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Rarement représentée en France, "Luisa Miller", composée par Giuseppe Verdi en 1849, raconte l'amour impossible entre Luisa, fille d'un vieux soldat, et Rodolfo, fils du comte Walter. Cet opéra s’inspire de la pièce "Kabale und Liebe" de Schiller et aborde les grandes thématiques du « Strum und Drang », qui inspireront à Verdi ses œuvres majeures. En choisissant un décor très graphique et des costumes de différentes époques, Frédéric Roëls réussit à donner une dimension intemporelle à cet éternel conflit entre les désirs individuels et les contraintes imposées par une société tyrannique et patriarcale. Les deux amants, confrontés aux machinations des puissants, marchent inexorablement vers leur destinée tragique. Cet engrenage fatal est symbolisé non seulement par l’immense horloge brisée au centre du plateau, mais aussi par de superbes jeux de lumière, combinaison savante de clairs-obscurs participant à créer une ambiance crépusculaire. Dès l’ouverture, l’Orchestre National Avignon-Provence, sous la direction de Franck Chastrusse Colombier, plongeait l'auditoire dans l'atmosphère dramatique de la terrible confrontation entre l’innocence et la brutalité, en révélant toutes les nuances mélodiques de la riche partition de Verdi. Axelle Fanyo, qui incarnait pour la première fois le rôle-titre, a su émouvoir le public en livrant une prestation vocale exceptionnelle, exprimant avec intensité les sentiments extrêmes de son personnage. Sehoon Moon, à la voix puissante et nuancée, composait un Rodolfo touchant et pudique. Il s'est révélé bouleversant à chaque intervention, qu’il chante l'amour désespéré, la jalousie ou le désespoir. Autre héros de l’histoire et autre jouet de ces manipulations, le soldat Miller était remarquablement interprété par le ténor Gangsoon Kim, tout en sobriété et délicatesse. Le reste de la distribution proposait une prestation de grande qualité. Totalement intégré à l’histoire, le chœur de l’Opéra Grand Avignon s'est à nouveau montré impressionnant par sa musicalité, son homogénéité et la qualité de la prestation scénique. Cette nouvelle production de l’Opéra Grand Avignon a reçu ce dimanche une ovation bien méritée.

L'Avare : une comédie indémodable portée par un comédien d'exception Les innombrables mises en scène des pièces de Molière conduisent parfois, par une recherche de l'originalité à tout prix, à en dénaturer le propos, jusqu'à faire oublier qu'elles sont d'abord et avant tout, le plus souvent, des comédies de mœurs. Il n'en est rien pour cet Avare d'Olivier Lopez qui, par un dispositif scénique astucieux, mais sans fioritures inutiles, nous donne tout simplement à entendre de façon parfaitement limpide les mots et le propos de Molière, tout en assumant pleinement la dimension comique, satirique, parodique et parfois même un peu potache de ce chef d'œuvre absolu du répertoire français. La modernité du décor et des costumes n'est pas ici un simple artifice pour souligner le caractère avant-gardiste de la mise en scène, mais un moyen parmi d'autres de montrer à quel point cette comédie reste et restera à jamais d'actualité. En cela, avec ce spectacle jubilatoire, on n'est pas loin de l'univers comique d'un Gérard Oury au cinéma, dans la mesure où ce dernier s'inspirait lui-même des comédies de Molière. À ce propos d'ailleurs, même si l'ensemble de la distribution est excellente, il faut rendre un hommage tout particulier à cet immense acteur qu'est Olivier Broche. Éternel second rôle du cinéma et de la télévision depuis sa participation aux Deschiens, il nous montre à nouveau ici qu'il est un grand comédien, à l'instar d'un De Funès qui, lui aussi, connut trop tardivement la reconnaissance qu'il méritait.

La cantatrice chauve... n'a pas pris une ride. Cette première pièce de Ionesco, qui restera son chef d'oeuvre, est interprétée avec beaucoup d'allant par la Compagnies des Beaux Parleurs, composée d'anciens élèves du Conservatoire de Cannes, mis en scène par leur professeur. La jeunesse de la troupe, alors que la pièce est généralement donnée notamment à la Huchette avec une distribution plus âgée, confère au spectacle une fraîcheur inattendue. Ces jeunes comédiens, cependant, dont certains sont aussi danseurs ou musiciens, maîtrisent déjà parfaitement leur art, et nous offrent à cette occasion quelques morceaux de bravoure mémorables. Un coup de cœur de Libre Théâtre.

