Rostand Edmond

Chroniques consacrées à Edmond Rostand : biographie, œuvres théâtrales, thèmes abordés…

Biographie d’Edmond Rostand

Article paru dans le numéro spécial de la revue La Rampe du 15 décembre 1918 consacré à la mort d’Edmond Rostand (Source : Gallica)

« Edmond Rostand le plus populaire de nos auteurs dramatiques, le plus illustre de nos poètes n’est plus. La grippe stupide l’a enlevé brusquement à l’affection et à la tendresse de sa femme, de ses enfants, de sa famille et de ses amis et admirateurs si nombreux. (…)

Depuis Victor Hugo, nous n’eûmes jamais un poète aussi superbement national. La critique et le peuple l’avaient placé, dès sa prime jeunesse, au tout premier rang, et ce ne fut que justice.

Edmond Rostand naquit à Marseille le 1er avril 1868, dans une pittoresque maison de la rue Montaux. Son père, membre de l’Institut, lui fit commencer ses éludes au lycée de sa ville natale où il les poursuivit jusqu’à la seconde ; puis il vint les achever à Paris, au Collège Stanislas. Ce fut un élève fort brillant en composition française et en version latine, mais à l’exemple de maints écrivains, il ne montra nulle aptitude aux mathématiques. Seules, les études littéraires le passionnaient, et, élève de rhétorique, il commit un acte en vers Les Petits extras ; son professeur, René Doumic, qu’il devait  rencontrer plus tard à l’Académie Française, ayant par hasard découvert le manuscrit, le confisqua et infligea un sévère pensum au jeune auteur. C’était une petite comédie dans la note des vieilles pièces de Picard, il y étudiait certaines moeurs de province. Nullement découragé, le potache porta son manuscrit, – il en avait un double, – à Marx, directeur du Théâtre Cluny. Celui-ci le présenta à Gaston Marot, l’auteur Des Grandes Manœuvres, avec lequel Rostand remania son acte qui, quelque temps après, fut représenté sous le titre de Le Gant Rouge. La critique se montra fort sévère  ; seul, un  journaliste du nom de René Dorlac fit preuve d’indulgence et voulut bien reconnaître de l’avenir au débutant. René Dorlac était le pseudouyme de René Doumnic, lequel connaissait, – et pour cause – le premier péché littéraire de son élève.

En 1890, à l’âge de vingt-deux ans, il publiait Les Musardises. Le succès fut considérable  : tout le monde comprit que l’auteur était un Poète, au vrai sens du mot. Un poète qui chante avec un art exquis et délicieux et prenant ses souffrances, ses douleurs, ses joies et son amour. Cette même année il épousait Mlle Rosemonde Gérard qui fut, elle aussi, un grand et noble poète et qui resta, en dépit des années et des luttes de la vie, la fidèle et tendre compagne de Rostand, clic ne cessa d’être, – ainsi que se plaisait à le répéter un de leurs amis les plus chers, Lucien Mufheld, – « l’associée ».

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Photo de presse de la création à la Comédie-Française, le 21-05-1894. Source : BnF/Gallica

À cette époque, Edmond Rostand voulut s’essayer au théâtre, il présenta donc à la Comédie-Française un petit acte en vers Les Deux Pierrots. Malheureusement, le jour de la lecture, le Comité apprit la mort de Théodore de Banville et se fit un scrupule de recevoir une oeuvre où chantaient et pleuraient tous ces pierrots, chers au poète des Odes funambulesques. La revanche ne tarda point à venir. Jules Claretie reçut quelques mois après Les Romanesques. Cette œuvre adorable fut créée à la Maison de Molière le 21 mai 1894, avec une distribution éclatante qui réunissait les noms de Reichemberg, Le Bargy, de Féraudy, Leloir et Laugier.
 


