Biographie

Le Théâtre de Villiers de l’Isle-Adam

Biographie

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53065703s/f1.item
Atelier Nadar. Source : Gallica

Auguste Villiers de l’Isle-Adam naît à Saint-Brieuc en 1838 dans une famille de la noblesse française bretonne. Noble mais pauvre, Villiers de l’Isle-Adam étudie dans divers collèges de Bretagne et se passionne pour le piano et la poésie. En 1855, il suit ses parents qui s’installent à Paris et fréquente les cafés d’artistes. Il rencontre notamment Catulle Mendes, Charles Baudelaire et Leconte de Lisle.

Il commence une carrière de journaliste, publie des recueils de poésies, puis un roman (Isis), sans rencontrer le succès. Il s’essaie ensuite au théâtre mais les pièces Ellen en 1865 et Morgane en 1866 sont refusées. Il retourne à la poésie. En 1867, Villiers devient rédacteur en chef de la Revue des Lettres et des Arts et fréquente Mallarmé, Verlaine et les Frères Goncourt. En 1869, il écrit son premier conte cruel, intitulé L’Intersigne, et un court roman Claire Lenoir. En janvier 1870, Alexandre Dumas fils parvient à faire accepter sa pièce La Révolte au Vaudeville, mais elle n’est représentée que 5 fois. Il n’arrive pas à faire jouer ses nouvelles pièces, L’évasion et Axel. En 1883, paraît son premier recueil Contes cruels chez Calmann-Levy, et c’est le succès tant attendu. Une amitié forte le lie à Mallarmé et Huysmans. Les principales revues lui ouvrent leurs pages : Le Gil Blas, La Vie moderne, La Jeune France.Villiers de l’Isle-Adam publie en 1886 L’Eve future, roman où se mêlent science-fiction et surnaturel. En 1887, Villiers publie Tribulat Bonhomet, un recueil de contes, suivi de deux autres, en 1888, Histoires insolites et Nouveaux Contes cruels. Au cours de l’hiver 1888, il est atteint d’un cancer et meurt dans le dénuement le plus total le 18 août 1889.

Les œuvres théâtrales

Une œuvre théâtrale entre romantique et symbolisme, du drame historique au drame moderne.
Morgane, écrite en 1860, publiée en mars 1886. Drame en 5 actes. Texte intégral sur Gallica
Elën, 1865. Drame en trois actes. Texte intégral sur Gallica
La Révolte, drame en un acte publié créé le 6 mai 1870 au Théâtre du Vaudeville et publié en 1870. Texte intégral et chronique sur Libre Théâtre
Le Nouveau Monde, 1875. Drame en cinq actes. Texte intégral sur Gallica
Axël, 1890. Texte intégral sur Gallica
L’Évasion, 1887. Drame en un acte représenté pour la première fois au Théâtre-Libre sur la scène du Passage de l’Élysée des Beaux Arts le 12 octobre 1887 et repris par le même théâtre à la Porte-Saint-Martin le 25 janvier 1891. Texte intégral sur Gallica
Le Prétendant (version définitive de Morgane), écrit en 1874, publication posthume. Drame en cinq actes, représentée pour la première fois en 1965. Texte intégral sur Gallica

 

Villiers de l’Isle-Adam vu par Paul Verlaine

(Publié dans les Hommes d’aujourd’hui, n°258, 5ème volume, vers 1880)

Le comte Philippe-Auguste-Mathias de Villiers de l’Isle-Adam, poète français, né à Saint-Brieuc, le 7 novembre 1840, descend d’une des plus hautes maisons de France et d’Europe.

Il débuta presque enfant dans les lettres par un volume de vers édité chez Perrin, de Lyon, et introuvable. Ce livre contenait un grand nombre de morceaux des plus remarquables dont il me serait agréable de pouvoir citer quelques-uns si l’espace ne m’était trop mesuré. C’est modestement et orgueilleusement intitulé Premières Poésies. Espérons bien que l’auteur reprendra, dans le recueil de ses œuvres complètes, ce merveilleux péché de jeunesse.

La prose — mais une prose aussi belle que les plus beaux vers — appela de bonne heure Villiers de l’Isle-Adam (c’est ainsi que ses amis le nomment le plus communément, et ses intimes le nomment Villiers tout court ; dans sa famille, on lui dit et on dit de lui Mathias). En 1865, très jeune encore, il fit Elën, un drame d’amour exquis et sombre dont il faudrait citer le magnifique rêve d’opium. Le lecteur, après avoir pris connaissance de ce fragment, pourrait comprendre à quel écrivain de race et de taille l’on a affaire quand on visite ce poète absolu. Car poète, bien qu’ayant écrit relativement peu de vers, il l’est plus certainement qu’aucun de cette époque-ci, ou tout au moins autant que les plus vraiment poètes du siècle. Du poète il a la sensibilité, la vibration, l’éclair, il en a aussi la langue au suprême degré, sonore et riche et disant magnifiquement tout ce qu’il a fallu dire et rien d’autre, puisque du poète il possède encore le bon sens, ce don suprême du poète, le bon sens, le vrai ! le tact, la mesure (dans les deux sens qui n’en font qu’un). Mais voici non hélas ! le chef-d’œuvre tout entier, qui ne compte pas moins de trois pages de fin texte, du moins quelques lignes détachables sans trop de vandalisme :

« Je sais, chantait Maria, pendant que la barque glissait ténébreusement, je sais un Esprit fatigué d’élévations stériles et d’espoirs fondés sur les Ténèbres. Longtemps son vol puissant fut l’honneur des cieux ; dans ses regards dormaient les rêves éternels ; les soirs l’adoraient comme leur hôte et leur génie ; les couchants, lorsqu’il s’exaltait au sein de leurs profondeurs hantées par les mânes des dieux : empourpraient le glorieux veilleur de flammes et de merveilles ; — il s’attarda, par une soirée d’orgueil, d’amour et de triomphe, et la nuit foudroya ce mage de l’Ether.

« Maintenant les cieux l’ont oublié ; sa vie ne peut plus en explorer les parages ennemis ; il est tombé à travers ses espérances perdues ; il ira s’ensevelir dans la dureté de son adieu. »

Ce drame d’Elën contient une scène des plus hardies : Un jeune étudiant s’est endormi sur un banc de mousse d’une charmille d’auberge ; Elën survient et le voit, puis le contemple ; il lui est tout à fait inconnu. Un caprice la prend et, dans un monologue étincelant où se trouvent des choses comme celles-ci : « S’il savait que j’étais là ?.., Hélas ! pauvre femme charmante ; il m’a vue sans doute, et me voir c’est me connaître pour ces enfants… Peut-être il ne me connaît pas, je suis folle… », elle résout d’avoir ce jeune homme pendant trois jours, sans lui dire son nom, et de s’en aller après, « pour, dit-elle, rester pure et respectée dans l’âme de quelqu’un sur la terre », et elle l’éveille d’un baiser sur le front.

SAMUEL.
Hein ? qu’est-ce ? (Après un profond silence.)
Oh ! comme vous êtes belle !
ELEN.
Voulez-vous venir avec moi, monsieur ?
SAMUEL (debout, ébloui).
Comme vous êtes belle !
ELEN (l’entraînant par les deux mains).
Venez, venez ! (Ils traversent la charmille ensemble.)
(Le rideau tombe.)


N’est-ce pas que c’est un peu le Passant ? avec, disons-le à la louange de Coppée et de Villiers (le signataire de ceci a l’honneur de compter parmi les intimes de notre poète) des différences du tout au tout. Ici le « passant » est un jeune homme fait moitié philosophe et moite rêveur, dont l’amour va mettre la philosophie à l’envers et cuber la rêverie, et cette Elën de malheur est une tout autre gaillarde que la bonne Sylvia. Zanetto paraît bien, dans le drame de Villiers, sous le nom de Matuccio, chanteur et page d’Elën, dix-sept ans, précise le personnœ dramatis ; mais attendez :

Distingué par Elën d’un coup de pistolet d’entre une bande de brigands italiens dont il faisait partie à l’âge heureux de quinze ans, puis soigné chez elle et vu, qu’il était spirituel et joli comme un démon, promu son page, il a bien quelque idée pour sa maîtresse : « Ô trop dédaigneuse Elën ! » se dit-il dans la scène I ; mais il préfère à tout les pays de soleil, de paresse et d’amourettes, et l’or qui lui procurera tout cela. Aussi se fait-il allègrement le complice de la jalouse et très riche Mme de Valburg et empoisonne, non sans grâce et par des fleurs, la belle créature qui meurt au milieu d’une fête, dans son palais resplendissant de lumières, de toilettes, d’yeux joyeux et de sourires. Aux funérailles d’Elën, Samuel, l’étudiant endormi du premier acte, tout d’un coup édifié sur le passé de celle-ci, jette cruellement sur son cercueil, pour la payer des trois dernières nuits, une bourse pleine d’or, de billets et de diamants, toute sa fortune, qui est immense, réalisée de la veille, en vue de fuir et de vivre avec la courtisane, qu’il avait crue pure jusque-là et toute à lui. De cette bourse miraculeuse le rusé page s’empare et s’esquive en criant : Tout est bien qui finit bien !

L’auteur a choyé, gâté ce personnage pourtant épisodique et de pure utilité, et qui ne dit pas un mot qui ne soit terriblement portant et toujours exquisite, comme dit intraduisiblement l’Anglais, brillant comme l’acier, sinistre comme le crime. Sans compter que, ô les ravissants travestis ! dans cette pièce moderne (l’action se passe en 18… probablement après Leipzig ou Waterloo, à en juger par une allusion de Samuel à des « batailles pour la patrie ») il arbore des costumes aussi éclatants que variés, soie cramoisie, satin blanc, perles, poignards à gaine d’or. La splendide petite canaille toutefois n’empiète pas sur les quatre principales figures, Elën, la Valburg, Andréas et Samuel, figures très bien campées et véritablement magistrales de vie intense et de langage essentiellement approprié dans sa superbe grandiloquence. En somme Elën est un magnifique drame écrit et composé par un maître et dont la représentation serait bien à désirer pour l’honneur obscurci de la scène française.

Parallèlement à Elën, Villiers publiait Isis, un roman, ou plutôt la première partie d’un roman philosophique, dont il est douloureusement regrettable que la suite n’ait pas paru. Tel qu’il est, ce fragment considérable suffirait à classer l’auteur parmi les premiers de nos prosateurs, et moi j’ose ajouter qu’il est un de ses nombreux titres à se voir sortir du rang par l’avenir et proclamé le plus grand.

La philosophie qui ressort de cette œuvre et de toutes les œuvres de Villiers, je soutiendrai à qui voudra et je prouverai qu’elle mérite toute attention, tout respect, et je ne tiens pas pour sûr qu’elle ne soit pas un jour la formule du siècle.

Morgane, un drame plus beau peut-être encore qu’Elën, profond et noir, avec des splendeurs, suivit de près la publication d’Isis. La cour de la Naples de Nelson et de Caroline y déploie ses intrigues sanglantes, ses terribles passions, son luxe et son mystère. La charmante et perverse figure d’Emma Lyonna, duchesse de Hamilton, pénètre l’action d’un frisson saphique tout nouveau depuis Shakespeare au théâtre. La Révolte absurdement tombée en 1869, au Vaudeville ; le Nouveau Monde que jouèrent naguère les Nations, aux applaudissements de l’élite, deux essais miraculeux, complètent avec Axel, dont les fragments publiés pronostiquent un immense succès définitif, le théâtre de Villiers, qui a toute une série dramatique en gestation, pour notre bonheur et l’honneur éternel des Lettres.

Claire Lenoir, une longue nouvelle parue en 1869 dans la Revue des Lettres et des Arts dirigée par notre poète, est un génial mélange d’ironie, de métaphysique et de terreur. Les Contes cruels devaient de nos jours répéter cette triple note bien caractéristique du génie de Villiers, avec l’autorité d’un talent plus mûr. Les Contes cruels et la Révolte sont les seuls livres de notre auteur que puisse se procurer facilement un amateur du grand et du beau, du fin et du profond. L’unique Bibliothèque Nationale est à même de pourvoir le curieux de ses premières œuvres. L’avenir évidemment ménage au grand public une réimpression complète.

En attendant, j’ai cru bien faire d’insister surtout sur Elën et quelque peu sur les autres productions de cette période.

Lisez toujours les Contes cruels et la Révolte.

Pour en savoir plus : Villiers de l’Isle-Adam. Le théâtre et ses imaginaires, Littératures n°71, 2014. 

Le théâtre d’ Alphonse Allais

Source : Gallica

Né à Honfleur en 1854, Alphonse Allais est d’abord stagiaire dans la pharmacie de son père, il part ensuite étudier à Paris à l’École supérieure de pharmacie. Il étudie épisodiquement et fréquente beaucoup les terrasses des cafés au Quartier Latin.

Pour subsister, Alphonse Allais publie des chroniques loufoques dans diverses revues parisiennes. Il participe à différents cercles dont le cercle des Hydropathes. En 1881, après avoir terminé sans succès ses études de pharmacie, il prend part à la fondation du cabaret Le Chat noir, puis à sa déclinaison écrite. Il rencontre le succès grâce à ses écrits humoristiques et ses nouvelles, publiés dans le journal du Chat noir jusqu’en 1893. En 1886, il en devient le rédacteur en chef.

En 1893-1894, Alphonse Allais quitte le Chat noir pour rejoindre l’équipe du Journal qui mélange littérature, information et mondanités. Allais commence à publier à cette époque ses monologues et ses contes. En 1895-1896, il devient sociétaire de la Société des Gens de lettres et se rapproche du fameux quatuor d’amis composé de Jules Renard, Alfred Capus, Lucien Guitry et Tristan Bernard.

En 1899, il devient rédacteur en chef d’un journal humoristique, Le Sourire, et continue aussi à publier des recueils. Il mêle la parodie, l’humour et l’absurde à l’univers du vaudeville et du boulevard, de façon parfois cruelle et pessimiste.

Toute sa vie, il se livre à de nombreuses expériences scientifiques et publie des travaux scientifiques sur la photographie couleur, le caoutchouc et découvria le café soluble lyophilisé… Mêlant son goût de l’invention et sa créativité littéraire, il imagine dans ses récits de nombreuses inventions absurdes

Il meurt frappé d’une embolie pulmonaire en 1905 à Paris.

Liste des pièces

La Nuit blanche d’un hussard rouge, monologue dit par Coquelin Cadet, 1887. Texte sur Gallica.
Un Mécontent, monologue dit par Coquelin Cadet, 1889. Texte sur Gallica
Une idée lumineuse, monologue comique dit par Coquelin Cadet, 1888. Texte sur Gallica
Innocent avec Alfred Capus, vaudeville en trois actes, joué à paris au Théâtre des Nouveautés le 7 février 1896. (Texte en cours de traitement)
Silvérie ou les fonds hollandais avec Tristan Bernard, 1898 (Texte en cours de traitement)
Le Pauvre bougre et le bon génie : féérie en un acte, représentée pour la première fois au Théâtre des Mathurins le 24 mai 1899. Distribution : 2 hommes, 1 femme. Chronique sur Libre Théâtre
À la gare comme à la gare avec Albert René, revue théâtrale en un acte,  représentée au Théâtre des Mathurins le . Inédite
L’Astiqueur ou patience et longueur de temps font plus que force ni que rage avec Albert René, proverbe en un acte représenté au Théâtre du Gymnase le 3 février 1900.
Monsieur la Pudeur avec Paul Bonhomme et Félix Galipaux, vaudeville en trois actes, présenté au Théâtre de Cluny, le 4 décembre 1903.
Chat mauve revue avec Albert René et Paul Bonhomme, pièce en un acte pour 24 personnages pouvant être joués par 21 personnes, 1904. Inédite.
La Partie de dominos avec Sacha Guitry, 1907.
Eh ! placide, eh ! généreux !, grande revue havraise en trente trois parties avec Albert René et Alphonse Allais représentée le 24 décembre 1901 au  Théâtre-Concert des Folies-Bergère. 1900.
Congé amiable, 1903. Inédit
Aux consignés !, fantaisie militaire, 1904. Inédite.

