Comédie en un acte de Tristan Bernard, représentée pour la première fois le 20 février 1931 au Théâtre Tristan-Bernard. Le texte a été publié en une dans Candide (grand hebdomadaire parisien et littéraire), le 26 mars 1931. Retraitement par Libre Théâtre (texte original sur Gallica) Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.
L’argument
Pêcheurs à la ligne au Bois de Boulogne 1929 : [photographie de presse] / Agence Meurisse. Source : Gallica
Deux pêcheurs discutent tranquillement. Leur amitié naissante risque d’être contrariée par la révélation de l’un deux : il vient de sortir de Fresnes.
Drame en un acte publié créé le 6 mai 1870 au Théâtre du Vaudeville et publié en 1870. Distribution : 1 homme, 1 femme Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre
La révolte, drame de Villiers de L’Isle-Adam : estampe de 1870. Source : BnF/Gallica
L’argument
Alors qu’il est presque minuit, Félix, un banquier, et sa femme Élisabeth font le point sur les comptes. La fortune de Félix a presque triplé grâce aux initiatives d’Élisabeth et elle tente de le convaincre Félix de ne pas envoyer d’assignation à de pauvres locataires incapables de payer. Peu à peu l’attitude d’Elisabeth change : elle annonce à Félix qu’elle le quitte pour toujours.
Cette pièce est passionnante à plus d’un titre. La critique de 1870 a été choquée par la modernité du sujet : la tentative de révolte d’une femme, intelligente et sensible, dans une société matérialiste et bourgeoise, qui la cantonne au rôle d’épouse et de mère. Le personnage d’Élisabeth se nourrit de sentiments contradictoires: elle est tour à tour soumise, ironique, lyrique, mélancolique, révoltée, désespérée. Dans l’histoire du théâtre, cette pièce marque également une rupture par son audace formelle et son style épuré.
Les réactions de la critique lors de la création
Face à ce drame d’un genre nouveau, certains critiques s’enthousiasmèrent ; d’autres réagirent avec violence. Villiers de l’Isle Adam revint sur ces réactions, quelques mois après la création de la pièce dans la préface de l’édition de la Révolte. (Lien sur l’édition en ligne sur archive.org)
Voici les trois scènes, si simples, qui ont, un instant, mis quelque peu en émoi la Critique de France, et dont l’exécution au Théâtre du Vaudeville a dû être arbitrairement interdite, à la cinquième soirée, comme blessante pour la dignité et la moralité du public de la Bourse et des boulevards. J’eusse préféré le silence à tous ces volumineux articles qui ont jeté sur cette œuvre un semblant de célébrité. Merci, toutefois, et « du cœur de mon cœur, » comme dit Hamlet, à ces maîtres de la Pensée, de l’Art et du Style, qui l’ont si magnifiquement acclamée, expliquée ou défendue ! À Richard Wagner, à Théodore de Banville, à Théophile Gautier, à Franz Listz, à Leconte de Lisle, à Alexandre Dumas fils, sans la violente intervention duquel ce drame n’aurait même pas vu la lumière. — Merci à tous ceux qui ont écrit, au sujet de La Révolte, ces belles pages dédaigneuses que de joyeux critiques se bornaient à répéter un peu à l’instar des oiseaux (…) Et aux deux vaillants artistes qui ont imposé à toute la salle l’obsession de ces trois scènes! Et à toute cette jeunesse enthousiaste qui applaudissait et qui avait le courage de sa pensée, comme devant toute la « Bêtise au front de taureau » j’avais le courage de la mienne. (…) Aujourd’hui, le Théâtre aux règles posées par des hommes amusants (et qui nous encombre de sa Morale d’arrière-boutique, de ses Ficelles et de sa « Charpente » pour me servir des expressions de ses Maîtres) tombe de lui-même dans ses propres ruines, et nous n’aurons malheureusement pas grands efforts à déployer pour achever son paisible écroulement dans l’ignominie et l’oubli. On y assiste, on rit, mais on le méprise. On dit de ce qu’il enfante : « C’est un Succès !» — Le mot Gloire ne se prononce plus. Eh bien! — et c’est pour cela que j’écris ces lignes, — puissé-je garder cette illusion légitime de penser que La Révolte (si restreinte que soient les proportions de ce drame) est la première tentative, le premier essai, risqués sur la scène française, pour briser ces soi-disant règles déshonorantes! C’est son seul mérite à mes yeux! Et j’ai tenu à le constater, voilà tout. Encore quelques aventures comme celle-ci, et la Foule se décidera à penser par elle-même et non par deux ou trois cerveaux dont l’intelligence, stérilisée par la fonction qu’elle exerce, est devenue notoirement impropre à saisir les aspects ou les profondeurs d’une Œuvre, si celle-ci est en dehors des complications routinières où s’agite leur imagination.
