XVIIe siècle

Chronique sur des pièces ou des auteurs dramatiques du XVIIe siècle

Le Théâtre de Lesage

Alain-René Lesage, né à Sarzeau le 8 mai 1668 et mort à Boulogne-sur-Mer le 17 novembre 1747, est un romancier et auteur dramatique français.

Il marque la comédie de mœurs avec Turcaret (1709), une dénonciation des milieux financiers. Après sa brouille avec les Comédiens Français, il se tourne vers le théâtre de la Foire, qui rencontre un immense succès populaire à cette époque, et écrit, en collaboration avec d’autres auteurs, plus d’une centaine de pièces.

Sélection de pièces de Lesage

Crispin rival de son maître (1707), texte intégral sur wikisource
Turcaret (1708), remaniement des Étrennes, texte intégral sur wikisource
Arlequin roi de Serendib (1713), texte intégral sur Gallica
La Foire de Guibray (1714), texte intégral sur Gallica
Arlequin Mahomet (1714), texte intégral sur Gallica
Le Tombeau de Nostradamus (1714), texte intégral sur Gallica
Colombine Arlequin ou Arlequin Colombine (1715), texte intégral sur Gallica
Le Monde renversé (1718), texte intégral sur Gallica
La Tontine (1732), texte intégral sur wikisource
Les Amants jaloux (1735), texte intégral sur Gallica
Le Tableau du mariage, représentée à la Foire de Saint-Germain en 1716, texte sur Gallica
La Princesse de Carizme, pièce en trois actes, représentée à la Foire de Saint-Germain en 1718, texte sur Gallica
Les Funérailles de la Foire, pièce en un acte, représentée sur le théâtre du Palais-Royal, le 6 octobre 1718, texte sur Gallica 
Le Rappel de la foire à la vie, texte sur Gallica
Les Trois Commères, pièce en trois actes représentée à la Foire de Saint-Germain en 1723, texte sur Gallica
Le Temple de mémoire, pièce en un acte représentée à la Foire de Saint-Germain en 1725, texte sur Gallica

Théâtre de Pierre Corneille

Pierre Corneille d’après Lebrun 1647. Source Gallica

Pierre Corneille est né le 6 juin 16061 à Rouen et mort le 1er octobre 16842 à Paris. Il a écrit 32 œuvres théâtrales.

Agésilas, Tragédie, WikisourceWikipedia, Gallica
Andromède Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica    
Attila, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica   
Cinna Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
Clitandre, Tragi-comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica    
Don Sanche d’Aragon, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica
Héraclius, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica    
Horace, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica
L’Illusion comique, Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica   
La Galerie du Palais, ou L’amie rivale, Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
La Mort de Pompée, Tragédie, Wikipedia, Gallica   
La Place Royale ou l’Amoureux extravagant,  Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica

La Suite du Menteur, Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica
La Suivante, Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
La Toison d’or, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica 
La Veuve, Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica   
Le Cid, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
Le Menteur, Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica   
Médée, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
Mélite ou Les fausses lettres, Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica    
Nicomède, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica    
Œdipe, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
Othon, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
Pertharite, roi des Lombards, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
Polyeucte, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica 
Pulchérie, Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica
Rodogune, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica    
Sertorius, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
Sophonisbe, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica  
Suréna, général des Parthes, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica 
Théodore, vierge et martyre, Tragédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica
Tite et Bérénice, Comédie, Wikisource, Wikipedia, Gallica    

Monologue d’Harpagon dans L’Avare de Molière (Acte IV, scène 7) – La cassette

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84366907
Estampe de F. Pierdon. Source : Gallica

Harpagon, seul, criant au voleur dès le jardin, et venant sans chapeau.
Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? n’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. (À lui-même, se prenant par le bras.) Rends-moi mon argent, coquin… Ah ! c’est moi ! Mon esprit est troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre argent ! mon pauvre argent ! mon cher ami ! on m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie : tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde. Sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait ; je n’en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris. Euh ! que dites-vous ? Ce n’est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et faire donner la question à toute ma maison ; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Hé ! de quoi est-ce qu’on parle là ? de celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part, sans doute, au vol que l’on m’a fait. Allons, vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences, et des bourreaux ! Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après.

