Spectacle à la une
Spectacles à la une, actuellement à l’affiche en France ou dans les pays francophones et recommandés par Libre Théâtre
Lune jaune ou la ballade de Leila et de Lee de David Greig

Spectacle vu au Théâtre des Halles, le 2 février 2023
Dans le cadre de Fest’Hiver 2023
Avec ce road movie tragi-comique, David Greig s’inscrit dans la déjà longue tradition du théâtre et du cinéma social d’outre-Manche, représentée entre autres par Dennis Kelly ou Ken Loach. La pièce nous conte (c’est le cas de le dire puisque le récit est à la troisième personne) l’histoire de deux adolescents par définition un peu paumés, en quête de leur identité, voire même de leur rapport à la réalité, poussés suite à un crime à entreprendre un voyage initiatique qui les conduira de Glasgow aux Highlands, à la poursuite d’un père aussi fantomatique que fantasmatique.
Sans entrer dans les détails de cette narration complexe, on saluera l’habileté de la mise en scène pour donner vie sur un plateau à cette errance existentielle, et la performance des comédiens totalement investis dans ces personnages à la fois hyper réalistes pour certains dans leur sensibilité adolescente à fleur de peau, mais aussi symboliques en ce qu’ils incarnent en même temps les archétypes du récit mythique de la construction de soi par la construction de son rapport au monde et à la société.
Critique de Jean-Pierre Martinez
Texte : David Greig
Traduction : Dominique Hollier
Mise en scène : Olivier Barrère
Avec Marion Bajot, Cédric Marchal, Thibaut Pasquier, Titouan Huitric
Collaboration artistique : Aurélie Pitrat
Musique : Nico Morcillo
Scénographie, lumière et images : Erick Priano
Costumes Coline Galeazzi
Compagnie Il va sans dire
Les Rêveurs de la lune à l’Opéra Grand Avignon
Un opéra pour enfants d’Howard Moody

L’opéra est un lieu à juste titre sacré… mais parfois un peu trop sacralisé. Que des enfants s’en emparent le temps d’une matinée est une petite révolution à la fois joyeuse et porteuse d’avenir. Surtout quand ces enfants ne sont pas relégués seulement dans la salle en spectateurs passifs pour recevoir une leçon de plus, mais quand ils sont invités à participer eux-mêmes au spectacle, soit sur la scène en tant qu’acteurs et chanteurs, soit dans la salle pour former un chœur faisant écho à l’histoire qui se déroule sur le plateau. Une histoire qui d’ailleurs raconte la révolte de la jeunesse contre un monde courant à sa perte pour avoir interdit à ses enfants de poursuivre leurs rêves. Par cette habile mise en abyme, cet opéra participatif incite donc les jeunes à ne pas considérer l’art en général comme une idole à vénérer, mais comme une activité libératrice à laquelle ils sont encouragés à participer, dès maintenant en tant qu’amateurs et pourquoi pas demain en tant qu’artistes professionnels.
Ce spectacle, conçu par Sandra Pocceschi et Giacomo Strada, réunit aux côtés de quatre solistes d’envergure internationale et de l’Orchestre national Avignon-Provence dirigé par Federico Santi, les élèves de la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon et les élèves de la classe CHAM du collège Joseph d’Arbaud de Vaison-la-Romaine.
Critique de Jean-Pierre Martinez

Opéra pour enfants d’Howard Moody inspiré par La conférence des oiseaux (1171) du poète persan
Farid al-Din Attar
Livret de Anna Moody
Traduction française Benoît de Leersnyde
Production de l’Opéra national du Rhin
Direction musicale : Federico Santi
Mise en scène, décors, costumes : Sandra Pocceschi Giacomo Strada
Lumières et vidéo : Giacomo Gorini repris par Thierry Kocher
Études musicales : Ayaka Niwano
Rossignol : Aurélie Jarjaye
Cigogne : Alexia Macbeth
Paon : Pierre-Antoine Chaumien
Huppe fasciée : Marc Scoffoni
Rêveurs et Moineaux :
Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon sous la direction de Florence Goyon-Pogemberg
Élèves de la Classe à Horaires Aménagés Musique de 6ème du collège Joseph d’Arbaud Vaison-la-Romaine – Thibaut Plantevin (professeur)
Orchestre national Avignon-Provence
Lien vers le site de l’Opéra Grand Avignon

Rinaldo de Haendel mis en scène par Claire Dancoisne

Rinaldo à l’Opéra Grand Avignon : un spectacle merveilleux tant d’un point de vue musical qu’esthétique
L’opéra Rinaldo de Haendel est un des sommets de la musique baroque*. Alors qu’il est maître de chapelle à Hanovre, Haendel se rend à Londres en 1710 et rencontre un des directeurs du Queen’s Theatre, Aaron Hill, qui lui propose de créer un opéra, s’inspirant de La Jérusalem délivrée du Tasse. Haendel écrit en quinze jours la musique de Rinaldo, sur un livret de Giacomo Rossi. Comme de nombreuses œuvres de la période baroque, Rinaldo est un « pasticcio », une œuvre lyrique qui réutilise des compositions antérieures de Haendel mais aussi des morceaux célèbres d’autres compositeurs. De fait, cet « opera seria » propose une succession d’airs à succès d’une extraordinaire inventivité et d’une beauté mélodique bouleversante.