Parmi les analyses intéressantes parues lors de la création, on citera l’article de Théodore de Banville, publié dans Le National le 8 mai 1870 (dans Villiers de l’Isle-Adam : biographie et bibliographie. Edouard de Rougemont. Mercure de France.1910 sur Gallica )
Elle a éclaté comme un orage furieux, cette terrible sincère et violente pièce de M. Villiers de l’Isle-Adam, la Révolte. C’est, au milieu d’une implacable et patiente analyse à la Balzac, illuminée par des éclairs du génie de Balzac, une grande imprécation tragique aux invincibles élans, qui à la fois vous subjugue l’esprit et vous prend aux entrailles. M. Villiers de l’Isle-Adam, poète et prosateur n’est pas un artiste ordinaire, il a, non pas du talent, mais cette abondance d’invention, cette hauteur de conception, cette puissance de créer, parfois égarée, hésitante, mais parfois aussi complète et sublime, qui, en tous pays constitue une portion de génie. (…) Le sujet de la Révolte est bien simple…et bien terrible I C’est le supplice d’une femme jeune, belle, aimée, profondément honnête et vertueuse, et douée même de la science des affaires et d’un remarquable esprit pratique, unie, mariée, enchaînée à un homme qui est un formidable imbécile. Non cet imbécile appelé Jocrisse, qui du moins réjouit les yeux par le vermillon acharné de sa veste et sa queue rouge envolée, surmontée du tricorne sur lequel voltige un papillon symbolique ; mais l’imbécile riche, heureux, beau, bien fait, banquier, considéré, pas voleur, au contraire honnête par politesse, vêtu à la dernière mode, comme le dictionnaire de Bouillet, membre de tous les conseils et de toutes les commissions, beau joueur, beau cavalier, ayant de la considération en portefeuille, mais bête à manger du foin, si bien que toutes les tortures inventées par le moyen âge ne sont rien auprès de celle qui consiste à voir sans cesse ses yeux atones qui contiennent des océans d’ineptie, ses lèvres où voltige un sourire plein de solécismes. et son geste absurde ! et que la lente goutte d’eau tombant sans s’arrêter jamais sur le front du condamné enchaîné sous une roche, n’est rien auprès du lieu commun toujours prêt et toujours le plus vulgaire de tous qui, inévitablement tombe de la bouche de cet assassin. M. Tarbé,dans son article d’hier proteste sur ce point et affirme que le type n’existe pas. Certes, notre excellent confrère est personnellement assez spirituel et vit au milieu de gens assez spirituels pour avoir le droit de croire que la bêtise est absente de ce bas monde, et même que certaines âmes angéliques se refusent à croire au mal et aux méchants. Cependant les imbéciles existent ; il y en a, et c’est un fait avéré. Malheur à la femme mal mariée, enchaînée à ce rocher ridicule où elle est dévorée par une oie.
Pour aller plus loin
Lydie Parisse, « La Révolte. Une écriture vers la scène. Théâtralité et métathéâtralité », Littératures [En ligne], 71 | 2014, mis en ligne le 24 avril 2015, consulté le 30 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/litteratures/329
Dossier de presse de la mise en scène de Charles Tordjman au Théâtre de Poche Montparnasse, 2017-2018.
