Spectacles qui sont ou ont été à l’affiche. Certains de ces spectacles font l’objet de recommandations de Libre Théâtre.
Quand le diable s’en mêle, Feydeau mis en scène par Didier Bezace
Au Théâtre de l’Aquarium, jusqu’au 1er octobre 2016 d’après trois pièces de GeorgesFeydeau : Léonie est en avance, Feu la mère de Madame et On purge bébé adaptation et mise en scène Didier Bezace La Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris
du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 16 h
Bénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-ND
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Didier Bezace met en scène, au Théâtre de l’Aquarium, trois courtes pièces de Feydeau. Loin des montages réalistes et boulevardiers, l’univers de Feydeau est ici fantastique et burlesque. C’est un diable farceur qui fait irruption chez les petits-bourgeois sous les traits de la terrible sage-femme dans Léonie est en avance, du sombre valet annonciateur d’un décès dans Feu la mère de Madame et de l’insupportable Toto dans On purge Bébé. Il dérègle ainsi les situations et les relations conjugales dans une atmosphère surréaliste, renforcée par les jeux de lumières et de fumées ; le décor, composé uniquement d’un très beau praticable mobile en bois, est d’abord le parquet incliné d’un salon, qui devient un lit démesuré dans Feu la mère de Madame ou un bureau immense dans On purge Bébé.
La drôlerie de Feydeau est toujours là, servie par une équipe de 7 comédiens exceptionnels. Le diable sournois est admirablement incarné par Philippe Bérodot, les autres comédiens interprètent, tour à tour suivant les pièces, les couples ou leur entourage, donnant vie à ces personnages ridicules mais attachants.
Avec cette lecture originale, on voit aussi poindre dans ces courtes pièces de Feydeau les germes du théâtre de l’absurde, mettant en scène les difficultés de communication entre les êtres et les dérèglements du langage.
Un spectacle réjouissant à ne pas manquer.
Les croquis de Bénédicte Roullierlescroquis.fr (réalisés pendant la représentation).
Bénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-NDBénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-NDBénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-NDBénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-NDBénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-NDBénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-NDBénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-ND
Jusqu’au 2 octobre Théâtre de la Tempête Cartoucherie, Rte du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 16h
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L’École des femmes : une farce tragique.
Le théâtre de la Tempête remet à l’affiche, pour notre plus grand plaisir, une mise en scène de l’École des femmes signée par Philippe Adrien. Ce dernier, en situant l’action au XIXème siècle, nous propose une lecture inédite de cette œuvre tardive de Molière, et nous rappelle habilement les raisons pour lesquelles elle fit scandale à l’époque, mêlant pour la première fois les codes de la farce et de la comédie. L’École des femmes, en effet, est une histoire de femme, de mari et d’amant caché dans le placard. Sauf que le cocu n’est pas encore marié, et que celle qui le trompe est encore vierge. De fait, en soulignant la complexité des personnages de Molière, cette mise en scène révèle de façon très originale la dimension tragique de cette comédie.
La pièce s’ouvre sur un tableau muet : l’Angélus de Millet, qui fit tant fantasmer Dali. Pour ce peintre de génie, le couple de paysans n’était pas seulement en train de prier après l’Angélus : ils se recueillaient devant le cercueil d’un enfant mort. Philippe Adrien nous donne aussi à voir dès le début de la pièce l’enterrement du « petit chat », nous fournissant ainsi une grille de lecture forte et très cohérente de ce texte, qui nous raconte la fin de l’innocence avec la naissance de la sexualité.
La farce de Molière, cependant, est toujours là : les deux serviteurs, dans la grande tradition de la Commedia dell’Arte, servent leur maître avec la plus grande bêtise, accumulant les gags. La scène du notaire est également un moment d’anthologie : Raphaël Almosni incarne un notaire totalement fou, aux gestes désordonnés.
Les décors, avec des jeux de voile et de draps couverts de sang, suggèrent la violence sous-jacente de la situation, car il s’agit bien de l’enfermement d’une jeune fille et d’un mariage forcé. La lumière dessine les espaces scéniques et donne à voir l’âme des personnages, lumineuse ou inquiétante.
Pierre Lefebvre incarne avec grâce un Horace papillonnant. Il danse, semble voler parfois sur les ailes du désir dans une chorégraphie parfaite. Valentine Galey donne à Agnès une rare consistance : ingénue, innocente, joueuse puis amoureuse et passionnée.
