La Paix du ménage ou Duel au canif de Guy de Maupassant

Comédie en deux actes, écrite en 1880, représenté pour la première fois à Paris à la Comédie-Française, le 6 mars 1893.
Distribution : 2 hommes, 1 femmes
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

L’argument

Le comte Jean de Sallus est un homme infidèle, qui délaisse son épouse et multiplie les aventures avec de jeunes comédiennes. Sa femme, Madeleine, après s’être révoltée, a fini par prendre un amant, Jacques de Randol, qui est follement amoureux d’elle. Mais Sallus modifie brusquement son comportement et décide de reconquérir Madeleine. Celle-ci ne se laisse pas avoir…
Une courte pièce qui offre un beau rôle de femme déterminée.

Autour de la pièce

Le titre

Dans une lettre adressée à sa mère en 1880, Guy de Maupassant écrivait : « Je viens de retoucher, même de refaire toute ma petite pièce en un acte, autrefois en deux actes, sous le titre : La Paix du Foyer. Je la crois maintenant parfaite et je ne doute pas du succès quand je trouverai une occasion très favorable de la faire jouer. J’ai pris comme titre une réplique de la femme, le voici : Un duel au canif. C’est en effet un duel au canif entre elle et son mari. C’est en parlant de lui seul qu’elle emploie ce mot, bien entendu ; mais le public l’applique aux deux… » (note : la référence du duel au canif a disparu dans le texte final.

La nouvelle Au bord du lit

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7519808r

Le 23 octobre 1883, la revue Gil Blas publie en première page une nouvelle intitulée « Au bord du lit » , signée « Maufrigneuse » (pseudonyme de Maupassant). Elle reprend la situation et met en scène uniquement le Comte de Sallure et sa femme. On y retrouve l’argument de la pièce et quelques expressions « vous êtes à jeun ». La nouvelle se conclut quand le comte jette à sa femme son portefeuille contenant 6000 francs et que sa femme les accepte. (lien vers la revue sur Gallica)

La création à la Comédie-Française

Source : Le Temps 6 mars 1893. Sur Gallica

La « Paix du ménage »
Demain, le Théâtre-Français donnera la première représentation d’une comédie en deux actes de M. Guy de Maupassant. L’éminent écrivain, toujours en proie à la terrible maladie qui l’a frappé, n’aura point la douce consolation d’entendre les applaudissements qui seront prodigués à son oeuvre; même, s’il les entendait, il ne les comprendrait point. Il était assez difficile, en une- aussi pénible circonstance, de savoir exactement comment le fécond romancier avait été amené à écrire la pièce de théâtre dont il s’agit. D’après les renseignements, puisés à bonne, source, que nous avons recueillis, il nous semble que les détails qu’on a fournis jusqu’ici à ce sujet sont un peu incomplets : qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. La vérité serait plutôt ce qui suit: M. Guy de Maupassant, lorsqu’il écrivit la Paix du foyer (c’était alors le titre de la comédie), songea tout d’abord, pour le rôle de la femme,  à Mlle Réjane. L’excellente comédienne était alors au théâtre du Vaudeville, où elle se morfondait un peu. L’écrivain donna sa pièce au directeur, Raymond Deslandes. Celui-ci l’accepta avec plaisir. Mais d’autres comédies plus importantes étaient en répétition. La Paix du foyer attendit, et, sur ces entrefaites,  Mlle Réjane quitta le Vaudeville
La pièce partit aussi, l’auteur tenant essentiellement à son interprète, et attendit de nouveau l’occasion nécessaire. Pourquoi ne la jouerait-on pas dans un cercle, dans un salon ? dit M. de Maupassant.
Entendu, répondit Mlle Réjane. Mais mon directeur, M. Porel, ne veut me donner l’autorisation de jouer votre comédie que si, ensuite, on la représente sur son théâtre, à l’Odéon.
M. de Maupassant fit la moue L’Odéon, répliqua-t-il, c’est bien loin. Et on ne reparla plus de la Paix du foyer.
Les années se passèrent, Des amis de l’écrivain causèrent de la pièce, au Théâtre-Français. Mais M. de Maupassant, qui est – nous allions dire qui était très entier, très autoritaire, posa en quelque sorte ses conditions : « Aux Français, je veux, je veux Mlle Bartet. Et puis j’entends ne point passer devant la commission d’examen. Si je lis ma pièce au comité, c’est qu’elle sera reçue d’avance. » On négocia longtemps sur toutes ces questions sans arriver à s’entendre.
Survint la maladie de l’écrivain et la catastrophe finale. Les amis de M. de Maupassant songèrent de nouveau à la Paix du foyer. (Le titre, depuis, a été changé : on sait que M. Auguste Germain a fait représenter aux matinées du Vaudeville une jolie pièce du même nom.) Et ils portèrent le manuscrit à M. Alexandre Dumas, en lui demandant, s’il le jugeait convenable, d’intercéder en sa faveur auprès de M. Jules Claretie.
M. Alexandre Dumas lut la pièce, et il écrivit à l’ami fidèle de l’écrivain qui la lui avait apportée le billet suivant : 

« Cher monsieur,
Je viens de lire la Paix du foyer. C’est excellent. Le succès est sûr et sera productif. J’écris dans ce sens à Claretie. Je lirai au comité et je ferai toutes les répétitions nécessaires, très heureux de prouver à Maupassant, bien qu’il ne doive jamais le savoir, la grande estime et la grande affection que j’avais pour lui. » ALEXANDRE DUMAS

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53144749f
Julia Bartel à la Comédie-Française dans le Bourgeois gentilhomme [photographie de l’Atelier Nadar]. Source : BnF/Gallica

Le Théâtre-Français se décida. Et la pièce entra bientôt en répétition. Demain, tous les admirateurs et amis de l’auteur tiendront à venir l’applaudir. (…) Mme de Maupassant mère a eu une bien touchante pensée. Il est de mise que l’auteur d’une œuvre nouvelle envoie aux artistes femmes qui y interprètent des rôles des corbeilles de fleurs. Voici comment Mme de Maupassant enverra les fleurs que doit recevoir Mlle Bartet. Elle a écrit à M. Paul Ollendorff: « Je voudrais que vous me fassiez connaître immédiatement, c’est-à-dire aussitôt que la chose paraîtra irrévocable, la date de la première représentation, afin que les fleurs que je destine à Mlle Bartet puissent arriver pour ce jour-là. Je veux que ces fleurs soient coupées tout exprès au dernier moment, afin d’arriver dans toute leur fraîcheur. »
Cette dernière phrase, sûrement, fera autant de joie à Mlle Bartet que tous les applaudissements qu’elle recueillera demain. AD. ADERER.

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