
Distribution : 2 hommes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

Le texte

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6946120x
16 avril 1916, les Rameaux vente de buis : photographie Agence Rol. Source : BnF/ Gallica

« J’ vends du buis l’jour des Rameaux »

En correctionnelle.
Le président.
Larillette, levez-vous. Vous êtes prévenu de tromperie sur la nature de la marchandise vendue.
Larillette.
Je suis trop poli pour vous démentir.
Le président.
Vous avez déjà subi une certaine quantité de condamnations.
Larillette.
Dix-neuf, Monsieur le Président, mais jamais pour choses infamantes, toutes pour vols… ou escroqueries. Ni coups, ni blessures, ni outrages aux agents, ni attentats à la pudeur, rien ! Je peux dire qu’au point de vue des mœurs de la morale et du respect de l’autorité, celui-là qui me fera la pige n’est pas en beurre fondu…  (se reprenant.) Encore fondu, pardon.
Le président.
On vous a arrêté le dimanche des Rameaux devant l’église Notre-Dame-de-Lorette.
Larillette.
Où je vendais du buis… en principe.
Le président.
Vous faites bien de dire : « en principe ». En fait, le buis que vous vendiez tout en criant : « Buis béni ! Buis béni ! » était du cresson.
Larillette.
De fontaine.
Le président.
De fontaine, c’est la vérité. Si c’est là toute votre excuse !…
Larillette.
Mon Dieu, Monsieur le Président, je suis plus à plaindre qu’à blâmer. Vous pensez, moi, j’aurais vendu du buis tout aussi honnêtement qu’un autre ; qu’est-ce que ça aurait pu me faire ? Seulement voilà, j’avais acheté aux Halles, la veille, une cargaison de cresson de fontaine qui m’était restée pour compte. Je me suis donc tenu ce raisonnement bien simple : « ce cresson-là ne vaut plus rien ; c’est de la marchandise flambée. Si je vendais pour du buis !… En somme, ça ne trompera jamais que les personnes affligées de myopie, et l’intention étant réputée pour le fait, ce n’est bien sûr pas le bon Dieu qui ira, au jugement dernier, leur chercher des poux dans la tête pour l’histoire d’une malheureuse botte de cresson. » Est-ce vrai ? Alors, ma foi, j’ai mis mon cresson dans un sac et je suis allé le faire bénir.
Le président.
Vous avez fait bénir votre cresson !!!
Larillette.
Tiens, parbleu ! Vous savez bien comment ça se passe ; y a le curé qui vient sur le seuil de l’église et qui bénit à droite et à gauche, comme ça (il fait le simulacre de la bénédiction.) Mon cresson a été béni avec le reste.
Le tribunal délibère.
J’suis pas un homme à faire des blagues avec les choses de sainteté. Quoi, après tout, du cresson consacré, ce n’est plus comme de la salade.

Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :

M…onsieur Fin-de-siècle de Georges Courteline

Saynète extraite des Ombres Parisiennes.
Distribution : 2 hommes.
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

Cette saynète n’est pas sans rappeler le thème de La voiture versée.

Le texte

M. Ledoux, couché.
Il est extraordinaire que cette fille ne revienne pas. Voilà au moins vingt-minutes qu’elle est partie aux cabinets en me disant de me mettre au lit. Je commence à être inquiet. Aurais-je agi à la légère en lâchant les vingt francs d’avance ? … (Prêtant l’oreille.)J’entends un pas ; ce doit être elle.
(La porte s’ouvre, paraît un monsieur très correct).

Le Monsieur.
Un étranger dans mon lit !

M. Ledoux.
Un homme ! (il se dresse sur son séant)Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous demandez ?

Le Monsieur.
La question est au moins bizarre, venant à moi d’un inconnu que je trouve couché dans mes draps.(Inquiétude manifeste de M. Ledoux, qui cherche des yeux sa culotte.) Ne vous effrayez pas, monsieur, c’est un homme du monde qui vous parle.

