Oeuvre

Orphée-Roi de Victor Segalen

Drame en 4 actes avec prologue et épilogue, écrit entre 1907 et 1915 et publié en 1921 (deux ans après le décès de Victor Segalen)
Distribution : 4 hommes, 4 femmes
Lien vers le texte intégral sur Libre Théâtre

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9116820q/f9.item
Gravure de Georges Daniel de Monfreid illustrant l’édition de 1921 dans la Collection Le Théâtre d’Art Source Gallica


Orphée-Roi
 est une oeuvre remarquable par son traitement original du mythe d’Orphée, par son lyrisme et surtout comme expérimentation concrète d’une authentique synesthésie. En effet, Victor Segalen développe dans cette pièce un thème évoqué une première fois de manière théorique dans son essai « Les synesthésies et l’école symboliste », puis de façon romanesque avec sa nouvelle « Dans un monde sonore », deux textes parus au Mercure de France.

Libre Théâtre a édité la pièce Orphée-Roi, en l’association avec l’essai Les synesthésies et l’école symboliste et la nouvelle Dans un monde sonore.
Lien vers l’édition

 

La Nouvelle Idole de François de Curel

Pièce en trois actes, représentée pour la première fois à Paris, au Théâtre Antoine, le 11 mars 1899. Représentée à la Comédie-Française le 26 juin 1914.
Distribution : 4 hommes, 4 femmes
Retraitement par Libre Théâtre à partir de l’édition du Théâtre complet de Françoise de Curel (tome 3) : textes remaniés par l’auteur avec l’historique de chaque pièce, suivi des souvenirs de l’auteur. (Source : Gallica)
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre
Lien vers le Théâtre de François de Curel

Argument

Albert Donnat, médecin réputé et professeur à l’Ecole de médecine, a commis un acte irréparable. Travaillant sur le cancer et soignant une jeune religieuse phtisique dont le diagnostic laisse présager sa mort prochaine, il lui inocule une tumeur pour en pouvoir suivre l’évolution. Le scandale de ses expérimentations humaines est dévoilé par la presse. Sa femme le rejette violemment, dans un premier temps, et essaie de trouver du réconfort auprès d’un jeune psychologue expérimental. La jeune fille guérit miraculeusement de sa phtisie, après avoir bu de l’eau de Lourdes, sans savoir qu’elle va bientôt mourir d’un autre mal : le savant constate que le cancer « inoculé » se développe à grande vitesse dans le corps de la patiente. Albert décide alors de s’injecter à son tour les cellules cancéreuses.


À propos de la pièce

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9030893j/
M. de Curel, académicien / Agence Meurisse. Source : Gallica

Les pièces de François de Curel sont des « pièces à thèses ». Elles s’inscrivent dans la veine naturaliste et mettent en scène des problèmes philosophiques et moraux : les rapports familiaux, la réalité sociale, les questions morales…

François de Curel, dans la Nouvelle Idole, oppose trois Idées qui permettent, selon lui, à l’homme de s’élever : la Science (incarnée par Albert Donnat), la Foi (incarnée par la jeune religieuse Antoinette Milat) et l’Amour (incarnée par la femme d’Albert Donnat, Louise).


La création

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10501855q/f13.item
Caricature d’André Antoine par Camara (vers 1905). Source Gallica

La pièce est crée le 11 mars 1899 au Théâtre Antoine, par André Antoine, qui signe la mise en scène et interprète le rôle principal d’Albert Donnat.
Les réactions de la presse sont très positives comme se plaît à le rappeler François de Curel dans la préface introduisant la pièce dans l’édition de ses œuvres complètes (consultable sur Gallica)
Dans le Journal Catulle Mendès écrit : « pour la première fois sur la scène française, des idées abstraites en opposition sont devenues des êtres réels en conflit, réels et vivants, d’une humanité si douloureuse qu’elles créent, dans la sublimité spirituelle, un poignant drame sensuel. »
Léon Kerst dans le Petit Journal : « J’ai bien dit un chef-d’oeuvre. Et j’entends maintenir le mot ; car jamais, si j’interroge mes souvenirs, je n’ai éprouvé sensation pareille ni émotion comparable… Que cela est beau ! Et quelle puissance détient le penseur qui peut vous faire ainsi vibrer par la seule force de l’Idée et du Verbe qui l’exprime. »
Robert de Flers dans la Liberté : « À peu près seul en ce temps où l’ironie, le scepticisme et la rosserie se partagent les scènes parisiennes, M. de Curel a eu la noble audace de porter à la rampe les conflits des plus graves problèmes contemporains. »
Seul le célèbre critique Sarcey émet des réserves mais François de Curel retient les aspects positifs le concernant : « Il a des qualités indéniables d’homme de théâtre. Il y a, dans la Nouvelle Idole, une scène dont l’idée, au point de vue purement dramatique, est géniale. »


La mise en scène d’André Antoine

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Une_le%C3%A7on_clinique_%C3%A0_la_Salp%C3%AAtri%C3%A8re.jpg
Une leçon clinique à la Salpêtrière, André Brouillet, 1887. Source : wikimedia.

Le deuxième acte se déroule chez le psychologue expérimental, Maurice Cormier, où la femme d’Albert Donnat vient se réfugier. Il pratique l’hypnose pour soigner les névroses hystériques de jeunes femmes. Le cabinet permet d’observer sans se faire voir les réactions des jeunes femmes une fois hypnotisées. Mireille Losco-Lena dans un article intitulé «Une leçon clinique à la Salpêtrière, 1887 : trois conceptions de la mise en scène théâtrale » souligne la mise en abyme du dispositif théâtral sur lequel travaille André Antoine avec le Théâtre-Libre : observer depuis le « quatrième mur » les milieux et les gestes (voir aussi sur Libre Théâtre, le théâtre de Zola et le naturalisme) : « Antoine invente un usage nouveau de la mise en scène : il en fait un outil d’observation en faisant glisser dans le champ du spectacle théâtral l’expérience du regard clinique. »


Une histoire inspirée d’articles concernant d’Eugène Doyen

Caricature du docteur Eugène Doyen dans La Vie ardennaise illustrée. Journal artistique et littéraire. Source : wikimedia

Eugène Doyen est considéré comme l’un des rénovateurs de la chirurgie française de la fin du XIXème siècle malgré ses théories inexactes sur le cancer et ses pratiques controversées. Il est l’inventeur de nombreux instruments chirurgicaux et de perfectionnements dans la technique opératoire.
À partir de 1888, il s’engage dans des expériences d’immunisation contre le cancer. En 1891, éclate « l’affaire Doyen » dite de la « greffe cancéreuse » qui fait scandale dans les journaux. Sur deux de ses patientes, il est accusé d’avoir prélevé un fragment tumoral sur un sein malade pour le greffer sur le sein indemne. La justice ouvre une enquête qui, faute de preuves, reste sans suites. Ces travaux l’éloignent de la Faculté et l’isolent dans ses recherches.
Il croit plus tard découvrir le germe en cause dans les cancers et utilise des sérums et un vaccin censé permettre la rémission de certaines tumeurs. Sa renommée internationale lui permet de proposer des traitements très onéreux qui n’aboutissent pas. Il est définitivement discrédité aux yeux de la communauté académique mais continue de faire paraître des articles dans les publications médico-chirurgicales.


La Nouvelle Idole est l’une des premières œuvres littéraires qui mentionne le cancer, au moment où se développe la peur de cette maladie.