Pour en savoir plus :
Le site des amis d’Alphonse Allais http://www.boiteallais.fr/

Le Théâtre de Maurice Maeterlinck 

Biographie

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53101289x
Maurice Maeterlinck. Agence Rol. 1923. Source : BnF/Gallica

Né à Gand en 1862, Maurice Maeterlinck est l’aîné d’une famille de trois enfants, flamande, conservatrice et francophone. Après des études au collège Sainte-Barbe de Gand, il suit des études en droit avant de pratiquer le métier d’avocat peu de temps. Maeterlinck publie, dès 1885, des poèmes d’inspiration parnassienne dans La Jeune Belgique. Il part pour Paris où il rencontre plusieurs écrivains qui vont l’influencer, dont Stéphane Mallarmé et Villiers de l’Isle-Adam. Ce dernier lui fait découvrir les richesses de l’idéalisme allemand (Hegel, Schopenhauer). À la même époque, Maeterlinck découvre Ruysbroeck l’Admirable, un mystique flamand du XIVeme siècle dont il traduit les écrits (Ornement des noces spirituelles). Il se consacre à Novalis et s’intéresse au romantisme d’Iéna (1787-1831), précurseur en droite ligne du symbolisme. Les œuvres que publie Maeterlinck entre 1889 et 1896 sont imprégnées de cette influence germanique.

En 1889, le génie de Maeterlinck se révèle. Coup sur coup, en effet, paraissent les poèmes des Serres chaudes – un univers immobile et suffocant qui reflète les impuissances de l’âme, et qui devient une référence pour les surréalistes – et une pièce La princesse Maleine  célébrée par Octave Mirbeau, qui compare l’auteur à Shakespeare. Maeterlinck rompt avec le conformisme théâtral de l’époque, en construisant un univers à la fois sourd et violent, peuplé de personnages fantomatiques à la langue elliptique. Trois autres drames brefs, dont L’Intruse (1890), poussent plus loin encore le dépouillement de la dramaturgie.

Plus ample, Pelléas et Mélisande (1892), qui sera mis en musique par Fauré, Debussy et Schoenberg, constitue la synthèse du premier théâtre de Maeterlinck, théâtre du destin où l’action ne se noue qu’à travers des gestes symboliques et des monologues sans référent. De ce resserrement témoignent les drames pour marionnettes Alladine et Palomides, Intérieur et La mort de Tintagiles (1894).

En 1895, il rencontre la cantatrice Georgette Leblanc, sœur de Maurice Leblanc, avec laquelle il tient, vers 1897, un salon parisien fort couru dans la villa Dupont : on y croise, entre autres, Oscar Wilde, Paul Fort, Stéphane Mallarmé, Camille Saint-Saëns, Anatole France, Auguste Rodin.

En 1897, après avoir publié ses Douze Chansons (qui seront Quinze en 1900), l’auteur s’installe en France, où il occupera l’ancienne abbaye de Saint-Wandrille puis le domaine d’Orlamonde, qu’il fait construire à Nice. 

Parallèlement, Maeterlinck s’est orienté en direction de l’essai. Le méta-physicien du Trésor des humbles (1896) et de La sagesse et la destinée (1898) s’efforce de naviguer entre l’inquiétude et le quotidien. Mais c’est surtout sa réflexion sur la construction sociale du monde naturel qui vaut à l’auteur sa réputation de philosophe spiritualiste : il célèbre l’unicité de l’univers dans La vie des abeilles (1901), que complèteront plus tard La vie des termites (1926) et La vie des fourmis (1930).

En 1902, il écrit Monna Vanna, où joue Georgette Leblanc. Il vit avec elle jusqu’en 1918, avant d’épouser en 1919, l’actrice Renée Dahon, rencontrée en 1911. 

En 1908, Constantin Stanislavski crée sa pièce L’Oiseau bleu, une féerie philosophique,  au Théâtre d’art de Moscou. Elle sera jouée ensuite avec succès dans le monde entier.

Maeterlinck obtient le prix Nobel de littérature en 1911. Il est anobli et fait comte par le roi Albert Ier en 1932. En 1935, lors d’un séjour au Portugal, il préface les discours politiques du président Salazar : Une révolution dans la paix.

En 1939, il gagne les États-Unis où il y reste pendant la Seconde Guerre mondiale. De retour à Nice en 1947, il publie un an plus tard Bulles bleues où il évoque les souvenirs de son enfance. Maeterlinck meurt le 5 mai 1949 à Nice.

Les œuvres de Maurice Maeterlinck sont entrées dans le domaine public le 1er janvier 2020

L’œuvre théâtrale de Maurice Maeterlinck

En 1889, La Princesse Maleine drame en cinq actes, « cauchemar dialogué », paraît en trente exemplaires brochés, financé par sa mère. La seconde édition, cent cinquante exemplaires, est mise en vente en mai 1890. Une troisième édition est produite chez Lacomblez en septembre. En août 1890, Octave Mirbeau consacre un article à la une du Figaro  à l’occasion de la parution de la Princesse Maleine : 

Je ne sais rien de M. Maurice Maeterlinck. Je sais d’où il est et comment il est. S’il est vieux ou jeune, riche ou pauvre, je ne le sais. Je sais seulement qu’aucun homme n’est plus inconnu que lui et je sais aussi qu’il a fait un chef d’œuvre, non pas un chef-d’œuvre étiqueté chef-d’œuvre à l’avance, comme en publient tous les jours nos jeunes maîtres, chantés sur tous les tons de la glapissante lyre ou plutôt de la glapissante flûte contemporaine ; mais un admirable et pur et éternel chef-d’œuvre, un chef-d’œuvre qui suffit à immortaliser un nom et à faire bénir ce nom par tous les affamés du beau et du grand, un chef-d’œuvre comme les artistes honnêtes et tourmentés, parfois, aux heures d’enthousiasme, ont rêvé d’en écrire un, et comme ils n’en ont écrit aucun jusqu’ici. Enfin, M. Maurice Maeterlinck nous a donné l’œuvre la plus géniale de ce temps, et la plus extraordinaire et la plus naïve aussi, comparable et oserai-je le dire supérieure en beauté à ce qu’il y a de plus beau dans Shakespeare. Cette œuvre s’appelle la Princesse Maleine. Existe-t-il dans le monde vingt personnes qui la connaissent ? J’en doute.

La Wallonie publie, en janvier 1890, un petit drame en un acte L’Approche qui sera ensuite publiée sous le titre L’Intruse inspirée du poème de Rossetti Sister Helen. Dédiée à Edmond Picard, elle sera jouée l’année suivante. Maurice Maeterlinck publie aussi chez Lacomblez Les Aveugles une pièce dédiée à Van Lerberghe. 

En juin 1892, Maurice Maeterlinck, âgé de trente ans, publie Pelléas et
Mélisande  chez Paul Lacomblez à Bruxelles. Maeterlinck définit son projet dans ses Carnets intimes.

Exprimer surtout cette sensation d’emprisonnés, d’étouffés, de haletants en sueur qui veulent se séparer, s’en aller, s’écarter, fuir, ouvrir, et qui ne peuvent pas bouger. Et l’angoisse de cette destinée contre laquelle ils se heurtent la tête comme contre un mur et qui les serre de plus en plus étroitement l’un contre l’autre. 

La pièce est créée le 17 mai 1893 au Théâtre d’Art sur la scène des Bouffes-Parisiens par la compagnie du Théâtre de l’Œuvre dirigée par Aurélien Lugné-Poe. L’audience est prestigieuse: Tristan Bernard, Léon Blum, Paul Hervieu, Georges Clémenceau,Romain Coolus, le peintre américain Whistler, Claude Debussy… 
De nombreux articles témoignent des fortes émotions ressenties par le public face à cette pièce

En 1894, il écrit trois drames pour marionnettes Alladines et Palomides, Intérieur  et La Mort de Tintagiles

En 1896, entre Gand et une maison de campagne en Vendée prêtée par des amis pour les vacances, Maurice Maeterlinck écrit Aglavaine et Sélysette, drame en cinq actes. Pour la première fois l’héroïne est consciente, elle s’oppose à la fatalité à travers sa volonté de bonheur, d’espérance. Aglavaine est « la femme élue que le sort nous réserve à tous. » C’est Georgette Leblanc qui l’inspire :  « tu es si belle, (écrivait Maurice à Georgette) qu’un être comme toi ne peut entrer dans un drame sans le transformer en poème de bonheur et d’amour… » La pièce est représentée pour la première fois au Théâtre de l’Odéon le 14 décembre 1896. 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85275779
Ariane et Barbe-Bleue, comédie lyrique de Maurice Maeterlinck. 1907. Source : BnF/Gallica

Maeterlinck écrit également  Ariane et Barbe-Bleue (1901) pour Georgette Leblanc. La forte personnalité d’Ariane s’oppose à la passivité des cinq précédentes épouses auxquelles elle tente d’apporter la liberté.  Paul Dukas met en musique le conte musical en 1907.

Ecrit en 1908, L’Oiseau Bleu est un drame en six actes. Il représente le périple de Tyltyl et de sa sœur Mytyl, deux enfants partis en quête de l’Oiseau Bleu à la demande de la fée Bérylune. Sa fable comme ses figures relèvent d’une écriture fantastique empruntant ses motifs aux contes traditionnels. Sa mise en scène, l’année de son écriture, par Constantin Stanislavski au Théâtre d’Art de Moscou demeura célèbre.

 

Liste des pièces et lien vers le texte intégral

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531297449
Roger Karl et Georgette Leblanc dans « Marie-Magdeleine » de Maurice Maeterlinck / dessin de Yves Marevéry. 1913. Source : BnF/Gallica

La Princesse Maleine (1889), drame en cinq actes sur archive.org
L’Intruse -première version intitulée L’Approche (1890) sur archive.org
Les Aveugles (1890) sur archive.org
Les Sept Princesses (1891) sur archive.org
Pelléas et Mélisande (1892) drame lyrique en cinq actes sur Libre Théâtre
Alladine et Palomides (1894), trois actes (Trois petits drames pour marionnettes) lien sur archive.org
Intérieur (1894), un acte (Trois petits drames pour marionnettes), lien sur archive.org
La Mort de Tintagiles (1894) quatre actes (Trois petits drames pour marionnettes), lien sur archive.org
Aglavaine et Sélysette (1896), drame en cinq actes sur archive.org
Monna Vana, pièce en trois actes (1902) sur archive.org
Ariane et Barbe-Bleue (1896) conte en trois actes lien vers le texte intégral
Sœur Béatrice (1901)
Joyzelle (1903) pièce en cinq actes sur archive.org
Marie-Magdeleine sur archive.org
Marie-Victoire (1907), pièce en quatre actes 
L’Oiseau bleu (1909) sur archive.org
Le Miracle de Saint-Antoine (1920), farce en deux actes sur archive.org
Les Fiançailles (1918) lien sur archive.org
Le Bourgmestre de Stilmonde, suivi de Le Sel de la vie (1920) sur archive.org
La Princesse Isabelle (1920) texte intégral

Pour aller plus loin

Emission de la RTBF à l’occasion des 70 de la disparition de Maurice Maeterlink
La Mort de Tintagiles et Pelléas et Mélisande sur France Culture
Intérieur sur France Culture


 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k442369q
Les Hommes du jour / dessins de A. Delannoy ; texte de Flax 07 août 1010. Source : BNF/Gallica

 

 

 

 

 

 

Biographie de Tristan Bernard

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b64054225
Tristan Bernard dessin de Paul Charles Delaroche. Source : BNF/Gallica

Tristan Bernard, de son véritable nom Paul Bernard est né à Besançon le 7 septembre 1866 dans une famille juive alsacienne. Il est né dans la même rue que Victor Hugo, la Grande-Rue,  « lui au 138 et moi, plus modestement au 23 ».

Tristan Bernard quitte Besançon pour Paris à l’âge de quatorze ans et fait ses études au lycée Condorcet, puis à la faculté de Droit. Sa carrière d’avocat est très brève. Il travaille un temps dans l’usine de son père puis collabore à partir de 1891 à la Revue Blanche. Cette revue fondée en 1889 par les frères Natanson rassemble pendant dix ans la plupart des écrivains, peintres, musiciens, hommes politiques, intellectuels les plus marquants de la fin du XIXe siècle et du début du XXème siècle.

Joueur, il mise un jour sur un cheval portant le nom de Tristan. Le cheval gagne la course, lui rapporte une importante somme d’argent : il prend alors le nom du cheval pour signer ses articles.

Passionné par le sport, il devint, en 1894, directeur sportif du Vélodrome Buffalo, et rédacteur en chef du Journal des Velocipédistes.


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53118862z
Tristan Bernard. (auteur) : [photographie, tirage de démonstration] / [Atelier Nadar]. Source : BnF/Gallica
En 1894, il publie en collaboration avec Pierre Veber Un recueil de fantaisies, Vous m’en direz tant ! Il rédige, seul, un journal éphémère : Le Chasseur de Chevelures (Moniteur du Possible) . En 1894 également  il publie Vous m’en direz tant son premier recueil de contes (en collaboration avec Pierre Veber). En 1895, sa première pièce, Les Pieds nickelés, remporte un grand succès, au Théâtre de L’Œuvre.

En 1904, il fait partie de la première rédaction de L’Humanité, le journal de Jean Jaurès et contribue en 1917 aux débuts du Canard enchaîné.

Tristan Bernard est aujourd’hui principalement connu pour ses bons mots. Il a écrit 21 romans, dont plusieurs romans policiers. En 1899, il publie Mémoires d’un jeune homme rangé, titre que Marguerite Youcenar féminisera pour le premier volet de son oeuvre autobiographique.

Tristan Bernard a écrit près de 70 pièces, principalement des vaudevilles fantaisistes et des comédies de mœurs.
L’anglais tel qu’on le parle a été représenté à la Comédie-Française le 1er janvier 1907, huit ans après sa création à la Comédie-Parisienne.
Lien vers le théâtre de Tristan Bernard sur Libre Théâtre

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9024334x
Tristan Bernard, Homme de Lettres : photographie de presse / Agence Meurisse, 1923. Source : BnF/Gallica

Pendant l’Occupation, il se réfugie à Cannes où il vit à l’hôtel Windsor. Il est arrêté par les Allemands en 1943 et interné au camp de Drancy ; à son départ pour le camp, il a cette phrase : « Jusqu’à présent nous vivions dans l’angoisse, désormais, nous vivrons dans l’espoir. »
Il est libéré trois semaines plus tard grâce à l’intervention de Sacha Guitry et d’Arletty. Il refuse une première fois sa libération, ne voulant pas laisser sa femme, Mamita ; ils sortent finalement tous les deux quelques jours après. Son petit-fils, François, arrêté comme résistant, est déporté à Mauthausen et y meurt ; Tristan Bernard ne se remettra jamais de cette disparition.

Tristan Bernard meurt à Paris le 7 décembre 1947.

