La terre et la poudre par le Teatro Strappato

Spectacle vu le 8 mars 2023 au Théâtre Episcène (Avignon)

Dans le cadre du Festival Primaveral, consacré aux cultures ibéro-américaines, Libre Théâtre a assisté au Théâtre Épiscène d’Avignon à la première représentation en français de la nouvelle création du Teatro Strappato : « Tierra y pólvora ». Nous avions découvert cette compagnie, dont le travail est notamment basé sur la création et la manipulation du masque en cuir, lors de l’édition de 2019 du Festival Off d’Avignon, où elle présentait Betún, un spectacle muet d’une extraordinaire puissance sur les enfants des rues en Amérique Latine.

Teatro Strappato nous revient cette fois avec un spectacle de conte et de masques sur le thème de l’exil. « Terre et poudre », écrit et mis en scène par Vene Vieitez et magistralement interprété par Cecilia Scrittore, est le récit poignant de la tragique errance d’une femme chassée de son pays par la guerre, qui la jette sur les routes de l’exode avec son enfant après la mort de son mari. On ne peut évidemment pas résumer ce spectacle à cette simple trame dramatique. « Terre et poudre », en effet, joue avec brio sur les codes de l’énonciation et du théâtre dans le théâtre, une narratrice introduisant les divers personnages de cette tragédie, tous étant incarnés par une seule comédienne d’exception, Cecilia Scrittore, à l’aide de divers masques et d’une gestuelle d’une grande puissance évocatrice. 

Ce spectacle, cependant, n’est pas un récit de plus sur le drame de l’émigration. Cette exilée, qui pourrait être afghane, syrienne ou ukrainienne, symbolise à elle seule toutes les victimes de la guerre, avec le sinistre cortège de violences qu’elle engendre à sa suite, et ce récit très poétique, n’excluant pas tout à fait l’humour malgré la gravité du sujet, prend donc une dimension universelle. 

Georges Brassens se moquait à juste titre des « imbéciles heureux qui sont nés quelque part », et qui par leur nationalisme chauvin attisent les conflits entre les hommes et cultivent la xénophobie, en invitant notamment les exilés à rentrer chez eux. Mais comment rentrer chez-soi quand ce chez-soi a disparu à jamais ? Comment rentrer à la maison quand la maison n’est plus qu’un tas de cendres. Trop souvent, hélas, la violence des hommes se répand sur la Terre comme une traînée de poudre. Ne laissant derrière elle que cette poussière à laquelle nous sommes tous destinés à retourner. En attendant peut-être qu’une averse longtemps espérée fasse refleurir l’espoir d’un monde nouveau, plus juste et plus apaisé.

Un spectacle à ne pas manquer, vivement recommandé par Libre Théâtre.

Critique de Jean-Pierre Martinez

Production : Teatro Strappato
Interprétation : Cecilia Scrittore
Écriture et mise en scène : Vene Vieitez
Création originale des masques : Cecilia Scrittore et Vene Vieitez
Création sonore : Vene Vieitez

Cecilia Scrittore et Vene Vieitez avec l'équipe du Festival Primaveral
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