Pour aller plus loin :

Les Jumeaux de Brighton de Tristan Bernard

Les Jumeaux de BrightonComédie en trois actes représentée pour la première fois le 16 mars 1908, au Théâtre Fémina (direction F. Gémier).
Distribution : 9 hommes, 5 femmes (plusieurs rôles peuvent être interprétés par le même comédien)
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

La comédie a été adaptée au cinéma en 1936, réalisation par Claude Heymann avec Raimu, Michel Simon, Suzy Prim, Charlotte Lyses et Germaine Aussey 

Résumé

Séparés à leur naissance à cause d’une affaire d’héritage, deux jumeaux ne soupçonnent ni l’un ni l’autre qu’ils ont un frère. Achille Beaugérard, avocat au Tribunal du Havre, porte le même nom que son frère jumeau, qui habite en Amérique et vient de débarquer au Havre pour affaires.
Achille Beaugérard I, après une dispute avec sa femme, va rendre visite à sa jeune et avenante voisine à qui il offre un voile de dentelle qu’il destinait à sa femme. Il doit s’absenter mais est rapidement remplacé par Achille Beaugérard II. Les quiproquos se multiplient.
Une adaptation des Ménechmes de Plaute.

Extrait de la conférence de Tristan Bernard  ayant précédé la première présentation au Théâtre Fémina le 16 mars 1908

« La pièce que nous allons avoir l’honneur de jouer devant vous est de Plaute, Titus Maccius Plautus, qui vivait environ deux cents ans avant l’ère chrétienne.
Je n’ai pas le dessein de vous raconter ici la vie de Plaute… D’abord, il faudrait la connaître. J’aurais pu, me direz-vous, me documenter en lisant le Larousse ; vous n’ignorez pas que beaucoup de conférences de pièces classiques sont précédées d’une lecture publique du Larousse. J’ai, en effet, songé à m’instruire ce matin, mais le Larousse était dans une chambre très froide ; j’ai donc jugé inutile de le déranger. D’autant que vous n’avez pas besoin de connaître la vie de Plaute pour comprendre la pièce qu’on va vous jouer.
Ce n’est pas une pièce très compliquée. Elle est plus simple et beaucoup moins enchevêtrée que les vaudevilles d’aujourd’hui. Les incidents s’y suivent très clairement, après une préparation pour ainsi dire immédiate. Ce n’est pas comme dans maints vaudevilles modernes où il faut suivre avec une attention scrupuleuse tous les personnages, leur mettre des petits drapeaux sur la tête, et ne perdre de vue aucun accessoire, car on ne sait pas ce que la montre placée au premier acte sous un des candélabres peut amener de complications deux actes plus tard. Dans la pièce de Plaute, les incidents ne sont pas préparés d’aussi longue main. C’est très frappant dans les Ménechmes, et surtout (note d’érudition) dans une autre pièce du même auteur : le Capitaine Fanfaron, Miles Gloriosus.
Donc, le vaudeville que vous allez voir est plus simple que nos vaudevilles actuels, mais il me semble que les situations y sont traitées plus complètement, plus « en comédie ». On ne s’y contente pas de l’effet mécanique d’une porte ou d’un auvent qui tombe sur le nez d’un homme, ou d’un lit qui sort brusquement d’un mur. L’effet y est commenté par des mots en situation. On y rit peut-être moins bruyamment, mais, ce me semble, avec beaucoup plus de reconnaissance. C’est ce qui doit arriver ce soir, si du moins le traducteur n’a pas trahi l’auteur.
Vous trouverez dans cette pièce des situations comiques que vous avez déjà vues assez souvent ailleurs. Il faut dire que, depuis deux mille ans que Plaute existe, il a eu des traducteurs avoués et pas mal de traducteurs inavoués. Il y a parmi les auteurs comiques beaucoup de gens qui se sont fournis chez Plaute, les uns directement, la plupart indirectement (car tout le monde ne le connaît pas), en prenant des scènes à d’autres auteurs qui, eux-mêmes, étaient des clients de Plaute. Je dois dire que Plaute avait pris ces situations à des auteurs encore plus anciens.
Ces emprunts peuvent très bien être involontaires : les auteurs comiques sont pareils aux abeilles qui sans s’être donné le mot, fabriquent partout leurs alvéoles de la même façon. Deux vaudevillistes normalement constitués, l’un Français et l’autre Chinois, arriveront au même développement dramatique s’ils partent d’un point de départ analogue.
J’espère que ces scènes connues auront néanmoins pour vous le charme de la nouveauté, si toutefois j’ai su garder à la pièce latine la fraîcheur éternelle qui m’a tant séduit quand je l’ai lue pour la première fois.
J’ai conservé des procédés d’ancien théâtre, tels que le monologue au public : un monologue franc, à l’avant-scène, est bon enfant et familier. Il y a dans ce genre de théâtre comme une passerelle entre la scène et la salle. Le personnage de la pièce prend le public comme confident ; le public est assez content, parce que c’est toujours flatteur d’être choisi par quelqu’un pour confident de quelque chose. D’autre part, l’acteur étant bien en face du public, on détaille son jeu plus à l’aise et l’on profite de sa bonne figure.
Les Jumeaux de Brighton ne sont pas une traduction. C’est une adaptation, une transposition. Je ne suis pas très fort en latin. Je vous dirai que, lorsque j’étais au lycée et qu’on traduisait du Plaute, j’étais loin de prêter à notre professeur la bienveillante attention que vous voulez bien m’accorder aujourd’hui ; pour dire le mot, je n’écoutais pas une syllabe.
Nous étions d’ailleurs beaucoup d’élèves dans mon cas, mais le professeur ne s’en inquiétait guère. Il avait un auditeur qui lui était plus cher que tous les autres : il s’écoutait lui-même. Il se berçait avec les phrases latines, et pendant ce temps-là, tous les petits élèves se livraient à des occupations favorites, selon leurs tendances. Les uns imprimaient dans le bois des pupitres des incrustations définitives : un nom profondément gravé dans le bois révélait aux générations futures qu’un tel n’avait pas été attentif à la leçon.
Moi, pendant qu’on traduisait Plaute, je faisais des pièces de théâtre; maintenant que mon métier m’oblige à écrire des pièces de théâtre, je traduis Plaute.
Je ne vous apporte donc pas une traduction de latiniste, mais un ouvrage d’auteur comique. J’ai lu, avec une attention que je qualifierai naturellement de scrupuleuse, différentes traductions de Plaute; j’ai été frappé de voir à quel point le mot essentiel de la phrase latine, le mot que l’auteur de théâtre avait voulu mettre en valeur, à quel point ce mot capital était noyé dans la phrase française. C’est que le traducteur, bon latiniste, n’était pas un écrivain de théâtre.
Il m’a semblé qu’il fallait retrouver chez l’auteur latin tous ses moyens de faire rire, non seulement l’agencement des situations, mais la façon de placer les mots, et mon ambition a été de vous amuser aujourd’hui exactement par les procédés qui avaient si bien réussi à Plaute, quand il faisait rire aux éclats le public romain d’il y a deux mille cent cinquante ans. Il est même assez curieux de constater que le public d’aujourd’hui rit pour les mêmes raisons et du même rire qu’à cette époque lointaine.
Mais, pour arriver à rendre à la pièce de Plaute la majeure partie de son effet, je me suis vu obligé de changer le milieu et l’époque. Je suis persuadé, en effet, que les pièces comiques ne réussissent pleinement que lorsque les personnages parlent la langue même du spectateur, car, entre le langage des différentes époques, c’est la langue actuelle qui possède la plus grande intensité, la plus grande force de pénétration.
C’est facile à expliquer : le langage comique s’use énormément parce qu’il nous sert à tout instant dans nos épanchements et dans nos discussions domestiques. Quand un mari a appelé sa femme « Petite rosse ! » pendant une dizaine d’années, cette expression finit par perdre sa force. Il faut qu’il trouve autre chose, il faut qu’il renouvelle son fonds d’injures, qui est comme éventé.
Nous avions, à la campagne, un vieux jardinier qui était très malheureux, parce que son fils se levait tard. Il faut dire que son fils arrivait du service militaire où il était trompette en pied. Au régiment, le trompette doit se lever de bonne heure, car c’est à lui de sonner le réveil. Du jour où ce jeune homme arriva au grade de trompette en pied, il confia le soin de sonner le réveil à un élève-trompette qui était chargé également de toutes les sonneries du matin, la visite du major, le rapport du colonel. Notre trompette en pied ne se levait qu’à dix heures un quart pour la soupe. Il avait gardé dans la vie civile cette bonne habitude qui désespérait son père. Alors, le vieux jardinier me disait : « Je ne sais plus quoi faire, je l’appelle « feignant », je l’appelle « limace », je l’appelle « vache », je ne sais plus comment l’appeler.
Voilà un exemple de plus de la nécessité de renouveler constamment la langue comique. Le langage noble, celui qui est usité dans les comédies dramatiques et dans les tragédies, c’est une autre affaire : il ne s’emploie pas constamment dans la vie. On reste quelquefois deux mois sans prononcer les mots d’honneur, de générosité, de vaillance, d’héroïsme : ces mots s’entendent rarement, même dans les familles les moins honnêtes. Ils se conservent donc plus longtemps, et, quand les auteurs dramatiques les emploient, ils sont moins usagés, comme on dit.
Je me suis trouvé dans la nécessité, pour traduire Plaute qui emploie des expressions violentes, de chercher dans l’argot tout à fait actuel des mots équivalents. Mais je ne pouvais laisser à des personnages qui parlaient notre français populaire des vêtements romains. Ils eussent ressemblé à des héros de la Belle Hélène. Du moment qu’ils parlaient votre langage, j’ai dû leur donner votre costume.
La grosse modification que j’ai introduite dans la pièce de Plaute, c’est le prologue. Le prologue du poète latin était en monologue. Il n’était, d’ailleurs, pas l’œuvre de Plaute, mais d’un chef de troupe. Le personnage du prologue venait faire le récit de la pièce aux spectateurs. Après leur avoir souhaité ce que je vous souhaite, c’est-à-dire salut et félicité, il leur recommandait de prêter à ses paroles une grande attention, car il leur racontait le sujet de la pièce dans le moins de mots possible. Un peu d’attention était évidemment nécessaire, car le postulat de ces pièces latines était compliqué, – pas si compliqué toutefois que celui de la Comédie des Erreurs, une pièce que mon illustre confrère en adaptation, William Shakespeare, a également tirée des Ménechmes.
Dans les Ménechmes, de Plaute, il n’y a qu’une paire de jumeaux. Mais cela ne suffisait pas au génie monstrueux de Shakespeare ; il en a imaginé simplement deux paires qui sont nées le même jour, dans la même maison : une des paires étant esclave de l’autre. Tout ce lot de phénomènes s’embarque à bord d’un navire… Il arrive à ce navire ce qui arrive généralement à tous les navires des pièces comiques : il fait naufrage. Les jumeaux se précipitent sur un mât déraciné. À l’extrémité de ce mât se trouvait un des jumeaux de la paire numéro 1 avec un jumeau de la numéro 2, tandis que les deux autres jumeaux correspondants se trouvaient à l’autre extrémité du mât. Par une dernière complaisance de la bourrasque, le mât est partagé en deux et chacun de ses morceaux va atterrir dans des rivages très lointains et très différents. Une vingtaine d’années après, la pièce commence, et il résulte de ce fait divers un peu anormal des complications, d’ailleurs pas toujours amusantes.
Dans la pièce de Plaute, qui est moins compliquée, un des jumeaux connaît l’existence de l’autre et il est même à sa recherche, il semble un peu invraisemblable, dans ces conditions, qu’il n’ait pas de méfiance au moment où commencent les quiproquos.
Dans les Ménechmes, de Regnard, qui sont aussi une adaptation de Plaute, un des jumeaux connaît également l’existence de l’autre et en profite pour commettre toutes sortes d’escroqueries. Cela gêne un peu le rire.
Je me suis efforcé d’imaginer un postulat d’après lequel aucun des jumeaux ne connaît l’existence de son frère. Il m’a fallu écrire une saynète, un petit lever de rideau qui expose les faits le plus clairement possible et qui se passe à Brighton (Angleterre) trente-sept ans avant le premier acte, qui se passe de nos jours. J’ai imaginé un concours de circonstances qui est, je vous l’accorde, un peu rare et exceptionnel, mais, ce me semble, assez plausible.
Je vous demanderai, d’ailleurs, un peu du crédit que le public accorde toujours aux auteurs comiques.
Les actes suivants se passent au Havre, trente-sept ans après le prologue.
Encore un peu de pédantisme :
En dehors des adaptations de Shakespeare et de Regnard, je signalerai parmi les nombreuses pièces qui ont mis en scène deux jumeaux : Prosper et Vincent, de Duvert et Lausanne, et Giroflé-Girofla. Dans ces deux pièces, les rôles des jumeaux ou des jumelles sont joués par le même artiste.
Il y a encore nombre de pièces dans le répertoire comique qui tirent leur effet de rire de ressemblances entre deux personnages. Je citerai : la Puce à l’oreille, de M. Georges Feydeau. Le Jumeau, de MM. Larcher et Monnier, mettait en scène un personnage qui se donnait alternativement pour deux hommes différents. Une situation analogue a été traitée également d’une façon très comique, dans le Coup de fouet de MM. Bilhaut et Hennequin. Citons encore parmi les anciennes pièces adaptées de Plaute : le Jumeau de Bergame de Florian.
Tous ces détails, qui vous intéressent plus ou moins, vous prouveront qu’à défaut de verve oratoire le conférencier a travaillé sérieusement la question dont il vous entretient aujourd’hui. »

