Beaumarchais Pierre de

Chroniques consacrées à Beaumarchais : biographie, œuvres théâtrales, thèmes abordés…

Le théâtre de Beaumarchais

Jean-Marc_Nattier,_Portrait_de_Pierre-Augustin_Caron_de_Beaumarchais_(1755)Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799) est aussi célèbre pour sa vie mouvementée que pour ses pièces de théâtre. C’est très jeune, en tant qu’horloger, qu’il pénètre à la Cour.

A partir de 1760, Beaumarchais poursuit en parallèle une carrière d’homme d’affaires et d’homme de lettres. Ses deux premières pièces, sont des drames : Eugénie ou la Vertu du désespoir en 1767 et Les Deux Amis ou le Négociant de Lyon en 1770. Elles sont toutes deux des échecs.

A la suite d’un duel, Beaumarchais est incarcéré, puis, en 1773, il perd son procès contre le Comte de La Blache.  En 1774, le roi fait de lui un agent secret, en Angleterre et en Autriche.

La troisième pièce de Beaumarchais, Le Barbier de Séville, rencontre un vif succès en 1775, après toutefois des débuts difficiles qui obligent Beaumarchais à réécrire le texte : la comédie passe de 5 à 4 actes.  Il obtient du roi des subsides pour soutenir les Américains révoltés contre l’Angleterre, et est réhabilité par le Parlement.

Le 3 juillet 1777, lors d’un repas auquel il convie une trentaine d’auteurs, Beaumarchais propose la fondation de la première société des auteurs dramatiques. Après le succès du Barbier de Séville, Beaumarchais souhaite défendre le droit des auteurs face au monopole des Comédiens français et redéfinir les conditions de rétribution des auteurs. Le combat qu’il mène aboutit à la reconnaissance légale du droit d’auteur par l’Assemblée Constituante le 13 janvier 1791.

Créé en 1784 à la Comédie-Française, malgré l’opposition du roi, Le mariage de Figaro est un triomphe, et sera joué plus de cent fois de suite dès sa création.

Inquiété sous la Révolution Française, quoique membre du comité de salut public, il doit émigrer, et ne rentre qu’en 1796, trois ans avant sa mort.

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Les pièces de Beaumarchais à télécharger gratuitement :

Eugénie, drame en 5 actes en prose avec un essai sur le drame sérieux. Première représentation : texte intégral sur wikisource

L’Autre Tartuffe ou la mère coupable, drame moral en 5 actes, première représentation le texte intégral sur wikisource

Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile, comédie en 4 actes, première représentation à la Comédie-Française le 23 février 1775, texte intégral sur wikisource

La Folle journée ou le Mariage de Figaro – texte intégral et chronique sur Libre Théâtre

Les Deux Amis ou le Négociant de Lyon – texte intégral et chronique sur Libre Théâtre

Pour en savoir plus :

La trilogie de Figaro, de Beaumarchais, Ca peut pas faire de mal, 18 mai 2013 sur le site de France Inter.

Beaumarchais, l’imprévu, avec Christian Wasselin (France Culture), série de 5 émissions à la une de Libre Théâtre

Le Mariage de Figaro de Beaumarchais

Comédie en cinq actes et en prose de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, représentée pour la première fois par les Comédiens Français ordinaires du Roi le mardi 27 avril 1784.
Distribution : 11 hommes, 4 femmes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

La présentation de la pièce par Beaumarchais

Répondant à ses censeurs qui ont interdit la pièce pendant 5 ans, Beaumarchais la présente ainsi:

figaro2La plus badine des intrigues. Un grand seigneur espagnol, amoureux d’une jeune fille qu’il veut séduire, et les efforts que cette fiancée, celui qu’elle doit épouser, et la femme du seigneur, réunissent pour faire échouer dans son dessein un maître absolu, que son rang, sa fortune et sa prodigalité rendent tout-puissant pour l’accomplir. Voilà tout, rien de plus. La pièce est sous vos yeux.

La définition du théâtre selon Beaumarchais

figaro1…j’entreprends de frayer un nouveau sentier à cet art, dont la loi première, et peut-être la seule, est d’amuser en instruisant.
On ne peut corriger les hommes qu’en les faisant voir tels qu’ils sont. La comédie utile et véridique n’est point un éloge menteur, un vain discours d’académie.

Qu’est-ce que la décence théâtrale ?

Figaro4À force de nous montrer délicats, fins connaisseurs, et d’affecter, comme j’ai dit autre part, l’hypocrisie de la décence auprès du relâchement des mœurs, nous devenons des êtres nuls, incapables de s’amuser et de juger de ce qui leur convient : faut il le dire enfin ? des bégueules rassasiées qui ne savent plus ce qu’elles veulent, ni ce qu’elles doivent aimer ou rejeter. Déjà ces mots si rebattus, bon ton, bonne compagnie, toujours ajustés au niveau de chaque insipide coterie, et dont la latitude est si grande qu’on ne sait où ils commencent et finissent, ont détruit la franche et vraie gaieté qui distinguait de tout autre le comique de notre nation.

