Maeterlinck Maurice

Chroniques consacrées à Maurice Maeterlinck : biographie, œuvres théâtrales, thèmes abordés…

Le Théâtre de Maurice Maeterlinck 

Biographie

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53101289x
Maurice Maeterlinck. Agence Rol. 1923. Source : BnF/Gallica

Né à Gand en 1862, Maurice Maeterlinck est l’aîné d’une famille de trois enfants, flamande, conservatrice et francophone. Après des études au collège Sainte-Barbe de Gand, il suit des études en droit avant de pratiquer le métier d’avocat peu de temps. Maeterlinck publie, dès 1885, des poèmes d’inspiration parnassienne dans La Jeune Belgique. Il part pour Paris où il rencontre plusieurs écrivains qui vont l’influencer, dont Stéphane Mallarmé et Villiers de l’Isle-Adam. Ce dernier lui fait découvrir les richesses de l’idéalisme allemand (Hegel, Schopenhauer). À la même époque, Maeterlinck découvre Ruysbroeck l’Admirable, un mystique flamand du XIVeme siècle dont il traduit les écrits (Ornement des noces spirituelles). Il se consacre à Novalis et s’intéresse au romantisme d’Iéna (1787-1831), précurseur en droite ligne du symbolisme. Les œuvres que publie Maeterlinck entre 1889 et 1896 sont imprégnées de cette influence germanique.

En 1889, le génie de Maeterlinck se révèle. Coup sur coup, en effet, paraissent les poèmes des Serres chaudes – un univers immobile et suffocant qui reflète les impuissances de l’âme, et qui devient une référence pour les surréalistes – et une pièce La princesse Maleine  célébrée par Octave Mirbeau, qui compare l’auteur à Shakespeare. Maeterlinck rompt avec le conformisme théâtral de l’époque, en construisant un univers à la fois sourd et violent, peuplé de personnages fantomatiques à la langue elliptique. Trois autres drames brefs, dont L’Intruse (1890), poussent plus loin encore le dépouillement de la dramaturgie.

Plus ample, Pelléas et Mélisande (1892), qui sera mis en musique par Fauré, Debussy et Schoenberg, constitue la synthèse du premier théâtre de Maeterlinck, théâtre du destin où l’action ne se noue qu’à travers des gestes symboliques et des monologues sans référent. De ce resserrement témoignent les drames pour marionnettes Alladine et Palomides, Intérieur et La mort de Tintagiles (1894).

En 1895, il rencontre la cantatrice Georgette Leblanc, sœur de Maurice Leblanc, avec laquelle il tient, vers 1897, un salon parisien fort couru dans la villa Dupont : on y croise, entre autres, Oscar Wilde, Paul Fort, Stéphane Mallarmé, Camille Saint-Saëns, Anatole France, Auguste Rodin.

En 1897, après avoir publié ses Douze Chansons (qui seront Quinze en 1900), l’auteur s’installe en France, où il occupera l’ancienne abbaye de Saint-Wandrille puis le domaine d’Orlamonde, qu’il fait construire à Nice. 

Parallèlement, Maeterlinck s’est orienté en direction de l’essai. Le méta-physicien du Trésor des humbles (1896) et de La sagesse et la destinée (1898) s’efforce de naviguer entre l’inquiétude et le quotidien. Mais c’est surtout sa réflexion sur la construction sociale du monde naturel qui vaut à l’auteur sa réputation de philosophe spiritualiste : il célèbre l’unicité de l’univers dans La vie des abeilles (1901), que complèteront plus tard La vie des termites (1926) et La vie des fourmis (1930).

En 1902, il écrit Monna Vanna, où joue Georgette Leblanc. Il vit avec elle jusqu’en 1918, avant d’épouser en 1919, l’actrice Renée Dahon, rencontrée en 1911. 

En 1908, Constantin Stanislavski crée sa pièce L’Oiseau bleu, une féerie philosophique,  au Théâtre d’art de Moscou. Elle sera jouée ensuite avec succès dans le monde entier.

Maeterlinck obtient le prix Nobel de littérature en 1911. Il est anobli et fait comte par le roi Albert Ier en 1932. En 1935, lors d’un séjour au Portugal, il préface les discours politiques du président Salazar : Une révolution dans la paix.

En 1939, il gagne les États-Unis où il y reste pendant la Seconde Guerre mondiale. De retour à Nice en 1947, il publie un an plus tard Bulles bleues où il évoque les souvenirs de son enfance. Maeterlinck meurt le 5 mai 1949 à Nice.

