Premier volet de ce qui deviendra la Trilogie Marseillaise, Marius est un hommage à la Provence, que Pagnol lui-même hésita d’abord à écrire tant à l’époque le régionalisme apparaissait indigne des faveurs d’un public cultivé, c’est-à-dire avant tout parisien. Heureusement, Pagnol releva le défi et la pièce, créée à Paris, rencontra tout de suite un immense succès. Elle est désormais un classique, tant ce qui est universel, au théâtre comme ailleurs, prend ses racines dans ce qui fait la particularité de chacun et de chaque culture.

Comme dans la chanson d’Aznavour, le jeune Marius rêve depuis toujours qu’un bateau l’emmène au bout de la Terre, au pays des merveilles. Et l’on sait dès le départ que cette passion dévorante pour l’ailleurs finira par faire le malheur de ceux qui l’aiment, c’est-à-dire César, son père, et Fanny, son amour de jeunesse. C’est ce qui fait aussi de cette comédie légère une véritable tragédie. Et c’est bien le mélange de ces deux genres, associé à des personnages hauts en couleur et à des dialogues savoureux, qui explique le chaleureux accueil fait par le public, aujourd’hui encore, à cette tragi-comédie d’une profonde humanité.

De fait, par ce dimanche pluvieux, c’est une salle bondée qui à L’Étoile de Châteaurenard a applaudi debout à la fois l’œuvre de Marcel Pagnol, la belle mise en scène de Frédéric Achard et la remarquable prestation de l’ensemble des comédiens. Sans prétendre nous faire oublier la distribution légendaire de la pièce lors de sa création, immortalisée par le film, mais sans la pasticher non plus, la Compagnie Biagini a pendant plus de deux heures régalé le public de l’Étoile en servant avec brio ce monument de la culture provençale et ce chef d’œuvre du théâtre français.

Un spectacle populaire donc, au sens noble du terme, qui nous a permis de redécouvrir une pièce magnifique trop rarement représentée. On attend avec impatience les deux autres volets de cette Trilogie Marseillaise.

Critique de Jean-Pierre Martinez