Le pornographe de Georges Courteline

Saynète pour un homme et une femme. Parue dans les recueils Coco, Coco et Toto (édition de 1910) et le Miroir concave (1919).
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l’argument

Scène à table entre un homme et sa belle-mère qui l’accuse d’être un pornographe, à cause de ses écrits.

Un extrait

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1158111d/f17
Illustration parue dans le recueil Coco, Coco et Toto, Edition Flammarion 1910. Source : BnF/ Gallica

Madame Poisvert.
Je disais que votre conduite n’a pas de nom et que si je ne me retenais pas, je vous mettrais à la porte de cette table.
Monsieur.
A la porte de cette table, bon Dieu ! Et pourquoi ?
Madame Poisvert, avec éclat.
Parce que vous êtes un pornographe ! ! !
Monsieur.
Moi ?
Madame Poisvert.
Ne jouez donc pas l’étonnement. Le journal auquel vous collaborez est une pure dégoûtation.
Monsieur.
Permettez…
Madame Poisvert.
Une pure dégoûtation, vous dis-je ; on n’y écrit que des cochonneries !
Monsieur.
Pardon ! C’est pour moi que vous dites ça ?
Madame Poisvert.
Sans doute, c’est pour vous.
Monsieurconciliant.
Voyons, belle-maman, raisonnablement, comment pourrais-je, même si je le voulais, écrire des cochonneries ? Je fais la chronique des poids et mesures !
Madame Poisvert.
Et il ne manquerait plus, à cette heure, que vous écrivissiez des horreurs, vous aussi, à l’instar de tous les goujats qui sont vos confrères et amis !
Monsieur.
Alors, de quoi vous plaignez-vous?
Madame Poisvert.
Je me plains, monsieur, que vous ne sachiez faire respecter ni la pure et chaste jeune femme qui est la compagne de votre vie, ni moi-même, à qui vous devez le jour…
Monsieurstupéfait.
Je vous dois le jour ?
Madame Poisvert.
Laissez-moi achever. —… le jour où vous avez pu tenir entre vos bras un trésor d’innocence et de poésie !
Monsieur.
Ne vous mêlez donc pas des questions d’alcôve.
Madame Poisvert.
C’est une honte à vous, Monsieur, de supporter que journellement on insulte votre femme, et il faut vraiment que ma fille soit de bonne composition pour ne vous avoir pas, vingt fois, mis à la porte de son lit. Tenez, ce matin, si je vous eusse tenu, je vous eusse craché à la figure, ma parole d’honneur.
Monsieur.
A cause ?
Madame Poisvert.
A cause de cet ignoble article intitulé : Une drôle de lorgnette ; que c’était à en faire rougir des gendarmes, et que j’en suis restée suffoquée. Oui, suffoquée ! malade d’écoeurement et de dégoût ! Que c’est donc joli, et que c’est propre, cette lorgnette qui s’allonge ! qui s’allonge ! qui s’allonge !… Ah ! il faut que vous soyez bien bas et bien vil, pour en être tombé à un tel excès de turpitude ! Pornographe, va ! Sale pornographe !
Monsieurexaspéré.
Mais quand je vous dis, nom de Dieu, que je fais les poids et mesures !

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1158111d/f17
Illustration parue dans le recueil Coco, Coco et Toto, Edition Flammarion 1910. Source : BnF/ Gallica
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