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Affiche de Mucha pour le Théâtre de La Renaissance avec Sarah Bernhardt. Source : BnF/Gallica

Le théâtre avait définitivement conquis Edmond Rostand, il s’y consacra tout entier, et nous vîmes ainsi coup sur coup, l’apparition radieuse et triomphante de La Princesse lointaine, pièce en quatre actes que Mme Sarah Bernhardt créait au théâtre de la Renaissance, le 5 août 1895. Deux ans après, la grande tragédienne, muse sublime du Poète, représentait, le mercredi Saint, 14 avril 1897, La Samaritaine, trois tableaux où l’auteur sut ajouter de la poésie à l’Evangile lui-même.

Le 28 décembre de cette même année eut lieu la première représentation de Cyrano de Bergerac que créèrent Coquelin Aîné, Volny, Desjardins, Jean Coquelin et Marie Legault. Tout a été dit sur cette oeuvre qui enthousiasma Francisque Sarcey, Jules Lemaître et Catulle Mendès. Ce dernier compara Rostand « à un Regnard ivre de Victor Hugo, de Henri Heine, d’Alexandre Dumas et de Banville ». On peut aisément avancer que Cyrano marqua au Théâtre une date immortelle, comme autrefois les premières du Cid, d’Andromaque et de Hernani.

 

 


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M. Rostand et son Aiglon. Dessin de A. Rouveyre. Source : BnF/Gallica

À Cyrano de Bergerac succédait L’Aiglon, autre chef d’œuvre que Mme Sarah Bernhardt créa en son théâtre, le 10 mars 1900. Flambeau, c’était Lucien Guitry, bientôt remplacé par Coquelin Aîné qui revenait d’une tournée en Amérique où il avait fait triompher, en compagnie de l’illustre tragédienne, les œuvres de leur Poète.

Edmond Rostand avait été décoré de la Légion d’Honneur le soir même de la première de Cyrano de Bergerac. Le 14 juillet 1900, il recevait la rosette d’officier.

 

 

 


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Edmond Rostand par Jean Reutlinger. Source : BnF/Gallica

L’année suivante, Rostand présenté par Jules Claretie et Paul Hervieu faisait son entrée à l’Académie où le recevait le marquis de Voguë. Son élection qui avait été sollicitée par toute l’Académie fut un moment compromise. Edmond Rostand, fidèle à ses opinions politiques, homme loyal et de grand coeur, avait clamé bien haut sa sympathie à Alfred Dreyfus, innocent, que l’opinion stupide condamnait. Incapable d’une lâcheté, le poète de la Samaritaine s’en fît un cas de conscience, et se refusa à la moindre trahison. On voulut lui opposer un inconnu quelconque, mais la majorité du Palais Mazarin, conduite par Jules Lemaître, qui, malgré certaines divergences de vue, comprit assez tôt la faute qu’allaient commettre ces éminents confrères, accueillait le 30 mai 1901, Edmond Rostand, qui prenait place au fauteuil d’Henri de Bornier, l’auteur de La Fille de Roland.

En 1910, il était nommé commandeur de la Légion d’Honneur.


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Edmond Rostand chez lui. Photographie parue dans L’Art du théâtre, septembre 1903. Source : Gallica/BnF

Mais la maladie frappa Rostand, et pendant plusieurs mois on craignit pour sa vie. Les docteurs l’obligèrent à quitter pour longtemps la capitale. Il se retira à Cambo, en son originale villa « Arnaga » où il se plut à recevoir, avec une amabilité exquise et toujours souriante, les fidèles intimes. Il revint à Paris pour diriger ses dernières dernières du Chantecler, éclatant de vie, de soleil et de joie, qui vit le jour à la Porte Saint-Martin le 7 février 1910. Ce fut sa dernière œuvre théâtrale représentée. Il continua cependant à travailler abondamment ; il laisse un nombre respectable de pièces qui, nous l’espérons, seront prochainement montées à la Comédie-Française, chez MM. Hertz et Jean Coquelin et au théâtre Sarah Bernhardt. Rostand écrivit également maints poèmes, entre autres Le Bois Sacré que joua Mme Sarah Bernhardt, et différentes œuvres poétiques inspirées par l’actualité  ; il se montra particulièrement lyrique en criant sa haine contre Guillaume II (L’Ile des Chiens) et les responsables de la guerre et en clamant son admiration enthousiaste pour les héros, sublimes martyrs de l’horrible épopée sanglante.