Les œuvres de Maurice Maeterlinck sont entrées dans le domaine public le 1er janvier 2020

L’œuvre théâtrale de Maurice Maeterlinck

En 1889, La Princesse Maleine drame en cinq actes, « cauchemar dialogué », paraît en trente exemplaires brochés, financé par sa mère. La seconde édition, cent cinquante exemplaires, est mise en vente en mai 1890. Une troisième édition est produite chez Lacomblez en septembre. En août 1890, Octave Mirbeau consacre un article à la une du Figaro  à l’occasion de la parution de la Princesse Maleine : 

Je ne sais rien de M. Maurice Maeterlinck. Je sais d’où il est et comment il est. S’il est vieux ou jeune, riche ou pauvre, je ne le sais. Je sais seulement qu’aucun homme n’est plus inconnu que lui et je sais aussi qu’il a fait un chef d’œuvre, non pas un chef-d’œuvre étiqueté chef-d’œuvre à l’avance, comme en publient tous les jours nos jeunes maîtres, chantés sur tous les tons de la glapissante lyre ou plutôt de la glapissante flûte contemporaine ; mais un admirable et pur et éternel chef-d’œuvre, un chef-d’œuvre qui suffit à immortaliser un nom et à faire bénir ce nom par tous les affamés du beau et du grand, un chef-d’œuvre comme les artistes honnêtes et tourmentés, parfois, aux heures d’enthousiasme, ont rêvé d’en écrire un, et comme ils n’en ont écrit aucun jusqu’ici. Enfin, M. Maurice Maeterlinck nous a donné l’œuvre la plus géniale de ce temps, et la plus extraordinaire et la plus naïve aussi, comparable et oserai-je le dire supérieure en beauté à ce qu’il y a de plus beau dans Shakespeare. Cette œuvre s’appelle la Princesse Maleine. Existe-t-il dans le monde vingt personnes qui la connaissent ? J’en doute.

La Wallonie publie, en janvier 1890, un petit drame en un acte L’Approche qui sera ensuite publiée sous le titre L’Intruse inspirée du poème de Rossetti Sister Helen. Dédiée à Edmond Picard, elle sera jouée l’année suivante. Maurice Maeterlinck publie aussi chez Lacomblez Les Aveugles une pièce dédiée à Van Lerberghe. 

En juin 1892, Maurice Maeterlinck, âgé de trente ans, publie Pelléas et
Mélisande  chez Paul Lacomblez à Bruxelles. Maeterlinck définit son projet dans ses Carnets intimes.

Exprimer surtout cette sensation d’emprisonnés, d’étouffés, de haletants en sueur qui veulent se séparer, s’en aller, s’écarter, fuir, ouvrir, et qui ne peuvent pas bouger. Et l’angoisse de cette destinée contre laquelle ils se heurtent la tête comme contre un mur et qui les serre de plus en plus étroitement l’un contre l’autre. 

La pièce est créée le 17 mai 1893 au Théâtre d’Art sur la scène des Bouffes-Parisiens par la compagnie du Théâtre de l’Œuvre dirigée par Aurélien Lugné-Poe. L’audience est prestigieuse: Tristan Bernard, Léon Blum, Paul Hervieu, Georges Clémenceau,Romain Coolus, le peintre américain Whistler, Claude Debussy… 
De nombreux articles témoignent des fortes émotions ressenties par le public face à cette pièce

En 1894, il écrit trois drames pour marionnettes Alladines et Palomides, Intérieur  et La Mort de Tintagiles

En 1896, entre Gand et une maison de campagne en Vendée prêtée par des amis pour les vacances, Maurice Maeterlinck écrit Aglavaine et Sélysette, drame en cinq actes. Pour la première fois l’héroïne est consciente, elle s’oppose à la fatalité à travers sa volonté de bonheur, d’espérance. Aglavaine est « la femme élue que le sort nous réserve à tous. » C’est Georgette Leblanc qui l’inspire :  « tu es si belle, (écrivait Maurice à Georgette) qu’un être comme toi ne peut entrer dans un drame sans le transformer en poème de bonheur et d’amour… » La pièce est représentée pour la première fois au Théâtre de l’Odéon le 14 décembre 1896. 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85275779
Ariane et Barbe-Bleue, comédie lyrique de Maurice Maeterlinck. 1907. Source : BnF/Gallica

Maeterlinck écrit également  Ariane et Barbe-Bleue (1901) pour Georgette Leblanc. La forte personnalité d’Ariane s’oppose à la passivité des cinq précédentes épouses auxquelles elle tente d’apporter la liberté.  Paul Dukas met en musique le conte musical en 1907.

