Lidoire de Georges Courteline

https://archive.org/details/bourbourochelart00cour
Edition Fayard. 1893. Source : archives.org

Fantaisie militaire en cinq scènes, représentée pour la première fois au Théâtre libre, 6 juin 1891.
Distribution : 7 hommes.
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Argument

Un soldat de carrière est confronté à l’imbécilité et au despotisme absurde de la chose militaire et doit de surcroît se montrer presque maternel avec un frère d’armes totalement ivre.


Lidoire en audio et vidéo

Enregistrement de 1954 avec Fernandel, Georges Chamarat, Bernard Lajarrige, Manuel Gary, sur le site Gallica.
Au théâtre ce soir, 31 août 1973, mise en scène de Jean Meyer. Lien vers le site de l’INA


Un extrait

https://archive.org/details/bourbourochelart00cour
Edition Fayard. 1893. Source : archives.org

La Biscotte, d’une voix empêtrée de colle de pâte.
Oui, c’est moi… Mon pau’ieux…, s’suis saoul comme eun’vache.
Lidoire.
Viens te coucher, si c’est qu’t’es plein.
La Biscotte.
Mon ‘ieux salaud…, m’en vais te dire une bonne chose: m’rappelle pas où qu’est mon pucier.
Lidoire.
Tu t’rappelles pas où qu’est ton pucier ?
La Biscotte.
Non, mon’ieux… S’sais pas comment qu’ça se fait…, m’rappelle pas où qu’il est… Où qu’il est, mon pucier, Lidouère ?
Lidoire, égayé.
C’est y couenne, hein, un homme qu’est bu !… (Il saute du lit, vient au secours de cette pitoyable détresse). Allons, arrive ! (Sous les aisselles, il a empoigné son copain. Celui-ci fait un pas, bute du pied et donne du nez en avant.) Hé là ! Attention donc !
La Biscotte, soutenu sous les bras et dont le bancal bat le fer des couchettes, au passage.
… S’suis saoul.
lidoireLidoire.
Eh je l’cré ben, q’ t’es saoul ! Y s’a même payé ta fiole, et salement, c’t’y là qui t’a vendu ça pour du sirop de radis noir. Quien, le v’là ton pucier, couche toué. (Lui-même regagne son lit, en hâte.) J’suis gelé, bonsoir de bonsoir !
Long silence. La Biscotte, au pied de son lit, demeure sans un mot, sans un geste, à regarder tourbillonner l’ombre. A la fin, d’une main qui tâtonne et ne trouve pas, il déboutonne son manteau, s’efforce ensuite, mais vainement, de déboucler son ceinturon. Son buste, comme vidé par l’ivresse, oscille de tribord à bâbord. Chute bruyante de son shako, qui s’en va rouler on ne sait où, dans la nuit.
Lidoire, vaguement inquiet.
Ah çà, qu’éq’ tu fabriques ? C’est t’y q’tu vas pas pagnotter ?
La Biscotte.
Mon pau’ieux, ‘vais t’dire une bonne chose… s’peux pas ertirer ma culbute.
Lidoire.
Tu peux pas te déculotter ?
La Biscotte.
Non, mon ‘ieux.
Lidoire.
Eh ben, y a du bon ! A c’ t’heure ici faut cor’ que j’me lève, moi, alors ? (Faussement indigné.) T’eun’ n’as pas le trac, tu sais bien. (Il saute du lit.) T’as d’la vein’ d’êt’un pays, va !
Il commence à déshabiller La Biscotte, lui enlève son manteau, puis son dolman. La Biscotte apparaît, pantalonné de rouge jusqu’aux tétons.
La Biscotte, pendant l’opération.
Mon ‘ieux salaud… ‘ai rud’ment rigolé, t’sais… Y a un civil qui m’a mis une claque.
Lidoire.
Allons donc !
La Biscotte.
Oui, mon ‘ieux…; s’lai rencontré chez la mère Paquet, l’ civil… « Trompette, qu’y me dit comme ça…, s’ sais qu’est-ce que c’est… eq’ d’êt’ trompette… s’l’ai été, moi, trompette », qu’y dit… Bon Dieu, s’ suis t’y saoul !
Lidoire, ironique.
Mais non! C’est des menteries.

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