L’Affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche
Comédie en un acte mêlée de couplets d’Eugène Labiche, Albert Monnier et Édouard Martin. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal, le 26 mars 1857, publiée en 1864.
Distribution : 4 hommes, 1 femme.
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre
L’Argument
Lenglumé se réveille avec une gueule de bois et trouve dans son lit un homme dans le même état, Mistingue. Ils se souviennent seulement d’avoir participé la veille au dîner organisé par l’institution Labadens dont ils étaient tous deux élèves. Au cours du déjeuner, Norine, la femme de Lenglumé, leur lit un article sur le meurtre d’une jeune charbonnière, retrouvée dans la rue de Lourcine. Lenglumé et Mistingue craignent d’être les meurtriers, car plusieurs détails sont troublants.
Un extrait
Lenglumé, seul, passant sa tête entre les rideaux
Personne !… Tiens, il fait grand jour !… Où est donc mon pantalon ?… Tiens ! je suis dedans !… Voilà qui est particulier !… je me suis couché avec… Ah ! je me rappelle !… Chut ! madame Lenglumé n’est pas là… Hier ; j’ai fait mes farces… Sapristi, que j’ai soif ! Je suis allé au banquet annuel de l’institution Labadens, dont je fus un des élèves les plus… médiocres… Ma femme s’y opposait… alors, j’ai prétexté une migraine ; j’ai fait semblant de me coucher… et v’lan ! j’ai filé chez Véfour… Ah ! c’était très bien… on nous a servi des garçons à la vanille… avec des cravates blanches… et puis du madère, du champagne, du pommard !… Pristi, que j’ai soif !… Je crois que je me suis un peu… pochardé !… Moi ; un homme rangé !… J’avais à ma droite un notaire… pas drôle ! et à ma gauche, un petit fabricant de biberons, qui nous en a chanté une passablement… darbo ! ah ! vraiment, c’était un peu… c’était trop… Faudra que je la lui demande… Par exemple, mes idées s’embrouillent complètement à partir de la salade ! Ai-je mangé de la salade ?… Voyons donc ?… Non !… Il y a une lacune dans mon existence ! Ah çà ! comment diable suis-je revenu ici ?… J’ai un vague souvenir d’avoir été me promener du côté de l’Odéon… et je demeure rue de Provence !… Était-ce bien l’Odéon ?… Impossible de me rappeler !… Ma lacune ! toujours ma lacune !… Neuf heures et demie !… Dépêchons-nous de nous habiller. Hein !… On a ronflé dans mon alcôve ! Nom d’un petit bonhomme ! j’ai ramené quelqu’un sans m’en apercevoir !… De quel sexe encore ?…
L’affaire de la rue de Lourcine sur le site de l’INA
Interview de Patrice Chéreau, animateur à 22 ans du théâtre de Sartrouville : l’intérêt de montrer une pièce de LABICHE à un public de banlieue (proximité avec Buster Keaton et Char. Il parle ensuite de « L’Affaire de la rue de Lourcine » et de ses choix de mise en scène de cette pièce. Extrait de la Tribune JT du 8 mai 1967. Lien vers le site.
A lire également l’analyse de Céline Hersant sur le site de l’INA
« Dans son spectacle, Chéreau réécrit la fin du texte pour lui donner davantage de noirceur en sapant la résolution de la pièce qui s’achève chez Labiche sur la levée du quiproquo : il faut voir dans ce choix dramaturgique l’influence de la lecture critique nouvelle de Labiche que Philippe Soupault donne en 1964 dans son étude Eugène Labiche (Mercure de France, 1964), en montrant la cruauté des observations et des peintures sociales propres à un auteur dont ne peut pas résumer l’œuvre à un ensemble de joyeux vaudevilles. Le divertissement doit en effet chez Labiche laisser la part belle à la satire. C’est dans cette perspective que Chéreau entendait monter L’Affaire de la rue Lourcine, où Labiche, sous l’aspect d’une fable comique, insère habilement du drame tout en stigmatisant la société bourgeoise de son temps, velléitaire et sans scrupules, prête même à sacrifier la vie d’autrui pour sauver ses intérêts. »
Dans la série consacrée aux personnalités qui ont fait l’histoire du théâtre contemporain, l’INA propose une interview de Jean Pierre VINCENT au cours de laquelle il retrace les moments forts de sa carrière de comédien et de metteur en scène, les rencontres qui l’ont structuré, ses succès et ses échecs. L’entretien non monté est émaillé de nombreuses photographies de ses spectacles. VINCENT – CHEREAU, L’ESSENCE ET LE MOTEUR : sa rencontre avec Patrice CHEREAU, la personnalité de ce dernier et la complicité qui a uni les deux lycéens de 15 ans. LE VIVIER UNIVERSITAIRE : ou l’université comme noyau de réflexion et de politisation. Jean Pierre VINCENT raconte l’importance du festival de Nancy fédérateur de nombreux mouvements de création et dont le moment clef a été la pièce de LABICHE « l’Affaire de la rue de Lourcine » en 1966 dont la mise en scène s’attaquait à la petite bourgeoisie et au fascisme : « Labiche ou l’analyse sauvage de la connerie, modèle français ». Tout au long de la discussion il fera référence à l’influence du théâtre brechtien sur son travail. Lien vers la vidéo
Réactions à la création
Extrait de l’article de Paul de Saint-Victor, paru dans La Presse, le 29 mars 1857