Il convient de lire le très bel hommage que lui a rendu Roland Dorgelès, dans la Revue des Deux Mondes parue le 1er  juillet 1952. Lien vers l’article sur le site de la Revue des Deux Mondes

Pour en savoir plus:

Interview de Tristan Bernard. Interviewé à Deauville où il prend ses vacances Tristan BERNARD évoque des souvenirs de 1874 à Trouville. Il fait une digression sur Victor HUGO originaire comme lui de Besançon puis en revient à sa fidélité à la côte normande. Il se souvient des séjours chez Lucien GUITRY, parle de Jules RENARD et de leurs parties de poker. Il aime le sport, en particulier le golf et dit son amitié pour le boxeur Georges CARPENTIER. Sur le site de l’INA

Tristan Bernard, formidable conteur du sport, Emission L’Œil du Tigre de France inter, du 4 juin 2017, sur le site de France Inter

Tristan Bernard par Dorgelès : «Il était noble sans emphase et simple avec grandeur», Le Figaro du 7 septembre 1966.

Tristan Bernard dans le domaine public sur le Blog de Gallica

Le théâtre de Tristan Bernard

Tristan Bernard est entré dans le domaine public le 1er janvier 2018. Libre Théâtre met progressivement en ligne son œuvre théâtrale. Vous trouverez ci-dessous la liste des œuvres théâtrale de Tristan Bernard, avec des liens vers le texte intégral mis en ligne par Libre Théâtre, ou vers les ouvrages si ils ont été numérisés, sur Gallica ou archive.org.
Cette liste a été établie par Libre Théâtre à partir des informations figurant dans les publications de Tristan Bernard, du dépouillement des Annuaires de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (sur Gallica) et des vérifications effectuées sur le site des Archives du Spectacle.
Lien vers la biographie de Tristan Bernard sur Libre Théâtre.
Lien vers la notice d’Auteurs, Acteurs, Spectateurs, 46 chroniques consacrées au théâtre écrites par Tristan Bernard, sur Libre Théâtre

Pièces de 2 à 5 actes

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53130053t
[Albert Brasseur dans « Le petit café » de Tristan Bernard / dessin de Yves Marevéry]. 1912. Source : BnF/Gallica

La Mariée du Touring-Club, vaudeville en 4 actes,  joué au Théâtre de l’Athénée le 8 décembre 1899
L’Affaire Mathieu, pièce en 3 actes, jouée au Théâtre du Palais-Royal le 24 octobre 1901
La Bande à Léon, comédie en trois actes, représentée au Théâtre des Nouveautés, le 6 février 1902
La Famille du brosseur, comédie en trois actes, jouée le 16 janvier 1903, aux Folies Dramatiques
L’île déserte, comédie en deux actes avec Jules Moy, représentée le 24 janvier 1903 au Théâtre des Mathurins
Avant-hier matin, comédie en deux actes écrite avec Charles Cuvillier, représentée au Théâtre des Capucines, le 20 octobre 1905
Triplepatte, comédie en 5 actes, écrite avec André Godfernaux, Paris, Théâtre de l’Athénée, 30 novembre 1905 sur Libre Théâtre
Sa sœur, pièce en 3 actes, jouée au Théâtre de l’Athénée, le 7 février 1907, sur Gallica
Le Flirt ambulant, comédie en trois actes, représentée au Théâtre des Mathurins, le 4 mai 1907
La Cabotine, pièce en 3 actes, écrite avec Alfred Athis, représentée au Théâtre des Nouveautés le 2 octobre 1907
Monsieur Codomat, comédie en trois actes, représentée au Théâtre Antoine le 17 octobre 1907. Lien vers le texte et la chronique sur Libre Théâtre
Les Jumeaux de Brighton, pièce en 3 actes et 1 prologue, Paris, Théâtre Femina, 16 mars 1908, sur Libre Théâtre

Le Danseur inconnu, comédie en 3 actes, Paris, Théâtre de l’Athénée, 29 décembre 1909,  lien vers le texte et la chronique sur Libre Théâtre 
Le Costaud des épinettes, comédie en 3 actes, écrite avec Alfred Athis [Natanson], jouée au Théâtre du Vaudeville le 14 avril 1910. Lien vers le texte et la chronique sur Libre Théâtre

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53129709w/f1.item
André Brulé dans « Le danseur inconnu » de Tristan Bernard / dessin de Yves Marevéry. 1909. Source : BnF/Gallica

Le Petit Café, comédie en 3 actes, jouée au Théâtre du Palais-Royal le 12 octobre 1911, sur Gallica, Gallica
L’Accord parfait, comédie en 3 actes, écrite avec Michel Corday, jouée au Théâtre Femina le 25 novembre 1911. Chronique et texte sur Libre Théâtre
On naît esclave, pièce en 3 actes, avec Jean Schlumberger, Paris, Théâtre du Vaudeville, 4 avril 1912, sur archive.org
Les Phares Soubigou, comédie en 3 actes, Paris, Comédie Royale, 4 décembre 1912
Les Deux Canards, pièce en 3 actes, écrite avec Alfred Athis, représentée au Théâtre du Palais-Royal le 3 décembre 1913. Texte en ligne sur Libre Théâtre
Jeanne Doré, pièce en 5 actes et 7 tableaux, représentée au Théâtre Sarah-Bernhardt, le 16 décembre 1913, sur Gallica
Le Prince charmant, comédie en 3 actes, représentée à la Comédie-Française le 12 juillet 1914
Le Sexe fort ou la Volonté de l’homme, pièce en trois actes, représentée au Théâtre du Gymnase, le 12 avril 1917
Les Petites Curieuses, pièce en 3 actes,  représentée le 11 février 1920, au Théâtre des Boulevards, sur Gallica
Le Poulailler, comédie en trois actes, Paris, Théâtre Michel, 3 décembre 1920, sur Gallica
Cœur de lilas, comédie en trois actes avec Charles-Henry Hirsch, mise en scène André Brulé, représentée au Théâtre de Paris le 5 mars 1921
My Love… Mon amour, comédie en 4 actes, Paris, Théâtre Marigny, 3 février 1922
Ce que l’on dit aux femmes, comédie en 3 actes, représentée au Théâtre des Capucines le 19 mai 1922
Embrassez-moi !, écrite avec Yves Mirande et Gustave Quinson, représentée au Théâtre du Palais-Royal, le 22 décembre 1923
Elle aussi !, comédie en trois actes, écrite avec Yves Mirande et Gustave Quinson, représentée au Théâtre Michel le 5 décembre 1924

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53104261j
Geneviève Lantelme dans « Le costaud des Epinettes » de Tristan Bernard, Alfred Athys / dessin de Yves Marevéry. 1910. Source : BnF/Gallica

Un perdreau de l’année, comédie en 3 actes, jouée au Théâtre Michel le 24 avril 1926, texte et chronique sur Libre Théâtre
Jules, Juliette et Julien, ou l’École du sentiment, comédie en 3 actes et un prologue, représentée au Théâtre de l’Œuvre, le 10 mai 1929
L’École des charlatans, pièce en quatre actes, avec Albert Centurier, représentée en Théâtre de l’Odéon le 1er avril 1930, sur Gallica
Langevin père et fils, comédie en cinq actes, représenté au Théâtre des Nouveautés, 15 mai 1930, sur Gallica
Un ami d’Argentine, pièce en quatre actes, avec Max Maurey, représentée au Théâtre de l’Athénée le 5 novembre 1930, sur Gallica
Que le monde est petit, comédie en trois actes, jouée au Théâtre Tristan Bernard le 23 décembre 1930
Le Sauvage
, comédie en quatre actes, représentée au Théâtre Tristan-Bernard le 19 février 1931
Bloch de Chicago, d’après la pièce Abie’s Irish Rose d’Anne Nichols, comédie en 4 actes, représentée le 22 septembre 1933 au Théâtre de la Madeleine


Comédies en un acte

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53049769q
[Germain, Girier et Paul Ardot dans « Cabotine » de Tristan Bernard / dessin de Yves Marevéry]. 1907. Source : BnF/Gallica

Les Pieds nickelés, comédie en un acte,  représentée au Théâtre de l’Œuvre le 15 mars 1895. Chronique et texte à télécharger sur Libre Théâtre
Allez, messieurs ! pièce en un acte, représentée au Théâtre de l’Odéon le 13 janvier 1897
Le Fardeau de la liberté, comédie en un acte, représentée au Théâtre de l’Œuvre le 15 mai 1897, sur Gallica
Le Retour du marin, comédie en un acte, représentée au Théâtre du Grand-Guignol le 11 novembre 1897
Franches Lippées
, comédie en 1 acte, Paris, Théâtre du Champ-de-Foire, 6 mars 1898, sur Gallica
Silvérie, ou les Fonds hollandais, pièce en un acte, en collaboration avec Alphonse Allais, Paris, Théâtre des Capucines, 19 mai 1898
Le Seul Bandit du village, vaudeville en 1 acte,  représenté au Théâtre des Capucines le 10 novembre 1898, lien vers le texte et la chronique sur Libre Théâtre
Visite de nuit
, comédie en un acte, représentée au Théâtre des Funambules le 29 novembre 1898
Une aimable lingère, ou Chaque âge a ses plaisirs, proverbe de château, Paris, Théâtre des Mathurins, 26 janvier 1899, sur Gallica
Le Cambrioleur, comédie en un acte, représentée le 6 mars 1899 au Théâtre des Capucines
Le vrai courage,
comédie en 1 acte, jouée au Théâtre du Grand-Guignol le 14 octobre 1899
L’Anglais tel qu’on le parle,
vaudeville en 1 acte, Paris, Comédie-Parisienne, 28 février 1899, sur Gallica
Octave ou les Projets d’un mari, comédie en 1 acte, jouée au Théâtre du Grand-Guignol le 6 novembre 1899
L’enlèvement d’Agathe
, comédie en un acte jouée dans diverses sociétés d’amateurs, vers 1900, sur Gallica
Un négociant de Besançon
, comédie en un acte, Paris, Théâtre des Mathurins, 25 février 1900, sur Gallica, sur Gallica
Le Cabinetto n°13, comédie en un acte, représentée à Monte-Carlo, le 4 avril 1901
Daisy, comédie en 1 acte, représentée au Théâtre de la Renaissance, le 13 mai 1902, sur Gallica
Les Coteaux du Médoc, comédie en un acte, représenté au Théâtre du Vaudeville le  2 décembre 1903, sur Gallica 
Je vais m’en aller, comédie en un acte, sur Gallica
L’ardent tirailleur, pièce en un acte représenté le 21 octobre 1903 au Théâtre Rabelais, sur Gallica
Le Captif, comédie en 1 acte, Paris, Théâtre des Mathurins, 9 février 1904, sur Gallica
Congé amiable, comédie en un acte, écrite avec Alphonse Allais, représentée le 18 avril 1904 au Théâtre de la Renaissance
Chasseur de tigre blanc,
comédie en un acte représentée au Théâtre des Maturins, le 29 mai 1905
La Peau de l’ours
, comédie en un acte, jouée au Théâtre de l’Athénée le 2 février 1907
En pays conquis, comédie en un acte, jouée au Théâtre des Maturins, le 4 mai 1907
L’étrangleuse, tragi-comédie en un acte, jouée à la Boîte à Fursy en 1908, publiée dans le recueil Théâtre sans directeur, Chronique et texte sur Libre Théâtre
Le Radeau de la Méduse, comédie en un acte, parue en 1908, sur Gallica
Le Peintre exigeant, comédie en un acte, représentée à la  Comédie-Française, le 21 février 1910, sur Gallica
L’Incident du 7 avril, comédie en 1 acte, jouée au Théâtre de l’Athénée le 20 mai 1911, sur Gallica
La Gloire ambulancière, comédie en 1 acte, représentée à la Comédie des Champs-Élysées le 10 mai 1913, sur Gallica
La Crise ministérielle, comédie en un acte, représentée à la Comédie des Champs-Élysées le 5 mars 1914, puis le 15 janvier 1931 au Théâtre Tristan Bernard
Du vin dans son eau, ou l’Impôt sur le revenu, comédie en un acte, représentée à la Comédie des Champs-Élysées le 3 février 1914, sur Gallica
L’école du piston, comédie en un acte (10 scènes), jouée pour la première fois au Théâtre Antoine le 11 juin 1916, Chronique et texte sur Libre Théâtre
Le Cousin de Nantua, comédie en un acte, représentée au Théâtre Michel le 7 janvier 1925
L’École des quinquagénaires, comédie en un acte, en vers, Paris, Comédie-Française, 18 avril 1925
Nouvelle recrues, pièce en un acte, jouée au Théâtre Albert Ier, le 17 mars 1929, par les Eclaireurs Unionistes des Batignolles, sur Gallica
Deux pêcheurs en eau claire
, comédie en un acte, jouée au Théâtre Tristan Bernard, le 19 février 1931 sur Libre Théâtre
Sous le sceau du secret, comédie en un acte, jouée au Théâtre Tristan Bernard le 30 janvier 1931
Cœur de bronze, comédie en un acte, représentée au Théâtre Tristan Bernard le 11 janvier 1932


Saynètes

Un garçon de dix-huit ans, saynète jouée le 15 mars 1914 au Théâtre Sarah-Bernhardt lors d’une matinée de bienfaisance, publiée dans le recueil Théâtre sans directeur. Chronique et texte sur Libre Théâtre.
Un mystère sans importance, saynète jouée dans une matinée de bienfaisance, représentée le 27 décembre 1916 à l’Opéra Comique, diffusée à la radio le 12 juin 1930, publiée dans Sketches pour la scène et la radio (2ème volume) et dans le recueil Théâtre sans directeur. Texte et chronique sur Libre Théâtre
Les Plaisirs du dimanche, saynète représentée au Sporting Club, le 31 mars 1925, le 24 avril 1936 au Théâtre Michel puis le 11 janvier 1932 au Théâtre Tristan Bernard, publiée dans le Théâtre sans directeur sur Libre Théâtre
Un homme dans la maison, saynète jouée au Théâtre Saint-Michel le 14 janvier 1927 (jouée avec la pièce Le Sexe fort ou la Volonté de l’homme), publiée dans le recueil Théâtre sans directeur. Chronique et texte sur Libre Théâtre 
Un dramaturge en plein labeur, saynète publiée dans le recueil Théâtre sans directeur, représentée à la Comédie Française le 5 décembre 1930Chronique et texte sur Libre Théâtre.
La Partie de bridge, saynète représentée le 21 janvier 1931 au Théâtre Tristan Bernard et au Théâtre de la Michodière le 24 avril 1937, publiée dans le Théâtre sans directeur. Chronique et texte sur Libre Théâtre
Le prétendant, saynète publiée dans le recueil Théâtre sans directeur. Chronique et texte sur Libre Théâtre.
La sacoche, saynète en vers publiée dans le recueil Théâtre sans directeur, représentée le 9 mai 1931 à la Comédie-FrançaiseChronique et texte sur Libre Théâtre.
Antoinette ou le retour du marquis, saynète en un acte, jouée au Théâtre du Casino d’Enghien et reprise au Théâtre des Mathurins, publiée dans le recueil Théâtre sans directeur. Chronique et texte sur Libre Théâtre


Sketches pour la radio (également parfois joués sur scène)

Le narcotique, sketch pour la radio diffusé le 3 mars 1930, publié dans Sketches pour la scène et la radio, 1er volume sur Gallica
Une opération magistrale, sketch pour la radio diffusé le 17 mai 1930, publié dans Sketches pour la scène et la radio, 1er volume sur Gallica
La morale et le hasard, sketch pour la radio diffusé le 17 avril 1930, publié dans Sketches pour la scène et la radio, 1er volume sur Gallica
Révélation,
sketch pour la radio diffusé le 20 mars 1930, publié dans Sketches pour la scène et la radio, 2ème volume,sur Gallica
La maison du crime
, sketch pour la radio diffusé le 22 mai 1930, publié dans Sketches pour la scène et la radio, 1er volume sur Gallica
Expédition nocturne sketch pour la radio diffusé le 22 mai 1930, publié dans Sketches pour la scène et la radio, 2ème volume,sur Gallica
Le triomphe de la science, sketch pour la radio diffusé le 29 mai 1930, publié dans Sketches pour la scène et la radio, 2ème volume, représenté au Théâtre Albert Ier le 31 janvier 1932, sur Gallica
Le coup de Cyrano, 
sketch pour la radio diffusé le 5 juin 1930, publié dans Sketches pour la scène et la radio, 2ème volume, représenté au Théâtre des Capucines le 1er janvier 1899 sur Gallica
Le Laboureur et ses enfants, sketch pour la radio diffusé en juin 1932.


