Le bon pêcheur de Georges Courteline

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1158111d
Illustration de Barrère dans l’édition Coco, Coco et Toto de 1910. Source : BnF/ Gallica

Saynète publiée dans Coco, Coco et Toto (1910)
Distribution : 2 hommes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

Résumé

M. Pommade pêche tranquillement au bord de l’eau : il attrape un poisson puis le remet aussitôt à l’eau. M Garrigou arrive pour pêcher également …

Un extrait

M. Pommade
Eh là, l’homme !
(M. Garrigou dresse le nez.)
Vous n’avez sans doute pas, je pense, la prétention de toucher à mon bras ?
M. Garrigou.
Quel bras ?
M. Pommade.
Mon bras de rivière.
(M. Garrigou hausse les épaules et s’apprête à jeter la ligne.)
M. Pommade.
Tonnerre de Dieu !
(Il s’élance sur M. Garrigou.)
Voulez-vous bien me ficher le camp, et plus vite que ça !
M. Garrigou.
Qu’est-ce qui vous prend, à vous ? En voilà un sauvage !
M. Pommade.
Je vous dis de vous en aller!
M. Garrigou.
Et à cause de quoi, que je m’en irais ? L’eau est à tout le monde, peut-être.
M. Pommade.
L’eau, c’est possible, mais pas le poisson.
(Étonnement de M. Garrigou.)
Je ne dis pas le poisson de rivière, naturellement ; je dis le poisson de mon bras.
M. Garrigou.
De vot’bras ?
M. Pommade.
Bien sûr, de mon bras !…. un bras de Marne que j’ai loué à la municipalité et fermé d’une claie à chaque bout pour que mon poisson n’en sorte pas. Non, mais vous êtes pas mal épatant, vous, encore ; vous n’avez pas l’air de me croire quand je dis que le poisson est à moi.
(Se montant peu à peu.)
Un poisson que j’ai acheté moi-même à la Halle, apporté moi-même dans un arrosoir et mis moi-même dans l’eau de mon bras pour avoir le plaisir de le pêcher ensuite, il n’est pas à moi ce poisson-là ? Un poisson que je nourris de mes propres mains avec de la bonne gargouillade d’asticots, des bonnes boulettes de caca, des bonnes croûtes de gruyère pourri, il n’est pas à moi ce poisson-là ? Un poisson que je pêche et repêche depuis trois ans, jusqu’à des trente et quarante fois par jour, même qu’à la fin il me connaît et se laisse pêcher de bonne volonté, il n’est pas à moi, ce poisson-là ? Il faut que vous soyez le rebut du genre humain pour oser dire une chose pareille, que ce poisson-là n’est pas à moi !

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