Lorca de Jessica Walker par la Compañía Laboratorio Teatro

Théâtre de l’Adresse, 2 avenue de la Trillade – Avignon
du 3 au 21 juillet à 20h. Relâche les 9, 16 juillet

Un bouleversant hommage à Lorca par la Compagnie Laboratorio Teatro

Après Allende l’année dernière, la Compagnie Laboratorio Teatro revient à Avignon avec un hommage au poète Federico García Lorca, en langue espagnole, avec sur-titrage en français.
Lorca constitue en Espagne et dans le monde entier un mythe absolu, par son œuvre extraordinaire, par sa vie hors-norme, et par son destin tragique. Et c’est sur ces trois dimensions du mythe de Lorca que s’appuie ce spectacle bouleversant.
Si les œuvres théâtrales inspirées par le surréalisme n’ont pas toujours bien résisté à l’épreuve du temps, celles de Lorca sont déjà éternelles. Lorca n’est pas l’homme d’un courant littéraire, car son œuvre puise à la source de la poésie. Il est impossible de séparer chez Lorca le poète du dramaturge, tant il y a de théâtre dans sa poésie, et de poésie dans son théâtre. « Le théâtre, c’est la poésie qui sort du livre et se fait humaine » disait Federico. Et ce n’était pas de vains mots car Lorca, avec La Barraca, le théâtre ambulant qu’il avait créé, avait pour projet de rapprocher l’art dramatique des classes populaires, notamment dans les campagnes. Le génie littéraire atteint à l’immortalité lorsqu’il sait rendre le sublime accessible à tous.
La courte vie de Lorca, par ailleurs, dans la période troublée qui précède la guerre civile espagnole, fascine par son incroyable fécondité et son insolente liberté. Lorca a fréquenté tout ce que l’Espagne comptait d’artistes de génie : Dalí, Buñuel, Alberti… Liberté de penser, de créer et de vivre. Liberté des mœurs, aussi, à une époque et en un lieu où la revendication de son identité sexuelle était encore beaucoup plus dangereuse qu’aujourd’hui.
Cette liberté, les franquistes lui en feront payer le prix dès le début de la guerre, comme s’ils avaient conscience que la poésie, elle aussi, est une arme redoutable contre la dictature de la bêtise. Le fait que le corps du poète n’ait jamais été retrouvé parachève la construction du mythe Lorca.
Il est donc impossible de séparer l’œuvre, la vie, et la mort tragique de Lorca, car comme dans toutes les tragédies, son destin semblait scellé d’avance, comme la seule voie possible vers l’immortalité. En effet, si les dictateurs peuvent assassiner les poètes, ils ne pourront jamais assassiner la poésie.
Cet hommage au destin christique de Lorca, orchestré par Jessica Walker, a des allures de messe noire, avec pour officiant la figure de la mort, empruntée à la mythologie populaire mexicaine. Ce Mexique où Lorca avait prévu de se rendre et qu’il ne put jamais connaître.
L’engagement total de l’ensemble des comédiens est, avec la flamboyance du visuel, l’un des principaux arguments de ce spectacle époustouflant. L’aspect industriel du lieu et l’économie de moyens ajoutent encore à la puissance exceptionnelle de cette proposition unique, et elle est parfaitement en accord avec son propos : faire naître le sublime du presque rien et l’offrir en partage n’importe où.
En cette année où la langue invitée dans le IN est l’espagnol, ces jeunes espoirs de la scène ibérique auraient mérité la Cour d’Honneur.
Le plus gros coup de cœur de Libre Théâtre depuis le début du festival.

Critique de Jean-Pierre Martinez
4 juillet 2024

Interprètes : Manuel Almonacid, Óscar García Carranza, Carlos Martin-Peñasco, Paloma Remolina, David Soler, Roser Vallvé, Camilo Zaffora
Mise en scène : Jessica Walker

 

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Un homenaje conmovedor a Lorca por la Compañía Laboratorio Teatro
Después de Allende el año pasado, la Compañía Laboratorio Teatro vuelve a Avignon con un homenaje al poeta Federico García Lorca, en lengua española, con subtítulos en francés.
Lorca constituye en España y en todo el mundo un mito absoluto, por su obra extraordinaria, por su vida fuera de lo común y por su destino trágico. Y es sobre estas tres dimensiones del mito de Lorca que se apoya este espectáculo conmovedor.
Si las obras teatrales inspiradas por el surrealismo no siempre han resistido bien la prueba del tiempo, las de Lorca ya son eternas. Lorca no es un hombre de una corriente literaria, porque su obra bebe de la fuente de la poesía. Es imposible separar en Lorca al poeta del dramaturgo, tanto hay de teatro en su poesía y de poesía en su teatro. « El teatro es la poesía que sale del libro y se hace humana » decía Federico. Y no eran palabras vanas, ya que Lorca, con La Barraca, el teatro ambulante que había creado, tenía el proyecto de acercar el arte dramático a las clases populares, especialmente en el campo. El genio literario alcanza la inmortalidad cuando sabe hacer accesible lo sublime a todos.
La corta vida de Lorca, además, en el período turbulento que precede a la guerra civil española, fascina por su increíble fecundidad y su insolente libertad. Lorca se codeó con todo lo que España contaba como artistas de genio: Dalí, Buñuel, Alberti… Libertad de pensar y de crear. Libertad de vivir su propia vida, también, en una época y en un lugar donde la reivindicación de su identidad sexual era aún mucho más peligrosa que hoy.
Esa libertad, los franquistas le harán pagar el precio desde el comienzo de la guerra, como si tuvieran conciencia de que la poesía, también, es un arma poderosa contra la dictadura de la estupidez. El hecho de que el cuerpo del poeta nunca haya sido encontrado culmina la construcción del mito Lorca.
Es por tanto imposible separar la obra, la vida y la muerte trágica de Lorca, ya que como en todas las tragedias, su destino parecía sellado de antemano, como el único camino posible hacia la inmortalidad. En efecto, si los dictadores pueden asesinar a los poetas, nunca podrán asesinar la poesía.
Este homenaje al destino crístico de Lorca, orquestado por Jessica Walker, tiene aires de misa negra, con la figura de la muerte como oficiante, tomada de la mitología popular mexicana. Ese México al que Lorca había planeado ir y que nunca pudo conocer.
El compromiso total del conjunto de los actores es, junto con el esplendor visual, uno de los principales argumentos de este espectáculo impresionante. El aspecto industrial del lugar y la economía de medios añaden aún más a la excepcional potencia de esta propuesta única, y está perfectamente en línea con su propósito: hacer surgir lo sublime de casi nada y ofrecerlo en cualquier lugar.
En este año en que la lengua invitada en el festival IN es el español, estos jóvenes promesas de la escena ibérica habrían merecido la Cour d’Honneur.
El mayor favorito de Libre Théâtre desde el comienzo del festival.

Jean-Pierre Martinez

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