Cette œuvre a été beaucoup remaniée par Haendel lui-même. La version que proposent le chef Bertrand Cuiller et la metteuse en scène Claire Dancoisne est plus resserrée, gommant l’aspect religieux de l’œuvre originale pour davantage mettre en valeur l’univers symbolique et fantastique de l’opéra. Le résultat est époustouflant : chacun des tableaux est d’une grande créativité, tout en rappelant l’imaginaire de Jérôme Bosch. Un travail scénique qui, en outre, fait appel à toutes les techniques théâtrales, en un hommage spectaculaire aux machineries londoniennes de l’époque de Haendel, notamment quand apparaissent la magicienne Armida sur un dragon ailé, ou Argante sur un poisson à la mâchoire impressionnante, semblant prête à dévorer l’orchestre. On notera aussi les emprunts au théâtre sicilien de marionnettes (« Opera dei Pupi ») pour les scènes de guerre, ou encore au petit théâtre d’objets et de marionnettes (marionnettes manipulées par les interprètes eux-mêmes). L’humour est aussi très présent avec de nombreux clins d’œil à la pop culture et des scènes hilarantes notamment quand le héros Rinaldo enfourche son fidèle destrier, un cheval de fer, à roulettes, démesuré et désarticulé.
Cette splendide mise en scène n’éclipse pas, bien au contraire, l’interprétation musicale. Depuis son clavecin, le chef d’orchestre Bertrand Cuiller dirige avec fougue et précision le superbe ensemble Le Caravansérail, qui tantôt accompagne les chanteurs, et tantôt dialogue avec eux. La qualité de l’interprétation de l’orchestre tient une part importante dans le succès de ce spectacle total salué par de longues ovations. On n’oubliera pas, bien sûr, les cinq chanteurs lyriques dont les prestations vocales et scéniques ont conquis le public.
Un spectacle à ne pas manquer
Critique de Ruth Martinez
* Elisa Barbessi, professeure de Clavecin et d’Histoire de la musique au Conservatoire du Grand Avignon et chercheuse au Collegium Musicæ (Sorbonne Université) a donné le 19 novembre une conférence passionnante autour de Rinaldo, « summa de l’opéra baroque ». Elle était accompagnée de Célia Vakanas, professeure de flûte à bec au Conservatoire du Grand Avignon.
Dimanche 20 novembre 2022 à 14h30
Mardi 22 novembre 2022 à 20h00
Spectacle vu au Théâtre du Chêne Noir le 19 novembre 2022
Je ne suis pas de moi d’après Roland Dubillard

Roland Dubillard a tenu toute sa vie un journal de bord. De ces « Carnets en marge », Maria Machado et Charlotte Escamez ont tiré un dialogue entre le jeune homme qui initia ce journal et l’homme mûr voire le vieillard qui l’acheva sur la fin de sa vie. Il en résulte un texte savoureux fait de réflexions sur la vie en général et sur la création artistique en particulier. Sans oublier un dantesque récit érotico-macabre à mourir de rire. Car ce spectacle, au-delà de sa dimension philosophique, ne manque pas d’humour. Sommes-nous le fils de l’enfant que nous fûmes, qui nous engendra, et qui en quelque sorte avec le temps nous laisse orphelin ? Ou bien, à la fin de notre vie, devenons-nous le père de cet enfant disparu dont nous avions la responsabilité ? Avec « Je ne suis pas de moi », le célèbre dramaturge, dans une schizophrénie jubilatoire, semble renier cette paternité existentielle dans une quête impossible de liberté.
Cet étonnant spectacle est porté par deux immenses comédiens, Denis Lavant et Samuel Mercer, incarnant les deux protagonistes de cette confrontation dialectique et existentielle. Par le verbe et le geste, ces deux interprètes d’exception expriment à la perfection l’incroyable vitalité artistique qui anima pendant toute sa vie Roland Dubillard. Pour finir, on se permettra de rendre un hommage tout particulier à Denis Lavant, véritable trésor national de la scène française. Le voir sur les planches est toujours, quelle que soit la pièce, un événement en soi.
Critique de Jean-Pierre Martinez

D’après les Carnets en marge de Roland Dubillard
Adaptation et mise en scène Maria Machado et Charlotte Escamez
Avec Denis Lavant et Samuel Mercer
Production: La Compagnie Tangente
Coproduction: Marie-Cécile Renauld Prod.
Création lumière : Jean Ridereau
Création sonore : Guillaume Tiger
Vidéo : Maya Mercer
Costumes : Agnès B.
Coordinatrice à la production : Danièle Ridereau
Chargée de diffusion : Hélène Icart – Prima Donna
Assistante à la mise en scène : Eugénie Divry
Régie générale : Christian Lapaillote
Théâtre du Chêne Noir – Samedi 19 novembre à 20h
Dimanche 20 novembre à 16h
Tarifs
Général : 30€
Réduit : 25€
Pass Saison : 21€
Etudiants, demandeurs d’emploi : 10€
Pass Culture / E-Pass
Lien pour réserver
Puis au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris
du 30 novembre au 31 décembre 2022 à 19h, du mardi au samedi et dimanche à 15h30
Lien pour réserver