Patrick Paroux compose un Arnophe terriblement humain : il est d’abord risible dans sa folie de vouloir façonner Agnès, mais face à l’émancipation de sa pupille qu’il veut prendre pour femme, il devient inquiétant puis pathétique et émouvant quand il la supplie de l’aimer.
Les costumes de bourgeois et quelques éléments de décor, comme le trophée de chasse aux grandes cornes qui orne l’entrée de la maison d’Arnolphe, rendent plus évidente la glorieuse lignée de cette pièce, annonçant les vaudevilles du XIXème siècle.
Arnolphe a élevé sa pupille Agnès dans l’isolement le plus total afin de faire d’elle une épouse soumise et fidèle. La naiveté de la jeune fille doit le préserver de toute tromperie, sa hantise : « Épouser une sotte est pour n’être point sot ». Mais c’est sans compter sur les ruses et les sortilèges de l’amour naturel qui, sous les traits d’Horace, se révèle à elle. Le vieux fou, victime de son aveuglement voit se refermer le piège qu’il a lui-même dressé. Mais il aura entre-temps découvert les élans et les supplices d’un amour authentique : « Quelle preuve veux-tu que je t’en donne, ingrate ? / Me veux-tu voir pleurer ? » Agnès s’éveille sous nos yeux aux sensations, au sentiment, à la parole enfin qui, une fois conquise, constitue la véritable école de liberté. L’ oiseau est prêt à s’envoler. L’École des femmes, ou la défaite d’une tyrannie… Oui, Molière toujours, pour le défi, l’irrespect, la liberté par émancipation, qui laisse Arnolphe pantelant. Exit. Sous les rires.
avec
Patrick Paroux, Arnolphe
Valentine Galey, Agnès
Pierre Lefebvre, Horace
Joanna Jianoux, Georgette
Gilles Comode, Alain
Pierre Diot, Chrysalde
Raphaël Almosni, Le notaire, Enrique
Vladimir Ant, Oronte
Décor : Jean Haas
Lumières : Pascal Sautelet assisté de Maëlle Payonne
Lien vers la chronique de l’Ecole des Femmes sur Libre Théâtre
Racine ou la leçon de Phèdre
Théâtre de Poche-Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse
75006 Paris
Représentations du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h
Relâches exceptionnelles les 23 et 30 octobre
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Racine ou la leçon de Phèdre est un spectacle conçu, mis en scène et interprété par Anne Delbée qui, pendant une heure trente, nous fait partager la jouissance et l’émotion que procure la langue de Racine.
Cette grande tragédienne nous propose une performance à la façon d’un opéra rock pour raconter la vie de Racine à travers les vers sombres ou lumineux d’Andromaque, Bérénice, Iphigénie, Phèdre… En nous révélant les tragédies intimes de ce grand poète, à travers ses plus beaux alexandrins, c’est l’universalité, l’actualité et la modernité de son propos qui nous touche. Accompagnée par des musiques éclectiques, du baroque au rock, subtilement sélectionnées, Anne Delbée livre aussi une leçon magistrale sur la scansion des vers de Racine, la musicalité et le rythme de ses phrases.
Ce n’est pourtant pas à un cours sur Racine auquel nous sommes conviés, mais bien à un véritable spectacle, rappelant les cabarets expressionnistes. Seule en scène, Anne Delbée, travestie en homme, évolue dans un superbe décor de plaques métalliques, support pour la projection d’images ou instrument sonore qui rappelle le théâtre antique. De très beaux jeux de lumière et quelques accessoires complètent ce dispositif très simple, merveilleux écrin pour une immense comédienne.
On ressort bouleversé de ce voyage passionné et tragique.
Conception, mise en scène, interprétation : ANNE DELBÉE
Scénographie : Abel ORAIN
Création lumière: Andréa ABBATANGELO Réalisation vidéo : Émilie DELBÉE
Musique : Patrick NAJEAN
Costume : Mine BARRAL VERGEZ
Illustrations : Emmanuel ORAIN
Renseignements et réservations par téléphone : 01 45 44 50 21
Lien vers le site du théâtre
Crédit photo : Emmanuel OrainCrédit photo : Emmanuel Orain
L’Île des esclaves de Marivaux
du 7 au 30 juillet à 19h30
Théâtre des Corps Saints
76, place des Corps Saints – 84000 Avignon
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Écrite plus d’un demi siècle avant la Révolution Française, cette fable philosophique de Marivaux en expose les enjeux, prudemment transposés à l’époque de la Grèce Antique, pour ne pas provoquer la censure de l’Ancien Régime. Naufragés sur une île, un homme et une femme nobles, accompagnés chacun de leur valet et servante, y découvrent une société sans classe. En guise d’épreuve, le sage qui règne sur cette étrange république leur propose d’inverser leurs rôles, les maîtres devenant esclaves, et vice versa.