Ecrit en 1908, L’Oiseau Bleu est un drame en six actes. Il représente le périple de Tyltyl et de sa sœur Mytyl, deux enfants partis en quête de l’Oiseau Bleu à la demande de la fée Bérylune. Sa fable comme ses figures relèvent d’une écriture fantastique empruntant ses motifs aux contes traditionnels. Sa mise en scène, l’année de son écriture, par Constantin Stanislavski au Théâtre d’Art de Moscou demeura célèbre.

 

Liste des pièces et lien vers le texte intégral

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531297449
Roger Karl et Georgette Leblanc dans « Marie-Magdeleine » de Maurice Maeterlinck / dessin de Yves Marevéry. 1913. Source : BnF/Gallica

La Princesse Maleine (1889), drame en cinq actes sur archive.org
L’Intruse -première version intitulée L’Approche (1890) sur archive.org
Les Aveugles (1890) sur archive.org
Les Sept Princesses (1891) sur archive.org
Pelléas et Mélisande (1892) drame lyrique en cinq actes sur Libre Théâtre
Alladine et Palomides (1894), trois actes (Trois petits drames pour marionnettes) lien sur archive.org
Intérieur (1894), un acte (Trois petits drames pour marionnettes), lien sur archive.org
La Mort de Tintagiles (1894) quatre actes (Trois petits drames pour marionnettes), lien sur archive.org
Aglavaine et Sélysette (1896), drame en cinq actes sur archive.org
Monna Vana, pièce en trois actes (1902) sur archive.org
Ariane et Barbe-Bleue (1896) conte en trois actes lien vers le texte intégral
Sœur Béatrice (1901)
Joyzelle (1903) pièce en cinq actes sur archive.org
Marie-Magdeleine sur archive.org
Marie-Victoire (1907), pièce en quatre actes 
L’Oiseau bleu (1909) sur archive.org
Le Miracle de Saint-Antoine (1920), farce en deux actes sur archive.org
Les Fiançailles (1918) lien sur archive.org
Le Bourgmestre de Stilmonde, suivi de Le Sel de la vie (1920) sur archive.org
La Princesse Isabelle (1920) texte intégral

Pour aller plus loin

Emission de la RTBF à l’occasion des 70 de la disparition de Maurice Maeterlink
La Mort de Tintagiles et Pelléas et Mélisande sur France Culture
Intérieur sur France Culture


 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k442369q
Les Hommes du jour / dessins de A. Delannoy ; texte de Flax 07 août 1010. Source : BNF/Gallica

 

 

 

 

 

 

Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53117195j
Gravure de Jean Donnay. Source Gallica

Pièce de théâtre symboliste en cinq actes publiée en 1892 et créée le 17 mai 1893 au Théâtre des Bouffes-Parisiens.
Distribution : 3 hommes, 3 femmes, 1 enfant (rôles principaux) – une dizaine de rôles secondaires (médecin, servantes…)
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Le prince Golaud se perd dans une forêt et rencontre Mélisande en pleurs au bord d’une fontaine. Sa couronne est tombée mais elle ne veut pas la reprendre. Golaud la console et la convainc de partir avec elle. Il l’épouse et revient six mois après dans le royaume d’Allemonde où règne Arkël, son grand-père et où vit Geneviève, sa mère. Mélisande rencontre Pelléas, le jeune demi-frère de Golaud. Ils tombent amoureux peu à peu l’un de l’autre, sans oser en parler. Amour pur, interdit et mortel face à la folle jalousie de Golaud.

L’intérêt de la pièce ne repose pas sur ce fragile argument, ni sur les motivations psychologiques des personnages. Maurice Maeterlinck bouleverse totalement les conventions théâtrales en mettant en scène de « pauvres marionnettes agitées par le destin » (expression d’Antonin Artaud). Pelléas, dans la scène 4 de l’acte IV,  résume ainsi l’impuissance de l’homme face à la destinée :

Voilà, voilà… Nous ne faisons pas ce que nous voulons… Je ne t’aimais pas la première fois que je t’ai vue…

Mélisande à l’agonie aura ces mots : 

Je ne comprends pas non plus tout ce que je dis, voyez-vous… Je ne sais pas ce que je dis… Je ne sais pas ce que je sais… Je ne dis plus ce que je veux…

Les décors sont autant de symboles : la forêt, la grotte souterraine, la fontaine ou la  mer. Quelques motifs reviennent régulièrement :  l’eau, la chevelure, l’anneau…. Les allégories  et les analogies se croisent et tissent de multiples correspondances.