Opérettes, Comédies lyriques

La Petite Femme de Loth, opéra en deux actes, musique  Claude Terrasse, représentée le 1er octobre 1900 au Théâtre des Mathurins sur Gallica
Aimable Dalila, comédie lyrique sur une musique de Reynaldo Hahn, représentée le 23 décembre 1931 au Théâtre Tristan Bernard
Salomon le sage, comédie lyrique sur une musique de Reynaldo Hahn, représentée le 23 décembre 1931 au Théâtre Tristan Bernard


Pièce inédite

Le Cordon bleu (1923)

 

Le théâtre de George Sand

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53066110x
George Sand : photographie, tirage de démonstration par l’Atelier Nadar. Source : BnF/Gallica

Libre Théâtre débute le traitement de l’œuvre théâtrale de George Sand. On compte 31 pièces dont 25 ont été représentées du vivant de George Sand (cliquer sur les liens hypertextes pour accéder aux notices et au texte intégral des pièces déjà mises en ligne).

Pièces représentées du vivant de George Sand
Cosima ou la Haine dans l’amour
, drame en cinq actes et un prologue, joué en 1840 au Théâtre-Français, texte intégral sur Libre Théâtre
Le Roi attend, prologue, joué en 1848 au Théâtre de la République (Théâtre-Français), texte intégral sur wikisource
François le Champi, comédie en trois actes, jouée en 1849 au Théâtre de l’Odéon, texte intégral sur Libre Théâtre
Claudie, drame en trois actes, joué en 1851 au Théâtre de la Porte Saint-Martin, texte intégral sur Libre Théâtre
Molière, drame en cinq actes, joué en 1851 au Théâtre de la Gaîté, texte intégral sur Libre Théâtre
Le Mariage de Victorine, comédie en trois actes, jouée en 1851 au Théâtre du Gymnase-Dramatique, texte intégral sur Libre Théâtre
Les Vacances de Pandolphe, comédie en trois actes, jouée en 1852 au Théâtre du Gymnase-Dramatique, texte intégral sur Libre Théâtre
Le Démon du foyer, comédie en deux actes jouée en 1852 au Théâtre du Gymnase-Dramatique, texte intégral sur Libre Théâtre
Le Pressoir, drame en trois actes joué en 1853 au Théâtre du Gymnase-Dramatique, texte intégral sur wikisource
Mauprat, drame en cinq actes, joué en 1853, au Théâtre de l’Odéon, texte intégral sur wikisource
Flaminio, comédie en trois actes et un prologue, jouée en 1854 au Théâtre du Gymnase-Dramatique, texte intégral sur wikisource
Maître Favilla, drame en trois actes, joué en 1855 au Théâtre de l’Odéon, texte intégral sur Libre Théâtre
Lucie, comédie en un acte, jouée en 1856 au Théâtre du Gymnase-Dramatique, texte intégral sur Libre Théâtre
Françoise, comédie en quatre actes, jouée en 1856 au Théâtre du Gymnase-Dramatique, texte intégral sur Gallica  (4H, 4F)
Comme il vous plaira, comédie en trois actes, jouée en 1856 au Théâtre-Français (adaptation), texte intégral sur Gallica (14h, 3f)
Marguerite de Sainte-Gemme, comédie en trois actes, jouée en 1859 au Théâtre du Gymnase-Dramatique, texte intégral sur wikisource
Les Beaux messieurs de Bois-Doré, joué en 1862 à L’Ambigu-Comique, texte intégral sur Gallica (10h, 2f)
Le Pavé, nouvelle dialoguée, jouée en 1862, au Théâtre de Nohant et au Théâtre du Gymnase-Dramatique (Théâtre de Nohant), texte intégral sur wikisource
Le Drac, joué en 1864 au Théâtre du Vaudeville (3h, 1f), texte intégral sur Gallica
Le Marquis de Villemer, comédie en quatre actes, jouée en 1864 au Théâtre de l’Odéon, texte intégral sur wikisource
Les Don Juan de village, comédie en trois actes, jouée en 1866 au Théâtre du Vaudeville, texte intégral sur Gallica (5h, 5f)
Le Lis du Japon, comédie en un acte, jouée en 1866 au Théâtre du Vaudeville, texte intégral sur Gallica  (3h, 1f)
Cadio, drame en cinq actes, joué en  1868 au Théâtre de la Porte Saint-Martin, texte intégral sur Gallica (24h, 6f)
La petite Fadette,  opéra comique en trois actes et cinq tableaux, joué en 1869 à L’Opéra Comique (3h, 4f), texte intégral sur Gallica
L’Autre, comédie en quatre actes et un prologue, jouée en 1870 au Théâtre de l’Odéon (7h, 3f), texte intégral sur Gallica

Pièces non représentées du vivant de George Sand

Une conspiration en 1577, essai dramatique (publication dans la Revue de Paris le 15 décembre 1831), sur wikisource
Aldo le Rimeur, 1833, sur Wikisource
Les Mississipiens, proverbe en deux actes et un prologue, 1840, texte intégral sur Gallica
Lupo Liverani, drame en trois actes, 1869, texte intégral sur wikisource
Un bienfait n’est jamais perdu, proverbe, 1872, texte intégral sur wikisource

Le théâtre de George Sand

Extrait de Propos de théâtre, Vème série,  d’Emile Faguet. Source : OBVIL

Pendant les loisirs que m’a faits cette semaine, absolument vide de premières représentations et où, du reste, la chaleur antithéâtrale a fait enfin son apparition tardive — ne se retrouvera-t-il personne pour soutenir, comme le bon Sarcey, que les salles de théâtre sont des asiles frais et charmants pendant les ardeurs de l’été ? — j’ai relu presque tout entier le théâtre de George Sand, et en vérité je ne suis pas fâché du tout d’avoir mené à bien ce dessein, que je caressais depuis qu’il a été question du « Centenaire ».
Vous savez assez que George Sand a eu toute sa vie la passion du théâtre. Enfant, elle arrangeait des pièces pour les représenter avec ses petites camarades — à la vérité comme tous les enfants ; — femme « faite », comme dit Musset dans sa correspondance, elle eut des sympathies attendries et comme pieuses pour le grand acteur et directeur Bocage, qui, comme vous savez, paraît et reparaît, sous différents noms, dans plusieurs de ses romans (le Beau Laurence, Pierre qui roule, un peu aussi, je crois, mais il faudrait vérifier les dates, dans le charmant Château des désertes).
Une jolie scène, et prise sur le vif, dans le Beau Laurence. Un jeune homme se présente à un directeur pour entrer dans sa troupe et sollicite une audition :
« Très bien, cher Monsieur, veuillez vous asseoir… Eh bien ! ce n’est pas cela du tout !
— Comment ! ce n’est pas cela ?
— Non, vous ne savez pas un mot du métier.
— Mais je n’ai encore rien dit.
— Mais vous vous êtes assis !
— Eh bien ?
— Eh bien, vous vous êtes assis comme on s’assied dans le monde et non comme il est absolument nécessaire de s’asseoir au théâtre. Recommencez-moi ça.
— Mais comment ?
— Comment ! Vous n’avez pas suivi ! Je viens de m’asseoir moi-même. Faites comme moi. Oh ! si nous allons si lentement… »
Plus tard, elle fut l’amie de Montigny, qui était un des meilleurs directeurs de théâtre de tout le dix-neuvième siècle et qui, du reste, était, à presque tous les égards, le contraire même de Bocage. — Plus tard, jusqu’à son extrême vieillesse et jusqu’à sa mort, elle eut un théâtre chez elle, en son château, comme Voltaire, avec cette différence que c’était un théâtre de marionnettes. Cela lui permettait d’être auteur, directeur, et de jouer plusieurs rôles dans chaque pièce. C’était son rêve éternel réalisé en miniature.
Ce n’est pas à dire qu’elle fût excellemment douée pour le théâtre, ayant toujours eu la sainte horreur du plan, du dessin, du tracé, et aimant à la folie aller tout droit devant elle sans savoir précisément où elle allait. Il est au moins difficile de faire du théâtre quand on est ainsi, quand on aime beaucoup être ainsi et quand on ne peut guère être autrement. Cependant elle avait parfaitement l’imagination dramatique, le goût des incidents éclatant tout à coup d’une façon suffisamment logique, et puis le souffle oratoire, la grande éloquence, qui est, souvent, qui est, dans un certain genre de pièces, une qualité très dramatique ou, si vous voulez, très théâtrale, et qui fait une grande impression sur le public.
Et puis, ce qui est si rare au théâtre, elle avait la sincérité. On sentait que ce qu’elle vous racontait, ce qu’elle mettait devant vos yeux, l’émouvait elle-même profondément, qu’elle y croyait de tout son cœur et qu’elle en souriait ou pleurait elle-même avec délices. Cela est contagieux ; non point toujours, mais assez souvent. Le public au théâtre est très sensible, de temps en temps, à quelque chose qui ne sent pas trop le théâtre, et même à quelque chose qui ne sent pas du tout le théâtre.
Ce fut assez tard, cependant, qu’elle voulut ou qu’elle put se faire jouer. Les circonstances sont pour beaucoup dans ces sortes d’affaires. Songez, du reste, que de 1830 à 1840, lançant en moyenne trois romans par année, et quels romans ! il lui restait assez peu de temps pour écrire des pièces de théâtre ou pour mettre ses romans en pièces, ce qui, du reste, n’était pas la mode alors.
Je crois que sa première tentative fut Cosima à la Comédie-Française, en 1840. Cosima, drame oratoire, trop oratoire, et drame philosophique, trop philosophique, ne réussit pas, point du tout. Je crois que George Sand en conçut un assez vif chagrin et que c’est pour cela qu’elle retourna à ses romans socialistes pour un certain nombre d’années.
La véritable carrière dramatique de George Sand va de 1848 à 1870 environ. En 1848, elle donna à la Comédie-Française un petit acte, pour un anniversaire de Molière sans doute, intitulé le Roi attend. Ce n’est pas méchant ; cela ne casse rien du tout ; mais cela est intéressant comme germe, très probablement, de ce Molière qui vit les chandelles en mai 1851, à la Gaîté, et qui est une pièce, après tout, assez originale.
C’est le mariage de Molière avec Armande Béjart, et puis la mort de Molière. Selon la poétique du temps, sinon selon la critique (et encore !), Molière y est représenté en tragique. Il est triste, pleurard et prophétique. Il a moins la perruque du dix-septième siècle que les cheveux longs des apôtres de 1848. C’est là qu’il est dit, pour la première fois peut-être, que « le masque du comédien est souvent collé sur son visage par ses larmes ». Cela a été, je crois, répété quelquefois depuis. En somme, la pièce, que je n’ai pas vu jouer, me semble digne du théâtre. Elle a de l’allure et je dirai presque de la grandeur. Armande Béjart, épousant Molière par vanité et amour de la gloire, n’est peut-être pas très véritable, mais elle ne laisse pas d’être dramatique. Je ne dissimulerai à personne, n’y ayant aucun intérêt, qu’il y a de terribles longueurs. George Sand n’a jamais su marcher d’un train d’enfer. Un de ses charmes, dans le livre, la flânerie, devient au théâtre un défaut très redoutable.
J’ai parlé tout de suite de Molière parce que le Roi attend m’a amené à lui comme par la main ; mais, avant Molière, George Sand avait fait représenter deux grandes pièces et avait remporté, s’il vous plaît, deux grands succès.
C’était le temps où Bocage s’était épris de son génie et où elle s’était engouée du talent de Bocage, lequel, du reste, était, paraît-il, un très grand acteur. Bocage dirigeait l’Odéon et y jouait. L’Odéon, sous la seconde République, — je parle de longtemps, — était un théâtre en pleine vogue et en pleine gloire. François le Champi y fut joué en 1849 avec un succès éclatant.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10541401k
Deshayes, rôle de Jean Bonnin, dans François le Champi, Théâtre de l’Odéon en 1849, par A. Lacauchie. Source : BnF/Gallica