La Compagnie Les Affamés propose une lecture très cohérente mais pessimiste de cette comédie, en réinscrivant habilement dans le monde moderne cette réflexion sur la dialectique du maître et de l’esclave : les costumes sont contemporains, et la violence des relations de domination est exprimée de façon très physique, y compris dans sa dimension sexuelle. On saluera tout particulièrement le jeu des quatre comédiens de talent interprétant ces deux couples appelés à échanger leurs rôles en même temps que leurs vêtements : Anthony Candellier, Aude Carpintieri, Marie-Véronique Pougès, François Tantot. Quant au malin génie qui tire les ficelles de cette comédie humaine, mais qui se révélera démuni face à l’égoïsme des puissants, il est incarné avec brio par Gilles Droulez, qui signe aussi la mise en scène. Cette île utopique et potentiellement paradisiaque deviendra donc peu à peu un enfer, les panneaux de bois figurant en fond de scène la limite entre le monde des hommes et un mystérieux au-delà, avançant progressivement vers les spectateurs afin de créer un effet d’oppression.
La solution aux conflits sociaux originellement inscrite dans le texte de Marivaux semble en effet aujourd’hui un peu datée. La lutte des classes se règle finalement grâce au sens moral exemplaire des opprimés d’hier, qui accordent leur pardon à leurs anciens tyrans, en renonçant à tout désir de vengeance pour prôner une nouvelle fraternité. La mise en scène de Gilles Droulez, sans modifier le texte et sans en trahir l’esprit, nous propose de façon surprenante une autre fin possible, plus tragique mais sans doute plus en accord avec la réalité. Nous vous laissons la découvrir en allant voir ce spectacle engagé.
Metteur en scène : Gilles Droulez Interprètes : Anthony Candellier, Aude Carpintieri, Gilles Droulez, Marie-Véronique Pougès, François Tantot Scénographe : Maria Landgraf Assistante mise en scène : Fanny Corbasson Création musicale : François Tantot
Pour en savoir plus sur la pièce et lire le texte intégral : notice sur Libre Théâtre
La Compagnie Les Affamés
Les Affamés, par leurs moyens d’expression que sont la gestuelle, la voix, le chant et l’engagement de l’acteur sur scène, cherchent à transmettre un état d’être transcendant l’enfermement de l’homme dans la société, en s’appuyant sur des textes poétiques. La musique, omniprésente, participe à l’atmosphère que véhicule la magie des textes. Le quotidien est parfois oppressant. Nous revendiquons un théâtre de l’authenticité afin d’aller au-delà, vers l’essentiel. Il est vital de donner libre court à notre imaginaire en se laissant guider, grâce à la force des mots, vers une réalité différente, dans un univers décalé.
Lien vers le site de la compagnie
L’Affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche à Avignon
du 7 au 30 juillet à 15h50
AU COIN DE LA LUNE
24, rue Buffon 84000 Avignon
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Comment en arrive-t-on à étrangler son chat pour éviter d’être accusé du meurtre d’une charbonnière ? Ainsi pourrait-on résumer l’argument de cette comédie délirante de Labiche, dont l’intrigue, par ailleurs très bien ficelée, dénonce le cynisme d’une certaine bourgeoisie qui, lorsqu’elle peut échapper à la justice, se croit dispensée de tout sens moral.
Entre boulevard et fantaisie burlesque, la mise en scène d’Agnès Arnau nous propose un spectacle théâtral très visuel mais aussi musical. Les costumes aux couleurs acidulées tranchent avec le décor, constitué de quelques panneaux dessinés en noir et blanc un peu à la façon de Cocteau. Les changements d’ambiance, de la réalité au fantastique, sont habillement soulignés par les jeux de lumières.