Le « style » dans les comédies

figaro5Un monsieur de beaucoup d’esprit, mais qui l’économise un peu trop, me disait un soir au spectacle : Expliquez-moi donc, je vous prie, pourquoi dans votre pièce on trouve autant de phrases négligées qui ne sont pas de votre style ? — De mon style, monsieur ! Si par malheur j’en avais un, je m’efforcerais de l’oublier quand je fais une comédie ; ne connaissant rien d’insipide au théâtre comme ces fades camaïeux où tout est bleu, où tout est rose, où tout est l’auteur, quel qu’il soit.

Le plaidoyer féministe de Marceline

Figaro9Dans les rangs même plus élevés, les femmes n’obtiennent de vous qu’une considération dérisoire. Leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes : ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié.
…Ne regarde pas d’où tu viens, vois où tu vas ; cela seul importe à chacun…
Sois gai, libre et bon pour tout le monde, il ne manquera rien à ta mère.

Liberté et obéissance

figaro6En raisonnant sur l’usage que l’homme fait de sa liberté dans les occasions difficiles, Figaro pouvait également opposer à sa situation tout état qui exige une obéissance implicite : et le cénobite zélé dont le devoir est de tout croire sans jamais rien examiner ; comme le guerrier valeureux, dont la gloire est de tout affronter sur des ordres non motivés, de tuer et se faire tuer pour des intérêts qu’il ignore. Le mot de Figaro ne dit donc rien, sinon qu’un homme libre de ses actions doit agir sur d’autres principes que ceux dont le devoir est d’obéir aveuglément.

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Source des illustrations : gallica.bnf.fr. Bibliothèque nationale de France, département Arts du spectacle

Dossiers pédagogiques

Pièce (dé)montée, Les dossiers pédagogiques « Théâtre » et « Arts du cirque » du réseau Canopé N° 205 – Mars 2015, mise en scène de Rémy Barché (Comédie de Reims). Lien vers le site

Lien vers la page consacrée au Mariage de Figaro sur le  site de Gallica, Les essentiels Littérature

Les Deux Amis ou le Négociant de Lyon

Drame en 5 actes et en prose de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais représentée pour la première fois à la Comédie-Française le 13 janvier 1770.
Distribution : 5 hommes, 1 femme
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

Lesdeuxamis_1Le contexte

A partir de 1760, Beaumarchais poursuit en parallèle une carrière d’homme d’affaires et d’homme de lettres. Ses deux premières pièces, sont des drames : Eugénie ou la Vertu du désespoir en 1767 et Les Deux Amis ou le Négociant de Lyon en 1770. Elles sont toutes deux des échecs.  La troisième pièce de Beaumarchais, Le Barbier de Séville, rencontre un vif succès en 1775, après toutefois des débuts difficiles qui obligent Beaumarchais à réécrire le texte : la comédie passe de 5 à 4 actes.

L’argument des Deux Amis

Lesdeuxamis_2Mélac, receveur général des fermes à Lyon, apprend que son ami Aurelly, riche négociant, risque la banqueroute dès le lendemain. Aurelly doit d’importantes sommes d’argent à divers créanciers. Les fonds qui devaient servir au remboursement sont momentanément bloqués à la suite du décès inopiné de l’ami parisien qui les gérait. Mélac décide, à l’insu d’Aurelly, d’utiliser les sommes collectées en tant que receveur général. Or, le fermier général Saint-Alban vient justement en inspection et découvre le détournement de Mélac, qui refuse de s’expliquer pour protéger Aurelly du déshonneur. Aurelly, apprenant la malversation, demande à Mélac de s’expliquer, en vain. Il va à son tour proposer à Saint-Alban de rembourser les sommes dues par Mélac (avec les fonds dont il ne dispose plus). A ce drame financier vient s’ajouter un drame romantique, puisque Mélac fils souhaite épouser Pauline, la nièce d’Aurelly (on apprendra par la suite qu’elle est en réalité sa fille), dont Saint-Alban est également amoureux.

Un des premiers « drames bourgeois »lesdeuxamis_3

C’est Diderot qui évoque pour la première fois le « drame bourgeois« , qu’il nomme « genre sérieux », dans les Entretiens sur le Fils naturel. La pièce Les Deux Amis illustre parfaitement les caractéristiques de ce nouveau genre, entre comédie et tragédie. L’action se situe à Lyon dans le salon d’une maison bourgeoise.  La pièce se veut moralisatrice et exalte les vertus de l’amitié, de la solidarité et de l’altruisme. Malgré le sujet traité, il est à noter que tous les personnages sont vertueux. Aurelly est un « homme vif, honnête, franc et naïf », Mélac Père « un philosophe sensible », Saint-Alban, un « homme du monde estimable ». La dimension pathétique est renforcée par l’amour qui sera peut-être contrarié entre la jeune Pauline et le fils Mélac.
Le spectateur doit être ému par les malheurs qui menacent les personnages principaux. Au rire, Beaumarchais préfère « l’attendrissement » qu’inspire la « vertu persécutée » : «Je sors du spectacle meilleur que je n’y suis entré, par cela seul que j’ai été attendri.» (le genre dramatique sérieux). Une autre caractéristique du drame bourgeois, évoqué dans l’avertissement au lecteur (voir plus bas), est le développement de la pantomime qui permet d’exprimer passions et sentiments au travers des gestes et des attitudes des acteurs.