 

La création de la pièce

Maurice Maeterlinck a publié en 1889 un recueil de poèmes intitulé les Serres Chaudes. En août 1890, Octave Mirbeau consacre un article à la une du Figaro  à l’occasion de la parution de la Princesse Maleine

Je ne sais rien de M. Maurice Maeterlinck. Je sais d’où il est et comment il est. S’il est vieux ou jeune, riche ou pauvre, je ne le sais. Je sais seulement qu’aucun homme n’est plus inconnu que lui et je sais aussi qu’il a fait un chef d’œuvre, non pas un chef-d’œuvre étiqueté chef-d’œuvre à l’avance, comme en publient tous les jours nos jeunes maîtres, chantés sur tous les tons de la glapissante lyre ou plutôt de la glapissante flûte contemporaine ; mais un admirable et pur et éternel chef-d’œuvre, un chef-d’œuvre qui suffit à immortaliser un nom et à faire bénir ce nom par tous les affamés du beau et du grand, un chef-d’œuvre comme les artistes honnêtes et tourmentés, parfois, aux heures d’enthousiasme, ont rêvé d’en écrire un, et comme ils n’en ont écrit aucun jusqu’ici. Enfin, M. Maurice Maeterlinck nous a donné l’œuvre la plus géniale de ce temps, et la plus extraordinaire et la plus naïve aussi, comparable et oserai-je le dire supérieure en beauté à ce qu’il y a de plus beau dans Shakespeare. Cette œuvre s’appelle la Princesse Maleine. Existe-t-il dans le monde vingt personnes qui la connaissent ? J’en doute.

En juin 1892, Maurice Maeterlinck, âgé de trente ans, publie Pelléas et
Mélisande  chez Paul Lacomblez à Bruxelles. Maeterlinck définit son projet dans ses Carnets intimes.

Exprimer surtout cette sensation d’emprisonnés, d’étouffés, de haletants en sueur qui veulent se séparer, s’en aller, s’écarter, fuir, ouvrir, et qui ne peuvent pas bouger. Et l’angoisse de cette destinée contre laquelle ils se heurtent la tête comme contre un mur et qui les serre de plus en plus étroitement l’un contre l’autre. 

La pièce est créée le 17 mai 1893 au Théâtre d’Art sur la scène des Bouffes-Parisiens par la compagnie du Théâtre de l’Œuvre dirigée par Aurélien Lugné-Poe. L’audience est prestigieuse: Tristan Bernard, Léon Blum, Paul Hervieu, Georges Clémenceau,Romain Coolus, le peintre américain Whistler, Claude Debussy… 
De nombreux articles témoignent des fortes émotions ressenties par le public face à cette pièce 

Octave Mirbeau décrit ainsi son émotion (publié dans Les Ecrivains)

J’ai pu assister à une répétition de Pelléas et Mélisande et, après trois jours, j’en garde une impression bouleversante… comme d’une hantise j’en garde aussi une lumière, très vive et très douce, et qui, loin de se dissiper, entre en moi, à chaque minute, davantage, me baigne, me pénètre… Maurice Maeterlinck permettra t-il à mon amitié, jalouse de son bonheur autant que de sa gloire, de le défendre contre lui-même, et contre ces lettres publiées récemment, et de lui dire, avec cette tranquillité facilement prophétique que donne la certitude éblouissante de la beauté réalisée… que Pelléas et Mélisande sera un grand et juste triomphe… Je ne me souviens pas d’avoir entendu quelque chose de plus absolument exquis, de plus absolument poignant aussi… N’était le scrupule où je suis de ne point déflorer une œuvre qui ne m’appartient pas encore, puisqu’elle n’a point été livrée au public, avec quelle joie je voudrais exprimer tout ce que j’ai ressenti de sensations neuves et profondes, et infiniment pures, et vraiment humaines, en écoutant chanter ces pauvres petites âmes, douloureuses et charmantes, et qui, dans leur balbutiement, contiennent tout le charme du rêve et toute la douleur de la vie !… Il y avait, ce soir-là, dans la salle, une trentaine de personnes, toutes différentes de sensibilité et d’idées… quelques-unes, même, facilement portées à l’ironie, et qui considèrent volontiers l’émotion comme une tare, ou comme une faiblesse… Eh bien ! toutes étaient sous le même charme angoissant ; toutes avaient au cœur la même émotion, et, durant les trois derniers tableaux, toutes pleuraient les mêmes larmes… Par conséquent, je ne me trompais pas d’être ému à ce point… Mon admiration et mon émotion n’étaient point les dupes de mon amitié… Cela était ainsi. Et votre héroïsme, mon cher Maeterlinck, qui va jusqu’à la haine de votre œuvre, qui souhaite si ardemment, avec une telle ferveur d’injustice, la chute de cette œuvre admirable, ne pourra pas tenir plus longtemps contre cette évidence, et contre ces larmes des plus chers de vos amis, qui n’ont point l’habitude, croyez-moi, de pleurer à de petites niaiseries et à des pauvretés sentimentales, comme on en entend sur tant de théâtres !… Et, rien ne pourra faire, non plus, que le nom de M. Debussy, en qui vous avez trouvé le seul interprète de votre génie, plus qu’un interprète, une âme créatrice fraternellement pareille à la vôtre, ne rayonne à côté de votre nom, comme le nom d’un maître glorieux !… En sortant de cette répétition, ébloui, si fier d’être votre ami, et que vous m’ayez fait l’honneur de me dédier cette œuvre, je me disais : « Comme c’est triste que Maurice Maeterlinck soit obligé de renier publiquement son génie si pacifiquement pur, si harmonieusement beau ! » Et j’étais tenté de m’écrier, comme un des personnages de votre poème, et en vous aimant davantage : « Si j’étais Dieu, j’aurais pitié du pauvre cœur des hommes ! »

