L'Orfeo de Claudio Monteverdi à l'Opéra Grand Avignon

Opéra Grand Avignon, 21 et 23 novembre 2025 

Crédit photo : Barbara Buchman

L’Opéra Grand Avignon nous a offert le week-end dernier un spectacle exceptionnel. L’Orfeo de Claudio Monteverdi, l’un des tout premiers chefs-d’œuvre de l’opéra baroque, retrouvait à cette occasion, sous la direction de Jordi Savall, une force originelle rare. Le maître catalan a déjà dirigé cette œuvre à de nombreuses reprises au cours de sa carrière, dans des lieux aussi marquants que le Gran Teatre del Liceu de Barcelone en 1992 ou l’Opéra-Comique de Paris en 2021. À la tête de son orchestre, Le Concert des Nations, il réunit des musiciens spécialistes de l’interprétation de la musique ancienne sur instruments originaux.

Ce rigoureux travail de restitution historique est mis au service d’une interprétation magistrale. Jordi Savall révèle la richesse sonore de la partition : un véritable travail d’orfèvre sur les timbres parfois surprenants des instruments anciens, restitués avec une finesse qui en dévoile toutes les nuances. L’équilibre avec les voix est constant, magnifiant toute la gamme des sentiments humains suggérée par Monteverdi.

Dès le Prologue, le personnage allégorique de La Musica conduit le spectateur dans un rituel d’ouverture qui prépare à la dimension mythique du drame, tandis que la beauté de la composition le saisit d’emblée.

La mise en scène épurée de Pauline Bayle renforce la dimension symboliste de l’œuvre. Sur un espace scénique volontairement dépouillé, bergers et nymphes se rassemblent pour célébrer Orphée, composant peu à peu un champ de fleurs rouges. Ce geste simple, presque rituel, suffit à évoquer la nature, sa douceur et son harmonie première. Les chanteurs évoluent ainsi dans un cadre poétique et coloré, qui contraste avec l’obscurité oppressante qui accompagne la descente d’Orfée aux Enfers. Ce basculement visuel, d’une grande sobriété, soutient avec force le passage du monde lumineux aux ténèbres.

Au cœur du spectacle, Mauro Borgioni incarne admirablement Orphée. Artiste complet, il chante, joue et danse avec une intensité rare. Sa voix, tour à tour lumineuse, blessée, véhémente ou suppliante, épouse avec une remarquable justesse toute la palette des sentiments qu’exige le rôle : la douceur pastorale, la joie pure, la douleur de l’amour perdu, la colère contre un destin injuste, puis l’hybris fragile du triomphe au seuil des Enfers. Marie Théoleyre, qui interprète à la fois les rôles de La Musica et d’Euridice, propose deux registres vocaux contrastés et parfaitement maîtrisés. Floriane Hasler, bouleversante Messaggiera, impose quant à elle une voix riche et expressive.

Le Chœur de l’Opéra Grand Avignon, préparé par son chef Alan Woodbridge, s’intègre parfaitement au projet dramaturgique : son homogénéité vocale et la fluidité de ses déplacements chorégraphiés participent pleinement à la magie du spectacle.

Au terme de la représentation, le public conquis a salué cette interprétation par de longues ovations.

Critique de Ruth Martinez

Direction musicale: Jordi Savall
Assistants : Luca Guglielmi et Lluís Vilamajó
Chef de chant et clavecin : Marco Vitale
Chef de Chœur : Alan Woodbridge

Mise en scène : Pauline Bayle
reprise par Céline Gaudier
Décors : Emmanuel Clolus
Lumières : Pascal Noël
Costumes : Bernadette Villard

Orfeo : Mauro Borgioni
La Musica / Euridice : Marie Théoleyre
Messagiera : Floriane Hasler
Speranza / Proserpina : Anna Reinhold
Apollo : Furio Zanasi
Caronte / Plutone : Salvo Vitale

Ninfa / Coro : Raphaële Andrieu
Pastore I / Spirito II : Paul Belmonte
Pastore II / Spirito IV :  David Tricou
Pastore III / Eco / Spirito I : Julien Desplantes
Pastore IV / Spirito III : Etienne Prost

Danseurs : Andrea Apadula, Loïc Faquet et Xavier Perez

Chœur de L’Opéra Grand Avignon

Le Concert des Nations

Photo Libre Théâtre
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