Léo Guillaume incarne avec drôlerie le bien nommé Lenglumé, jouet de cette farce cruelle, et Agnès Arnau, qui signe aussi la mise en scène, joue son épouse, aussi pétillante que son mari semble amorphe, en raison de sa gueule de bois. Tous les autres personnages de cette comédie enlevée sont parfaitement composés et interprétés avec brio par des comédiens de talent. Sans oublier Damien Chauvin qui en bord de scène, avec son piano, accompagne les transitions et les moments chantés, tout en se chargeant aussi des bruitages.
Un spectacle complet, à ne pas manquer si vous êtes encore à Avignon. (Critique rédigée lors du Festival d’Avignon 2016)
Lien vers le site du OFF
du 7 au 30 juillet à 13h15
ARRACHE-COEUR (THÉÂTRE L’)
13, rue du 58ème R.I Porte Limbert – 84000 Avignon
Coelio aime désespérément Marianne. Pourtant, il ne lui a jamais parlé… Car la jeune femme est mariée au juge de la ville qui contrôle tout. Pour pouvoir l’aborder, Coelio fait appel à son ami Octave. Marginal et alcoolique, celui-ci va, malgré lui, bousculer la vie de chacun.
Transposée au 21ème siècle dans un univers urbain chaotique et désolé, la pièce d’Alfred de Musset devient une tragédie moderne aux accents burlesques, où chaque personnage tente de survivre à sa propre solitude.
Metteur en scène : Patrick Alluin, Simon Coutret Interprètes : Constantin Balsan, Simon Coutret, Roch Debache, Caroline Delaunay, Natacha Krief, Julien Muller Scénographe : Thierry Good Créatrice costumes : Pauline Pénelon Créateur lumières : Eric Charansol
Pour en savoir plus sur la pièce et lire le texte intégral : notice sur Libre Théâtre
Pour réserver par téléphone : (0)4 86 81 76 97
Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand mise en scène de Maryan Liver
Fantaisie tragi-comique pour deux comédiens
L’Adresse – 2, avenue de la Trillade – Avignon
du 7 au 30 juillet à 16h05 – Relâches : 12, 19, 26 juillet
Libre Théâtre vous recommande ce spectacle
Jouer Cyrano de Bergerac à deux comédiens seulement était un pari audacieux. Ce pari est gagné : le chef d’œuvre d’Edmond Rostand est interprété avec enthousiasme et émotion par deux comédiens virtuoses, Thomas Bousquet et Maryan Liver, qui signe également la mise en scène (à la Folie Théâtre, Sidonie Gaumy remplacera Maryan Liver).
À l’aide de quelques accessoires bien choisis, une gestuelle particulière ou une diction caractéristique, chacun des personnages est clairement identifié, ce qui permet aux deux interprètes de les incarner tous successivement sans qu’aucune confusion ne s’installe dans l’intrigue. Le cuisinier Ragueneau est symbolisé par une marmite, une grande marionnette représente Christian, le Comte De Guiche est figuré par une immense tête de carnaval…
Dans cette atmosphère de théâtre de foire, l’action est menée tambour battant, et on a même droit à une joute digne d’un spectacle de cape et d’épée, avec des archets en guise de fleurets, faisant écho à toutes les autres joutes de la pièce, verbales celles-là, où les répliques cultes fusent en permanence.
Quelques magnifiques créations originales constituent le décor : une malle qui se transforme en roulotte, un orgue de barbarie de la taille d’un accordéon… Les jeux d’ombre et de lumière, signés par Gillian Duda, installent une atmosphère de féerie. Enfin, la musique de Mathieu Scala accentue la dimension poétique de cette inoubliable comédie héroïque. L’ingéniosité de la mise en scène parvient donc à nous faire accepter la convention théâtrale. La puissance du texte poignant de Rostand fait le reste. À la fin de l’envoi, ce Cyrano nous touche. On sort de la salle encore ému, pleurant son malheur, mais lui enviant son panache.
(Spectacle vu à Avignon en juillet 2016)
Metteur en Scène : Maryan Liver
Interprètes : Thomas Bousquet, Sidonie Gaumy
Costumier : Frédéric Morel
Création Lumières : Gillian Duda
Composition des musiques :Mathieu Scala
Coup de cœur de Libre Théâtre : le génie de Molière réincarné !