Triplepatte de Tristan Bernard et André Godfernaux

Représentée pour la première fois au Théâtre de l’Athénée, le 30 novembre 1905.
Retraitement par Libre Théâtre à partir de l’édition 
Distribution : 15 hommes, 16 femmes.
Télécharger le texte intégral gratuitement sur Libre Théâtre

 

L’argument

Le vicomte Robert de Houdan est surnommé par ses amis Triplepatte du nom d’un cheval de course qu’il possède et qui se dérobe toujours.  Il lui est impossible de prendre la moindre décision et quand Boucherot, à qui il doit beaucoup d’argent, et la baronne Pépin, marieuse infatigable, organisent son mariage avec la gentille Yvonne Herbelier, il obtempère jusqu’au jour de la cérémonie…

Leriche (Baronne de Pépin), Lévesque (Vicomte de Houdan), Caumont (Mme Herbelier) dans Triplepatte. Dessin de Lourdey . Le Journal amusant – 16 décembre 1905. Source : BNF
Diéterlé (Yvonne) et Bullier (M. Herbelier) dans Triplepatte. Dessin de Lourdey . Le Journal amusant – 16 décembre 1905. Source : BNF

 

https://www.athenee-theatre.com/
Théâtre de l'Athénée - Immense succès - Triplepatte - comédie en 5 actes de MM. Bernard et Godfernaux. Source : Théâtre de l'Athénée

Lien vers la Biographie de Tristan Bernard sur Libre Théâtre
Lien vers l’article de Libre Théâtre consacré au théâtre de Tristan Bernard

Le Théâtre de Maurice Maeterlinck 

Biographie

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53101289x
Maurice Maeterlinck. Agence Rol. 1923. Source : BnF/Gallica

Né à Gand en 1862, Maurice Maeterlinck est l’aîné d’une famille de trois enfants, flamande, conservatrice et francophone. Après des études au collège Sainte-Barbe de Gand, il suit des études en droit avant de pratiquer le métier d’avocat peu de temps. Maeterlinck publie, dès 1885, des poèmes d’inspiration parnassienne dans La Jeune Belgique. Il part pour Paris où il rencontre plusieurs écrivains qui vont l’influencer, dont Stéphane Mallarmé et Villiers de l’Isle-Adam. Ce dernier lui fait découvrir les richesses de l’idéalisme allemand (Hegel, Schopenhauer). À la même époque, Maeterlinck découvre Ruysbroeck l’Admirable, un mystique flamand du XIVeme siècle dont il traduit les écrits (Ornement des noces spirituelles). Il se consacre à Novalis et s’intéresse au romantisme d’Iéna (1787-1831), précurseur en droite ligne du symbolisme. Les œuvres que publie Maeterlinck entre 1889 et 1896 sont imprégnées de cette influence germanique.