Edmond Rostand ne cessa durant sa carrière d’apporter une fidèle collaboration à la presse parisienne, il écrivit notamment à Gil Blas, au Figaro, à Paris Journal, à  l’ Illustration où nous eûmes entr’autres poèmes son Bulow, et à Excelsior qui publia dernièrement un fragment de sa superbe Marseillaise.

Le jour de l’armistice, malgré l’opposition des siens, il voulut sortir pour se mêler au peuple de Paris qu’il chérissait tout particulièrement, peut-être pour trouver, en poète, l’occasion nouvelle de créer un immortel et définitif chef-d’œuvre. Hélas  ! quelques jours plus tard il dut s’aliter et le 2 décembre 1918, à 1 h. 48, il rendit le dernier soupir.

La semaine suivante, le Théâtre Sarah Bernhardt affichait L’Aiglon, – Mme Simone prenait avec succès la lourde succession de l’inoubliable créatrice – et le soir de cette première, chacun portait une fidèle pensée à celui qui, quelques jours auparavant, était encore parmi nous… Rostand ! Rostand ! sublime et délicat artisan de la Muse poétique, nous tous, les spectateurs de ce soir, pleurions l’illustre Poète, l’ami exquis que vous étiez, et nous sentîmes tout à coup dans cette salle émue, passer un grand souffle où bruissait votre, nom avec un bruit de gloire.

Ch de la Grille

Pour en savoir plus 

Lien vers le Théâtre d’Edmond Rostand sur Libre Théâtre
Site dédié à Edmond Rostand, créé par Philippe Bulinge, spécialiste de l’œuvre de Rostand : http://www.edmond-rostand.com et notamment pour en savoir plus sur la vie d’Edmond Rostand

 

La Dernière Nuit de Don Juan d’Edmond Rostand

Poème dramatique en deux parties et un prologue, écrite en 1911. Publié de façon posthume en 1921 et créé en mars 1922 au Théâtre de la Porte Saint-Martin.
Distribution : 5 hommes, 5 femmes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Don Juan est emmené par la statue du Commandeur aux Enfers mais négocie avec le Diable. Celui-ci lui accorde un sursis de dix ans. Dix ans après, le Diable revient chercher Don Juan sous les traits d’un marionnettiste. Don Juan défend l’œuvre de sa vie, mais dans une cruelle joute oratoire, le Diable va montrer à Don Juan l’échec de son existence. Don Juan croit avoir «possédé» et «connu» 1003 femmes, les ombres des femmes viennent lui prouver le contraire. Toutes arrivent masquées et lui disent quelques mots : si le séducteur en peut appeler une seule par son prénom, il sera libre. Il échoue. Don Juan affirme ensuite qu’il les a fait pleurer : si une larme est sincère et que Don Juan s’en souvient, il sera sauvé. Il échoue une nouvelle fois. Don Juan affirme ensuite avoir « fait l’aumône » mais « le pauvre » vient lui jeter l’or de l’aumône à la figure, avec mépris. Don Juan à bout d’arguments est envoyé dans la boîte à marionnettes, car il n’est même pas digne des feux de l’Enfer.

La création

Cette pièce posthume a été éditée en 1921. L’éditeur Fasquelle  précise en avant-propos : « Les deux parties de cette pièce étaient entièrement écrites avant la guerre. Le prologue, reconstitué sur des brouillons fragmentaires très raturés, ne peut être considéré que comme une ébauche. On a dû pour l’intelligence du drame, compléter les indications de scène du texte original. Celles de ces indications qui ne sont pas de la main de l’auteur ont été mises entre deux crochets. »
La création de cette pièce a eu lieu en mars 1922 au Théâtre de la Porte Saint-Martin.