M. Ledoux.
Ouf ! Vous m’avez fait une peur  J’ai cru à une mauvaise rencontre.

Le Monsieur.
Il n’en est rien, rassurez-vous. Mais comment diable êtes-vous chez moi ?

M. Ledoux.
Ma foi, monsieur, je n’y comprends rien. Mon histoire est celle de tout homme qui, jeune, valide, célibataire, erre seul, la nuit, par les rues, après un copieux dîner…

Le Monsieur.
Vous êtes garçon ?

M. Ledoux.
Oui, monsieur.

Le Monsieur.
Je vous en félicite.

M. Ledoux.

Il n’y a pas toujours de quoi… A preuve que ce soir… Vous savez ce que c’est ? Les fumées généreuses, l’action d’un sang rajeuni, le coup de fouet des mets épicés etc., etc. je me trouvais, – comment dirai-je ?- en humeur de folichonnerie. J’ignore si je me fais bie  comprendre.

Le Monsieur.
Parfaitement.

M. Ledoux.
Carrefour Montmartre, à l’angle de la rue Drouot, une fille qui prenait l’air sous le cadran de la pneumatique me héla… pour me demander l’heure. J’eus le tort… Auriez-vous l’extrême complaisance de me passer mon pantalon ? … Je vous remercie mille fois… j’eus le tort, dis-je, de la renseigner ; des pourparlers en résultèrent ; bref, ayant conclu pour vingt francs, que je lui remis séance tenante, je la suivis en ce logement.

Le Monsieur.
Qui est le mien.

M. Ledoux.
Il paraît, et vous me voyez confus…

Le Monsieur.
Déconfusez-vous, je vous en prie. Après tout, erreur n’est pas crime, et vous êtes le quatrième à qui cela arrive ce soir.
(Etonnement de M. Ledoux.)
Cette Irma est d’une étourderie.

M. Ledoux.
Irma ! Qui ça, Irma ?

Le Monsieur.
La personne qui prenait le frais sous l’horloge.

M. Ledoux, stupéfait.
Vous la connaissez donc ?

Le Monsieur.
Irma, c’est ma femme !

M. Ledoux, abasourdi.
Votre femme ! La femme qui m’a… oui, est votre femme ?

Le Monsieur.
Sans doute.

M. Ledoux.
Mais alors vous êtes son…

Le Monsieur, froidement.
Son quoi ?

M. Ledoux.
Son… son… Eh ! Vous savez parfaitement ce que je veux dire !

Le Monsieur.
Oui, je le sais, mais qu’est-ce que ça fait ?

M. Ledoux.
Ça fait que je ne suis pas en sûreté ! Ça fait que j’ai été amené dans un coupe-gorge ! Ça fait que je vais crier à l’assassin si vous ne me laissez sortir à l’instant même !

Le Monsieur.
Hé bien ! Allez-vous en ! Est-ce que je vous retiens, moi ? Tenez, voilà votre gilet. (M. Ledoux s’habille en hâte.) Vous n’avez pas besoin de trembler comme une feuille et de faire les castagnettes avec vos mâchoires.

M. Ledoux.
Les gens de votre espère…

Le Monsieur.
Quoi, les gens de mon espèce ? Qu’est-ce que vous prétendez dire, avec les gens de mon espèce ? Ils sont rares, les gens de mon espèce ! Je suis un monsieur très bien, moi ; d’une urbanité irréprochable et d’une courtoisie absolue, à preuve que je n’ai même pas relevé vos insolences. Que voilà donc bien l’injustice des hommes ! Vous eussiez pu tomber entre les pattes brutales d’un drôle qui vous eût roué de coups, volé, jeté ensuite à la rue, nu comme un vulgaire saint Jean ; au lieu de ça vous avez affaire à un homme du meilleur monde, à un gentlemen délicat qui… – Attendez ! Vous avez une bretelle qui croise – à un gentleman délicat, dis-je, qui vous fait la conversation, et vous vous plaignez !
Ironique
Non, mais il faudrait peut-être que je vous fasse coucher avec ma femme ?