En 1889, le génie de Maeterlinck se révèle. Coup sur coup, en effet, paraissent les poèmes des Serres chaudes – un univers immobile et suffocant qui reflète les impuissances de l’âme, et qui devient une référence pour les surréalistes – et une pièce La princesse Maleine  célébrée par Octave Mirbeau, qui compare l’auteur à Shakespeare. Maeterlinck rompt avec le conformisme théâtral de l’époque, en construisant un univers à la fois sourd et violent, peuplé de personnages fantomatiques à la langue elliptique. Trois autres drames brefs, dont L’Intruse (1890), poussent plus loin encore le dépouillement de la dramaturgie.

Plus ample, Pelléas et Mélisande (1892), qui sera mis en musique par Fauré, Debussy et Schoenberg, constitue la synthèse du premier théâtre de Maeterlinck, théâtre du destin où l’action ne se noue qu’à travers des gestes symboliques et des monologues sans référent. De ce resserrement témoignent les drames pour marionnettes Alladine et Palomides, Intérieur et La mort de Tintagiles (1894).

En 1895, il rencontre la cantatrice Georgette Leblanc, sœur de Maurice Leblanc, avec laquelle il tient, vers 1897, un salon parisien fort couru dans la villa Dupont : on y croise, entre autres, Oscar Wilde, Paul Fort, Stéphane Mallarmé, Camille Saint-Saëns, Anatole France, Auguste Rodin.

En 1897, après avoir publié ses Douze Chansons (qui seront Quinze en 1900), l’auteur s’installe en France, où il occupera l’ancienne abbaye de Saint-Wandrille puis le domaine d’Orlamonde, qu’il fait construire à Nice. 

Parallèlement, Maeterlinck s’est orienté en direction de l’essai. Le méta-physicien du Trésor des humbles (1896) et de La sagesse et la destinée (1898) s’efforce de naviguer entre l’inquiétude et le quotidien. Mais c’est surtout sa réflexion sur la construction sociale du monde naturel qui vaut à l’auteur sa réputation de philosophe spiritualiste : il célèbre l’unicité de l’univers dans La vie des abeilles (1901), que complèteront plus tard La vie des termites (1926) et La vie des fourmis (1930).

En 1902, il écrit Monna Vanna, où joue Georgette Leblanc. Il vit avec elle jusqu’en 1918, avant d’épouser en 1919, l’actrice Renée Dahon, rencontrée en 1911. 

En 1908, Constantin Stanislavski crée sa pièce L’Oiseau bleu, une féerie philosophique,  au Théâtre d’art de Moscou. Elle sera jouée ensuite avec succès dans le monde entier.

Maeterlinck obtient le prix Nobel de littérature en 1911. Il est anobli et fait comte par le roi Albert Ier en 1932. En 1935, lors d’un séjour au Portugal, il préface les discours politiques du président Salazar : Une révolution dans la paix.

En 1939, il gagne les États-Unis où il y reste pendant la Seconde Guerre mondiale. De retour à Nice en 1947, il publie un an plus tard Bulles bleues où il évoque les souvenirs de son enfance. Maeterlinck meurt le 5 mai 1949 à Nice.

Les œuvres de Maurice Maeterlinck sont entrées dans le domaine public le 1er janvier 2020

L’œuvre théâtrale de Maurice Maeterlinck

En 1889, La Princesse Maleine drame en cinq actes, « cauchemar dialogué », paraît en trente exemplaires brochés, financé par sa mère. La seconde édition, cent cinquante exemplaires, est mise en vente en mai 1890. Une troisième édition est produite chez Lacomblez en septembre. En août 1890, Octave Mirbeau consacre un article à la une du Figaro  à l’occasion de la parution de la Princesse Maleine : 

Je ne sais rien de M. Maurice Maeterlinck. Je sais d’où il est et comment il est. S’il est vieux ou jeune, riche ou pauvre, je ne le sais. Je sais seulement qu’aucun homme n’est plus inconnu que lui et je sais aussi qu’il a fait un chef d’œuvre, non pas un chef-d’œuvre étiqueté chef-d’œuvre à l’avance, comme en publient tous les jours nos jeunes maîtres, chantés sur tous les tons de la glapissante lyre ou plutôt de la glapissante flûte contemporaine ; mais un admirable et pur et éternel chef-d’œuvre, un chef-d’œuvre qui suffit à immortaliser un nom et à faire bénir ce nom par tous les affamés du beau et du grand, un chef-d’œuvre comme les artistes honnêtes et tourmentés, parfois, aux heures d’enthousiasme, ont rêvé d’en écrire un, et comme ils n’en ont écrit aucun jusqu’ici. Enfin, M. Maurice Maeterlinck nous a donné l’œuvre la plus géniale de ce temps, et la plus extraordinaire et la plus naïve aussi, comparable et oserai-je le dire supérieure en beauté à ce qu’il y a de plus beau dans Shakespeare. Cette œuvre s’appelle la Princesse Maleine. Existe-t-il dans le monde vingt personnes qui la connaissent ? J’en doute.

La Wallonie publie, en janvier 1890, un petit drame en un acte L’Approche qui sera ensuite publiée sous le titre L’Intruse inspirée du poème de Rossetti Sister Helen. Dédiée à Edmond Picard, elle sera jouée l’année suivante. Maurice Maeterlinck publie aussi chez Lacomblez Les Aveugles une pièce dédiée à Van Lerberghe. 

En juin 1892, Maurice Maeterlinck, âgé de trente ans, publie Pelléas et
Mélisande  chez Paul Lacomblez à Bruxelles. Maeterlinck définit son projet dans ses Carnets intimes.

Exprimer surtout cette sensation d’emprisonnés, d’étouffés, de haletants en sueur qui veulent se séparer, s’en aller, s’écarter, fuir, ouvrir, et qui ne peuvent pas bouger. Et l’angoisse de cette destinée contre laquelle ils se heurtent la tête comme contre un mur et qui les serre de plus en plus étroitement l’un contre l’autre. 

La pièce est créée le 17 mai 1893 au Théâtre d’Art sur la scène des Bouffes-Parisiens par la compagnie du Théâtre de l’Œuvre dirigée par Aurélien Lugné-Poe. L’audience est prestigieuse: Tristan Bernard, Léon Blum, Paul Hervieu, Georges Clémenceau,Romain Coolus, le peintre américain Whistler, Claude Debussy… 
De nombreux articles témoignent des fortes émotions ressenties par le public face à cette pièce

En 1894, il écrit trois drames pour marionnettes Alladines et Palomides, Intérieur  et La Mort de Tintagiles

En 1896, entre Gand et une maison de campagne en Vendée prêtée par des amis pour les vacances, Maurice Maeterlinck écrit Aglavaine et Sélysette, drame en cinq actes. Pour la première fois l’héroïne est consciente, elle s’oppose à la fatalité à travers sa volonté de bonheur, d’espérance. Aglavaine est « la femme élue que le sort nous réserve à tous. » C’est Georgette Leblanc qui l’inspire :  « tu es si belle, (écrivait Maurice à Georgette) qu’un être comme toi ne peut entrer dans un drame sans le transformer en poème de bonheur et d’amour… » La pièce est représentée pour la première fois au Théâtre de l’Odéon le 14 décembre 1896. 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85275779
Ariane et Barbe-Bleue, comédie lyrique de Maurice Maeterlinck. 1907. Source : BnF/Gallica

Maeterlinck écrit également  Ariane et Barbe-Bleue (1901) pour Georgette Leblanc. La forte personnalité d’Ariane s’oppose à la passivité des cinq précédentes épouses auxquelles elle tente d’apporter la liberté.  Paul Dukas met en musique le conte musical en 1907.

