Le Baron de Fourchevif d’Eugène Labiche

Comédie en un acte d’Eugène Labiche et Alphonse Jolly, représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Gymnase-Dramatique, le 15 juin 1859. Publiée en 1859 à la Librairie Théâtrale.
Distribution : 4 hommes et 2 femmes
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L’argument

M. et Madame Potard, marchands de porcelaine se font appeler Baron et Baronne de Fourchevif, depuis l’achat de la terre de Fourchevif dix-huit ans auparavant. L’arrivée d’un jeune peintre qui prétend être le dernier descendant de cette famille noble les met en difficulté, alors qu’ils préparent le mariage de leur fille et que Fourchevif veut se présenter aux élections.

Un extrait

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b64008754
Le comédien Geoffroy qui a créé le rôle du Baron de Fourchevif, ici dans Un pied dans le crime, comédie d’Eugène Labiche et Adolphe Choler. Portrait de Geoffroy par Lhéritier. Source : BnF/Gallica

Lambert.
C’est bien M. le baron de Fourchevif que j’ai l’honneur de saluer ?

Fourchevif.
Lui-même ; après ?

Lambert.
En êtes-vous bien sûr ?

Fourchevif.
Comment ! voilà qui est fort !

Lambert.
Vous savez qu’il n’en reste plus qu’un Fourchevif… le dernier de la famille ?

Fourchevifse désignant.
Eh bien ?

Lambert.
J’ai bien de la peine à croire que ce soit vous.

Fourchevif.
Et pourquoi, s’il vous plaît ?

Lambertsimplement.
Parce que c’est moi !

Fourchevif.
Hein ? vous M. le baron ?
Il ôte vivement sa casquette.

Lambert.
Couvrez-vous donc, je vous prie.

Fourchevif.
C’est impossible ! un baron… en blouse !

Lambert.
Vous êtes bien en casquette ! Faut-il produire mon acte de naissance ? Je suis fils de Raoul de Fourchevif et de dame Raymonde Jacotte de Fourcy.

Fourchevifà part.
J’ai vu ces noms-là dans mes titres. (Haut.) Mais que signifie cette carte : « Etienne Lambert » ?

Lambert.
C’est mon nom de peintre, mon nom de guerre, si vous voulez… Sans fortune et obligé de vendre mes tableaux pour vivre, je n’ai pas cru devoir associer le nom de mes ancêtres aux péripéties d’une position… plus que précaire ; il sied mal de porter ses diamants quand on n’est pas toujours sûr d’avoir un habit. Alors, j’ai mis le nom de mes aïeux dans ma poche, par respect pour eux, et j’en ai arboré un autre : Etienne Lambert ! Au moins, celui-là n’engage pas. Etienne Lambert peut endosser la blouse du peintre, fumer librement sa pipe, loger au sixième étage, et, dans les jours difficiles, aborder sans humiliation le dîner à vingt-deux sous… Le baron de Fourchevif ne le pourrait pas.

Fourchevif.
Vous m’avez l’air d’un brave garçon, je crois que nous pouvons nous entendre.

Lambert.
Comment cela ?

Fourchevif.
Du moment que vous ne vous servez pas du nom de vos ancêtres, je ne vois pas pourquoi vous vous opposeriez à me le laisser porter.

Lambert.
Vous croyez que ça se prête comme un parapluie ?

Fourchevif.
Oh ! je ne vous le demande pas pour rien. (Tirant son portefeuille.) Je suis trop juste.

Lambert.
Oh ! oh ! cachez cela.

Fourchevif.
Comment ?

Lambert.
Je ne vends pas de vieux galons.

Fourchevifétonné.
Ah ! alors, que désirez-vous ?

Lamberts’asseyant.
C’est bien simple, je désire que vous sortiez de mon nom.

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