Extrait de l’article de Robert Charvay, paru dans l’ Echo de Paris le 17 ami 1893

J’ai assisté hier à la première répétition générale de Pelléas et Mélisande et j’en sors ému, troublé, pris aux entrailles par une des plus intenses sensations d’art dramatique qu’il m’ait été donné d’éprouver. (…)

Les décors sont d’une simplicité grise et voulue; ils encadrent les acteurs d’une teinte neutre et vaporeuse. Ce sont de lourds feuillages, aux grandes lignes ornementales, des salles de palais sans architecture précise. On dirait que l’habile artiste Paul Vogler, en les peignant, s’est inspiré des admirables camaïeux indécis et symboliques de Puvis de Chavannes. Pas d’accessoires, pas de meubles, et surtout point de prétendue exactitude dans la reproduction scénique des choses inanimées. La rampe est supprimée; les hommes et les femmes en scène sont éclairés d’en haut comme par des rayons de lune; l’ensemble demeure dans l’ombre et le regard flotte, indistinct, sur des entités de rêve. Les costumes s’harmonisent avec le reste: des étoffes passées, comme lavées, sans effets criards, sans taches crues.

Voir aussi l’article du Figaro du 18 mai 1893 et l’article paru en une du Figaro du 31 août 1910.

Images de quelques mises en scène

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8438721z/f7.item
Sarah Bernhardt dans Pelléas et Mélisande, (rôle de Pelléas) Londres 1904. Source : Gallica

 

Compagnie La Mandarine Blanche
Compagnie la Mandarine Blanche Mise en scène Alain Batis (2015)

 

 

 

 

 

 

 

 


Podcast original de France Culture

Version radiophonique de la pièce de Maurice Maeterlinck, proposée par Denis Podalydès de la Comédie Française et Louis Langrée.  Musique de scène de Gabriel Fauré. Premier enregistrement mondial avec l’Orchestre national de France. Chef d’orchestre : Louis Langrée  Conseillère Littéraire : Pauline Thimonnier.  Réalisation : Laure Egoroff.
Lien vers le site de France Culture


Pour aller plus loin : 
Pour situer cette œuvre dans le théâtre du XIXème siècle, voir la notice sur Libre Théâtre 
Pelléas et Mélisande, Groupe de recherche interuniversitaire “Littérature et nation”, avec le concours du Conseil Scientifique de l’Université de Tours, Juin 1990.  Lien vers le document
Dossier pédagogique élaboré par Louise Flipo sur le site Espace Nord
Le Trésor des Humbles, essai de Maurice Maeterlinck (1896) où il développe sa pensée (voir et savoir, « avertis » et « divertis », lumière/jeunesse et obscurité/vieilles…) sur archive.org

De nombreux compositeurs furent inspirés par le texte de Maerterlinck dont Claude Debussy, qui créera une œuvre unique dans l’histoire de l’opéra. Pour en savoir plus sur l’opéra de Debussy sur opera-online , sur resmusica.com

 

Pelléas et Mélisande est à l’affiche du Festival d’Avignon 2019, dans une mise en scène de Julie Duclos.
Lien vers l’entretien de Julie Duclos sur le site du Festival qui souligne la force poétique du texte de Maeterlinck.

 

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