La pièce est charmante. Elle est parfaitement digne du roman, quoique inférieure, comme il arrive presque toujours. Je l’ai vu jouer, non pas en sa nouveauté, encore qu’à la rigueur c’eût été possible ; mais à une reprise très soignée qu’en a donnée il y a une quinzaine d’années la Comédie Française. Je me rappelle que M. de Féraudy (si je ne me trompe) y fut excellent, et Mme Pierson, et je suis sûr de ne pas me tromper, absolument exquise. François le Champi fit verser de douces larmes à nos mères (vos grand mères à vous), en sa nouveauté et à nos sœurs (vos mères à vous) lors de cette reprise dont je viens de parler. C’est là que cette qualité de la sincérité que je signalais plus haut est particulièrement marquée. Cela sent le village et à peine idéalisé. Pour retrouver cette sensation-1à, qui est infiniment agréable, il faut descendre (je parle au point de vue du cours du temps) jusqu’à l’Ami Fritz, chef-d’œuvre peut-être de la comédie populaire et villageoise ; ou il faut remonter, et à mon avis ceci n’est pas aussi bon, à la Partie de chasse de Henri IV.
Et en 1851 elle avait donné à ce même Odéon, qui était décidément un théâtre paysannesque, la fameuse Claudie. De Claudie je ne vous dirai rien, quoique l’ayant vu jouer en reprise et quoique la trouvant la pièce la plus brillamment oratoire et la plus délicieusement poétique de tout le théâtre de George Sand. Je ne vous en dirai rien cependant, ou je ne vous en dirai que cela aujourd’hui, parce que, comme on va la jouer à la Comédie-Française tout prochainement, je me réserve de vous dire l’impression qu’elle aura produite « sur ma pauvre âme déveloutée d’à présent », comme disait Renan. Mais je veux, cela vous amusera comme rétrospectif et comme peu connu maintenant, vous donner l’opinion qu’en avait un des plus célèbres et du reste un des plus sévères critiques du temps, Gustave Planche :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8437033f
Le théâtre illustré. Claudie, pièce en trois actes de George Sand, représentée au théâtre de Cluny : [estampe] Dessin de M. Adrien Marie ; Gillot sc. 1879. Source : BnF/Gallica
« Les personnages inventés par l’auteur de Claudie pour le développement de la thèse que je viens d’indiquer sont très simples et tirés de la vie réelle. Je ne dis pas que tous ces types soient conçus avec la largeur qu’on pourrait souhaiter ; plusieurs de ces personnages pourraient, en effet, donner lieu à des objections assez sérieuses ; mais il est certain, du moins, qu’ils n’ont rien d’imprévu, rien d’inattendu, rien d’invraisemblable. C’est pourquoi, tout en reconnaissant que l’auteur de Claudie n’a peut-être pas fait tout ce qu’il pouvait faire, et ses précédents ouvrages me donnent le droit d’exprimer cette réserve, je suis forcé d’avouer [toujours gracieux. Planche] que les figures mises en œuvre dans son drame nouveau sont revêtues de tous les caractères qui excitent l’intérêt et la sympathie. L’héroïne même du drame. Claudie, est une conception pleine à la fois de grâce et de grandeur. Elle a aimé, elle s’est confiée, elle a été trompée, elle est devenue mère, et son amant, qui avait promis de l’épouser, s’est retiré dès qu’il a vu s’évanouir les espérances de richesse qui avaient dicté sa promesse. Claudie porte sa faute avec vaillance. Elle dit… : « Ma faute n’est pas l’œuvre d’un cœur dépravé : corrompue, j’aurais été plus prudente ; j’aurais demandé des gages avant de me livrer. Pure et sans tache, je me suis livrée sans condition et sans arrhes… J’accepte mon malheur sans confusion et sans colère ; je ne réclame la protection ni l’indulgence de personne ; la conscience de ma loyauté suffit à calmer mes remords… Dieu a sondé mon cœur et sait pourquoi j’ai failli. Dieu m’a jugé, et sa justice me console de l’injustice des hommes. » — Assurément, il y a dans la conception et la composition de ce caractère une grandeur, une simplicité, une austérité que personne ne saurait méconnaître… »
De son côté Théophile Gautier disait : « La mode est aujourd’hui aux paysans… »
(On avait joué, deux ans auparavant, le Champi et, six mois auparavant, la Petite Fadette, « tirée du roman de George Sand par Charles Lafont et Anicet Bourgeois » ; à propos de quoi Gautier avait créé le mot rurodrame et avait prédit « qu’avant peu l’églogue au foin vert lasserait le public ». Claudie n’avait pas donné raison à ce pronostic.)
« … La mode est aujourd’hui aux paysans comme elle était naguère aux barons du moyen âge, et Claudie ne pouvait venir plus à propos avec sa cornette bise, sa jupe rayée, ses bas bleus et ses petits pieds dans de gros souliers… George Sand paraît vouloir faire un théâtre rustique. Claudie, comme le Champi, se passe entre paysans. Nous admettons volontiers cette donnée, qui peut fournir des scènes nouvelles. La campagne renferme des types nettement accusés et pourtant peu connus, comme ces fleurs qui croissent dans les bois et dont la beauté n’a pas d’appréciateurs ; car le braconnier pense à ses lièvres et le bûcheron à ses fagots. Les littérateurs, en France surtout, vivent à la ville, c’est-à-dire à Paris, centre d’activité intellectuelle et le seul endroit ou ils puissent tirer parti de leur talent. Ils ignorent donc entièrement les mœurs rurales… George Sand a eu cet avantage de se mêler à la vie des champs, de connaître familièrement ses modèles et de pénétrer dans l’intimité de la chaumière. Ses paysans ne sont pas des paysans d’opéra comique, des Jeannots en veste tourterelle et en culotte satin. Ils patoisent et portent des chemises de grosse toile, de larges braies et des vestes élimées ; c’est la différence d’un Adolphe Leleux à un Boucher… Le succès a été complet. Bocage a fait du père Rémy un type admirable de paysan patriarcal. Madame Lia Félix a su tirer parti d’un rôle tout en dedans (Claudie) presque muet et qui ne pouvait avoir de valeur que par la tenue et la pantomime. Fechter a été charmant et passionné dans le rôle de Sylvain, à qui il donne une délicieuse élégance rustique. »
De 1852 à 1860, ce fut pour George Sand ce que j’appellerai la « période du Gymnase » ou la « période de Montigny ». Elle fut très glorieuse pour George Sand et consacra la réputation dramatique que le romancier s’était déjà acquise par François le Champi et Claudie.
À la vérité, cette période Montigny ne commença pas trop bien. Elle commença par les Vacances de Pandolphe, pièce qui fut un insuccès, et assez mérité.
« Cette excursion sur le domaine de Watteau », comme dit Théophile Gautier, « ne fut pas aussi heureuse qu’on eût pu le désirer ». Et Gautier en a très bien vu la raison. Les Vacances de Pandolphe, qui est une fantaisie, est une fantaisie froide. La pièce pèche par abus de la simplicité. George Sand n’ose pas s’y livrer, s’y abandonner ; elle se contient et se réprime. Elle se réfugie dans une sorte de sobriété un peu terne qui est bien exactement le contraire de la nature de Lélia. Mais je ne dirais pas mieux que Gautier.
« Quand elle quitte le récit pour le dialogue [non pas toujours : Gautier oublie déjà Claudie ; on est toujours, surtout comme critique dramatique, sous l’impression du moment], au lieu de se livrer à sa passion, à son ardeur, à son éloquence, à son lyrisme, elle cherche toutes sortes de qualités négatives contraires à sa nature et à son talent. Elle se fait un parti pris de froideur, de sobriété, qui étonne et déroute. Un air de souffle janséniste [cette fois c’est aller trop loin] dessèche ces belles fleurs, une brume grisâtre estompe ses splendides horizons, et l’ennui descend comme une pluie fine et glacée, d’un terne ciel d’automne dont un rigorisme impitoyable a éteint l’azur. Tous ces sacrifices se font au nom de la simplicité… Simplicité, voilà qui est bien, mais il ne faut pas en abuser. La simplicité voulue est souvent plate et même l’involontaire… Nous comprenons que le poète, par cette facilité d’avatars qui le rapproche des dieux de la mythologie hindoue, aime à s’absenter de son corps et à revêtir pour quelque temps une individualité différente. George Sand a eu cette fantaisie d’habiter l’âme de Sedaine et de Berquin ; mais il serait temps qu’elle revînt à son moi abandonné… »
Elle y revint très vite par le Mariage de Victorine, qui fut considéré comme un chef-d’œuvre et qui, pour moi, n’est pas loin d’en être un. Ce n’était pas du Sedaine, quoique ce fût la suite et la fin du Philosophe sans le savoir ; c’était bien du George Sand, et de la meilleure. Délicatesse, sensibilité, éloquence du cœur, finesse dans l’expression des sentiments qui s’ignorent encore et déjà se découvrent eux-mêmes, composition libre et aisée, mais surveillée cependant et habile, style quelquefois un peu froid mais souvent exquis, le Mariage de Victorine est une perle dramatique de la plus belle eau.
C’est même la pièce de George Sand par excellence, celle où, non seulement elle n’imite personne, mais où elle ne s’imite pas elle-même et ne cherche pas à faire passer un de ses romans par le trou du souffleur, exercice toujours pénible et dont l’effort est sensible au spectateur. Le Mariage de Victorine a été rêvé librement et délicieusement après une lecture de Sedaine, et exécuté avec facilité et bonne grâce. C’est comme une comédie née d’un sourire.
Le Démon du foyer est de cette même époque. J’ai dit tout récemment ce que j’en pensais. Je ne le mets pas très haut ; mais je suis très loin de le mépriser. La petite pie-grièche est joliment peinte et le grand seigneur dilettante n’est point si mal campé sur ses talons rouges. C’est un tableau fort agréable.
Le Pressoir (1860) ne réussit point et ne méritait guère de réussir. C’est une paysannerie un peu lourde. Et puis « l’églogue au foin » commençait à « lasser ».
Entre temps, revenant à l’Odéon pour un instant, George Sand avait donné un Mauprat qui ne réussit pas du tout (1853), que j’ai vu, moi. quelque temps après la guerre, repris à l’Odéon, et que j’ai trouvé très original, un peu lent, mais souvent très beau. Il est vrai que M. Duquesnel nous avertit, dans un article du Gaulois d’il y a un mois, que ce Mauprat-là n’était pas du tout le même que celui de 1853. A la bonne heure Je n’aime pas que le public se trompe complètement.
De même, en 1855, elle avait donné à l’Odéon Maître Favilla, que ni je n’ai vu jouer ni je n’ai pu retrouver en brochure. J’ignore Maître Favilla. Il paraît que c’était une fantaisie très spirituelle et très originale.
En 1866, le Marquis de Villemer fit son entrée triomphale à l’Odéon. Ce fut la pièce qui eut le plus grand succès, pendant quinze ans, de toutes les pièces de ce temps-là.
De même que de nos jours, quand la Porte Saint-Martin n’a pas la veine, elle reprend Cyrano de Bergerac et immédiatement refait fortune ; de même en ce temps-là, aussitôt qu’il y avait une chute à l’Odéon, et ce phénomène n’est rare nulle part, on reprenait le Marquis de Villemer et la caisse retentissait joyeusement. Je crois même qu’il ne faudrait pas dire pendant quinze ans, mais pendant vingt. Ce fut une pièce de tout repos et de toute gloire.
On a dit, et je crois que le fait peut passer pour établi, que cela tenait à ce qu’Alexandre Dumas fils avait passé par là. Je le veux bien. Il y a, en effet, de l’esprit à la Dumas dans cette pièce : « Je le ferai passer pour mon fils. Personne ne s’étonnera que de ma jeunesse accidentée il me soit resté un fils. On s’étonnera seulement qu’il ne m’en reste qu’un. » — « Oh ! la jolie aquarelle ! Quelle délicieuse petite rivière entre ses berges abruptes ! Comme c’est vu ! — Mais ce n’est pas une rivière. C’est un chemin creux. — Ah !… C’est dommage ! ».
Oui, il y a de l’esprit à la Dumas fils ; mais il y a toute l’âme charmante de George Sand vieillie, c’est-à-dire plus aimable que jamais. Il y a une grâce dans la bonté et une mélancolie atténuée et fine qui sont des charmes. Notez que les types sont très vrais et, quoique facilement accessibles au spectateur, ne sont pas conventionnels. La marquise de Villemer, le jeune marquis de Villemer et le duc d’Aléria — je le dirai un peu moins de la jeune fille — ont des caractères très précis, très circonstanciés, sinon complexes, et sont très vivants.
Et la pièce marche ! Elle est très bien composée pour l’intérêt de curiosité et pour l’intérêt pathétique croissant. A tous les points de vue, elle se justifie, si je puis dire, de l’immense succès qu’elle a remporté. Elle ne saurait disparaître du répertoire, et je suis sûr qu’elle n’en disparaîtra pas.
Il est vrai qu’il y faut un grand premier rôle excellent et vraiment jeune encore (Ah ! comme c’était joué par Berton père !) et une vieille très distinguée, très aristocratique et très spirituelle, une Madeleine Brohan, pour le rôle de la marquise.
Au point de vue métier et au point de vue de l’histoire littéraire, il faut observer qu’avec le Gendre de M. Poirier, tiré par Augier et Sandeau de Sacs et Parchemins de Sandeau, le Marquis de Villemer, tirée du roman qui porte le même titre, est la seule pièce tirée d’un roman qui ait vraiment réussi. Les jeunes auteurs, ou plutôt les étudiants en littérature dramatique, feront bien de lire attentivement et de scruter avec diligence ces deux ouvrages, pour voir comment on peut et l’on doit s’y prendre pour extraire d’un roman la pièce de théâtre qu’il contient toujours mais qu’il n’est jamais, qu’il ne peut pas être. À ce titre, voilà deux pièces de théâtre qui doivent être retournées de main diurne et nocturne, confrontation faite avec les romans d’où elles sont tirées, par tous les Français de ce siècle, puisque tous les Français de ce siècle se destinent à la carrière dramatique à partir de la quinzième année.
Je ne dirai rien, ou presque, de Cadio, de les Beaux Messieurs de Bois-Doré, qui sont à peu près du même temps et qui, eux aussi, furent des pièces extirpées des romans plus ou moins célèbres, plus ou moins obscurs, de George Sand. Ils le furent d’une main moins savante et moins adroite. J’ai fort aimé cependant les Beaux Messieurs de Bois-Doré, trop mélodrame, mais par moments fort brillant ou fort vigoureux. Et puis le roman m’avait tant plu ! Avez-vous lu les Beaux Messieurs de Bois-Doré ? — Jamais de la vie ! — Bien entendu. Eh bien, vous avez entendu parler de l’Astrée et, redoutant de lire ce vieux roman, vous ne répugneriez pas à vous en donner une petite idée ? Or, le plus agréable moyen de lire l’Astrée, c’est de lire les Beaux Messieurs de Bois-Doré, au moins la première moitié ; car la seconde est très inférieure. Et c’est une chose instructive en même temps que ravissante.
Tout compte fait, George Sand a trop écrit pour le théâtre, évidemment ; mais elle a donné un certain nombre de pièces très intéressantes et quatre pièces supérieures : François le Champi, Claudie, le Mariage de Victorine et le Marquis de Villemer. C’est un bilan très glorieux.
Juin 1904.

Biographie d’Edmond Rostand

Article paru dans le numéro spécial de la revue La Rampe du 15 décembre 1918 consacré à la mort d’Edmond Rostand (Source : Gallica)

« Edmond Rostand le plus populaire de nos auteurs dramatiques, le plus illustre de nos poètes n’est plus. La grippe stupide l’a enlevé brusquement à l’affection et à la tendresse de sa femme, de ses enfants, de sa famille et de ses amis et admirateurs si nombreux. (…)

Depuis Victor Hugo, nous n’eûmes jamais un poète aussi superbement national. La critique et le peuple l’avaient placé, dès sa prime jeunesse, au tout premier rang, et ce ne fut que justice.

Edmond Rostand naquit à Marseille le 1er avril 1868, dans une pittoresque maison de la rue Montaux. Son père, membre de l’Institut, lui fit commencer ses éludes au lycée de sa ville natale où il les poursuivit jusqu’à la seconde ; puis il vint les achever à Paris, au Collège Stanislas. Ce fut un élève fort brillant en composition française et en version latine, mais à l’exemple de maints écrivains, il ne montra nulle aptitude aux mathématiques. Seules, les études littéraires le passionnaient, et, élève de rhétorique, il commit un acte en vers Les Petits extras ; son professeur, René Doumic, qu’il devait  rencontrer plus tard à l’Académie Française, ayant par hasard découvert le manuscrit, le confisqua et infligea un sévère pensum au jeune auteur. C’était une petite comédie dans la note des vieilles pièces de Picard, il y étudiait certaines moeurs de province. Nullement découragé, le potache porta son manuscrit, – il en avait un double, – à Marx, directeur du Théâtre Cluny. Celui-ci le présenta à Gaston Marot, l’auteur Des Grandes Manœuvres, avec lequel Rostand remania son acte qui, quelque temps après, fut représenté sous le titre de Le Gant Rouge. La critique se montra fort sévère  ; seul, un  journaliste du nom de René Dorlac fit preuve d’indulgence et voulut bien reconnaître de l’avenir au débutant. René Dorlac était le pseudouyme de René Doumnic, lequel connaissait, – et pour cause – le premier péché littéraire de son élève.

En 1890, à l’âge de vingt-deux ans, il publiait Les Musardises. Le succès fut considérable  : tout le monde comprit que l’auteur était un Poète, au vrai sens du mot. Un poète qui chante avec un art exquis et délicieux et prenant ses souffrances, ses douleurs, ses joies et son amour. Cette même année il épousait Mlle Rosemonde Gérard qui fut, elle aussi, un grand et noble poète et qui resta, en dépit des années et des luttes de la vie, la fidèle et tendre compagne de Rostand, clic ne cessa d’être, – ainsi que se plaisait à le répéter un de leurs amis les plus chers, Lucien Mufheld, – « l’associée ».

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8405567h
Photo de presse de la création à la Comédie-Française, le 21-05-1894. Source : BnF/Gallica

À cette époque, Edmond Rostand voulut s’essayer au théâtre, il présenta donc à la Comédie-Française un petit acte en vers Les Deux Pierrots. Malheureusement, le jour de la lecture, le Comité apprit la mort de Théodore de Banville et se fit un scrupule de recevoir une oeuvre où chantaient et pleuraient tous ces pierrots, chers au poète des Odes funambulesques. La revanche ne tarda point à venir. Jules Claretie reçut quelques mois après Les Romanesques. Cette œuvre adorable fut créée à la Maison de Molière le 21 mai 1894, avec une distribution éclatante qui réunissait les noms de Reichemberg, Le Bargy, de Féraudy, Leloir et Laugier.
 