M. Ledoux.
Mon Dieu.

Le Monsieur.
Allons, cela suffit, et je vois bien que j’ai affaire à un ingrat. Retirez-vous, monsieur, vous avez de mauvais sentiments.

M. Ledoux, timide.
Pardon, et les vingt francs ? Les vingt francs que j’ai remis à la … femme du monde qui faisait le trottoir rue Drouot ?

Le Monsieur,  très grand seigneur.
Est-ce que je m’occupe de cela !

Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :

Les transports parisiens dans le théâtre de Courteline

Le théâtre de Courteline fournit le prétexte d’une exploration de Paris et de la région parisienne, à travers les divers moyens de transports de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8440275k
Plan commode de Paris, avec les lignes d’omnibus et tramways (1891). Source : Bnf/ Gallica

Ainsi, dans la saynète La Rue de la pompe, Courteline propose un véritable circuit à travers Paris. Piégelé un provincial en visite à Paris s’est rendu au Sacré-coeur et veut retourner rue de la Pompe où réside son cousin. Il ne cesse de se tromper d’itinéraire. Au lieu de prendre l’omnibus Place Pigalle-Trocadéro, il emprunte l’omnibus Place Pigalle-Halle-aux-Vins. Puis au lieu de prendre le bateau du Point-du-Jour jusqu’au Louvre, il monte sur le bateau qui se dirige dans l’autre sens et se retrouve au Pont de Charenton. Il reprend le bateau dans le bon sens, mais une fois au Louvre au lieu d’emprunter le tramway vers Passy, il monte dans le tramway vers Vincennes. A la station Bel-Air, il tente de prendre le chemin de fer de ceinture pour rejoindre Passy, mais il se trompe de nouveau et se retrouve à Boissy Saint-Léger. A la gare de Boissy, nouvelle erreur ! Le voilà parti pour Brie-Comte-Robert.


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531133988
Omnibus à chevaux Panthéon – Place Courcelles. Agence Roll 1912. Source : Bnf/Gallica

Courteline propose un autre circuit dans la fantaisie musicale Panthéon-Courcelles : le trajet de l’omnibus à cheval entre la place du Panthéon et le boulevard de Courcelles est commenté par un récitant avec les interventions musicales de deux choeurs, qui détournent les paroles populaires Il n’y a qu’un Dieu.


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90263794
Le dernier cocher de France et son cheval : [photographie de presse] / Agence Meurisse 1926. Source : BnF/ Gallica
Les fiacres sont encore présents à Paris. Courteline semble avoir de mauvaises expériences avec les cochers. Ainsi dans Cochon de cocher, un client se trouve bloqué dans un fiacre à Gare de Lyon à 3 heures du matin. Dans Le Mauvais Cocher, La Brige monte dans un fiacre pour se rendre à la place de la Bastille prendre le train pour Vincennes. Le cocher met toute la mauvaise volonté possible et arrive largement après le départ du train. La Brige demande alors au cocher de le mener à la « barrière de Vincennes ». Le cocher refuse et La Brige demande qu’on appelle un agent…
« Messieurs et chers concitoyens, vous voyez en moi un pauvre homme submergé de bon droit et de bonne foi et qui se bute au mauvais vouloir d’une brute entêtée et méchante. Lequel de vous, dix fois, vingt fois, cent fois, n’a pas été victime de l’infamie d’un cocher de fiacre ? C’est mon cas. Je vous jure, messieurs, que je suis un homme pacifique, ennemi des vaines discussions et des imbéciles chicaneries, et tout à fait digne, que les honnêtes gens lui prêtent aide et assistance. Un agent, messieurs, un agent !… »


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10520038g
Omnibus de Montmartre : photographie d’Atget. Source : Bnf/Gallica