D’entrée, le récit que fait Eraste à son valet de ses démêlés avec un fâcheux au théâtre déclenche l’hilarité par un effet de mise en abyme… C’est tout d’abord le choix d’un texte de Molière rarement représenté qu’il faut saluer. C’est ensuite l’intelligence et l’à-propos de la mise en scène de Jérémie Milszstein, assisté de Brice Borg. Usant de tous les procédés du comique en un véritable feu d’artifices, ils nous livrent une version très moderne de cette comédie toujours d’actualité (car les fâcheux sont encore parmi nous) tout en renouant avec l’esprit des représentations de l’époque, en jouant par exemple avec le public et en intégrant ses réactions par des improvisations…
Les costumes sont contemporains et les intermèdes de ballet qui marquent la fin des actes empruntent à Barbara ou Dario Moreno. Même la vidéo est mise à contribution. Et pourtant, ces anachronismes, loin d’apparaître comme des postures, semblent redonner à Molière sa vérité en le désacralisant.
Autre tour de force : faire jouer cette pièce comportant 18 personnages par 4 comédiens seulement ! Car il faut rendre un hommage appuyé à la virtuosité étonnante des interprètes de ce spectacle.
Emmanuel Rehbinder incarne un Eraste survolté. Persécuté qu’il est par tous ces fâcheux, il nous délivre cependant avec une incroyable fluidité les alexandrins de Molière, qui de sa bouche coulent avec le naturel de la prose.
Jérémie Milszstein, le metteur en scène, interprète le rôle du valet La Montagne, dans un savoureux numéro de fourberie à l’égard de son Maître Eraste.
Justine Martini est Orphise, la belle convoitée par Eraste, à qui tous ces fâcheux font obstacle. Aussi pétillante que frivole et manipulatrice, elle contribue à rendre fou son malheureux prétendant.
Enfin Benjamin Witt (en alternance avec Brice Borg) fait encore plus fort que Molière en interprétant tous les fâcheux et les fâcheuses. Dans une performance époustouflante, il passe sans transition d’un rôle à l’autre tel un véritable transformiste, ou même interprète à lui seul un dialogue entre deux femmes dans un numéro de ventriloquie burlesque.
Le succès mérité de ce spectacle jubilatoire se mesure facilement aux éclats de rire incontrôlés qui résonnent dans la salle du début à la fin de la représentation.
Bref, courez voir ces irrésistibles Fâcheux ! Pour notre part, nous avons déjà envie d’y retourner.
(Vu à Avignon en 2017)
Illustrations du spectacle par Bénédicte Roullier, lescroquis.fr
(Licence des dessins : CC BY-NC-ND)
Mise en scène : Jérémie Milsztein assisté de Brice Borg
Distribution :
Justine Martini
Brice Borg en alternance avec Benjamin Witt
Jérémie Milsztein
Emmanuel Rehbinder
Pour en savoir plus sur la pièce et lire le texte intégral : notice sur Libre Théâtre
« Sous quel astre, bon Dieu, faut il que je sois né,
Pour être de Fâcheux toujours assassiné ! »
« Importuns, raseurs, enquiquineurs, casse-pieds, ou, pour le dire plus net, emmerdeurs, quel que soit les vocables, la réalité est la même ! Les fâcheux, dont parle Molière, sont une engeance aussi vieille que la nature humaine. Grâce à cette comédie, le mot, d’adjectif, devient nom : le fâcheux se fait homme. »
Éraste, un gentilhomme amoureux d’Orphise, voit ses projets de mariage contrariés par le tuteur de celle-ci. Il doit se rendre à un rendez-vous amoureux avec elle, mais une dizaine d’importuns retardent à des titres divers et sous les prétextes les plus variés l’exécution de son projet. Enfin survient le tuteur d’Orphise (Damis), qui entend faire assassiner le jeune homme, mais il est lui-même attaqué par les valets d’Éraste. Le généreux jeune homme le tire de ce mauvais pas et obtient ainsi la permission d’épouser sa dulcinée.
L’Ecole des femmes de Molière, par la Compagnie Alain Bertrand
du 5 au 28 juillet à 11h45 – relâche les 9, 16, 23 juillet CINE VOX 22 place de l’Horloge – 84000 Avignon
*** Libre Théâtre vous recommande ce spectacle
Molière, qui sait si bien se moquer des Précieuses ridicules ou des Femmes savantes, nous montre avec L’École des femmes qu’il est aussi l’un des premiers à s’être engagé dans le combat pour la libération de la femme. Il nous raconte l’histoire d’un vieux barbon, Arnolphe, tenant sous clef une innocente jeune fille qu’il a fait élever au couvent pour la tenir dans l’ignorance des choses de l’amour, avant de l’épouser et d’en faire une esclave domestique. L’amour, en la personne du jeune Horace, suffira à instruire Agnès du caractère contre-nature de ce mariage forcé. Au-delà de la comédie, cette charge contre les riches vieillards qui, en épousant des jeunesses, se destinent à être cocus, est aussi et surtout un plaidoyer d’une brûlante actualité contre le sort fait aux femmes dans les sociétés qui les privent de leur liberté.
