M. Un amour suprême de Gustavo Giacosa

Spectacle vu le 12 octobre 2024 au Théâtre des Halles

Poursuivant leur réflexion sur l’Art Brut, Gustavo Giacosa et son compagnon de route et accompagnateur Fausto Ferraiuolo, nous proposent un spectacle en forme d’hommage au très singulier destin de Melina Riccio, artiste hors norme au sens propre du terme. D’abord styliste, mariée et mère de famille, Melina Riccio, après une révélation, finira par tout abandonner afin de tenter de sauver le monde à sa façon, en un parcours à la fois christique, politique et artistique d’une extrême radicalité qui, après d’innombrables condamnations, la conduira à plusieurs reprises à l’internement en psychiatrie.

Prenant appui sur le récit tragi-comique de la vie de cette artiste lumineuse et illuminée, Gustavo Giacosa nous invite à une méditation sur notre société de consommation, voire sur la réalité en général. L’inconvénient avec le sens commun, c’est qu’il tend à devenir un sens unique, conduisant donc à une pensée unique. Le rôle des fous et des artistes est de se révolter contre le pouvoir absolu de l’ordre social et de ses représentants, afin de nous faire entrevoir la possibilité d’une autre réalité, même si le prix à payer est exorbitant. Ainsi, dans un monde où la seule valeur est la valeur marchande, brûler un billet de banque, même lorsqu’il s’agit de son propre argent, apparaît comme le sacrilège ultime, un acte de rébellion d’ailleurs condamné par la loi. Pour Melina Riccio, se dépouiller de tous ses biens sera le premier pas vers la conquête de cette liberté absolue qu’elle entend mettre au service de sa mission messianique : recoudre le monde. Religion ne veut-il pas dire au sens étymologique « renouer les liens » ?

Cet étrange objet théâtral, cependant, même s’il se présente au départ comme une conférence, n’est nullement un récit hagiographique de la vie d’une artiste maudite. C’est un spectacle d’un extrême esthétisme, très étonnant, à la fois drôle et émouvant, qui nous conduit habilement à remettre en cause les évidences et à nous interroger sur la dictature de la norme, y compris dans le domaine de l’art.

Un spectacle essentiel à ne manquer sous aucun prétexte. Merci au Théâtre des Halles de nous avoir permis de le découvrir.

Un Coup de Cœur de Libre Théâtre.

Jean-Pierre Martinez

Texte, interprétation et mise en scène : Gustavo Giacosa

Musique originale interprétée sur scène :  Fausto Ferraiuolo

Collaboration à la dramaturgie et assistance à la mise en scène:  Philippe De Pierpont

Création lumière : Bertrand Blayo

Compagnie SIC12

Dans le cadre de la semaine italienne à Avignon, en partenariat avec la Ville d’Avignon

Lien vers le site du Théâtre des Halles

Lien vers l’article que Libre Théâtre avait consacré à l’exposition À deux

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