Les Mamelles de Tirésias à l'Opéra Grand Avignon
Spectacle vu le 8 juin 2025

L’Opéra Grand Avignon, en coproduction avec l’Opéra de Limoges proposait les 6 et 8 juin Les Mamelles de Tirésias, opéra bouffe d’une inventivité éblouissante, aussi bien dans son propos que dans sa fantaisie musicale.
Écrite en 1903 par Guillaume Apollinaire, la pièce ne sera créée qu’en 1917, pendant la Première Guerre mondiale, sur une musique de Germaine Albert-Birot. Il s’agit de la première œuvre surréaliste, précédant d’ailleurs la naissance officielle du mouvement, puisque c’est dans sa préface que Guillaume Apollinaire emploie pour la première fois ce terme : « j’ai voulu, dans cette pièce, faire œuvre résolument surréaliste, et je pense qu’ainsi j’ai indiqué une voie nouvelle à l’esprit français. Le drame surréaliste n’est pas un drame du rêve. Il est une création de l’esprit libre, entièrement dégagée de l’imitation, et des préoccupations de la vérité. » Séduit par la pièce dans les années 1930, Francis Poulenc décide d’en faire un opéra bouffe, en conservant le texte original presque intact. Les Mamelles de Tirésias sont créées à l’Opéra-Comique le 3 juin 1947.
Mêlant burlesque, satire sociale, onirisme et absurde, l’œuvre aborde des thèmes aussi audacieux que l’émancipation des femmes ou la remise en cause du patriarcat et des conventions bourgeoises. Pour souligner la modernité du livret d’Apollinaire, la production a eu la belle idée de faire précéder l’opéra du court-métrage Good Girl (2022), réalisé par Mathilde Hirsch et Camille d’Arcimoles, qui retrace avec humour, à partir d’archives de l’INA, un siècle d’éducation des filles.
L’interprétation de l’Orchestre national Avignon-Provence, sous la direction de Samuel Jean, souligne toute l’ironie malicieuse et espiègle de la partition de Francis Poulenc, qui multiplie les pastiches musicaux. Portée par un ensemble de solistes inspirés, notamment Sheva Téhoval, éblouissante Thérèse, et Jean-Christophe Lanièce, savoureux Mari, l’interprétation rend un bel hommage à l’esprit facétieux de l’œuvre, mais également à sa richesse harmonique et mélodique. Le Chœur de l’Opéra Grand Avignon n’est pas en reste en proposant une prestation vocale et scénique superbe. Enfin, la mise en scène inventive de Théophile Alexandre et la scénographie poétique de Camille Dugas multiplient les références au surréalisme, offrant une lecture métaphorique subtile et ludique de cette œuvre, à la fois légère et joyeusement iconoclaste.
Un superbe spectacle longuement applaudi par le public.
Critique de Ruth Martinez
Direction musicale : Samuel Jean
Mise en scène : Théophile Alexandre
Décor : Camille Dugas
Costumes : Nathalie Pallandre
Lumières : Judith Leray
Assistanat à la mise en scène : Daphné Mauger
Études musicales : Elisabeth Brusselle
Chef de Chœur : Alan Woodbridge
Thérèse / Cartomancienne : Sheva Tehoval
Directeur théâtre / Gendarme : Marc Scoffoni
Mari : Jean-Christophe Lanièce
Presto : Philippe Estèphe
Lacouf / Le fils : Blaise Rantoanina
Journaliste parisien : Matthieu Justine
La Marchande de journaux : Ingrid Perruche
La grosse dame / une dame : Agnès Ménard
Un baryton solo / un monsieur barbu / un vieux monsieur : Étienne Prost
Chœur de l’Opéra Grand Avignon
Orchestre national Avignon-Provence