Étonnant Arnolphe, Alain Bertrand, en provoquant les réactions de la salle par ses tirades outrancières contre les femmes, nous montre toute l’ironie des alexandrins de Molière, soulignant la misogynie de l’époque pour mieux la condamner. Le décor de Jean-Marie Brial symbolise avec force l’enfermement des femmes : toute l’action se déroule autour d’un portail en bois, entouré de hautes grilles, avec deux battants comportant des judas également grillagés. Un dispositif scénique offrant par ailleurs de nombreuses possibilités de jeux, les comédiens apparaissant ou disparaissant comme des marionnettes dans un décor de Guignol.
Mis en scène par le spécialiste de la Commedia dell’ Arte, Carlo Boso, ce spectacle fait aussi appel au chant et à la danse. Il exploite le côté farce de cette comédie, en soulignant l’aspect grivois du texte et en accentuant la dimension burlesque des deux valets, interprétés par Philippe Cordorniu et Christelle Garcia. Les costumes d’époque sont superbes et contribuent à véhiculer le message de la pièce quand la capuche imposée par le vieil Arnolphe à la jeune Agnès, incarnée avec grâce par Mélanie Samie, prend des allures de voile. Face à elle, Simon Lapierre est un jeune et fougueux Horace. Carlo Boso crée le rôle de la conteuse, interprétée par Cécile Boutris, qui commente au public l’action, en chansons, accompagnée de son limonaire, ou en alexandrins que l’on croirait de la plume de Molière lui-même. Des airs polyphoniques de Rameau ou Jannequin, complétés par des créations originales de l’Argentin Pedro Ochoa, sont interprétés brillamment par les comédiens et ponctuent chaque acte.
Un très beau spectacle qui met en lumière la modernité du texte de Molière.
(Critique rédigée en 2016)
Mise en scène : Carlo Boso avec Alain Bertrand (Arnolphe), Mélanie Samie (Agnès), Simon Lapierre (Horace), Christelle Garcia (Georgette, Orante, La Notaire), Philippe Codorniu (Alain, Enrique), Cécile Boucris (Chrysalide, La Conteuse) Direction des chants : Cécile Boucris Costumes : Héloïse Calmet Pantomime : Elena Serra Décor : Jean-Marie Brial Lumières : Gaspard Mouillot Adaptation : Carlo Boso et Alain Bertrand
Pour en savoir plus sur la pièce et lire le texte intégral : notice sur Libre Théâtre
La compagnie a été créée en 1988 à Grenoble. Alain Bertrand, qui en assure la direction, affirme son attachement à un théâtre vivant accessible à un public très large.
Trop souvent réservé à une minorité, le théâtre d’aujourd’hui doit renouer avec le plaisir, et s’appuyer sur une intelligence et une sobriété de moyens. En un mot, revenir à l’essence d’un théâtre fondé sur le jeu d’acteur. L’énergie que dégage le comédien, son jeu corporel et son pouvoir d’évocation font de la scène un lieu exceptionnel d’échange, d’émotion et de fête.
Le travail de la compagnie est orienté depuis de nombreuses années sur le Clown de Théâtre et la Commedia dell’Arte qui servent de support artistique à la plupart de ses créations et à sa pédagogie.
Le Mariage de Figaro à l’affiche
du 7 au 30 juillet à 16h15 – Cour du Barouf
relâche les 12, 19, 26 juillet COUR DU BAROUF
7 bis, rue Pasteur – 84000 Avignon
🙂 Libre Théâtre vous recommande ce spectacle
« Ne regarde pas d’où tu viens, vois où tu vas ; cela seul importe à chacun… Sois gai, libre et bon pour tout le monde.»