Un dramaturge en plein labeur de Tristan Bernard
Saynète. Retraitement par Libre Théâtre à partir du recueil Théâtre sans directeur (Editions Albin Michel, 1930). Source BnF/Gallica
Distribution : 2 hommes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre
Un auteur de théâtre, revenu d’une partie de poker à 7 heures du matin, est appelé par un ami puis par le directeur du théâtre auquel il a promis sa nouvelle pièce. Il ne se souvient plus de la pièce, la confond avec une autre… heureusement son secrétaire est là…
extrait : « Oui, oui, je sais que tu es un homme de théâtre… Mais, tout de même, un petit quelque chose qui n’irait pas pourrait te faire mauvaise impression… Tu trouves que je suis en retard ?… Voyons, mon vieux, de quoi te plains-tu? Je t’avais promis la pièce pour le 5 février ? Eh bien, je t’affirme qu’à midi précis, le 15 mars, je te l’apporterai… Ben quoi ! Cela fait quarante jours… Je suis en avance sur le retard normal !… Tu es extraordinaire ! Tu sais pourtant ce que c’est que d’écrire une pièce ! On ne peut pas commander à ses facultés créatrices ! »
Tristan Bernard et Georges Berr / dessin de Yves Marevéry. Source : BnF/Gallica
Le Plaisir de rompre de Jules Renard
Comédie en un acte, représentée pour la première fois le 16 mars 1897, au Cercle des Escholiers, reprise le 12 mars 1902, au Théâtre-Français. Dédiée à Edmond Rostand. Danièle Davyle, pensionnaire de la Comédie-Française, a inspiré le personnage de Blanche.
Distribution : 1 homme, 1 femme
Texte intégral de la pièce en téléchargement gratuit sur Libre Théâtre
L’argument
Maurice rend une dernière visite à Blanche, son ancienne maîtresse. Il prépare son mariage avec une jeune fille qui a les manières « d’une chaise sous sa housse ». Blanche va également se caser avec « un adorateur frugal ». Ils semblent toujours s’aimer, avec autant de passion.
Illustrations de Maillaud
extraites de l’édition Fayard, 1911. Source : BnF/Gallica
Sur le site de l’INA
Mise en scène pour la télévision par Jean Marie Coldefy. 28 juillet 1973 avec André Dussolier et Michele Boudet. Extrait sur le site de l’INA
Comédie en un acte représentée pour la première fois le 14 mars 1898, dans les salons du Figaro, à Paris, avec Lucien Guitry et Marthe Brandès. Elle est dédiée à Tristan Bernard.
Distribution : 1 homme, 1 femme
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre
L’argument
Deux couples sont réunis pour un séjour de vacances. Marthe et Pierre, dont les conjoints respectifs se sont retirés après le dîner, évoquent leur vie de couple, les qualités de leurs conjoints, la question de la fidélité. La conversation se transforme rapidement en marivaudage.
Illustrations de Maillaud
extraites de l’édition Fayard, 1911. Source : BnF/Gallica
Comédie parue en plusieurs épisodes dans le Rire, du 16 novembre 1895 au 4 janvier 1896, illustrés par Valloton. Editée en un volume en 1896.
Distribution: 3 hommes, 1 femme
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre
L’argument
Série de courtes scènes entre un jeune homme et sa maîtresse, de la séduction à la rupture, réelle ou supposée. Sommaire des scènes:
Pour Parler
– Réticences,
– Le Nez du Gouvernement,
– Phénomènes connus
La Veille
– Le Cocher
– Le Cocher, le même
– Echange de petits noms
– Avant tout, la Paix
– Le Passé
– D’où vient l’argent
– La question des enfants
– Scrupules
– L’Alerte
Le Contact
– Inventaire
– La Patronne
– La Toilette
– L’Ami Osoir
Cris dans la Nuit
La Mise au point de leur amour
Les Manœuvres du Gouvernement dévoilées
L’Inévitable Lettre
Dénouement possible
Drame en un acte et en vers, edité en 1886 dans le recueil Théâtre en Liberté. Texte retraité par Libre Théâtre à partir de l’édition de 1886 (Source : Gallica )
Distribution : 2 hommes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre
L’argument
Leçon sur la religion et l’amour donné par un mendiant philosophe, en haillons, prénommé Mouffetard au Marquis Gédéon
Deux extraits
Justicia par Victor Hugo. (C) RMN-Grand Palais / Agence Bulloz. Source : RMN
Eh bien, apprends ceci, moi qui suis de l’étoffe
De Zoroastre, moi l’unique philosophe,
Moi qui dus être prêtre et fus galérien,
Moi qui sais tout, et plus que tout, je n’en sais rien.
L’homme, ce monstre, a l’âme avec lui dans sa niche ;
Si l’âme existe, elle est à peu près ce caniche
Qu’on donne au lion fauve en son noir cabanon.
Maintenant, l’âme est-elle? Oui, certe ! Ah ! pardieu non!
Elle est ! Elle n’est pas ! Et là-dessus les sages
Se prennent aux cheveux, quand ils en ont. Leurs âges,
Ne les empêchent pas de se montrer le poing.
