L’illusion comique de Corneille

Couverture de l'illusion comiqueL’illusion comique est une pièce en cinq actes écrite par Pierre Corneille en 1635, représentée pour la première fois au théâtre du Marais en 1636 et publiée en 1639. Au fil des scènes, cette pièce oscille entre plusieurs genres. Peu représentée après la mort de l’auteur, elle fait l’objet de plusieurs mises en scène remarquables à partir des années 1930. Libre Théâtre vous propose d’explorer trois mises en scène : celle de Louis Jouvet pour la Comédie-Française en 1937, le montage de Georges Wilson avec le TNP à Avignon en 1965 et l’adaptation par Mathieu Amalric et les acteurs de la Comédie-Française pour la télévision en 2010. On signalera également la prochaine mise en ligne sur CultureBox de la pièce mise en scène par Eric Vignier au Centre dramatique national de Bretagne.
Télécharger gratuitement la pièce sur Libre Théâtre


L’argument

Pridamant cherche son fils, Clindor, qu’il n’a plus vu depuis 10 ans. Il est amené dans la Grotte du magicien Alcandre. Ce dernier commence par lui raconter le passé mouvementé de ce fils. Grâce à ses pouvoirs magiques, Alcandre fait apparaître l’image de Clindor et de son maître, le fanfaron Matamore… Les aventures de Clindor se déroulent sous leurs yeux. Il s’avère finalement qu’il s’agit d’une pièce jouée par les héros qui sont en réalité des comédiens.

L’étude des genres ou courants théâtraux à travers L’illusion comique

  • le théâtre dans le théâtre : jeu entre la représentation et la réalité, en multipliant des effets de miroir (trait du théâtre baroque)
  • la tragédie : monologues d’Isabelle et Clindor, fausse mort de Clindor (Pridamant entre terreur et pitié)
  • la pastorale : la première scène se déroule en Touraine, près d’une grotte avec un magicien.
  • la commedia dell’arte : le personnage de Matamore
  • la tragi-comédie : action romanesque avec des personnages de haute extraction et un dénouement heureux

Corneille dans sa dédicace indique :

Voici un étrange monstre que je vous dédie. Le premier acte n’est qu’un prologue ; les trois suivants font une comédie imparfaite, le dernier est une tragédie : et tout cela, cousu ensemble, fait une comédie. Qu’on en nomme l’invention bizarre et extravagante tant qu’on voudra, elle est nouvelle.

La mise en scène de Louis Jouvet à la Comédie-Française en 1937

illusion1Extrait de l’article « Comment et pourquoi j’ai monté « L’illusion » à la Comédie-Française » par Louis Jouvet (l’Ordre, 11 février 1937)

 » je ne sais quel accueil le public réservera à cette production, mais je peux dire avec certitude que la pièce de Corneille, par la collaboration de Christian Bérard (le décorateur) trouvera sans doute pour la première fois les véritables éléments de sorcellerie qu’elle appelle, faits d’esprit, de grâce, de jeunesse et de fraîcheur. C’est grâce à ses dessins que j’en ai compris la poésie un peu fantastique, extravagante et romanesque »

Louis Jouvet choisit de faire jouer le cinquième acte sur un théâtre installé sur la scène, avec Alcandre et Pridamant comme spectateurs. La mise en abîme du théâtre dans le théâtre est complète.

Voir le dossier complet sur Gallica : programme, articles signés de Louis Jouvet et critiques

La mise en scène de Georges Wilson en 1965 (Avignon) et 1966 (Chaillot)

Illusion7Georges Wilson met en scène l’Illusion Comique avec le TNP dans la Cour d’honneur du Palais des Papes au Festival d’Avignon, en juillet 1965 (musique de Georges Delerue ; décors et costumes de Jacques Le Marquet). Ce spectacle est repris ensuite à Chaillot . Le décor et les costumes rappellent l’Espagne du siècle d’or dans son romanesque picaresque. Georges Wilson choisit de faire jouer le cinquième acte des tréteaux de théâtre.

Voir le reportage photographique sur Gallica.

Voir sur le site de l’INA, l’interview de Georges Wilson qui évoque sa fascination pour cette pièce avec des extraits du début de la pièce, acte I et premières scènes de l’acte II.

L’adaptation de Mathieu Amalric pour la Comédie-Française en 2010

illusion6Dans le cadre d’une collection destinée à revisiter le répertoire classique de la Comédie Française, Mathieu Amalric réalise pour la télévision une adaptation très libre et contemporaine de L‘Illusion comique.

Le tournage est réalisé en même temps et avec les mêmes comédiens que les représentations de la pièce mise en scène par Galin Stoev à la Comédie-Française. Amalric transpose les éléments fantastiques de la pièce dans un contexte technologique (caméra de surveillance, jeu vidéo…). L’acte final est un plateau de tournage d’un film dont Clindor et Isabelle sont les acteurs. Cette adaptation est diffusée pour la première fois à la télévision le 17 décembre 2010 sur France 2.

Voir des extraits sur le site des Editions Montparnasse

La mise en scène d’Eric Vigner au Théâtre de Lorient

A l’occasion de son départ du Théâtre de Lorient, Eric Vigner a remonté la première pièce mise en scène en ce lieu, en 1996, L’Illusion Comique. La captation de la pièce sera prochainement mise en ligne sur CultureBox

Un extrait : l’apologie du théâtre par Alcandre à la dernière scène

Ainsi tous les acteurs d’une troupe comique,
Leur poème récité, partagent leur pratique :
L’un tue, et l’autre meurt, l’autre vous fait pitié ;
Mais la scène préside à leur inimitié.
Leurs vers font leurs combats, leur mort suit leurs paroles,
Et, sans prendre intérêt en pas un de leurs rôles,
Le traître et le trahi, le mort et le vivant,
Se trouvent à la fin amis comme devant.
Votre fils et son train ont bien su, par leur fuite,
D’un père et d’un prévôt éviter la poursuite ;
Mais tombant dans les mains de la nécessité,
Ils ont pris le théâtre en cette extrémité.

…..

Cessez de vous en plaindre. À présent le théâtre
Est en un point si haut que chacun l’idolâtre ;
Et ce que votre temps voyait avec mépris
Est aujourd’hui l’amour de tous les bons esprits,
L’entretien de Paris, le souhait des provinces,
Le divertissement le plus doux de nos princes,
Les délices du peuple, et le plaisir des grands ;
Il tient le premier rang parmi leurs passe-temps ;
Et ceux dont nous voyons la sagesse profonde
Par ses illustres soins conserver tout le monde,
Trouvent dans les douceurs d’un spectacle si beau
De quoi se délasser d’un si pesant fardeau.
Même notre grand roi, ce foudre de la guerre
Dont le nom se fait craindre aux deux bouts de la terre,
Le front ceint de lauriers, daigne bien quelquefois
Prêter l’œil et l’oreille au Théâtre-François :
C’est là que le Parnasse étale ses merveilles ;
Les plus rares esprits lui consacrent leurs veilles ;
Et tous ceux qu’Apollon voit d’un meilleur regard
De leurs doctes travaux lui donnent quelque part.
D’ailleurs, si par les biens on prise les personnes,
Le théâtre est un fief dont les rentes sont bonnes ;
Et votre fils rencontre en un métier si doux
Plus d’accommodement qu’il n’eût trouvé chez vous.
Défaites-vous enfin de cette erreur commune,
Et ne vous plaignez plus de sa bonne fortune.

Pour aller plus loin, une fiche pédagogique sur le site antigone-en-ligne

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