Que ces paroles prononcées par Marceline font du bien en ces temps troublés! Si Beaumarchais décrit lui-même Le Mariage de Figaro comme la plus badine des intrigues, cette pièce donne aussi matière à penser entre deux éclats de rire, en exaltant la liberté (« sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur »), l’égalité (« Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus ») et la fraternité, ou plutôt la sororité, car seules les femmes dans cette comédie, font preuve de solidarité entre elles au-delà de leurs conditions sociales (« quand l’intérêt personnel ne nous arme point les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé contre ce fier, ce terrible… et pourtant un peu nigaud de sexe masculin »)
Ne manquez donc sous aucun prétexte le très beau spectacle de la Compagnie AVANTI !
Jouée en extérieur, et reprenant les codes du théâtre de tréteaux, cette comédie, mise en scène par Giuliano Bonanni, utilise avec finesse tous les ressorts de la Comedia dell’arte pour souligner la critique sociale qui sous-tend l’ensemble de la pièce. Le décor, constitué seulement de quelques planches, est complété dans l’imaginaire du public par la création d’un espace sonore, à l’aide de divers instruments utilisés pour des bruitages clownesques. Sans oublier le mistral et les cigales qui s’invitent dans l’orchestre pour jouer leur partition. L’intrigue est également rythmée par des chants et des danses flamenco, qui nous rappellent que l’action se déroule en Andalousie. Les superbes costumes originaux, créés par Agathe Helbo, contribuent à donner vie à ces personnages haut en couleurs, utilisant tantôt le maquillage tantôt le masque pour exprimer leur caractérisation.
Usant à merveille de toutes les ficelles du théâtre gestuel et du burlesque, les comédiens de la Compagnie Avanti ! célèbrent avec un grand talent et une belle énergie ce Mariage de Figaro…
Le public rit et applaudit à tout rompre ce joyeux spectacle, qui peut aussi être vu en famille.
À ne pas manquer.
Illustrations du spectacle par Bénédicte Roullier, lescroquis.fr
Bénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-NDBénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-NDBénédicte Roullier, lescroquis.fr. CC BY-NC-ND
Metteur en scène : Giuliano Bonanni Interprètes : Agathe Boudrières, Rym Bourezg, Thibaut Kizirian, Ivan Mader, Luca Antonio Martone, Loïc Richard, Océane Rucinski, Camille Thomas Assistant Mise en scène : Gabriele Gattini Bernabò Direction Musicale : Cécile Evrot Costumière : Agathe Helbo Chorégraphe Flamenco : Karine Herrou Maquilleuse : Catherine Gargat Masques et Scénographies : Stefano Perocco di Meduna
Avanti ! est une compagnie fondée par Luca Anthony Martone et Ivan Mader suite à leur formation à l’AIDAS (Académie Internationale des Arts du Spectacle, dirigée par Carlo Boso et Danuta Zarazik) en 2012 à Paris. Franco-italienne, la Compagnie se tourne vers le renouveau de la Commedia dell’Arte à travers l’étude et l’adaptation d’auteurs classiques de toutes origines.
Fiers de défendre le théâtre de tréteaux, les comédiens de la Compagnie se dirigent vers des créations qui se veulent populaires et critiques avec l’humour comme arme de réflexion.
Chaque acteur travaille sur le masque, le corps et la voix, nourri de ses expériences diverses pour créer un univers où se mêlent tous les arts de la scène : acrobatie, danse, chant polyphonique, escrime…
Avec le succès de la pièce Les Fourberies de Scapin, jouée plus de 300 fois, la Compagnie Avanti ! participe au Festival d’Avignon OFF en 2012 et 2013, et est à l’affiche de deux théâtres parisiens (Comédie Saint-Michel, Les Feux de la Rampe) de septembre 2012 à janvier 2015. Le spectacle reçoit en 2013 le premier Prix Molière, décerné par la Ville de Pézenas, remis par Jacques Weber, Francis Perrin et Patrick Préjean.
Depuis, la Compagnie Avanti ! est à l’affiche de nombreux festivals et saisons culturelles en France (Mont-de-Marsan, Tréteaux Nomades à Paris, Marseille, Noirmoutiers, Île d’Yeu…) mais aussi en Europe (Carnaval de Rome, Festival Internacional de Mascaras e Commediantes à Lisbonne).
La mise en route de cette nouvelle création, mise en scène par Giuliano Bonanni, permet de garder la devise que s’est fixée la compagnie : redonner le gout des classiques à nos contemporains, toujours dans la bonne humeur et au service du rire, moteur essentiel de la cohésion sociale et de l’accès à la culture.
Lien vers le site de la compagnie
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