Ecrit en 1908, L’Oiseau Bleu est un drame en six actes. Il représente le périple de Tyltyl et de sa sœur Mytyl, deux enfants partis en quête de l’Oiseau Bleu à la demande de la fée Bérylune. Sa fable comme ses figures relèvent d’une écriture fantastique empruntant ses motifs aux contes traditionnels. Sa mise en scène, l’année de son écriture, par Constantin Stanislavski au Théâtre d’Art de Moscou demeura célèbre.

 

Liste des pièces et lien vers le texte intégral

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531297449
Roger Karl et Georgette Leblanc dans « Marie-Magdeleine » de Maurice Maeterlinck / dessin de Yves Marevéry. 1913. Source : BnF/Gallica

La Princesse Maleine (1889), drame en cinq actes sur archive.org
L’Intruse -première version intitulée L’Approche (1890) sur archive.org
Les Aveugles (1890) sur archive.org
Les Sept Princesses (1891) sur archive.org
Pelléas et Mélisande (1892) drame lyrique en cinq actes sur Libre Théâtre
Alladine et Palomides (1894), trois actes (Trois petits drames pour marionnettes) lien sur archive.org
Intérieur (1894), un acte (Trois petits drames pour marionnettes), lien sur archive.org
La Mort de Tintagiles (1894) quatre actes (Trois petits drames pour marionnettes), lien sur archive.org
Aglavaine et Sélysette (1896), drame en cinq actes sur archive.org
Monna Vana, pièce en trois actes (1902) sur archive.org
Ariane et Barbe-Bleue (1896) conte en trois actes lien vers le texte intégral
Sœur Béatrice (1901)
Joyzelle (1903) pièce en cinq actes sur archive.org
Marie-Magdeleine sur archive.org
Marie-Victoire (1907), pièce en quatre actes 
L’Oiseau bleu (1909) sur archive.org
Le Miracle de Saint-Antoine (1920), farce en deux actes sur archive.org
Les Fiançailles (1918) lien sur archive.org
Le Bourgmestre de Stilmonde, suivi de Le Sel de la vie (1920) sur archive.org
La Princesse Isabelle (1920) texte intégral

Pour aller plus loin

Emission de la RTBF à l’occasion des 70 de la disparition de Maurice Maeterlink
La Mort de Tintagiles et Pelléas et Mélisande sur France Culture
Intérieur sur France Culture


 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k442369q
Les Hommes du jour / dessins de A. Delannoy ; texte de Flax 07 août 1010. Source : BNF/Gallica

 

 

 

 

 

 

Le Legs de Marivaux

Comédie en un acte et en prose de Marivaux représentée pour la première fois par les Comédiens Français, le 11 janvier 1736.
Distribution : 3 femmes, 3 hommes
Lien vers le texte intégral sur Libre Théâtre


Illustration de Bertall dans Théâtre complet de Marivaux. Paris: Laplace, Sanchez et cie, 1878.

L’argument

Un testament lègue au Marquis 600 000 francs s’il épouse Hortense ou de lui en donner 200 000 s’il refuse ce mariage. Mais le Marquis, épris de la Comtesse, espère qu’Hortense le refusera afin de conserver l’intégralité du legs. De son côté Hortense, amoureuse d’un chevalier, se doute des sentiments du Marquis pour la Comtesse et essaie de presser sa déclaration, par l’entremise de Lisette, la suivante de la Comtesse et de Lépine, le valet de chambre du Marquis. Mais les caractères de chacun vont compliquer la situation. 

 

 

L’Avare de Molière

Comédie en cinq actes et en prose, représentée pour la première fois sur la scène du Palais-Royal le 9 septembre 1668. 
Distribution : 11 hommes et 4 femmes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Harpagon est noble, riche et avare. Il a deux enfants : Élise qui est amoureuse de Valère, un gentilhomme napolitain au service de son père en qualité d’intendant, et Cléante qui souhaite épouser Mariane, une jeune femme vivant chez sa mère sans fortune. Mais Harpagon a choisi pour ses enfants des partis plus avantageux et souhaite épouser lui-même Mariane. Cléante et Élise tentent de  déjouer les plans de leur père avec l’aide de Valère et de La Flèche, le valet de Cléante, qui vole la précieuse cassette d’Harpagon. Valère est accusé lorsqu’arrive Anselme qui doit épouser Élise et qui se révèle être le père de Mariane et de
Valère, rescapés d’un naufrage.

Illustrations sur Gallica

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b64006296
Costume de Grand-Ménil, qui a marqué la Comédie-Française par son interprétation d’Harpagon,  jouant de sa haute taille, sa maigreur et son sens des mimiques. (1790)Source : Gallica
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8528775g/f370.item
Constant Coquelin dit aîné dans le rôle d’Harpagnon. Source : Gallica
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84366907
Estampe de F. Pierdon. Source : Gallica
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53049746
Louis Leloir dans « L’avare », de Molière / dessin de Marevéry. Source: Gallica

 


L’Avare sur le site de l’INA

Création de « L’Avare » avec Michel Aumont à la Comédie Française (magazine12 sept. 1969) 
Interview de Michel Aumon et du metteur en scène  Jean Paul Roussillon 

Pièce jouée par les Comédiens Français, enregistrée pour la télévision au théâtre de l’Odéon, dans une mise en scène de Jean Paul Roussillon et une réalisation de René Lucot avec Simon Eine, Françoise Seigner, Jean Paul Roussillon, Francis Huster, Isabelle Adjani, Ludmila Mikael, Jacques Eyser,  Michel Aumont… Diffusée le 1er janvier 1974

Extrait du film de Jean Girault avec Louis De Funès et Michel Galabru (TF1 Actualités 20H, 24 décembre 1979)

 

Interview Michel Bouquet, dans l’Avare dans une mise en scène de Pierre Franck au théâtre de l’Atelier,  avec des extraits de la pièce

Dossiers de presse, dossiers pédagogiques

Parcours Molière. Dossier pédagogique de la Comédie-Française
Mise en scène de Catherine Hiegel avec Denis Podalydès. Dossier de presse de la Comédie-Française, 2009-2010
Mise en scène d’Alexis Moati et Pierre Laneyrie – octobre 2011 – Dossier Pièce (dé)montée
La minute pédagogique du Phénix (Académie de Lille): L’Avare mis en scène par Ludovic Lagarde par Etienne. 2015
Dossier consacré aux Avares et avaricieux  sur le Réseau Canopé

La Révolte d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam

Drame en un acte publié créé le 6 mai 1870 au Théâtre du Vaudeville et publié en 1870.
Distribution : 1 homme, 1 femme
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84031092
La révolte, drame de Villiers de L’Isle-Adam : estampe de 1870. Source : BnF/Gallica

L’argument

Alors qu’il est presque minuit, Félix, un banquier, et sa femme Élisabeth font le point sur les comptes. La fortune de Félix a presque triplé grâce aux initiatives d’Élisabeth et elle tente de le convaincre Félix de ne pas envoyer d’assignation à de pauvres locataires incapables de payer.  Peu à peu l’attitude d’Elisabeth change : elle annonce à Félix qu’elle le quitte pour toujours. 

Cette pièce est passionnante à plus d’un titre. La critique de 1870 a été choquée par la modernité du sujet : la tentative de révolte d’une femme, intelligente et sensible, dans une société matérialiste et bourgeoise, qui la cantonne au rôle d’épouse et de mère. Le personnage d’Élisabeth se nourrit de sentiments contradictoires: elle est tour à tour soumise, ironique, lyrique, mélancolique, révoltée, désespérée. Dans l’histoire du théâtre, cette pièce marque également une rupture par son audace formelle et son style épuré.

