Panthéon – Courcelles de Georges Courteline

Fantaisie musicale en une scène, avec un récitant, un chœur masculin et un chœur féminin (choeur des vierges). Extrait des Lieds de Montmartre, mis en musique par Claude Terrasse.
Téléchargez gratuitement le texte sur Libre Théâtre.

L’argument

Le trajet de l’omnibus à cheval entre la place du Panthéon et le boulevard de Courcelles, commenté par un récitant avec les interventions musicales de deux choeurs, qui détournent les paroles populaires Il n’y a qu’un Dieu*.

* pour en savoir plus : site  du réseau des archives et documentation de l’oralité

Lien audio

Lien vers l’enregistrement audio réalisé par le site  courteline.org

Un extrait

http://expositions-paris.paris/bonnard-galerie-oeuvres-commentees-2015/liste-des-oeuvres-bonnard-nabi-tres-japonard/pierre-bonnard-couverture-omnibus-pantheon-courcelles/
Couverture par Pierre Bonnard des Lieds de Montmartre. Source : site http://expositions-paris.paris/

Le récitant
Qu’est-ce qu’il y a Un ?
Les vierges
Il y a un Dieu, un seul Dieu, qui règne dans les cieux.
Le récitant
Oui, il n’y a qu’un Dieu, qui règne dans les cieux ; mais du Panthéon à Courcelles par l’omnibus Courcelles-Panthéon, il y a des stations plus nombreuses que ne le furent jamais les étoiles en un firmament constellé.
À l’orchestre : roulements de tambours.
Le récitant
Des solitudes silencieuses où sommeille à toute heure la place du Panthéon, l’omnibus Panthéon-Courcelles s’est mis en route pour Levallois. Au petit trot des deux coursiers qui le remorquent à leurs derrières, il dégringole la rue Soufflot, arrive au boulevard Saint-Michel… et y fait une première halte !
Halte brève ; suffisante pourtant.
L’omnibus Panthéon-Courcelles y a puisé de nouvelles vigueurs.
Tel un cerf, il traverse le boulevard Saint-Michel ; telle une flèche, il enfile la rue de Médicis, le long de la grille du Luxembourg ; et les voyageurs satisfaits, qui se voient déjà à Courcelles, se frottent les mains d’un air de jubilation.
Or, ils ne sont qu’à l’Odéon, et l’omnibus, ô étonnement ! s’arrête de nouveau et pleure sur son frein.
Coup de cymbale à l’orchestre.
Qu’est-ce qu’il y a Deux ?
Le chœur
Du Panthéon à l’Odéon, il y a deux stations : il y a la station du boulevard Saint-Michel et il y a la station de la rue Vaugirard.
Les vierges
Mais il n’y a qu’un Dieu, qui règne dans les cieux.
À l’orchestre : altos et bassons.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531133988
Omnibus à chevaux Panthéon – Place Courcelles. Agence Roll 1912. Source : Bnf/Gallica

Le récitant
Cependant, l’omnibus Panthéon-Courcelles a repris son parcours deux fois interrompu. À présent, il descend la rue de l’Odéon et sa roue grince au rebord du trottoir. Il penche sur sa droite, un peu ; en sorte que les voyageurs de l’impériale, à la fois inquiets et charmés, voient venir la minute, prochaine, où ils seront précipités entre les bras des petites blanchisseuses de fin aperçues au passage, blondes et dépeignées, au-dessus de la couche de craie embarbouillant à mi-hauteur les vitres des blanchisseries.
Entre deux haies de riches chasubles où des ors se relèvent en bosses, et de cierges montant la garde, alternés de Saints-Sacrements, devant des jupes d’enfant de chœur plus rougeoyantes que des engelures de vachères, il ébranle le pavé de la rue Saint-Sulpice, gagne le parvis de l’église et… s’arrête.
Coup de cymbale à l’orchestre.
Qu’est-ce qu’il y a Trois ?
Le chœur
Du Panthéon à Saint-Sulpice, il y a trois stations, il y a la station du boulevard Saint-Michel, la station de la rue Vaugirard et la station du parvis Saint-Sulpice.
Les vierges
Mais il n’y a qu’un Dieu, qui règne dans les cieux.
À l’orchestre : motif de harpes.
Le récitant
Le cocher de l’omnibus Panthéon-Courcelles est un précieux automédon, respectueux (autant que faire se peut) de l’existence des personnes que la modicité de leur bourse oblige à aller à pied, et habile à l’égal d’Hippolyte, fils faussement accusé de Thésée, en l’art de conduire les chevaux. D’un coup de fouet qui a claqué dans l’air comme une amorce de fulminate, il a enveloppé les siens ; et aussitôt les nobles bêtes, attentives à l’appel du devoir, ont tendu leurs jarrets nerveux, leurs cuisses couleur d’acajou, toutes ridées de leur puissant effort.
— Hue !
Coupée de ruelles étroites où bat encore le cœur du Paris d’autrefois, la rue du Vieux-Colombier s’offre à leur valeur indomptable. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ils en dévorent la chaussée sur une longueur de 25 maisons dont 13 à gauche et 12 seulement à droite ; après quoi, en ayant atteint les extrémités lointaines, ils stoppent et savourent longuement la douceur d’un repos bien gagné.
Coup de cymbale à l’orchestre.
Qu’est-ce qu’il y a Quatre ?…

Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :

Retour en haut