L’âme, est-ce une ombre? Non. Est-ce une flamme ? Point.
Qu’est l’âme ? Psitt ! Voilà ce que pensait sur l’âme
La belle Allyrhoé qui prouva qu’une femme
Peut être, au pays grec comme au pays latin,
Un sage d’autant plus qu’elle est une catin.
Cette Allyrhoé-là buvait de l’or potable,
Se baignait dans du lait divin trait dans l’étable
D’Apis et d’Io même, et donnait au larbin
Sacré qui l’essuyait trente drachmes par bain ;
Aussi je ne puis dire en quel trouble me laisse
Le décret qu’a sur nous lancé cette drôlesse.
Point d’âme, c’est fort dur. Et peu de Dieu. Si peu
Que le diable s’en sert pour allumer son feu.
Tout est doute, marquis, tout. De là le marasme
De Kant et de Voltaire, et la maigreur d’Érasme.
Moi, je plains Dieu. Peut-être on le calomnia.
Je voudrais l’opérer ; il a pour ténia
La religion ; Rome exploite son mystère.
Pauvre Dieu dont le pape est le vers solitaire.
Sous un nain parasite un colosse a langui ;
Le chêne est quelquefois dévoré par le gui ;
O marquis, si Dieu meurt, c’est tué par le prêtre.
….
Et tu n’en sauras pas plus long, si tu t’écartes
Jusqu’à Bacon, jusqu’à Pascal, jusqu’à Descartes.
Mais tu dis : Quelque chose existe. J’en conviens.
Quoi ? Le sexe. Eve, aux temps antédiluviens,
Daphnis suivant Chloé, Jean pourchassant Jeannette,
L’emportement énorme et noir de la planète
Tournant terrible autour d’un effrayant soleil,
La marquise agitant son éventail vermeil,
Les vers que pour Javotte un lycéen rédige,
L’arbre en fleur, tout cela c’est le même prodige,
L’amour. Quand Bossuet restaure Montespan,
Ce prêtre du dieu Christ obéit au dieu Pan.
Quand monsieur le curé dénonce dans sa chaire
L’idylle d’un bouvier avec une vachère,
Quand, farouche, il foudroie au prône la façon
Dont une belle fille accoste un beau garçon,
Et la bouche cherchant la bouche et non la joue,
Il ne se doute pas, pauvre homme, qu’il secoue
Un mystère, l’amour, entre ses poings brutaux.
Les saints de pierre, droits sur leurs vieux piédestaux,
Cachent des nids qu’avril peuple, et ces bons apôtres,
Quand l’oiseau vient, se font signe les uns aux autres.
Hors ma chatte et mon chat, Manon et Desgrieux,
Lise et Jacquot. rien n’est sur terre sérieux ;
Tout le reste, vois-tu, marquis plein de promesses,
Manque à ce qu’on attend, et les brelans, les messes,
Les savants, les banquiers, l’amour vaut mieux que ça,
Et, Jésus l’ayant dit, j’en crois Sancho Pança.
Ce qui fait les bouquins sacrés fort authentiques,
C’est que nous t’y trouvons, Cantique des Cantiques,
C’est qu’on voit Cupidon gambader dans le coin
Le plus sombre d’Esdras, de Stéphane et d’Alcuin.
Faire les roses, c’est l’emploi des stercoraires.
Marquis, j’ai découvert cette loi des contraires :
Pour début se haïr et pour fin s’adorer.
Quoique ne possédant que des yeux pour pleurer,
Je suis gai. Le motif, c’est que je vois qu’on s’aime,
Le dieu Kiss règne. Ah ! certe, encor plus qu’on ne sème,
On extermine, on broie, on massacre; ô marquis,
Sur les trônes les rois, les gueux dans les makis,
César régnant, Mandrin poussant son estocade,
Le genre humain subit cette double embuscade ;
Le monde a pour cocher ce Dieu que nous cherchons
Sous les chapeaux de fleurs et sous les capuchons ;
Hélas ! la providence étant une haridelle,
Tout va mal ; l’ouragan souffle notre chandelle ;
La mer tue, et l’étang est pestilentiel ;
La constellation est blanche, mais le ciel
Est noir, et l’on a peur pour elle en ce’t abîme ;
La nuit a toujours l’air de venir faire un crime ;
Et souvent on se dit, voyant tout se ternir.
Est-ce que par hasard l’univers va finir ?