Les didascalies et la pantomime

Beaumarchais a choisi de décrire très précisément le jeu attendu des acteurs : les didascalies sont particulièrement nombreuses (le retraitement du texte en xml a été laborieux…). Beaumarchais s’en explique dans l’avertissement au lecteur. Son attention vis-à-vis des comédiens, notamment amateurs, est intéressante à souligner :

« Pour faciliter les positions théâtrales aux acteurs de province ou de société qui joueront ce drame, on a fait imprimer, au commencement de chaque scène, le nom des personnages, dans l’ordre où les comédiens français se sont placés, de la droite à la gauche, au regard des spectateurs. Le seul mouvement du milieu des scènes reste abandonné à l’intelligence des acteurs. Cette attention de tout indiquer peut paraître minutieuse aux indifférents; mais elle est agréable à ceux qui se destinent au théâtre ou qui en font leur amusement surtout s’ils savent avec quel soin les comédiens français les plus consommés dans leur art se consultent, et varient leurs positions théâtrales aux répétitions, jusqu’à ce qu’ils aient rencontré les plus favorables, qui sont alors consacrées, pour eux et leurs successeurs, dans le manuscrit déposé à leur bibliothèque. C’est en faveur des mêmes personnes que l’on a partout indiqué la pantomime. Elles sauront gré à celui qui s’est donné quelques peines pour leur en épargner; et si le drame, par cette façon de l’écrire, perd un peu de sa chaleur à la lecture, il y gagnera beaucoup de vérité à la représentation. »

L’accueil du public

Grimm, dans sa correspondance avec Diderot, évoque sévèrement à deux reprises Les Deux Amis, (Correspondance littéraire, philosophique et critique de Grimm et de Diderot depuis 1753 jusqu’en 1790, tome 6, pages 340 et 348 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5721827z). Il mentionne que le jour de la première représentation, un des ennemis de Beaumarchais ajouta la mention suivante sur l’affiche, sous le titre Les deux Amis, « par un auteur qui n’en a aucun ». Il évoque également un épigramme anonyme :

« J’ai vu de Beaumarchais cette pièce ridicule
Et je vais, en un mot, vous dire ce que c’est
C’est un change où l’argent circule
Sans produire aucun intérêt ».

Si à Paris le public est mitigé, voire hostile, les villes commerçantes lui font un meilleur accueil. Dans une lettre du 17 octobre 1770, Beaumarchais se réjouit : « elle a été jouée à Lyon, à Marseille et à Rouen avec le plus grand succès ».

Le thème de l’argent

Dans cette pièce, comme dans le Faiseur de Balzac ou dans de nombreuses comédies de Molière, l’argent est un thème majeur. Ce n’est pas un hasard si cette thématique est au centre de nombreuses œuvres dramatiques. Ces auteurs, comme beaucoup d’autres, redoutent de ne pouvoir vivre de leur art.

Cette chronique est l’occasion de rendre hommage à Beaumarchais, à l’origine de la première société des auteurs dramatiques.

Beaumarchais et le droit d’auteur

Le 3 juillet 1777, lors d’un repas auquel il convie une trentaine d’auteurs, Beaumarchais propose la fondation de la première société des auteurs dramatiques. Après le succès du Barbier de Séville, Beaumarchais souhaite défendre le droit des auteurs face au monopole des Comédiens français et redéfinir les conditions de rétribution des auteurs,. Le combat qu’il mène aboutit à la reconnaissance légale du droit d’auteur par l’Assemblée Constituante le 13 janvier 1791. C’est la première loi édictée dans le monde pour protéger les auteurs et leurs droits. Le droit de représentation sera reconnu par les décrets de janvier 1791, le droit de reproduction en 1793. La loi Le Chapelier confère aux auteurs un monopole d’exploitation sur la reproduction et la représentation de leurs œuvres : les auteurs ont désormais le droit de vivre du fruit de leur travail.

Sources des illustrations
Théâtre complet de Beaumarchais. T. 1 / réimpression des éd. princeps, avec les variantes des ms originaux, publ. pour la première fois, par G. d’Heylli et F. de Marescot, 1869-1871, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k213564k

Oeuvres complètes de Beaumarchais . Nouvelle édition, augmentée de quatre pièces de théâtre et de documents divers inédits, avec une introduction par M. Édouard Fournier. Ornée de 20 portr. en pied coloriés, dessinés par M. Émile Bayard – 1876 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62317430

Oeuvres complètes de Beaumarchais. Nouvelle édition, augmentée de quatre pièces de théâtre et de documents divers inédits, avec une introduction par M. Édouard Fournier. Ornée de 20 portr. en pied coloriés, dessinés par M. Émile Bayard http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62317430

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