Permettez, Madame !

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53066341c
Caricature d’Eugène Labiche pour le Panthéon Nadar. Source : BnF/Gallica

Comédie en un acte d’Eugène Labiche et Alfred Delacour, représentée pour la première fois à Paris sur le théâtre du Gymnase le 21 février 1863.
Distribution : 3 hommes, 3 femmes
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L’argument

Madame Bonacieux est un vrai tyran domestique. Sa fille Blanche va se marier avec Henri : toute la famille attend l’oncle Léon qui doit se présenter pour faire la demande. Malheureusement Léon a aussi mauvais caractère que Mme Bonacieux et le mariage manque d’être annulé… jusqu’à ce que Mme Bonacieux découvre que Léon n’est autre que l’homme qu’elle a jadis aimé…

Un extrait

Léon.
Je ne regrette qu’une chose… c’est de n’avoir pu vous faire agréer plus tôt mes hommages… car dès qu’on vous connaît, madame, on regrette le temps passé sans vous connaître.
Madame Bonacieux, confuse.
En vérité, monsieur, vous êtes trop aimable…
Léon.
Je suis sincère, voilà tout… Voulez-vous que nous causions un peu du motif qui m’a conduit ici…
Madame Bonacieux.
Volontiers ; je crois que nous nous entendrons facilement !
Léon.
C’est comme oncle que je me présente… et vous le savez, un oncle est souvent plus qu’un père…
Madame Bonacieux.
Oh !
Léon.
Quoi ?
Madame Bonacieux, riant.
Plus qu’un père !… C’est peut-être aller un peu loin.
Léon.
Permettez, madame… je ne retire pas le mot… Je trouve que l’oncle n’est pas assez apprécié dans notre société… Je pourrais citer mille exemples de dévouement, de sollicitude… sans parler des oncles d’Amérique…
Madame Bonacieux.
Oh !
Léon.
Ah ! on n’a jamais des pères d’Amérique !
Madame Bonacieux.
Sans doute… mais laissons l’Amérique… vous me disiez qu’un oncle était quelquefois plus qu’un père…
Léon.
Permettez, madame… j’ai dit souvent… Je n’ai pas dit : quelquefois.
Madame Bonacieux.
C’est à peu près la même chose…
Léon.
Permettez, madame… quelquefois veut dire de temps en temps… rarement… par exception… tandis que souvent veut dire… souvent ! Je disais donc : un oncle est souvent plus qu’un père…
Madame Bonacieux.
Mais non, monsieur… je ne puis pas admettre cela !
Léon.
Permettez, madame…
Madame Bonacieux, à part.
Ah ! qu’il est fatigant avec ses permettez, madame !…
Léon.
Quand je dis une chose, je ne la dis pas légèrement, je réfléchis avant de parler, et je prouve ce que j’avance… Qu’un père aime son fils, se charge de son éducation, de son établissement, il ne fait que son devoir, il obéit à la loi… Mais qu’un oncle, qui en résumé ne doit rien à son neveu… que des étrennes au jour de l’an… et encore!… parce qu’il lui plaît d’en donner… qu’un oncle l’adopte, l’établisse, ce qui est très commun… quand rien ne l’y oblige… car, remarquez, madame, qu’aucune loi naturelle ou sociale ne l’y oblige…
Madame Bonacieux.
Sans doute… mais…
Léon.
Ne m’interrompez pas… C’est beau ! c’est grand ! c’est généreux! Et j’ai donc raison de dire qu’un oncle est souvent plus qu’un père…
Madame Bonacieux.
Pourquoi n’ajoutez-vous pas tout de suite plus qu’une mère?…
Léon.
Certes, je n’entreprendrai pas de faire descendre la mère de son piédestal.
Madame Bonacieux.
C’est fort heureux !

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