La lumière en ce puits semble bien malheureuse !
Que la roue est fragile et que l’ornière est creuse !
Oui, mais sais-tu pourquoi, malgré tous les cahots
De ce vieux coche-là, je crains peu le chaos,
Et pourquoi le sourire à mes terreurs se mêle?
C’est que le gouffre est mâle et l’étoile est femelle.
On s’épousera. Dieu ne serait qu’un faquin
S’il n’eût fait Colombine exprès pour Arlequin.
Voir sous un canezou de gaze ou de barége
Un sein blanc se gonfler, c’est rassurant. J’abrège.
Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée d’Alfred de Musset
Comédie en un acte, publiée en 1845 dans la Revue des deux mondes et représentée pour la première fois en 1848. Distribution : 1 homme, 1 femme
Télécharger gratuitement le texte intégral de la pièce sur Libre Théâtre
L’argument
Le Comte se rend chez la Marquise, un après-midi d’hiver. C’est son jour de réception mais il est l’unique visiteur : dehors il fait froid et il pleut. Débute un badinage galant : le comte révèle son amour mais la Marquise se moque de ses façons de faire la cour. Le comte multiplie les faux-départs. La sincérité triomphe enfin et la pièce s’achève sur les fiançailles des deux amoureux – la porte peut se fermer.
Un extrait
Théâtre de Alfred de Musset. Tome IV. Dessins de Charles Delort gravés par Boilvin ; [ornements par Giacomelli] . Source : BnF/Gallica
La marquise.
Il est vrai que c’est aujourd’hui mon jour, et je ne sais trop pourquoi j’en ai un. C’est une mode qui a pourtant sa raison. Nos mères laissaient leur porte ouverte ; la bonne compagnie n’était pas nombreuse, et se bornait, pour chaque cercle, à une fournée d’ennuyeux qu’on avalait à la rigueur. Maintenant, dès qu’on reçoit, on reçoit tout Paris ; et tout Paris, au temps où nous sommes, c’est bien réellement Paris tout entier, ville et faubourgs. Quand on est chez soi, on est dans la rue. Il fallait bien trouver un remède ; de là vient que chacun a son jour. C’est le seul moyen de se voir le moins possible, et quand on dit : Je suis chez moi le mardi, il est clair que c’est comme si on disait : Le reste du temps, laissez-moi tranquille. Le comte. Je n’en ai que plus de tort de venir aujourd’hui, puisque vous me permettez de vous voir dans la semaine. La marquise.
Prenez votre parti et mettez-vous là. Si vous êtes de bonne humeur, vous parlerez ; sinon, chauffez-vous. Je ne compte pas sur grand monde aujourd’hui, vous regarderez défiler ma petite lanterne magique. Mais qu’avez-vous donc ? vous me semblez…
Ressouces
Sur Gallica
Mise en scène de Pierre Bertin. 1955. Photographie de Etienne Bertrand Weil. Source : BnF/Gallica
Mise en scène de Pierre Bertin en 1955.
Avec Jean Desailly et Simone Valère
Production de la Compagnie Renaud-Barrault, jouée au Théâtre Marigny.
Sur le site de l’INA
Extrait de l’adaptation pour la télévision d’Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée d’Alfred de Musset par Benoît Jacquot en 1993. Le dénouement – la demande en mariage. Lien vers le site de l’INA
Extrait de la notice de l’INA : « Mise en scène par Louis-Dominique de Lencquesaing, qui s’est le plus souvent illustré au cinéma, dans des rôles d’acteur, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée a été filmée avec sobriété par Benoît Jacquot au Théâtre de l’Odéon en décembre 1993. Deux comédiens formés à l’école de Patrice Chéreau et Pierre Romans, Marianne Denicourt et Thibault de Montalembert, se prêtent avec grâce et subtilité à cette joute amoureuse. Toute en fluidité, la réalisation de Benoît Jacquot sert admirablement le jeu des acteurs, leur volant des moments de tendresse, d’émotion et de séduction. De fait, la mise en scène de Lencquesaing, contemporaine et dépouillée, met en valeur le langage des corps, au moment de l’aveu final du Comte.