Le fléau du harcèlement sexiste dans les transports semble être apparu en même temps que les transports publics… Dans Les Amputés, Une femme se fait harceler dans un omnibus par un jeune monsieur, dont le bras a disparu… Si Courteline traite le sujet avec humour (avec le recul, c’est un humour très noir puisque Courteline finira amputé des deux jambes…), il n’en reste pas moins qu’il est un des seuls auteurs à témoigner de cette réalité, toujours d’actualité malheureusement (campagne stop, ça suffit ! )


Même si le sujet des transports n’est pas toujours au centre de la saynète, il peut être évoqué au détour d’une conversation. Ainsi dans  A l’atelier, on apprend que « sur les lignes de chemin de fer, les femmes enceintes voyagent à quart de place ». Le monopole est ensuite défini au terme d’un dialogue savoureux :  » Qu’est-ce que c’est que ça, le monopole ?
– Je vais te l’expliquer en deux mots. C’est une espèce de télescope ; ça sert à mettre les parapluies et ça donne bon goût au boudin. »

Le ticket de correspondance est évoqué dans deux saynètes. C’est le sujet principal de la Correspondance cassée :
Dans Morte saison, pour relancer leur commerce, deux prostituées imaginent un système copié des tickets de correspondance :
Fanny
« si ça te va, je te propose une chose : cent sous la passe, tarif d’été, et nous donnons la correspondance
Palmyre.
La correspondance ?
Fanny.
Et oui ! le truc des tramways, quoi ! deux voyages pour un. »


http://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/8199-exposition-universelle-de-1900-trottoir/
Exposition Universelle de 1900. Trottoir Roulant, Avenue de la Bourdonnais : n°565. Photographe Neurdein. Source : INHA /Service des collections de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts

L’Article 330 évoque un autre moyen de transport installé à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 à Paris. Monsieur La Brige a montré son derrière aux visiteurs de l’Exposition universelle, exaspéré des quolibets qu’ils lui jetaient en passant devant ses fenêtres ouvertes alors qu’ils se trouvaient sur le Trottoir Roulant… La « rue de l’Avenir » était un trottoir roulant parcourant une boucle de 3,5 kilomètres, autour du site de l’exposition, avec neuf stations. Il était installé sur un viaduc, à 7 mètres au-dessus du sol. Il était composé d’une plate-forme fixe et de deux plates-formes mobiles : la principale (2 mètres de large) qui circulait à 8 km/h, et un marche-pied d’accès (80 cm de large) à mi-vitesse. Le trottoir rapide permettait de faire le tour de la boucle en 26 minutes. La plate-forme mobile pouvait recevoir simultanément 14 000 personnes ; durant l’après-midi du jour de Pâques, elle a transporté 70 000 personnes.


Source : Edison Manufacturing Co. [Domaine public], via Wikimedia Commons. Autre film sur le même sujet, à découvrir sur le site de la Library of Congress


Enfin, nous terminerons ce tour des transports par le vélo : Courteline nous propose une Première leçon savoureuse, avec Tristan Bernard.

« — Tenez le guidon sans raideur ; veillez bien à ce que vos pieds ne quittent jamais la pédale, et allez carrément de l’avant !… De la confiance !… Toute l’affaire est là !— Allez ! Je vous tiens.

Ainsi me parlait dans le dos l’auteur charmant du Mari Pacifique, mon ami Tristan Bernard, maître en l’art d’écrire le français et agrégé de vélocipède, si j’ose m’exprimer ainsi. En même temps, joignant le geste à la parole, il avait, de sa dextre robuste, empoigné, au ras de mon fond de culotte, la selle de la bicyclette, théâtre de mes premiers essais, et il en maintenait le fragile équilibre…. »

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53030497h
22-10-19, congrès de l’U.V.F. [Union vélocipédique de France, debout, de gauche à droite, Alfred Riguelle, René Mathis, Van Steenbrugghe, Georges Duchesne, et assis, Louis Josset, Georges Chollet, Léon Breton, Schrader, Ernest Delamarre, Tristan Bernard, Claude Martin] : [photographie de presse] / [Agence Rol] . Source : BnF/ Gallica

Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :

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