 

Les réactions de la critique lors de la création

Face à ce drame d’un genre nouveau, certains critiques s’enthousiasmèrent ; d’autres réagirent avec violence. Villiers de l’Isle Adam revint sur ces réactions, quelques mois après la création de la pièce  dans la préface de l’édition de la Révolte. (Lien sur l’édition en ligne sur archive.org)

Voici les trois scènes, si simples, qui ont, un instant, mis quelque peu en émoi la Critique de France, et dont l’exécution au Théâtre du Vaudeville a dû être arbitrairement interdite, à la cinquième soirée, comme blessante pour la dignité et la moralité du public de la Bourse
et des boulevards.
J’eusse préféré le silence à tous ces volumineux articles qui ont jeté sur cette œuvre un semblant de célébrité. Merci, toutefois, et « du cœur de mon cœur, » comme dit Hamlet, à ces maîtres de la Pensée, de l’Art et du Style, qui l’ont si magnifiquement acclamée, expliquée ou défendue ! À Richard Wagner, à Théodore de Banville, à Théophile Gautier, à Franz Listz, à Leconte de Lisle, à Alexandre Dumas fils, sans la violente intervention duquel ce drame n’aurait même pas vu la lumière. — Merci à tous ceux qui ont écrit, au sujet de La Révolte, ces belles pages dédaigneuses que de joyeux critiques se bornaient à répéter un peu à l’instar des oiseaux (…) Et aux deux vaillants artistes qui ont imposé à toute la salle l’obsession de ces trois scènes! Et à toute cette jeunesse enthousiaste qui applaudissait et qui avait le courage de sa pensée, comme devant toute la « Bêtise au front de taureau » j’avais le courage de la mienne.
(…)
Aujourd’hui, le Théâtre aux règles posées par des hommes amusants (et qui nous encombre de sa Morale d’arrière-boutique, de ses Ficelles et de sa « Charpente » pour me servir des expressions de ses Maîtres) tombe de lui-même dans ses propres ruines, et nous n’aurons malheureusement pas grands efforts à déployer pour achever son paisible écroulement dans l’ignominie et l’oubli. On y assiste, on rit, mais on le méprise. On dit de ce qu’il enfante : « C’est un Succès !» — Le mot Gloire ne se prononce plus.
Eh bien! — et c’est pour cela que j’écris ces lignes, — puissé-je garder cette illusion légitime
de penser que La Révolte (si restreinte que soient les proportions de ce drame) est la première tentative, le premier essai, risqués sur la scène française, pour briser ces soi-disant règles déshonorantes! C’est son seul mérite à mes yeux! Et j’ai tenu à le constater, voilà tout. Encore quelques aventures comme celle-ci, et la Foule se décidera à penser par elle-même et non par deux ou trois cerveaux dont l’intelligence, stérilisée par la fonction qu’elle exerce, est devenue notoirement impropre à saisir les aspects ou les profondeurs d’une Œuvre, si celle-ci est en dehors des complications routinières où s’agite leur imagination.

Parmi les analyses intéressantes parues lors de la création, on citera l’article de Théodore de Banville, publié dans Le National le 8 mai 1870 (dans Villiers de l’Isle-Adam : biographie et bibliographie. Edouard de Rougemont. Mercure de France.1910 sur Gallica )

Elle a éclaté comme un orage furieux, cette terrible sincère et violente pièce de M. Villiers de l’Isle-Adam, la Révolte. C’est, au milieu d’une implacable et patiente analyse à la Balzac, illuminée par des éclairs du génie de Balzac, une grande imprécation tragique aux invincibles élans, qui à la fois vous subjugue l’esprit et vous prend aux entrailles. M. Villiers de l’Isle-Adam, poète et prosateur n’est pas un artiste ordinaire, il a, non pas du talent, mais cette abondance d’invention, cette hauteur de conception, cette puissance de créer, parfois égarée, hésitante, mais parfois aussi complète et sublime, qui, en tous pays constitue une portion de génie. (…)
Le sujet de la Révolte est bien simple…et bien terrible I C’est le supplice d’une femme jeune, belle, aimée, profondément honnête et vertueuse, et douée même de la science des affaires et d’un remarquable esprit pratique, unie, mariée, enchaînée à un homme qui est un formidable imbécile. Non cet imbécile appelé Jocrisse, qui du moins réjouit les yeux par le vermillon acharné de sa veste et sa queue rouge envolée, surmontée du tricorne sur lequel voltige un papillon symbolique ; mais l’imbécile riche, heureux, beau, bien fait, banquier, considéré, pas voleur, au contraire honnête par politesse, vêtu à la dernière mode, comme le dictionnaire de Bouillet, membre de tous les conseils et de toutes les commissions, beau joueur, beau cavalier, ayant de la considération en portefeuille, mais bête à manger du foin, si bien que toutes les tortures inventées par le moyen âge ne sont rien auprès de celle qui consiste à voir sans cesse ses yeux atones qui contiennent des océans d’ineptie, ses lèvres où voltige un sourire plein de solécismes. et son geste absurde ! et que la lente goutte d’eau tombant sans s’arrêter jamais sur le front du condamné enchaîné sous une roche, n’est rien auprès du lieu commun toujours prêt et toujours le plus vulgaire de tous qui, inévitablement tombe de la bouche de cet assassin. M. Tarbé,dans son article d’hier proteste sur ce point et affirme que le type n’existe pas. Certes, notre excellent confrère est personnellement assez spirituel et vit au milieu de gens assez spirituels pour avoir le droit de croire que la bêtise est absente de ce bas monde, et même que certaines âmes angéliques se refusent à croire au mal et aux méchants. Cependant les imbéciles existent ; il y en a, et c’est un fait avéré. Malheur à la femme mal mariée, enchaînée à ce rocher ridicule où elle est dévorée par une oie.

 

Pour aller plus loin 

Lydie Parisse, « La Révolte. Une écriture vers la scène. Théâtralité et métathéâtralité », Littératures [En ligne], 71 | 2014, mis en ligne le 24 avril 2015, consulté le 30 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/litteratures/329

Dossier de presse de la mise en scène de Charles Tordjman au Théâtre de Poche Montparnasse, 2017-2018.

 

Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53117195j
Gravure de Jean Donnay. Source Gallica

Pièce de théâtre symboliste en cinq actes publiée en 1892 et créée le 17 mai 1893 au Théâtre des Bouffes-Parisiens.
Distribution : 3 hommes, 3 femmes, 1 enfant (rôles principaux) – une dizaine de rôles secondaires (médecin, servantes…)
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Le prince Golaud se perd dans une forêt et rencontre Mélisande en pleurs au bord d’une fontaine. Sa couronne est tombée mais elle ne veut pas la reprendre. Golaud la console et la convainc de partir avec elle. Il l’épouse et revient six mois après dans le royaume d’Allemonde où règne Arkël, son grand-père et où vit Geneviève, sa mère. Mélisande rencontre Pelléas, le jeune demi-frère de Golaud. Ils tombent amoureux peu à peu l’un de l’autre, sans oser en parler. Amour pur, interdit et mortel face à la folle jalousie de Golaud.

L’intérêt de la pièce ne repose pas sur ce fragile argument, ni sur les motivations psychologiques des personnages. Maurice Maeterlinck bouleverse totalement les conventions théâtrales en mettant en scène de « pauvres marionnettes agitées par le destin » (expression d’Antonin Artaud). Pelléas, dans la scène 4 de l’acte IV,  résume ainsi l’impuissance de l’homme face à la destinée :

Voilà, voilà… Nous ne faisons pas ce que nous voulons… Je ne t’aimais pas la première fois que je t’ai vue…

Mélisande à l’agonie aura ces mots : 

Je ne comprends pas non plus tout ce que je dis, voyez-vous… Je ne sais pas ce que je dis… Je ne sais pas ce que je sais… Je ne dis plus ce que je veux…

Les décors sont autant de symboles : la forêt, la grotte souterraine, la fontaine ou la  mer. Quelques motifs reviennent régulièrement :  l’eau, la chevelure, l’anneau…. Les allégories  et les analogies se croisent et tissent de multiples correspondances.