Louis-Dominique de Lencquesaing a opté pour un décor original : la petite pièce à l’étage du théâtre de l’Odéon, à l’écart de la scène prestigieuse, suggère à la fois la théâtralité du jeu mondain et l’intimité des deux amants. Inconfortable et vide, elle peut rappeler que le froid a dissuadé les autres visiteurs de se rendre au jour de réception de la Marquise. Le choix de vêtements actuels, sobres mais bien coupés, nous rappelle que si la langue de Musset est datée, le drame de la passion n’a pas d’âge. » Johanna Pernot
Mise en scène de Laurent Delvert à la Comédie-Française (Mars-mai 2017)
Note d’intention de la scénographe Philippine Ordinaire
« Laurent Delvert porte cette pièce en lui depuis très longtemps. Mon rôle consiste à traduire en terme d’espace et de réalité l’histoire telle qu’il désirait la raconter. Laurent souhaitait qu’y soit perceptible la porosité entre extérieur et intérieur, ainsi qu’une certaine rugosité, une âpreté dans l’intérieur de la Marquise. À sa vision très angulaire, très brute, se sont ajoutés des symboles plus féminins pour créer un espace fait d’antagonismes complémentaires : intérieur / extérieur, homme / femme, angles / courbes.
Une dalle de béton, un voilage, une cheminée et, bien sûr, une porte. Nous sommes dans son atelier. La Marquise est affairée à son modelage au centre d’un puits de lumière. C’est un espace transitoire, à la fois intime et public, un lieu de passage ouvert aux gens de l’extérieur. Plus symboliquement, c’est le lieu où se joue la transition dans la vie des deux personnages, car c’est là qu’ils s’apprêtent à franchir une nouvelle étape de leur existence. Nous avons voulu dépouiller au maximum le décor, et aller à l’essentiel de ce que nécessitait le texte, créant ainsi un espace évoquant un ring où vont s’affronter et se rejoindre les personnages.
Cette œuvre nous projette dans ce moment amoureux du temps suspendu, juste avant que les choses ne se réalisent, avant de se révéler, de se montrer vulnérable. Musset raconte ce moment-là dans toute sa beauté et sa complexité. Il me semble que nous sommes projetés dans un conte de fées inversé : on ignore ce qu’il se passera après, on est très loin du célèbre raccourci « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », et les obstacles ne sont pas extérieurs mais intérieurs. »
Farce en un acte, créée au Grand-Guignol le 25 mai 1901. Publiée en 1904 dans le recueil Farces et moralités. Texte à télécharger gratuitement Libre Théâtre
L’argument
Dialogue caricatural et stéréotypé entre deux amants qui, en démystifiant l’amour, préfigure l’incommunicabilité du théâtre de l’absurde. Les codes du langage amoureux sont détournés faisant apparaître les deux amants comme des personnes stupides et égoïstes.
Pour aller plus loin
Lire la préface de Pierre Michel sur Les Amants d’Octave Mirbeau sur le site mirbeau.asso.fr.
Le début de la pièce
Les Amants dans la campagne. Gustave Courbet 1844. Photo (C) RMN-Grand Palais / Droits réservés
Le Récitant, montrant le décor. Mesdames, Messieurs… ceci représente un coin, dans un parc, le soir… Le soir est doux, silencieux, tout embaumé de parfums errants… Sur le ciel, moiré de lune, les feuillages se découpent comme de la dentelle noire, sur une soie mauve… Entre des masses d’ombre, entre de molles et étranges silhouettes, voilées de brumes argentées, au loin, dans le vague, brille une nappe de lumière… bassin, lac… on ne sait… ce qu’il vous plaira… Heure vaporeuse et divine !… L’amour est partout… son mystère circule au long des avenues invisibles, sous les fourrés, dans les clairières… et son souffle agite les branches… à peine… C’est délicieux !… (Montrant le banc — avec attendrissement.) Et voici un banc, un vieux banc, pas trop moussu, pas trop verdi… un très vieux banc de pierre, large et lisse comme une table d’autel… un autel où se célèbreraient les messes de l’amour… (Il déclame.) …J’aime les bancs de pierre, le soir, au fond des bois. (Un temps.) … Mesdames, Messieurs, quand le rideau se lève sur un décor de théâtre où se dresse un banc à droite près d’un arbre, d’une fontaine, ou de n’importe quoi, c’est qu’il doit se passer inévitablement une scène d’amour… Ai-je besoin de vous révéler que tout à l’heure, parmi cette nuit frissonnante, — ô mélancolie des cœurs amoureux ! — l’amant, selon l’usage, viendra s’asseoir, sur ce banc, près de l’amante, et que là, tous les deux, tour à tour, ils murmureront, gémiront, pleureront, sangloteront, chanteront, exalteront des choses éternelles… (Regardant à travers le parc.) Qu’est-ce que je disais ?… J’entends un bruit de feuilles frôlées, je vois deux ombres s’avancer lentement à travers les branches… Les voici… Comme ils sont tristes !…
(Entrent lentement l’amant et l’amante. Ils sont tristes tous les deux… L’amante est emmitouflée de dentelles, l’amant est en smoking… Dès qu’ils ont apparu, le Récitant salue le publie et sort, à reculons, discrètement.)