Giacomo Puccini s'est inspiré de la pièce de théâtre "Tosca" de Victorien Sardou, écrite à l’intention de la grande tragédienne Sarah Bernhardt, pour donner naissance à un véritable chef-d'œuvre musical et dramatique. L’opéra en trois actes a été créé pour la première fois en 1900 à Rome, où se déroule également l'intrigue, transportant les spectateurs dans l'Italie tumultueuse du début du XIXe siècle. Au cœur de l'histoire, Floria Tosca, une célèbre chanteuse d'opéra, est amoureuse du peintre et révolutionnaire Mario Cavaradossi. Leur amour est mis à l'épreuve lorsque l'impitoyable chef de police Scarpia entre en scène, déclenchant une série d'événements tragiques. La version présentée à l’Opéra Grand Avignon en coproduction avec Theater Trier, portée par une équipe remarquable, a indéniablement su captiver et émouvoir les spectateurs, entraînés dans cette intrigue tourmentée, mêlant amour et trahison. Barbara Haveman, une soprano qui a déjà interprété le rôle de Tosca à plusieurs reprises, brille par sa maîtrise vocale, puissante et passionnée, puis douce et vulnérable. Face à elle, André Heyboer, interprétant le sinistre Scarpia, incarne avec un grand réalisme ce personnage maléfique, sa voix résonnant avec une autorité diabolique à chaque apparition. Cependant, c’est la voix veloutée et expressive de Sébastien Guèze, ardent et touchant Mario Cavaradossi, qui a déchaîné l’enthousiasme du public. Son interprétation poignante de « E lucevan le stelle » restera dans les mémoires. À leur côté, le choeur et la maîtrise de l’Opéra Grand Avignon amplifiaient l’intensité des scènes dans lesquelles ils apparaissent, que ce soit pour célébrer une messe, fêter une victoire ou pour exprimer le désespoir face à l'irrémédiable tragédie. L'impact émotionnel de "Tosca", toutefois, ne repose pas seulement sur les performances vocales des chanteurs, mais également sur la richesse orchestrale de cet opéra. Sous la direction experte de Federico Santi, l'orchestre Avignon-Provence a offert une interprétation magistrale de la partition, mettant en évidence le sens inné de la dramaturgie de Puccini, qui utilise habilement les différentes sections de l'orchestre pour renforcer l'intensité émotionnelle de chacune des scènes. La magie de Tosca a une nouvelle fois opéré : cette œuvre intemporelle a conquis le public avignonnais, ébloui, qui a longtemps ovationné les artistes.

Une Fée, promise à Merlin l'Enchanteur, tombe amoureuse d'Arlequin, un jeune homme aussi beau que niais, qu’elle enlève. Elle échouera à déniaiser cet éphèbe, et c'est une simple bergère qui fera son éducation, l'esprit semblant aussi chez les hommes venir avec l'amour. Par un ultime stratagème, Arlequin s'emparera des pouvoirs magiques de la Fée et finalement, le jeune captif et la bergère deviendront roi et reine. Marivaux nous livre avec cette comédie assez peu jouée une nouvelle réflexion sur la genèse du sentiment amoureux et sur les tempêtes qu'il peut déclencher, la sincérité finissant toujours par l'emporter sur le cynisme, bien sûr. Sans oublier, avec cette allusion à un possible renversement du pouvoir, un discret message pré-révolutionnaire. Thomas Jolly s'empare de ce marivaudage féérique pour en faire un cabaret fantastique, jouant avec merveille de tous les artifices du théâtre. Les cinq comédiens incarnent leurs personnages avec une belle énergie et un grand talent. On assiste à un spectacle complet, donnant toutefois parfaitement à entendre les mots et le propos de Marivaux. On en sort avec des étoiles dans les yeux. Un coup de cœur de Libre Théâtre.

Actualité du répertoire de Jean-Pierre Martinez

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