 

La création de la pièce

Maurice Maeterlinck a publié en 1889 un recueil de poèmes intitulé les Serres Chaudes. En août 1890, Octave Mirbeau consacre un article à la une du Figaro  à l’occasion de la parution de la Princesse Maleine

Je ne sais rien de M. Maurice Maeterlinck. Je sais d’où il est et comment il est. S’il est vieux ou jeune, riche ou pauvre, je ne le sais. Je sais seulement qu’aucun homme n’est plus inconnu que lui et je sais aussi qu’il a fait un chef d’œuvre, non pas un chef-d’œuvre étiqueté chef-d’œuvre à l’avance, comme en publient tous les jours nos jeunes maîtres, chantés sur tous les tons de la glapissante lyre ou plutôt de la glapissante flûte contemporaine ; mais un admirable et pur et éternel chef-d’œuvre, un chef-d’œuvre qui suffit à immortaliser un nom et à faire bénir ce nom par tous les affamés du beau et du grand, un chef-d’œuvre comme les artistes honnêtes et tourmentés, parfois, aux heures d’enthousiasme, ont rêvé d’en écrire un, et comme ils n’en ont écrit aucun jusqu’ici. Enfin, M. Maurice Maeterlinck nous a donné l’œuvre la plus géniale de ce temps, et la plus extraordinaire et la plus naïve aussi, comparable et oserai-je le dire supérieure en beauté à ce qu’il y a de plus beau dans Shakespeare. Cette œuvre s’appelle la Princesse Maleine. Existe-t-il dans le monde vingt personnes qui la connaissent ? J’en doute.

En juin 1892, Maurice Maeterlinck, âgé de trente ans, publie Pelléas et
Mélisande  chez Paul Lacomblez à Bruxelles. Maeterlinck définit son projet dans ses Carnets intimes.

Exprimer surtout cette sensation d’emprisonnés, d’étouffés, de haletants en sueur qui veulent se séparer, s’en aller, s’écarter, fuir, ouvrir, et qui ne peuvent pas bouger. Et l’angoisse de cette destinée contre laquelle ils se heurtent la tête comme contre un mur et qui les serre de plus en plus étroitement l’un contre l’autre. 

La pièce est créée le 17 mai 1893 au Théâtre d’Art sur la scène des Bouffes-Parisiens par la compagnie du Théâtre de l’Œuvre dirigée par Aurélien Lugné-Poe. L’audience est prestigieuse: Tristan Bernard, Léon Blum, Paul Hervieu, Georges Clémenceau,Romain Coolus, le peintre américain Whistler, Claude Debussy… 
De nombreux articles témoignent des fortes émotions ressenties par le public face à cette pièce 

Octave Mirbeau décrit ainsi son émotion (publié dans Les Ecrivains)

J’ai pu assister à une répétition de Pelléas et Mélisande et, après trois jours, j’en garde une impression bouleversante… comme d’une hantise j’en garde aussi une lumière, très vive et très douce, et qui, loin de se dissiper, entre en moi, à chaque minute, davantage, me baigne, me pénètre… Maurice Maeterlinck permettra t-il à mon amitié, jalouse de son bonheur autant que de sa gloire, de le défendre contre lui-même, et contre ces lettres publiées récemment, et de lui dire, avec cette tranquillité facilement prophétique que donne la certitude éblouissante de la beauté réalisée… que Pelléas et Mélisande sera un grand et juste triomphe… Je ne me souviens pas d’avoir entendu quelque chose de plus absolument exquis, de plus absolument poignant aussi… N’était le scrupule où je suis de ne point déflorer une œuvre qui ne m’appartient pas encore, puisqu’elle n’a point été livrée au public, avec quelle joie je voudrais exprimer tout ce que j’ai ressenti de sensations neuves et profondes, et infiniment pures, et vraiment humaines, en écoutant chanter ces pauvres petites âmes, douloureuses et charmantes, et qui, dans leur balbutiement, contiennent tout le charme du rêve et toute la douleur de la vie !… Il y avait, ce soir-là, dans la salle, une trentaine de personnes, toutes différentes de sensibilité et d’idées… quelques-unes, même, facilement portées à l’ironie, et qui considèrent volontiers l’émotion comme une tare, ou comme une faiblesse… Eh bien ! toutes étaient sous le même charme angoissant ; toutes avaient au cœur la même émotion, et, durant les trois derniers tableaux, toutes pleuraient les mêmes larmes… Par conséquent, je ne me trompais pas d’être ému à ce point… Mon admiration et mon émotion n’étaient point les dupes de mon amitié… Cela était ainsi. Et votre héroïsme, mon cher Maeterlinck, qui va jusqu’à la haine de votre œuvre, qui souhaite si ardemment, avec une telle ferveur d’injustice, la chute de cette œuvre admirable, ne pourra pas tenir plus longtemps contre cette évidence, et contre ces larmes des plus chers de vos amis, qui n’ont point l’habitude, croyez-moi, de pleurer à de petites niaiseries et à des pauvretés sentimentales, comme on en entend sur tant de théâtres !… Et, rien ne pourra faire, non plus, que le nom de M. Debussy, en qui vous avez trouvé le seul interprète de votre génie, plus qu’un interprète, une âme créatrice fraternellement pareille à la vôtre, ne rayonne à côté de votre nom, comme le nom d’un maître glorieux !… En sortant de cette répétition, ébloui, si fier d’être votre ami, et que vous m’ayez fait l’honneur de me dédier cette œuvre, je me disais : « Comme c’est triste que Maurice Maeterlinck soit obligé de renier publiquement son génie si pacifiquement pur, si harmonieusement beau ! » Et j’étais tenté de m’écrier, comme un des personnages de votre poème, et en vous aimant davantage : « Si j’étais Dieu, j’aurais pitié du pauvre cœur des hommes ! »

Extrait de l’article de Robert Charvay, paru dans l’ Echo de Paris le 17 ami 1893

J’ai assisté hier à la première répétition générale de Pelléas et Mélisande et j’en sors ému, troublé, pris aux entrailles par une des plus intenses sensations d’art dramatique qu’il m’ait été donné d’éprouver. (…)

Les décors sont d’une simplicité grise et voulue; ils encadrent les acteurs d’une teinte neutre et vaporeuse. Ce sont de lourds feuillages, aux grandes lignes ornementales, des salles de palais sans architecture précise. On dirait que l’habile artiste Paul Vogler, en les peignant, s’est inspiré des admirables camaïeux indécis et symboliques de Puvis de Chavannes. Pas d’accessoires, pas de meubles, et surtout point de prétendue exactitude dans la reproduction scénique des choses inanimées. La rampe est supprimée; les hommes et les femmes en scène sont éclairés d’en haut comme par des rayons de lune; l’ensemble demeure dans l’ombre et le regard flotte, indistinct, sur des entités de rêve. Les costumes s’harmonisent avec le reste: des étoffes passées, comme lavées, sans effets criards, sans taches crues.

Voir aussi l’article du Figaro du 18 mai 1893 et l’article paru en une du Figaro du 31 août 1910.