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90163348/f1.item
Affiche de Mucha pour le Théâtre de La Renaissance avec Sarah Bernhardt. Source : BnF/Gallica

Le théâtre avait définitivement conquis Edmond Rostand, il s’y consacra tout entier, et nous vîmes ainsi coup sur coup, l’apparition radieuse et triomphante de La Princesse lointaine, pièce en quatre actes que Mme Sarah Bernhardt créait au théâtre de la Renaissance, le 5 août 1895. Deux ans après, la grande tragédienne, muse sublime du Poète, représentait, le mercredi Saint, 14 avril 1897, La Samaritaine, trois tableaux où l’auteur sut ajouter de la poésie à l’Evangile lui-même.

Le 28 décembre de cette même année eut lieu la première représentation de Cyrano de Bergerac que créèrent Coquelin Aîné, Volny, Desjardins, Jean Coquelin et Marie Legault. Tout a été dit sur cette oeuvre qui enthousiasma Francisque Sarcey, Jules Lemaître et Catulle Mendès. Ce dernier compara Rostand « à un Regnard ivre de Victor Hugo, de Henri Heine, d’Alexandre Dumas et de Banville ». On peut aisément avancer que Cyrano marqua au Théâtre une date immortelle, comme autrefois les premières du Cid, d’Andromaque et de Hernani.

 

 


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531420904/f115.item
M. Rostand et son Aiglon. Dessin de A. Rouveyre. Source : BnF/Gallica

À Cyrano de Bergerac succédait L’Aiglon, autre chef d’œuvre que Mme Sarah Bernhardt créa en son théâtre, le 10 mars 1900. Flambeau, c’était Lucien Guitry, bientôt remplacé par Coquelin Aîné qui revenait d’une tournée en Amérique où il avait fait triompher, en compagnie de l’illustre tragédienne, les œuvres de leur Poète.

Edmond Rostand avait été décoré de la Légion d’Honneur le soir même de la première de Cyrano de Bergerac. Le 14 juillet 1900, il recevait la rosette d’officier.

 

 

 


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8596912z/f27.item
Edmond Rostand par Jean Reutlinger. Source : BnF/Gallica

L’année suivante, Rostand présenté par Jules Claretie et Paul Hervieu faisait son entrée à l’Académie où le recevait le marquis de Voguë. Son élection qui avait été sollicitée par toute l’Académie fut un moment compromise. Edmond Rostand, fidèle à ses opinions politiques, homme loyal et de grand coeur, avait clamé bien haut sa sympathie à Alfred Dreyfus, innocent, que l’opinion stupide condamnait. Incapable d’une lâcheté, le poète de la Samaritaine s’en fît un cas de conscience, et se refusa à la moindre trahison. On voulut lui opposer un inconnu quelconque, mais la majorité du Palais Mazarin, conduite par Jules Lemaître, qui, malgré certaines divergences de vue, comprit assez tôt la faute qu’allaient commettre ces éminents confrères, accueillait le 30 mai 1901, Edmond Rostand, qui prenait place au fauteuil d’Henri de Bornier, l’auteur de La Fille de Roland.

En 1910, il était nommé commandeur de la Légion d’Honneur.


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97739489/f3.item
Edmond Rostand chez lui. Photographie parue dans L’Art du théâtre, septembre 1903. Source : Gallica/BnF

Mais la maladie frappa Rostand, et pendant plusieurs mois on craignit pour sa vie. Les docteurs l’obligèrent à quitter pour longtemps la capitale. Il se retira à Cambo, en son originale villa « Arnaga » où il se plut à recevoir, avec une amabilité exquise et toujours souriante, les fidèles intimes. Il revint à Paris pour diriger ses dernières dernières du Chantecler, éclatant de vie, de soleil et de joie, qui vit le jour à la Porte Saint-Martin le 7 février 1910. Ce fut sa dernière œuvre théâtrale représentée. Il continua cependant à travailler abondamment ; il laisse un nombre respectable de pièces qui, nous l’espérons, seront prochainement montées à la Comédie-Française, chez MM. Hertz et Jean Coquelin et au théâtre Sarah Bernhardt. Rostand écrivit également maints poèmes, entre autres Le Bois Sacré que joua Mme Sarah Bernhardt, et différentes œuvres poétiques inspirées par l’actualité  ; il se montra particulièrement lyrique en criant sa haine contre Guillaume II (L’Ile des Chiens) et les responsables de la guerre et en clamant son admiration enthousiaste pour les héros, sublimes martyrs de l’horrible épopée sanglante.

Edmond Rostand ne cessa durant sa carrière d’apporter une fidèle collaboration à la presse parisienne, il écrivit notamment à Gil Blas, au Figaro, à Paris Journal, à  l’ Illustration où nous eûmes entr’autres poèmes son Bulow, et à Excelsior qui publia dernièrement un fragment de sa superbe Marseillaise.

Le jour de l’armistice, malgré l’opposition des siens, il voulut sortir pour se mêler au peuple de Paris qu’il chérissait tout particulièrement, peut-être pour trouver, en poète, l’occasion nouvelle de créer un immortel et définitif chef-d’œuvre. Hélas  ! quelques jours plus tard il dut s’aliter et le 2 décembre 1918, à 1 h. 48, il rendit le dernier soupir.

La semaine suivante, le Théâtre Sarah Bernhardt affichait L’Aiglon, – Mme Simone prenait avec succès la lourde succession de l’inoubliable créatrice – et le soir de cette première, chacun portait une fidèle pensée à celui qui, quelques jours auparavant, était encore parmi nous… Rostand ! Rostand ! sublime et délicat artisan de la Muse poétique, nous tous, les spectateurs de ce soir, pleurions l’illustre Poète, l’ami exquis que vous étiez, et nous sentîmes tout à coup dans cette salle émue, passer un grand souffle où bruissait votre, nom avec un bruit de gloire.

Ch de la Grille

Pour en savoir plus 

Lien vers le Théâtre d’Edmond Rostand sur Libre Théâtre
Site dédié à Edmond Rostand, créé par Philippe Bulinge, spécialiste de l’œuvre de Rostand : http://www.edmond-rostand.com et notamment pour en savoir plus sur la vie d’Edmond Rostand

 

Le théâtre d’Edmond Rostand

Tout le théâtre d’Edmond Rostand est disponible sur Libre Théâtre. 

Cyrano de Bergerac (1897)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8528775g
Constant Coquelin dit aîné créateur de Cyrano. Source : BnF/ Gallica

Comédie héroïque en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois le 28 décembre 1897, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris. Une superbe histoire d’amour et un monument du théâtre français.

Libre Théâtre permet de découvrir quelques trésors autour de cette pièce et notamment le premier film sonore en couleur de l’histoire du cinéma avec Coquelin, le créateur de Cyrano en 1897. 

Lien vers le texte intégral, les illustrations, les vidéos à propos de Cyrano de Bergerac sur Libre Théâtre

 

 

 


L’Aiglon (1900)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8438752h/f3.item
Sarah Bernhardt dans l’Aiglon. Source : Bnf/Gallica

L’Aiglon est le fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise d’Autriche. Le spectre héroïque de son père hante et écrase le jeune homme, idéaliste et rêveur. Il hésite à s’enfuir de la cour d’Autriche car il ne se sent pas prêt. Quand il est enfin convaincu par Flambeau, un ancien grognard de l’armée napoléonienne, de fuir l’Autriche pour rejoindre Paris, il est arrêté. Malade et affaibli par l’échec, il meurt à vingt-et-un ans, au Palais de Schönbrunn. 

La pièce a originellement été créée le 15 mars 1900 au Théâtre Sarah-Bernhardt avec, dans le rôle de l’Aiglon, Sarah Bernhardt (costumée en homme). La pièce fut jouée sans interruption du 15 mars au 30 octobre 1900 et partit en tournée en France et à l’étranger, notamment aux Etats-Unis. 

Lien vers le texte intégral et les illustrations de l’Aiglon sur Libre Théâtre.


Chantecler (1910)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9005237k
Les Animaux de Chantecler. A ffiche de Daniel de Losques en 1910. Source : BnF/Gallica

Une très belle fable poétique, lyrique et allégorique où par le truchement des animaux, tous les défauts humains sont raillés : la vanité, l’ambition, la jalousie, le cynisme, la prétention…
On croise, entre autres, un vieux chat Matousalem, un gymkhanard, « une vieille insensible aux problèmes moraux et qui fait du footing en costume à carreaux », un paon modern-style … dans une garden-potager-party. Difficile à mettre en scène compte-tenu du nombre de comédiens et de costumes, la pièce offre de multiples tirades qui peuvent être jouées de manière isolée : l’hymne au soleil, le chœur des oiseaux, le chant du rossignol ou la tirade du coq célèbre pour ses allitérations.

Lien vers le texte intégral et les illustrations de Chantecler sur Libre Théâtre


Les Romanesques (1894)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105204380/f1.item
Les romanesques : une maquette de costume par Marcel Mültze. Source : BnF/Gallica

Comédie en trois actes et en prose représentée pour la première fois sur la scène de la Comédie-Française le 21 mai 1894. C’est le premier succès théâtral d’Edmond Rostand.

Une comédie charmante et pleine d’humour qui met en scène deux jeunes amoureux et leurs pères qui se détestent… en apparence. 

Lien vers le texte et les illustrations des Romanesques sur Libre Théâtre

 

 

 

 


La Princesse lointaine (1895)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84387261/f57.item
Sarah Bernhardt dans le rôle de Mélissinde. Source : Bnf/Gallica

Joffroy Rudel,  un troubadour aquitain, a tant chanté la beauté légendaire de la princesse de Tripoli, Mélissinde, qu’il en est tombé amoureux. Sentant sa dernière heure venir, il veut enfin la rencontrer et organise une expédition, accompagné de son fidèle ami Bertrand d’Alamanon, troubadour de Provence. Le navire arrive près de Tripoli mais Joffroy est trop faible pour aller à la rencontre de Mélissinde. Il charge Bertrand de la convaincre de venir à son chevet. Bertrand réussit à pénétrer dans le palais. Mélissinde en le voyant est persuadée qu’il est Joffroy Rudel, dont elle connaît les poèmes et la chanson de la Princesse lointaine. Elle en tombe follement amoureuse. Bertrand, également sous le charme, lui transmet le message de Joffroy Rudel mais Mélissinde refuse d’aller le voir et persuade Bertrand de rester avec elle. Le remords peu à peu les ronge et ils décident de se rendre auprès du mourant. Mélissinde se rend compte que c’est Joffroy Rudel qu’elle aime.

Cette pièce marque la première collaboration entre Edmond Rostand et Sarah Bernhardt, alors en pleine gloire et à la recherche de nouveaux talents pour le théâtre qu’elle dirige, le Théâtre de la Renaissance. La pièce y est créée le 5 avril 1895. 

Lien vers le texte intégral et les illustrations de La Princesse lointaine sur Libre Théâtre


La Samaritaine (1897)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8438731b/f20.item
Sarah Bernhardt dans le rôle de Photine. Source : BnF/Gallica

Évangile en trois tableaux et en vers, représenté pour la première fois à Paris sur le Théâtre de la Renaissance le 14 avril 1897. Cette pièce religieuse a été écrite pour Sarah Bernhardt, également directrice du théâtre de la Renaissance, qui jouait le rôle de Photine.

La mise en ligne sur Libre Théâtre est l’occasion de découvrir une très belle affiche de Mucha, un enregistrement de Sarah Bernhardt, quelques superbes photos de la grande tragédienne, une édition illustrée de la pièce…

Lien vers le texte intégral et les illustrations de la Samaritaine sur Libre Théâtre


La Dernière Nuit de Don Juan (1911)

Extrait de Vogue du 01 avril 1922. Source : BnF/Gallica

Pièce éditée après la mort d’Edmond Rostand en 1921 et créée en mars 1922 au Théâtre de la Porte Saint-Martin. La pièce est complète mais la plume n’est pas aussi brillante que dans Cyrano ou l’Aiglon : Rostand y aurait encore sans doute travaillé avant toute publication ou mise en scène. Malgré tout, cette œuvre fournit une belle matière aux metteurs en scène avec de très belles scènes autour d’un guignol, entre Don Juan et le Diable.

Don Juan est emmené par la statue du Commandeur aux Enfers mais négocie avec le Diable. Celui-ci lui accorde un sursis de dix ans. Dix ans après, le Diable revient chercher Don Juan sous les traits d’un marionnettiste. Don Juan défend l’œuvre de sa vie, mais dans une cruelle joute oratoire, le Diable va montrer à Don Juan l’échec de son existence. Don Juan croit avoir «possédé» et «connu» 1003 femmes, les ombres des femmes viennent lui prouver le contraire. Toutes arrivent masquées et lui disent quelques mots : si le séducteur en peut appeler une seule par son prénom, il sera libre. Il échoue. Don Juan affirme ensuite qu’il les a fait pleurer : si une larme est sincère et que Don Juan s’en souvient, il sera sauvé. Il échoue une nouvelle fois. Don Juan affirme ensuite avoir « fait l’aumône » mais « le pauvre » vient lui jeter l’or de l’aumône à la figure, avec mépris. Don Juan à bout d’arguments est envoyé dans la boîte à marionnettes, car il n’est même pas digne des feux de l’Enfer.

Lien vers le texte intégral et les illustrations de La Dernière Nuit de Don Juan sur Libre Théâtre.


Note : Nous n’avons pas traité les deux ouvrages de jeunesse de Rostand  Le Gant rouge, première pièce de Rostand (1888) réputée perdue pendant longtemps et redécouverte par Michel Forrier et Les Deux Pierrots (1891). À signaler également le Faust de Goethe, adapté et traduit par Edmond Rostand, paru aux Editions Théâtrales en 2007.

Lien vers la Biographie d’Edmond Rostand sur Libre Théâtre
Pour en savoir plus, se référer au site dédié à Edmond Rostand, créé par Philippe Bulinge, spécialiste de l’œuvre de Rostand : http://www.edmond-rostand.com


Extraits du numéro spécial de la revue La Rampe 

15 décembre 1918, numéro consacré à la mort d’Edmond Rostand (Source : Gallica). Article de René Wisner

«  Si la vie d’Edmond Rostand fut courte, elle fut belle. Il connut la gloire, et vécut ses dernières années au milieu d’une sorte de triomphe quotidien ; rarement, un homme eut ses ambitions littéraires satisfaites par la foule avec un si tendre empressement. (…)

Ses premiers vers, il les adressa aux ratés de la gloire, aux musiciens, aux peintres, aux poètes qui ne peuvent point fixer leurs rêves avec des notes, des couleurs ou des mots. Déjà apparaissent, dans Les Musardises, sa grâce qui sera une fleur de France portée dans toutes les capitales, son charme caressant qui fera bientôt le tour du monde. (…)
Il collabora à un ou deux vaudevilles, qui furent joués là-bas, sur la rive gauche, à Cluny. Et la Comédie-Française accueillit ses trois jolis petits actes, Les Romanesques, qui furent son Sésame, ouvre-toi, le premier sourire d’une fortune si constante.