Lien vers la chronique de Libre Théâtre sur l’Avare avec le texte intégral, des illustrations et des dossiers pédagogiques.

Extraits vidéo

Denys Podalydès à la Comédie-Française, mise en scène de Catherine Hiegel (Editions Montparnasse, 2009)

Présentation de « l’Avare » de MOLIERE mis en scène par Pierre Franck au théâtre de l’Atelier et interprété par Michel BOUQUET (1989)

L’Avare de Molière

Comédie en cinq actes et en prose, représentée pour la première fois sur la scène du Palais-Royal le 9 septembre 1668. 
Distribution : 11 hommes et 4 femmes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Harpagon est noble, riche et avare. Il a deux enfants : Élise qui est amoureuse de Valère, un gentilhomme napolitain au service de son père en qualité d’intendant, et Cléante qui souhaite épouser Mariane, une jeune femme vivant chez sa mère sans fortune. Mais Harpagon a choisi pour ses enfants des partis plus avantageux et souhaite épouser lui-même Mariane. Cléante et Élise tentent de  déjouer les plans de leur père avec l’aide de Valère et de La Flèche, le valet de Cléante, qui vole la précieuse cassette d’Harpagon. Valère est accusé lorsqu’arrive Anselme qui doit épouser Élise et qui se révèle être le père de Mariane et de
Valère, rescapés d’un naufrage.

Illustrations sur Gallica

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b64006296
Costume de Grand-Ménil, qui a marqué la Comédie-Française par son interprétation d’Harpagon,  jouant de sa haute taille, sa maigreur et son sens des mimiques. (1790)Source : Gallica
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8528775g/f370.item
Constant Coquelin dit aîné dans le rôle d’Harpagnon. Source : Gallica
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84366907
Estampe de F. Pierdon. Source : Gallica
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53049746
Louis Leloir dans « L’avare », de Molière / dessin de Marevéry. Source: Gallica

 


L’Avare sur le site de l’INA

Création de « L’Avare » avec Michel Aumont à la Comédie Française (magazine12 sept. 1969) 
Interview de Michel Aumon et du metteur en scène  Jean Paul Roussillon 

Pièce jouée par les Comédiens Français, enregistrée pour la télévision au théâtre de l’Odéon, dans une mise en scène de Jean Paul Roussillon et une réalisation de René Lucot avec Simon Eine, Françoise Seigner, Jean Paul Roussillon, Francis Huster, Isabelle Adjani, Ludmila Mikael, Jacques Eyser,  Michel Aumont… Diffusée le 1er janvier 1974

Extrait du film de Jean Girault avec Louis De Funès et Michel Galabru (TF1 Actualités 20H, 24 décembre 1979)

 

Interview Michel Bouquet, dans l’Avare dans une mise en scène de Pierre Franck au théâtre de l’Atelier,  avec des extraits de la pièce

Dossiers de presse, dossiers pédagogiques

Parcours Molière. Dossier pédagogique de la Comédie-Française
Mise en scène de Catherine Hiegel avec Denis Podalydès. Dossier de presse de la Comédie-Française, 2009-2010
Mise en scène d’Alexis Moati et Pierre Laneyrie – octobre 2011 – Dossier Pièce (dé)montée
La minute pédagogique du Phénix (Académie de Lille): L’Avare mis en scène par Ludovic Lagarde par Etienne. 2015
Dossier consacré aux Avares et avaricieux  sur le Réseau Canopé