Images de quelques mises en scène

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8438721z/f7.item
Sarah Bernhardt dans Pelléas et Mélisande, (rôle de Pelléas) Londres 1904. Source : Gallica

 

Compagnie La Mandarine Blanche
Compagnie la Mandarine Blanche Mise en scène Alain Batis (2015)

 

 

 

 

 

 

 

 


Podcast original de France Culture

Version radiophonique de la pièce de Maurice Maeterlinck, proposée par Denis Podalydès de la Comédie Française et Louis Langrée.  Musique de scène de Gabriel Fauré. Premier enregistrement mondial avec l’Orchestre national de France. Chef d’orchestre : Louis Langrée  Conseillère Littéraire : Pauline Thimonnier.  Réalisation : Laure Egoroff.
Lien vers le site de France Culture


Pour aller plus loin : 
Pour situer cette œuvre dans le théâtre du XIXème siècle, voir la notice sur Libre Théâtre 
Pelléas et Mélisande, Groupe de recherche interuniversitaire “Littérature et nation”, avec le concours du Conseil Scientifique de l’Université de Tours, Juin 1990.  Lien vers le document
Dossier pédagogique élaboré par Louise Flipo sur le site Espace Nord
Le Trésor des Humbles, essai de Maurice Maeterlinck (1896) où il développe sa pensée (voir et savoir, « avertis » et « divertis », lumière/jeunesse et obscurité/vieilles…) sur archive.org

De nombreux compositeurs furent inspirés par le texte de Maerterlinck dont Claude Debussy, qui créera une œuvre unique dans l’histoire de l’opéra. Pour en savoir plus sur l’opéra de Debussy sur opera-online , sur resmusica.com

 

Pelléas et Mélisande est à l’affiche du Festival d’Avignon 2019, dans une mise en scène de Julie Duclos.
Lien vers l’entretien de Julie Duclos sur le site du Festival qui souligne la force poétique du texte de Maeterlinck.

 

La Paix du ménage ou Duel au canif de Guy de Maupassant

Comédie en deux actes, écrite en 1880, représenté pour la première fois à Paris à la Comédie-Française, le 6 mars 1893.
Distribution : 2 hommes, 1 femmes
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

L’argument

Le comte Jean de Sallus est un homme infidèle, qui délaisse son épouse et multiplie les aventures avec de jeunes comédiennes. Sa femme, Madeleine, après s’être révoltée, a fini par prendre un amant, Jacques de Randol, qui est follement amoureux d’elle. Mais Sallus modifie brusquement son comportement et décide de reconquérir Madeleine. Celle-ci ne se laisse pas avoir…
Une courte pièce qui offre un beau rôle de femme déterminée.

Autour de la pièce

Le titre

Dans une lettre adressée à sa mère en 1880, Guy de Maupassant écrivait : « Je viens de retoucher, même de refaire toute ma petite pièce en un acte, autrefois en deux actes, sous le titre : La Paix du Foyer. Je la crois maintenant parfaite et je ne doute pas du succès quand je trouverai une occasion très favorable de la faire jouer. J’ai pris comme titre une réplique de la femme, le voici : Un duel au canif. C’est en effet un duel au canif entre elle et son mari. C’est en parlant de lui seul qu’elle emploie ce mot, bien entendu ; mais le public l’applique aux deux… » (note : la référence du duel au canif a disparu dans le texte final.

La nouvelle Au bord du lit

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7519808r

Le 23 octobre 1883, la revue Gil Blas publie en première page une nouvelle intitulée « Au bord du lit » , signée « Maufrigneuse » (pseudonyme de Maupassant). Elle reprend la situation et met en scène uniquement le Comte de Sallure et sa femme. On y retrouve l’argument de la pièce et quelques expressions « vous êtes à jeun ». La nouvelle se conclut quand le comte jette à sa femme son portefeuille contenant 6000 francs et que sa femme les accepte. (lien vers la revue sur Gallica)

La création à la Comédie-Française

Source : Le Temps 6 mars 1893. Sur Gallica

La « Paix du ménage »
Demain, le Théâtre-Français donnera la première représentation d’une comédie en deux actes de M. Guy de Maupassant. L’éminent écrivain, toujours en proie à la terrible maladie qui l’a frappé, n’aura point la douce consolation d’entendre les applaudissements qui seront prodigués à son oeuvre; même, s’il les entendait, il ne les comprendrait point. Il était assez difficile, en une- aussi pénible circonstance, de savoir exactement comment le fécond romancier avait été amené à écrire la pièce de théâtre dont il s’agit. D’après les renseignements, puisés à bonne, source, que nous avons recueillis, il nous semble que les détails qu’on a fournis jusqu’ici à ce sujet sont un peu incomplets : qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. La vérité serait plutôt ce qui suit: M. Guy de Maupassant, lorsqu’il écrivit la Paix du foyer (c’était alors le titre de la comédie), songea tout d’abord, pour le rôle de la femme,  à Mlle Réjane. L’excellente comédienne était alors au théâtre du Vaudeville, où elle se morfondait un peu. L’écrivain donna sa pièce au directeur, Raymond Deslandes. Celui-ci l’accepta avec plaisir. Mais d’autres comédies plus importantes étaient en répétition. La Paix du foyer attendit, et, sur ces entrefaites,  Mlle Réjane quitta le Vaudeville
La pièce partit aussi, l’auteur tenant essentiellement à son interprète, et attendit de nouveau l’occasion nécessaire. Pourquoi ne la jouerait-on pas dans un cercle, dans un salon ? dit M. de Maupassant.
Entendu, répondit Mlle Réjane. Mais mon directeur, M. Porel, ne veut me donner l’autorisation de jouer votre comédie que si, ensuite, on la représente sur son théâtre, à l’Odéon.
M. de Maupassant fit la moue L’Odéon, répliqua-t-il, c’est bien loin. Et on ne reparla plus de la Paix du foyer.
Les années se passèrent, Des amis de l’écrivain causèrent de la pièce, au Théâtre-Français. Mais M. de Maupassant, qui est – nous allions dire qui était très entier, très autoritaire, posa en quelque sorte ses conditions : « Aux Français, je veux, je veux Mlle Bartet. Et puis j’entends ne point passer devant la commission d’examen. Si je lis ma pièce au comité, c’est qu’elle sera reçue d’avance. » On négocia longtemps sur toutes ces questions sans arriver à s’entendre.
Survint la maladie de l’écrivain et la catastrophe finale. Les amis de M. de Maupassant songèrent de nouveau à la Paix du foyer. (Le titre, depuis, a été changé : on sait que M. Auguste Germain a fait représenter aux matinées du Vaudeville une jolie pièce du même nom.) Et ils portèrent le manuscrit à M. Alexandre Dumas, en lui demandant, s’il le jugeait convenable, d’intercéder en sa faveur auprès de M. Jules Claretie.
M. Alexandre Dumas lut la pièce, et il écrivit à l’ami fidèle de l’écrivain qui la lui avait apportée le billet suivant : 

« Cher monsieur,
Je viens de lire la Paix du foyer. C’est excellent. Le succès est sûr et sera productif. J’écris dans ce sens à Claretie. Je lirai au comité et je ferai toutes les répétitions nécessaires, très heureux de prouver à Maupassant, bien qu’il ne doive jamais le savoir, la grande estime et la grande affection que j’avais pour lui. » ALEXANDRE DUMAS

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53144749f
Julia Bartel à la Comédie-Française dans le Bourgeois gentilhomme [photographie de l’Atelier Nadar]. Source : BnF/Gallica

Le Théâtre-Français se décida. Et la pièce entra bientôt en répétition. Demain, tous les admirateurs et amis de l’auteur tiendront à venir l’applaudir. (…) Mme de Maupassant mère a eu une bien touchante pensée. Il est de mise que l’auteur d’une œuvre nouvelle envoie aux artistes femmes qui y interprètent des rôles des corbeilles de fleurs. Voici comment Mme de Maupassant enverra les fleurs que doit recevoir Mlle Bartet. Elle a écrit à M. Paul Ollendorff: « Je voudrais que vous me fassiez connaître immédiatement, c’est-à-dire aussitôt que la chose paraîtra irrévocable, la date de la première représentation, afin que les fleurs que je destine à Mlle Bartet puissent arriver pour ce jour-là. Je veux que ces fleurs soient coupées tout exprès au dernier moment, afin d’arriver dans toute leur fraîcheur. »
Cette dernière phrase, sûrement, fera autant de joie à Mlle Bartet que tous les applaudissements qu’elle recueillera demain. AD. ADERER.

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