Les Amants sur le site de l’INA
Adaptation télévisée réalisée par Claude Dagues, diffusée le 23 août 1963.
extrait sur le site de l’INA (accès payant pour l’intégralité)
Recueil de six pièces en un acte jouées pour la première fois entre 1898 et 1904 : L’Épidémie, Vieux Ménage, Le Portefeuille, Les Amants, Scrupules, Interview.
Utilisant la parodie, la satire ou la farce, Octave Mirbeau propose une critique féroce de la société bourgeoise de son époque, qui trouve d’étranges résonances avec le monde d’aujourd’hui. La modernité de l’écriture et des thèmes abordés préfigure à la fois le théâtre de Brecht et celui de Ionesco, tout en développant un humour très corrosif.
Pour 2 à 10 comédiens ou comédiennes.
ISBN 978-237705-103-8 Août 2017 – 122 pages ; 18 x 12 cm ; broché. Prix TTC : 14,00€
Le Buis de Georges Courteline
Extrait des Ombres parisiennes.
Distribution : 2 hommes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre
Le texte
16 avril 1916, les Rameaux vente de buis : photographie Agence Rol. Source : BnF/ Gallica
« J’ vends du buis l’jour des Rameaux »
En correctionnelle. Le président.
Larillette, levez-vous. Vous êtes prévenu de tromperie sur la nature de la marchandise vendue. Larillette.
Je suis trop poli pour vous démentir. Le président.
Vous avez déjà subi une certaine quantité de condamnations. Larillette.
Dix-neuf, Monsieur le Président, mais jamais pour choses infamantes, toutes pour vols… ou escroqueries. Ni coups, ni blessures, ni outrages aux agents, ni attentats à la pudeur, rien ! Je peux dire qu’au point de vue des mœurs de la morale et du respect de l’autorité, celui-là qui me fera la pige n’est pas en beurre fondu… (se reprenant.) Encore fondu, pardon. Le président.
On vous a arrêté le dimanche des Rameaux devant l’église Notre-Dame-de-Lorette. Larillette.
Où je vendais du buis… en principe. Le président.
Vous faites bien de dire : « en principe ». En fait, le buis que vous vendiez tout en criant : « Buis béni ! Buis béni ! » était du cresson. Larillette.
De fontaine. Le président.
De fontaine, c’est la vérité. Si c’est là toute votre excuse !… Larillette.
Mon Dieu, Monsieur le Président, je suis plus à plaindre qu’à blâmer. Vous pensez, moi, j’aurais vendu du buis tout aussi honnêtement qu’un autre ; qu’est-ce que ça aurait pu me faire ? Seulement voilà, j’avais acheté aux Halles, la veille, une cargaison de cresson de fontaine qui m’était restée pour compte. Je me suis donc tenu ce raisonnement bien simple : « ce cresson-là ne vaut plus rien ; c’est de la marchandise flambée. Si je vendais pour du buis !… En somme, ça ne trompera jamais que les personnes affligées de myopie, et l’intention étant réputée pour le fait, ce n’est bien sûr pas le bon Dieu qui ira, au jugement dernier, leur chercher des poux dans la tête pour l’histoire d’une malheureuse botte de cresson. » Est-ce vrai ? Alors, ma foi, j’ai mis mon cresson dans un sac et je suis allé le faire bénir. Le président.
Vous avez fait bénir votre cresson !!! Larillette.
Tiens, parbleu ! Vous savez bien comment ça se passe ; y a le curé qui vient sur le seuil de l’église et qui bénit à droite et à gauche, comme ça (il fait le simulacre de la bénédiction.) Mon cresson a été béni avec le reste. Le tribunal délibère.
J’suis pas un homme à faire des blagues avec les choses de sainteté. Quoi, après tout, du cresson consacré, ce n’est plus comme de la salade.
Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :
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