Tirade de Bérénice, Bérénice de Racine, acte I Scène 5

Le temps n’est plus, Phénice, où je pouvais trembler.
Titus m’aime, il peut tout, il n’a plus qu’à parler :
Il verra le Sénat m’apporter ses hommages,
Et le peuple de fleurs couronner ses images.
De cette nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur ?
Tes yeux ne sont-ils pas tout pleins de sa grandeur ?
Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée,
Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée,
Cette foule de rois, ces consuls, ce Sénat,
Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ;
Cette pourpre, cet or, que rehaussait sa gloire,
Et ces lauriers encor témoins de sa victoire ;
Tous ces yeux qu’on voyait venir de toutes parts
Confondre sur lui seul leurs avides regards ;
Ce port majestueux, cette douce présence…
Ciel ! Avec quel respect et quelle complaisance
Tous les cœurs en secret l’assuraient de leur foi !
Parle : peut-on le voir sans penser comme moi
Qu’en quelque obscurité que le sort l’eût fait naître,
Le monde en le voyant eût reconnu son maître ?
Mais, Phénice, où m’emporte un souvenir charmant ?
Cependant Rome entière, en ce même moment,
Fait des vœux pour Titus, et par des sacrifices,
De son règne naissant célèbre les prémices.
Que tardons-nous ? Allons, pour son empire heureux,
Au ciel qui le protège, offrir aussi nos vœux.
Aussitôt, sans l’attendre, et sans être attendue,
Je reviens le chercher, et dans cette entrevue
Dire tout ce qu’aux cœurs l’un de l’autre contents
Inspirent des transports retenus si longtemps.

Lien vers le texte intégral et la notice de Bérénice de Jean Racine sur Libre Théâtre

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8446859d
Source : BnF/Gallica

Dom Juan ou le Festin de Pierre de Molière

Comédie en cinq actes et en prose, représentée pour la première fois le 15 février 1665. Non publiée du vivant de Molière, la pièce fut imprimée pour la première fois en France en 1682.
Distribution : 17 hommes et 3 femmes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Présentée par Molière comme une comédie, Dom Juan est en réalité une tragi-comédie qui ne respecte pas les règles classiques.

Arrivé en ville après avoir abandonné Elvire, qu’il avait fait sortir d’un couvent pour l’épouser, Dom Juan aperçoit une jeune fille à la veille de se marier et projette de l’enlever. Le projet ayant échoué, il se retrouve dans un village, d’où, averti que ses beaux-frères Dom Carlos et Dom Alonse le poursuivent, il s’enfuit par la forêt avec son valet Sganarelle. Le hasard l’amène à sauver la vie de Dom Carlos, qui en retour accepte de différer sa vengeance, à condition que Dom Juan reprenne la vie commune avec Elvire. Sur le chemin qui les ramène à la maison, le maître et le valet passent devant le mausolée d’un commandeur que Dom Juan a tué l’année précédente et dont il invite la statue à dîner pour le soir même. De retour chez lui, il voit le moment de dîner repoussé trois fois de suite par les visites inopinées d’un créancier, de son père et de son épouse à présent retournée à la vie religieuse. La statue du Commandeur, arrivée en dernier, refuse de partager son repas, mais l’invite à son tour à dîner le lendemain. Le lendemain en fin d’après-midi, Dom Juan apprend à son père éperdu de joie qu’il a décidé de revenir à la religion, puis il confie à Sganarelle que ce revirement subit n’est qu’une ruse. La statue du Commandeur, apparaissant et prenant acte de son refus de se repentir, lui saisit la main et le précipite dans les entrailles de la terre.