Les Romanesques, c’étaient les amants de Vérone du grand Will, qui, subitement étaient devenus tout petits ; ils étaient, eut-on cru, sortis du drame pour entrer dans l’opérette  ; ce n’était plus l’aurore ni le chant de l’alouette, c’était un feu de cheminée, et le chant de la flûte. Mais qu’ils étaient gentils, ces amants, Percinet et Sylvette avec quel plaisir on les regardait s’embrasser, auprès du mur qui séparait le parc de Bergamin du parc de Pasquinot, se conter leur amour romanesque, mais, en réalité si bourgeois, et se comparer à Andromède et à Persée. Et, à ces amourettes, à cette fête un peu grêle et toute bleue et rose, l’auteur, certainement trop modeste, n’attachait point grande importance.
«  Des costumes clairs, des rimes légères  » disait-il, en parlant d’elle.

Mais le succès des Romanesques avait été si vif, que Mme Sarah Bernhardt demanda au jeune poète un drame en vers.
Edmond Rostand écrivit donc, pour l’interprète de Racine et d’Hugo, La Princesse lointaine, qui est celle de ses œuvres que les lettrés préfèrent. Il n’a point encore acquis tout son métier ; aussi s’y montre-t-il plus poète qu’auteur dramatique. Ses afféteries, ses préciosités, ses gongorismes qui lui furent tant reprochés, n’y apparaissent que rarement ; les vers, quelquefois, souvent même, en sont simples et beaux. Jeffroy Rudelet son amour pour la « Dame » qu’il n’a jamais vue, ce voyage d’un mourant en route vers une aventure sentimentale ; ces malins qui l’entourent, et ont compris, malgré leur âme primitive, son rêve de luxe, parce que le poète est toujours un éducateur de la sensibilité ; Mélisinde, parée de lys, de bagues et de pierres précieuses, et sur les seins princiers de laquelle agonise celui qui ne vécut que pour songer à leur douceur ; cet amour irréel, et cet amant qui se meurt avant même d’avoir connu la réalité de l’amour satisfait, n’était-ce point une jolie angoisse, bercée, dans des décors éclatants, par la voix divine, où toujours les poètes retrouvèrent, embellis, l’écho de leurs vers et l’harmonie de leurs rimes.

Et peu après La Princesse lointaine, Rostand met, chez Mme Sarah Bernhardt, Jésus à la scène, dans La Samaritaine. Au près de la fontaine de Sichem, Jésus répand la bonté de ses paraboles, et vante la beauté des filles de Jacob. Photine apparaît, ayant, sur la tête, une cruche remplie d’eau. Jésus lui demande à boire, et l’on assiste à une reconstitution historique, à un tableau vivant, mais sacré. Rostand avait compris la chaste volupté qui se dégage de Jésus.
«  Je suis toujours un peu dans tous les mots d’amour  » lui avait-il fait dire. C’est pourquoi il le représente comme étant l’amour sur la terre. Aussi, le peuple se laisse-t-il enchanter par ce grand magnétiseur d’êtres, et crie-t-il, avec une foi ingénue : Miracle ! D’ailleurs, n’est-il point « très théâtre » que la courtisane ait raison contre le prêtre, le cœur contre le savoir ! Et n’est-ce point « très théâtre », un Dieu qui est en tournée chez les hommes et qui bientôt rentrera chez lui dans ses propriétés célestes.

Et puis, subitement, c’est le triomphe : Cyrano de Bergerac, ses centaines, ses milliers de représentations, à Paris, en province et à l’étranger. Toutes les ménagères récitent la recette des tartelettes amandines.
«  Battez pour qu’ils soient mousseux
Quelques œufs  »
et tous les spadassins vaguement journalistes, répètent le vers fameux de Cyrano  : «  à la fin de l’envoi, je touche.  » (…)
Il est des succès si fameux, qu’ils contraignent leur auteur à une sorte de recueillement. Aussi, après, Cyrano, Rostand garde t-il le silence pendant quelques années. Puis il est tenté par une figure d’enfant pâle et blond qui a des révoltés d’homme et des pâmoisons de femme, d’enfant qui est un demi-Dieu en lisière : le duc de Reichstadt. L’évocation de batailles célèbres, des maréchaux et des grognards de la grande armée ; du bonnet à poil historique et qui devient pièce de musée ; un roitelet que l’on traque, que l’on mure presque, et répond à tout et à tous avec des réparties éclatant comme un coup de canon et aussi une juste vision de la gloire napoléonienne qui, avant de faire l’admiration des élèves caporaux, fit la joie des corbeaux : tel était l’Aiglon.

Enfin, cocorico! Voici Chantecler, ses poules, ses oies, ses chiens, ses taupes et ses fauvettes, oeuvre qui est une sorte de pêle-mêle, une revue de la basse-cour et de la société, une satire et un chant, de l’émotion et de la blague, du coq-à-l’âne et du lyrisme.

Et maintenant, celui qui a été le peintre de Cyrano et du duc de Reichstadt, et les a fait revivre parmi nous, celui qui a créé ces figures charmantes : Mélisinde à qui il donna le sceptre et la couronne, Sylvette et Percinet à qui il fit don d’une grâce si vivante et si prenante, s’en est allé rejoindre les grandes ombres qu’il aimait. Il fut, assurent ses amis, un homme délicieux. Son œuvre prouve, sans autre besoin d’attestation, qu’il admirait les belles choses et les êtres généreux. Nous lui devons de bonnes soirées et des minutes exquises; et devant ce poète de France, qui la représenta dans ce qu’elle a de plus élégant ; de plus scintillant, de plus spirituel et de plus gracieux, reconnaissons encore une fois que la destinée a d’étranges détours, puisqu’elle place, à côté de ce soleil levant, né à peine d’hier, un crépuscule si prématuré qui prend tout entier, dans son ombre noire, le prince, le poète charmant. »

L’Art du Théâtre

Numéro spécial de la revue théâtrale consacré à Edmond Rostand, en septembre 1903

Le théâtre de Zola et le naturalisme

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/emile-zola_1898
Zola par l’atelier Nadar. 1898. Photo (C) Ministère de la Culture – Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Atelier de Nadar

Zola est un des représentants les plus connus de l’école naturaliste : il a théorisé l’esthétique de ce mouvement littéraire et l’a brillamment mis en œuvre dans ses romans, notamment dans le cycle des Rougon-Macquart

Mais Zola s’est également intéressé au théâtre. Il a été critique dramatique au Bien public, et ensuite au Voltaire. Il a rassemblé certains de ses articles publiés dans deux ouvrages Le Naturalisme au théâtre (1881, disponible sur Gallica) et Nos auteurs dramatiques (1881, disponible sur Gallica).  Il a également écrit plusieurs pièces, souvent adaptées de ses romans (voir le Théâtre de Zola sur Libre Théâtre). 

 


Les caractéristiques du naturalisme au théâtre

Zola dans la préface de la pièce Thérèse Raquin, drame tiré du roman, définit précisément les principes du mouvement naturaliste au théâtre.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8402535m/f2.item
L’assommoir, drame de William Busnach et Oscar Gastineau d’après Emile Zola/ Source : BnF/Gallica

« Certes, je n’ai point l’ambition de planter mon drame comme un drapeau. Il a de gros défauts, et je suis plus sévère pour lui que personne ; si j’en faisais la critique, il ne resterait qu’une chose debout, la volonté bien nette d’aider au théâtre le large mouvement de vérité et de science expérimentale, qui, depuis le siècle dernier, se propage et grandit dans tous les actes de l’intelligence humaine. Le branle a été donné par les nouvelles méthodes scientifiques. De là, le naturalisme a renouvelé la critique et l’histoire, en soumettant l’homme et ses œuvres, à une analyse exacte, soucieuse des circonstances, des milieux et des cas organiques. Puis, les arts et les lettres ont subi à leur tour l’influence de ce grand courant ; la peinture est devenue toute réelle, notre école de paysage a tué l’école historique ; le roman, cette étude sociale et individuelle, d’un cadre si souple et sans cesse élargi, a pris la place entière, absorbant peu à peu les genres littéraires classés par les rhétoriques d’autrefois. Ce sont là des faits que personne ne saurait nier. Dans l’enfantement continu de l’humanité, nous en sommes à l’accouchement du vrai. Et là est la seule force du siècle. Tout marche de front dans une époque. Quiconque voudrait retourner en arrière ou s’échapper de côté, serait écrasé sous la pensée générale. C’est pourquoi je suis absolument convaincu de voir prochainement le mouvement naturaliste s’imposer au théâtre, et y apporter la puissance de la réalité, la vie nouvelle de l’art moderne.

Oeuvres complètes illustrées de Émile Zola. 31, Editions Fasquelle (Paris). sur Gallica.

Au théâtre, toute innovation est délicate. Les révolutions littéraires sont lentes à s’y faire sentir. Il est logique que là soit la dernière citadelle du mensonge, dont le vrai ait à faire le siège. Le public, pris en masse, n’aime pas à être dérangé dans ses habitudes, et les jugements qu’il porte ont la brutalité d’un arrêt de mort. Seulement, il arrive un moment où le public devient à son insu complice des novateurs ; ce moment est celui où, pénétré lui-même par le souffle nouveau, las des éternelles histoires qu’on lui conte, il éprouve un impérieux besoin de jeunesse et d’originalité.
Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que le public en est là, aujourd’hui. Le drame agonise, si une nouvelle sève ne le rajeunit. Il faut du sang à ce cadavre. On dit que l’opérette et la féerie ont tué le drame. Cela est faux, le drame meurt de sa belle mort, il meurt d’extravagances, de mensonges et de platitudes. Si la comédie reste debout, dans cet effondrement de notre scène, c’est qu’elle tient davantage à la vie réelle, c’est qu’elle est vraie souvent. Je défie les derniers des romantiques de mettre à la scène un drame à panaches ; la ferraille du moyen âge, les portes secrètes, les vins empoisonnés et le reste, feraient hausser les épaules. Le mélodrame, ce fils bourgeois du drame romantique est encore plus mort que lui dans les tendresses du peuple ses sensibleries fausses, ses complications d’enfants volés et de papiers retrouvés, ses gasconnades impudentes, l’ont fait prendre en mépris à la longue, à ce point qu’on se tient les côtes, lorsqu’il tente de ressusciter. Les grandes œuvres de 1830 resteront comme des oeuvres de combat, des dates littéraires, des efforts superbes, qui ont jeté bas le vieil échafaudage classique. Mais, maintenant que tout est par terre, les capes et les épées sont inutiles il est temps de faire des œuvres de vérité. Remplacer la tradition classique par la tradition romantique, ce ne serait pas savoir profiter de la liberté que nos aînés ont conquise. Il ne doit plus y avoir d’école, plus de formule, plus de pontife d’aucune sorte il n’y a que la vie, un champ immense où chacun peut étudier et créer à sa guise.

Je ne fais pas ici une thèse pour ma cause. J’ai la conviction profonde, — et j’insiste sur ce point, — que l’esprit expérimental et scientifique du siècle va gagner le théâtre, et que là est le seul renouvellement possible de notre scène. Que la critique regarde autour d’elle, et qu’elle me dise de quel côté elle attend un secours quelconque, un souffle de vie qui remette le drame debout. Certes, le passé est mort. Il faut aller à l’avenir ; et l’avenir, c’est le problème humain étudié dans le cadre de la réalité, c’est l’abandon de toutes les fables, c’est le drame vivant de la double vie des personnages et des milieux, dégagé des contes de nourrice, des guenilles historiques, des grands mots bêtes, des niaiseries et des fanfaronnades de convention. Les charpentes pourries du drame d’hier tombent d’elles-mêmes. La place doit être nette. Les recettes connues pour nouer et dénouer une intrigue, ont fait leur temps il faut, à cette heure, une large et simple peinture des hommes et des choses, un drame que Molière aurait pu écrire. En dehors de certaines nécessités scéniques ce que l’on nomme aujourd’hui la science du théâtre, n’est que l’amas des petites habiletés des faiseurs, une sorte de tradition étroite qui rapetisse la scène un code de langage convenu et de situations notées à l’avance, que tout esprit original refusera énergiquement d’appliquer.

Et, d’ailleurs, le naturalisme balbutie déjà au théâtre. Je ne veux citer aucune œuvre ; mais, parmi les drames représentés pendant ces dernières années, il en est beaucoup qui contiennent en germe le mouvement dont je signale l’approche. Je laisse de côté les pièces des débutants je parle surtout de certains drames écrits par des auteurs dramatiques, vieillis dans le métier et assez habiles pour pressentir la transformation littéraire qui s’opère. Ou le drame mourra, ou le drame sera moderne et réel.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8596907n/f25.item
Marthe Brandes qui jouait le rôle de Renée. Album Reutlinger de portraits divers, vol. 20. Source : BnF/Gallica

C’est sous l’influence de ces idées que j’ai tiré un drame de Thérèse Raquin. Comme je l’ai dit, il y avait là un sujet, des personnages et un milieu, qui constituaient, selon moi, des éléments excellents pour la tentative que je rêvais J’allais pouvoir faire une étude purement humaine, dégagée de tout intérêt étranger, allant droit à son but ; l‘action n’était plus dans une histoire quelconque, mais dans les combats intérieurs des personnages il n’y avait plus une logique de faits, mais une logique de sensations et de sentiments ; et le dénouement devenait un résultat arithmétique du problème posé. Alors, j’ai suivi le roman pas à pas j’ai enfermé le drame dans la même chambre, humide et noire, afin de ne rien lui ôter de son relief, ni de sa fatalité ; j’ai choisi des comparses sots et inutiles, pour mettre, sous les angoisses atroces de mes héros, la banalité de la vie de tous les jours ; j’ai tenté de ramener continuellement la mise en scène aux occupations ordinaires de mes personnages, de façon à ce qu’ils ne « jouent » pas mais à ce qu’ils « vivent » devant le public. Je le confesse, je comptais, et avec quelque raison, sur le côté poignant du drame, pour faire accepter aux spectateurs ce vide de l’intrigue et cette minutie des détails. La tentative a réussi, et j’en suis plus heureux pour mes drames futurs que pour Thérèse Raquin car je publie celui-ci avec un vague regret, avec une envie folle de changer des scènes entières.

La critique a été passionnée ; elle a discuté mon œuvre violemment. Je ne m’en plains pas, et je l’en remercie. J’y ai gagné d’entendre l’éloge du roman dont la pièce est tirée, ce roman que la presse a si maltraité à son apparition ; aujourd’hui, le roman est bon, et c’est le drame qui ne vaut rien ; espérons que le drame vaudrait quelque chose, si je pouvais en tirer une nouvelle oeuvre qu’il s’agirait de déclarer détestable. (…) (Source :  Thérèse Raquin, drame en 4 actes de Émile Zola, Editions Charpentier, 1873, disponible sur Gallica) . Lien vers Thérèse Raquin sur Libre Théatre.

On rajoutera à cette définition très complète deux idées que Zola développera ensuite : 

  • le rôle des décors, qui deviennent des personnages à part entière et qui n’ont plus seulement une fonction décorative.
  • le déterminisme : le destin des personnages est soumis à la double influence de l’hérédité et du milieu. Dans Renée, Béraud le père affirme ainsi : « Plus tard, j’ai su qu’il y avait des vices dans cette famille, tout un détraquement cérébral ; et, depuis ce temps, j’ai pardonné, en comprenant que votre mère était une malade. » Renée, elle-même subit l’ influence néfaste de la serre « dont l’air est si lourd et si chargé de violents parfums ».  (lien vers Renée sur Libre Théâtre)

Pour en savoir plus : 

Lien vers le Théâtre de Zola sur Libre Théâtre
Lien vers la Biographie de Zola sur Libre Théâtre

Biographie de Émile Zola

Cette biographie est une compilation de plusieurs témoignages sur la vie d’Émile Zola, par Zola lui-même et par ses amis Guy de Maupassant et Paul Alexis. 