Illustrations sur Gallica

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8436359d/f230.item.zoom
Le tombeau du commandeur. Source : BnF/ Gallica

Estampe. Source : BnF/Gallica

Source : BnF/Gallica

Quoi que puisse dire Aristote et toute la philosophie, il n’est rien d’égal au tabac. Source : BnF/Gallica


Dom Juan sur le site de l’INA

Mise en scène en décors naturels par Marcel Bluwal de la pièce en cinq actes et en prose de Molière. Un des tours de force accomplis par Marcel Bluwal est sans aucun doute la transposition dans le temps de cette comédie. Il a situé l’action à une époque imprécise, tantôt au début du siècle dernier, tantôt semble-t-il à l’époque contemporaine, ce qui actualise l’action sans altérer l’oeuvre de Molière. Les paysages et les décors parfois insolites composent, pour Dom Juan, la scène même du monde. Ainsi se trouve matérialisé l’esprit « shakespearien » de la pièce : un homme s’interroge sur lui-même avec ses angoisses (source INA)

Extrait du « Dom Juan » de Molière, mis en scène par Antoine VITEZ au théâtre de la porte Saint-Martin, avec Jean-Claude DURAND dans le rôle de Dom Juan, Nada STRANCAR dans celui d’Elvire et Gilbert VILHON dans celui de Sganarelle : scène de la rupture avec Elvire (Acte I, scène 3). La pièce a été jouée dans le cadre du festival d’automne de Paris.

Dans le cadre de l’émission « Le théâtre et l’université », enregistrement en public de Dom Juan ou le Festin de pierre » au Théâtre du Palais de Chaillot, par la troupe du TNP, dans une mise en scène de Jean VILAR. Avec dans les rôles principaux Jean VILAR (Dom Juan), Daniel SORANO (Sganarelle) et Monique CHAUMETTE (Elvire). Ce découpage radiophonique (acte II supprimé) est suivi d’un débat animé par Paul Louis MIGNON, en présence de Jean VILAR et d’élèves et professeur du lycée Louis Le Grand à Paris.  Lien vers le site de l’INA 

Reportage au festival d’Avignon, composé des interviews de Jean VILAR et Georges WILSON dans la Cour du Palais des Papes. –  Interview de Jean VILAR dans la cour du Palais des Papes à Avignon (on entend les coups de marteau des monteurs du décor). Il évoque son choix de « Dom Juan » de Molière, les personnages de la pièce, la musique de scène composée par Maurice Jarre, les particularités de la pièce de Molière, le choix des costumes. Il évoque ensuite « Le Médecin malgré lui », mis en scène par Jean-Pierre Darras.  Lien vers le site de l’INA

Dossiers pédagogiques

Dom Juan, mise en scène de Jean-François Sivadier, pièce (dé)montée n° 238 – septembre 2016, dossier réalisé par Rafaëlle Jolivet Pignon et édité par Canopé Île-de-France. lien vers le site

Dom Juan, mise en scène Julie Brochen, Théâtre National de Strasbourg, 2011, lien vers le site de l’académie d’Aix-Marseille

Dom Juan, mise en scène Gilles Bouillon du CDRT, dossier réalisé par Adeline Stoffel, lien vers le site du CRDP de Reims.

Dom Juan de Molière, quelques mises en scène –  sur le site de Philippe Misandeau http://doc-plus.fr/DomJuan.htm

Lire aussi :

Whitton David. La mise en scène en France depuis 1960 : le cas Dom Juan. In: Cahiers de l’Association internationale des études francaises, 1994, n°46. pp. 243-257. sur le site  www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1994_num_46_1_1845

A écouter :

Louis Jouvet : « Conférences des Annales – Dom Juan » [1947]  partie 1 , partie 2

L’aveu de Phèdre (Acte II, scène 5)

Phèdre.
Ah, cruel ! tu m’as trop entendue !
Je t’en ai dit assez pour te tirer d’erreur.
Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur :
J’aime ! Ne pense pas qu’au moment que je t’aime,
Innocente à mes yeux, je m’approuve moi-même ;
Ni que du fol amour qui trouble ma raison
Ma lâche complaisance ait nourri le poison ;
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Les dieux m’en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc
Ont allumé le feu fatal à tout mon sang ;
Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle
De séduire le cœur d’une faible mortelle.
Toi-même en ton esprit rappelle le passé :
C’est peu de t’avoir fui, cruel, je t’ai chassé ;
J’ai voulu te paraître odieuse, inhumaine ;
Pour mieux te résister, j’ai recherché ta haine.
De quoi m’ont profité mes inutiles soins ?
Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins ;
Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.
J’ai langui, j’ai séché dans les feux, dans les larmes :
Il suffit de tes yeux pour t’en persuader,
Si tes yeux un moment pouvaient me regarder…
Que dis-je ? Cet aveu que je te viens de faire,
Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?
Tremblante pour un fils que je n’osais trahir,
Je te venais prier de ne le point haïr :
Faibles projets d’un cœur trop plein de ce qu’il aime !
Hélas ! je ne t’ai pu parler que de toi-même !
Venge-toi, punis-moi d’un odieux amour :
Digne fils du héros qui t’a donné le jour,
Délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite.
La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte !
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t’échapper ;
Voilà mon cœur : c’est là que ta main doit frapper.
Impatient déjà d’expier son offense,
Au-devant de ton bras je le sens qui s’avance.
Frappe : ou si tu le crois indigne de tes coups,
Si ta haine m’envie un supplice si doux,
Ou si d’un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras prête-moi ton épée ;
Donne.

Lien vers le texte intégral de la pièce et la chronique sur Libre Théâtre

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84387246/f74.item
Sarah Bernhardt dans le rôle de Phèdre. Source : BnF/Gallica

Tirade de Chrysale dans les Femmes savantes, acte II, Scène 7

CHRYSALE à Bélise.
C’est à vous que je parle, ma soeur.
Le moindre solécisme en parlant vous irrite ;
Mais vous en faites, vous, d’étranges en conduite.
Vos livres éternels ne me contentent pas ;
Et, hors un gros Plutarque à mettre mes rabats,
Vous devriez brûler tout ce meuble inutile,
Et laisser la science aux docteurs de la ville ;
M’ôter, pour faire bien, du grenier de céans,
Cette longue lunette à faire peur aux gens,
Et cent brimborions dont l’aspect importune
Ne point aller chercher ce qu’on fait dans la lune,
Et vous mêler un peu de ce qu’on fait chez vous,
Où nous voyons aller tout sens dessus dessous.
Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,
Qu’une femme étudie et sache tant de choses.
Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants,
Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens,
5 Et régler la dépense avec économie,
Doit être son étude et sa philosophie.
Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés,
Qui disaient qu’une femme en sait toujours assez
Quand la capacité de son esprit se hausse
10 À connaître un pourpoint d’avec un haut de chausse.
Les leurs ne lisaient point, mais elles vivaient bien ;
Leurs ménages étaient tout leur docte entretien,
Et leurs livres un dé, du fil et des aiguilles,
Dont elles travaillaient au trousseau de leurs filles.
15 Les femmes d’à présent sont bien loin de ces mœurs :
Elles veulent écrire, et devenir auteurs.
Nulle science n’est pour elles trop profonde,
Et céans beaucoup plus qu’en aucun lieu du monde :
Les secrets les plus hauts s’y laissent concevoir,
20 Et l’on sait tout chez moi, hors ce qu’il faut savoir ;
On y sait comme vont lune, étoile polaire,
Vénus, Saturne et Mars, dont je n’ai point affaire ;
Et, dans ce vain savoir, qu’on va chercher si loin,
On ne sait comme va mon pot, dont j’ai besoin.
25 Mes gens à la science aspirent pour vous plaire,
Et tous ne font rien moins que ce qu’ils ont à faire ;
Raisonner est l’emploi de toute ma maison,
Et le raisonnement en bannit la raison…!
L’un me brûle mon rôt, en lisant quelque histoire ;
L’autre rêve à des vers, quand je demande à boire :
Enfin, je vois par eux votre exemple suivi,
Et j’ai des serviteurs, et ne suis point servi.
Une pauvre servante au moins m’était restée,
Qui de ce mauvais air n’était point infectée ;
Et voilà qu’on la chasse avec un grand fracas,
À cause qu’elle manque à parler Vaugelas.
Je vous le dis, ma soeur, tout ce train-là me blesse ;
Car c’est, comme j’ai dit, à vous que je m’adresse.
Je n’aime point céans tous vos gens à latin,
Et principalement ce Monsieur Trissotin :
C’est lui qui, dans des vers, vous a tympanisées ;
Tous les propos qu’il tient sont des billevesées.
On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé ;
Et je lui crois, pour moi, le timbre un peu fêlé.