L’enfance

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/paul-cezanne_portrait-d-emile-zola_1862
Portrait d’Émile Zola par Paul Cézanne. 1862. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

« Je suis né le 02 avril 1840 d’un père natif de Venise et d’une mère française, originaire de la Beauce – je suis né ici à Paris, en plein centre d’un des quartiers populaires. Mon père était ingénieur et réalisa quelques grands travaux de canalisation dans la région d’Aix, près de Marseille, où il mourut en 1847. J’ai grandi en Provence de l’âge de 3 ans jusqu’à l’âge de 18 ans et j’ai commencé mes études au collège de la ville d’Aix. Revenu à Paris en 1858, j’ai connu une période de grande misère. » (Article paru dans les Annales de la Patrie, 1876)

 [Lors de ses études à Aix, Zola fait la connaissance de Paul Cézanne, qu’il retrouvera à Paris]


La misère à Paris

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b64050948
Emile Zola / dessin et texte de Louis Lemercier de Neuville. Source : BnF/Gallica 

« …Il commença alors la terrible lutte avec la vie. Elle fut acharnée cette lutte ; et pendant deux ans le futur auteur des Rougon-Macquart vécut au jour le jour, mangeant à l’occasion, errant à la recherche de la fuyante pièce de cent sous, fréquentant plus souvent le mont-de-piété que les restaurants, et, malgré tout, faisant des vers, des vers incolores, d’ailleurs, sans curiosité de forme ou d’inspiration, dont un certain nombre viennent d’être publiés par les soins de son ami Paul Alexis. 

Il raconte lui-même qu’un hiver il vécut quelque temps avec du pain trempé dans l’huile, de l’huile d’Aix que des parents lui avaient envoyée ; et il déclarait philosophiquement alors : «Tant qu’on a de l’huile on ne meurt pas de faim.
D’autres fois il prenait sur les toits des moineaux avec des pièges et les faisait rôtir en les embrochant avec une baguette de rideau. D’autres fois, ayant mis au clou ses derniers vêtements, il demeurait une semaine entière en son logis, enveloppé dans sa couverture de lit, ce qu’il appelait stoïquement «faire l’Arabe» ». (Émile Zola par Guy de Maupassant, 1883, Source : BnF/Gallica)


Zola journaliste

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/edouard-manet_emile-zola-1840-1902-ecrivain_huile-sur-toile
Emile Zola par Manet (salon de 1868) (C) RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

« En 1862, entré chez Hachette, où je gagnais cent francs et où je fis d’abord des paquets. Un poème de deux mille vers que j’avais déposé un soir sur le bureau du père Hachette me fit monter au bureau de la publicité. En 1864, j’étais chef de ce bureau et je gagnais deux cents francs. C’est là que j’ai connu presque tout le journalisme et toute la littérature – Cependant, en 1864, j’avais publié mes Contes à Ninon et en 1865 ma Confession de Claude. Je ne pouvais plus rester. Je quittai la maison Hachette à la fin janvier 1866 et j’entrai immédiatement à l’événement de Villemessant, où je rendis compte des livres pendant près d’une année. Je fis un Salon qui, pour la première fois, me mit en vue ; mon éloge de Manet avait ameuté les artistes et le public. »
(Note biographique de Zola à l’intention de Daudet. Source : Présence de Zola, Editions Fasquelle, 1953)

En 1865, il rencontre Alexandrine Meley (qu’il épousera en 1870). En 1866, il publie Mes Haines, son premier recueil d’articles critiques (sur Gallica). Il est l’ami des peintres Manet, Guillemet, Pissarro ; il fait la connaissance des Goncourt. Il publie Thérèse Raquin, en 1867.

Les Rougon-Macquart

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8555841x/f11.image
Émile Zola. Œuvres. Manuscrits et dossiers préparatoires. Les Rougon-Macquart. La Curée. Manuscrit autographe. Source : BnF/Gallica

« Enfin il entreprit l’oeuvre qui devait soulever tant de bruit : les Rougon-Macquart, qui ont pour sous-titre : Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire.
Voici dans quel ordre virent le jour les divers romans, parus jusqu’ici, de cette série :
La Fortune des Rougon, oeuvre large qui contient le germe de tous les autres livres. [1871] 
La Curée, premier coup de canon tiré par Zola, et auquel devait répondre plus tard la formidable explosion de l’Assommoir. La Curée est un des plus remarquables romans du maître naturaliste, éclatant et fouillé, empoignant et vrai, écrit avec emportement, dans une langue colorée et forte, un peu surchargée d’images répétées, mais d’une incontestable énergie et d’une indiscutable beauté. C’est un vigoureux tableau des moeurs et des vices de l’Empire depuis le bas jusqu’au haut de ce que l’on appelle l’échelle sociale, depuis les valets jusqu’aux grandes dames. [1872]
Vient ensuite le Ventre de Paris, prodigieuse nature morte où l’on trouve la célèbre Symphonie des Fromages, pour employer l’expression adoptée. Le Ventre de Paris, c’est l’apothéose des halles, des légumes, des poissons, des viandes. Ce livre sent la marée comme les bateaux pêcheurs qui rentrent au port, et les plantes potagères avec leur saveur de terre, leurs parfums fades et champêtres. Et des caves profondes du vaste entrepôt des nourritures, montent entre les pages du volume les écoeurantes senteurs des chairs avancées, les abominables fumets des volailles accumulées, les puanteurs de la fromagerie ; et toutes ces exhalaisons se mêlent comme dans la réalité, et on retrouve, en lisant, la sensation qu’ils vous ont donnée quand on a passé devant cet immense bâtiment aux mangeailles : le vrai Ventre de Paris. [1873]

Voici ensuite la Conquête de Plassans, roman plus sobre, étude sévère, vraie et parfaite d’une petite ville de province, dont un prêtre ambitieux devient peu à peu le maître.[1874]

Puis parut la Faute de l’abbé Mouret, une sorte de poème en trois parties, dont la première et la troisième sont, de l’avis de beaucoup de gens, les plus excellents morceaux que le romancier ait jamais écrits. [1875]

Ce fut alors le tour de Son Excellence Eugène Rougon, où l’on trouve une superbe description du baptême du prince impérial. [1876]

Jusque-là, le succès était lent à venir. On connaissait le nom de Zola ; les lettrés prédisaient son éclatant avenir, mais les gens du monde, quand on le nommait devant eux, répétaient : «Ah oui ! la Curée», plutôt pour avoir entendu parler de ce livre que pour l’avoir lu du reste. Chose singulière : sa notoriété était plus étendue à l’étranger qu’en France ; en Russie surtout, on le lisait et on le discutait passionnément ; pour les Russes il était déjà et il est resté LE ROMANCIER français. On comprend d’ailleurs la sympathie qui a pu s’établir entre cet écrivain brutal, audacieux et démolisseur et ce peuple nihiliste au fond du coeur, ce peuple chez qui l’ardent besoin de la destruction devient une maladie, une maladie fatale, il est vrai, étant donné le peu de liberté dont il jouit comparativement aux nations voisines.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9017418t/f1.item
Tournée artistique. L’Assommoir, pièce en 9 tableaux tirée du roman d’Emile Zola, 1879. Source : BnF/Gallica

Mais voici que le Bien public publie un nouveau roman d’Émile Zola, l’Assommoir. [1878]Un vrai scandale se produit. Songez donc, l’auteur emploie couramment les mots les plus crus de la langue, ne recule devant aucune audace, et ses personnages étant du peuple, il écrit lui-même dans la langue populaire, l’argot. 

Tout de suite des protestations, des désabonnements arrivent ; le directeur du journal s’inquiète, le feuilleton est interrompu, puis repris par une petite revue hebdomadaire, la République des Lettres, que dirigeait alors le charmant poète Catulle Mendès.
Dès l’apparition en volume du roman, une immense curiosité se produit, les éditions disparaissent, et M. Wolff dont l’influence est considérable sur les lecteurs du Figaro, part bravement en guerre pour l’écrivain et son oeuvre.
Ce fut immédiatement un succès énorme et retentissant. L’Assommoir atteignit en fort peu de temps le plus haut chiffre de vente auquel soit jamais parvenu un volume pendant la même période.
Après ce livre à grand éclat, il donna une oeuvre adoucie, Une page d’amour, histoire d’une passion dans la bourgeoisie. [1878]

[En 1878, Zola achète une petite maison de campagne à Médan, près de Poissy. En 1879, W. Busnach et O. Gastineau adaptent l’Assommoir au théâtre: c’est un énorme succès. ]

Puis parut Nana, autre livre à tapage dont la vente dépassa même celle de l’Assommoir. [1880]
Enfin la dernière oeuvre de l’écrivain Pot-Bouille, vient de voir le jour.  [1882]» [Émile Zola par Guy de Maupassant, 1883, Source : BnF/Gallica]

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9012974m/f1.item
Lire dans le Cri du Peuple, « Germinal » par Emile Zola. Source : BnF/Gallica

Germinal qui raconte une grève de mineurs paraît, en mars 1885. La pièce de théâtre adaptée par Bushnach est interdite par la censure. L’année suivante, Émile Zola publie L’Œuvre, qui  évoque ses années de jeunesse  à Aix-en-Provence et indirectement son amitié avec Paul Cézanne.

En 1887, la publication de La Terre,  entraîne de nouvelles polémiques autour de l’école naturaliste. Dans Le Figaro, cinq jeunes écrivains (P. Bonnetain, J.H. Rosny, L. Descaves, P. Margueritte et G. Guiches) affirment violemment leur hostilité à cette esthétique.
L’année suivante, Émile Zola publie Le Rêve. Il a une liaison avec Jeanne Rozerot, une jeune lingère de vingt ans engagée par sa femme. Il va mener une double vie entre son épouse et cette jeune femme. Il aura deux enfants avec Jeanne Rozerot : Denise (1889, que Zola a beaucoup photographié – voir plus bas) et Jacques (1891).

En 1890, il se présente pour la première fois à l’Académie française, sans succès. Il échouera régulièrement à toutes ses autres tentatives.  Il publie La Bête humaine (1890), puis L’Argent (1891). En 1891, il est élu Président de la Société des Gens de Lettres : il va se montrer très actif dans cette charge, qu’il occupera pratiquement sans interruption jusqu’en 1896.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90162390/f1.item
Le Radical publie La Débâcle par Emile Zola, 1892. Source : BnF/Gallica

En 1892, il publie La Débâcle, qui évoque la défaite de 1870.  L’année suivante, il édite le Docteur Pascal. En juin, un grand Banquet littéraire réunit deux cents personnes, au Bois de Boulogne, pour fêter l’achèvement des Rougon-Macquart. 
Il commence un nouveau cycle et publie en 1894 Lourdes, le premier volume de la série des Trois Villes.  Après un grand voyage en Italie en 1899, il publie Rome, en 1896.


L’affaire Dreyfus

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8451622d/f13.image
Manuscrit d’Émile Zola. J’accuse !… , 11-13 janvier 1898. Source : BnF/Gallica

Émile Zola prend parti dans l’affaire Dreyfus dès 1897. Zola publie, le 13 janvier 1898, dans L’Aurore, sa « Lettre au Président de la République » (« J’accuse »). Un procès en diffamation lui est intenté par le gouvernement. Après quinze jours d’audience, il est condamné à un an d’emprisonnement, et part en exil en Angleterre, le 18 juillet. Son roman Paris est édité en mars.
 Il revient d’exil le 5 juin 1899. Il publie Fécondité, le premier volume de la série des Quatre Evangiles. L’année suivante, il recueille dans La Vérité en marche, en février, ses articles écrits pendant l’affaire Dreyfus. Il publie également Travail, le deuxième volume des Evangiles.
 Il meurt , le 29 septembre 1902. Vérité, le troisième volume des Evangiles est publié après sa mort (Justice, le dernier épisode, reste à l’état de notes).
 Les cendres de l’écrivain sont transférées au Panthéon le 4 juin 1908.

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/emile-zola_1898
Zola par l’atelier Nadar. 1898. Photo (C) Ministère de la Culture – Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Atelier de Nadar

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69104453/f1.item
Emile Zola entre au Panthéon, 4 juin 1908 : photographie de presse de l’Agence Rol. Source : BnF/Gallica

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Portrait de Zola par Maupassant

« Zola a aujourd’hui quarante et un ans. Sa personne répond à son talent. Il est de taille moyenne, un peu gros, d’aspect bonhomme mais obstiné. Sa tête, très semblable à celle qu’on retrouve dans beaucoup de vieux tableaux italiens, sans être belle, présente un grand caractère de puissance et d’intelligence. Les cheveux courts se redressent sur un front très développé, et le nez droit s’arrête, coupé net comme par un coup de ciseau trop brusque au-dessus de la lèvre supérieure ombragée d’une moustache noire assez épaisse. Tout le bas de cette figure grasse, mais énergique, est couvert de barbe taillée près de la peau. Le regard noir, myope, pénétrant, fouille, sourit, souvent méchant, souvent ironique, tandis qu’un pli très particulier retrousse la lèvre supérieure d’une façon drôle et moqueuse.

Toute sa personne ronde et forte donne l’idée d’un boulet de canon ; elle porte crânement son nom brutal, aux deux syllabes bondissantes dans le retentissement des deux voyelles.

Sa vie est simple, toute simple. Ennemi du monde, du bruit, de l’agitation parisienne, il a vécu d’abord très retiré en des appartements situés loin des quartiers agités. Il s’est maintenant réfugié en sa campagne de Médan qu’il ne quitte plus guère.

Il a cependant un logis à Paris où il passe environ deux mois par an. Mais il paraît s’y ennuyer et se désole d’avance quand il va lui falloir quitter les champs.

A Paris, comme à Médan, ses habitudes sont les mêmes, et sa puissance de travail semble extraordinaire. Levé tôt, il n’interrompt sa besogne que vers une heure et demie de l’après-midi, pour déjeuner. Il se rassied à sa table vers trois heures jusqu’à huit, et souvent même il se remet à l’oeuvre dans la soirée. De cette façon, pendant des années il a pu, tout en produisant près de deux romans par an, fournir un article quotidien au Sémaphore de Marseille, une chronique hebdomadaire à un grand journal parisien et une longue étude mensuelle à une importante Revue russe.

Sa maison ne s’ouvre que pour des amis intimes et reste impitoyablement fermée aux indifférents. Pendant ses séjours à Paris, il reçoit généralement le jeudi soir. On rencontre chez lui, son rival et ami, Alphonse Daudet, Tourgueneff, Montrosier, les peintres Guillemet, Manet, Coste, les jeunes écrivains dont on fait ses disciples, Huysmans, Hennique, Céard, Rod et Paul Alexis, souvent l’éditeur Charpentier. Duranty était un habitué de la maison. Parfois apparaît Edmond de Goncourt, qui sort peu le soir, habitant très loin.»

 [Émile Zola par Guy de Maupassant, 1883, Source : BnF/Gallica]


Pour en savoir plus : 

Lien vers le Théâtre de Zola sur Libre Théâtre
Lien vers le théâtre de Zola et le naturalisme sur Libre Théâtre

Exposition virtuelle de la BNF consacrée à Zola
Zola en images. 280 illustrations : portraits, caricatures, documents divers. par John Grand-Carteret, 1908. Sur archive.org

A découvrir également, Émile Zola photographe sur le site de la RMN

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/emile-zola_denise-de-trois-quarts-profil-tete-baissee-appuyee-sur-son-bras-droit_epreuve-argentique
Photographie de Denise, la fille d’Emile Zola, par Emile Zola en. (C) Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Jacques Sauciat

 

Retour en haut