 

Lien vers le texte intégral des Femmes savantes et la chronique concernant l’œuvre sur Libre Théâtre

Georges Grand dans « Les femmes savantes », de Molière / dessin de Yves Marevéry

Tirade des « conquêtes amoureuses » de Dom Juan dans la pièce de Molière (Acte I, scène 2)

Dom Juan
Quoi ? Tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d’un faux honneur d’être fidèle, de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non : la constance n’est bonne que pour des ridicules ; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage d’être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu’elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J’ai beau être engagé, l’amour que j’ai pour une belle n’engage point mon âme à faire injustice aux autres ; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu’il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d’aimable ; et dès qu’un beau visage me le demande, si j’en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l’amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d’une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu’on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l’innocente pudeur d’une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu’elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu’on en est maître une fois, il n’y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d’un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d’une conquête à faire. Enfin il n’est rien de si doux que de triompher de la résistance d’une belle personne, et j’ai sur ce sujet l’ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n’est rien qui puisse arrêter l’impétuosité de mes désirs : je me sens un cœur à aimer toute la terre ; et comme Alexandre, je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

Monologue d’Arnolphe dans L’Ecole des Femmes de Molière (Acte 4, Scène 1)

Arnolphe.
J’ai peine, je l’avoue, à demeurer en place,
Et de mille soucis mon esprit s’embarrasse,
Pour pouvoir mettre un ordre et dedans et dehors
Qui du godelureau rompe tous les efforts.
De quel œil la traîtresse a soutenu ma vue !
De tout ce qu’elle a fait elle n’est point émue ;
Et bien qu’elle me mette à deux doigts du trépas,
On dirait, à la voir, qu’elle n’y touche pas.
Plus en la regardant je la voyais tranquille,
Plus je sentais en moi s’échauffer une bile ;
Et ces bouillants transports dont s’enflammait mon cœur
Y semblaient redoubler mon amoureuse ardeur ;
J’étais aigri, fâché, désespéré contre elle :
Et cependant jamais je ne la vis si belle,
Jamais ses yeux aux miens n’ont paru si perçants,
Jamais je n’eus pour eux des désirs si pressants ;
Et je sens là dedans qu’il faudra que je crève
Si de mon triste sort la disgrâce s’achève.
Quoi ? J’aurai dirigé son éducation
Avec tant de tendresse et de précaution,
Je l’aurai fait passer chez moi dès son enfance,
Et j’en aurai chéri la plus tendre espérance,
Mon cœur aura bâti sur ses attraits naissants
Et cru la mitonner pour moi durant treize ans,
Afin qu’un jeune fou dont elle s’amourache
Me la vienne enlever jusque sur la moustache,
Lorsqu’elle est avec moi mariée à demi !
Non, parbleu ! Non, parbleu ! Petit sot, mon ami,
Vous aurez beau tourner : ou j’y perdrai mes peines,
Ou je rendrai, ma foi, vos espérances vaines,
Et de moi tout à fait vous ne vous rirez point.

Lien vers le texte intégral de l’École des femmes

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9060387x
[L’école des femmes. Mise en scène de Marcel Maréchal. Maison des arts de Créteil. 1989 : photographies / Daniel Cande]. Source : BnF/ Gallica

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