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Extrait de Vogue du 01 avril 1922. Source : BnF/Gallica
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Extrait de Vogue du 01 avril 1922. Source : BnF/Gallica

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La Princesse lointaine d’Edmond Rostand

Drame en quatre actes et en vers représenté pour la première fois à Paris le 5 avril 1895 sur le théâtre de la Renaissance.
Distribution : 21 hommes, 2 femmes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Joffroy Rudel,  un troubadour aquitain, a tant chanté la beauté légendaire de la princesse de Tripoli, Mélissinde, qu’il en est tombé amoureux. Sentant sa dernière heure venir, il veut enfin la rencontrer et organise une expédition, accompagné de son fidèle ami Bertrand d’Allamanon, troubadour de Provence. Le navire arrive près de Tripoli mais Joffroy est trop faible pour aller à la rencontre de Mélissinde. Il charge Bertrand de la convaincre de venir à son chevet. Bertrand réussit à pénétrer dans le palais. Mélissinde en le voyant est persuadée qu’il est Joffroy Rudel, dont elle connaît les poèmes et la chanson de la Princesse lointaine. Elle en tombe follement amoureuse. Bertrand, également sous le charme, lui transmet le message de Joffroy Rudel mais Mélissinde refuse d’aller le voir et persuade Bertrand de rester avec elle. Le remords peu à peu les ronge et ils décident de se rendre auprès du mourant. Mélissinde se rend compte que c’est Joffroy Rudel qu’elle aime.

Edmond Rostand s’inspire de la vida de Jaufre Rudel. De la famille des princes de Blaye (Gironde), il tomba amoureux de la comtesse de Tripoli sans l’avoir jamais vue et lui a consacré de nombreux vers. Pour la connaître il fit le voyage d’Orient mais tomba malade (voir la notice sur le site du Centre Interrégional de Développement de l’Occitan). Avant Rostand, Pétrarque a également évoqué cette figure (Trionfi III) de Giaufrè Rudel, ch’usò la vela e’l remo a cercar la sua morte (Jaufré Rudel, avec la voile et la rame à la recherche de sa mort).

La création

Le succès des Romanesques à la Comédie-Française permet à Edmond Rostand de rencontrer Sarah Bernhardt, alors en pleine gloire et à la recherche de nouveaux talents et d’argent pour son théâtre. Elle  lui commande le rôle de Mélissinde. Mucha, ami et sous contrat d’exclusivité avec Sarah Bernhardt, co-produisit la pièce et réalisa des dessins des costumes, bijoux, décors, programme du spectacle… La pièce est créée le 5 avril 1895 dans le Théâtre Sarah Bernhardt (Théâtre de la Renaissance). Elle connaît un grand succès mais se solde par un désastre financier pour l’actrice.

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Scène de la Princesse lointaine dans le Théâtre Illustré, avril 1895. Source : BnF/Gallica
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Sarah Bernhardt dans la Princesse lointaine. Source : BnF/Gallica
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Sarah Bernhardt dans le rôle de Mélissinde. Etude pour le panneau décoratif du foyer du théâtre Sarah Bernhardt à Paris par Mucha.Source : Bnf/Gallica


Pour en savoir plus

Bourgeois Jean, « Une trilogie d’Edmond Rostand : La Princesse lointaine, La Samaritaine, Cyrano de Bergerac », L’information littéraire, 2008/2 (Vol. 60), p. 27-38. URL : http://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2008-2-page-27.htm

La critique impitoyable de GB Shaw La Princesse lointaine d’Edmond Rostand, au Daly’s Théâtre, le 17 juin 1895 (22 juin 1895) dans BRENNAN, Paul (dir.) ; DUBOST, Thierry (dir.). G. B. Shaw : un dramaturge engagé.Nouvelle édition [en ligne]. Caen : Presses universitaires de Caen, 1998 (généré le 01 mai 2017). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/puc/986

La critique de Jules Lemaitre dans Impressions de théâtre, 9ème série sur le site de l’OBVIL.

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Les Romanesques d’Edmond Rostand

Comédie en trois actes et en vers représentée pour la première fois sur la scène de la Comédie-Française le 21 mai 1894.
Distribution : 5 hommes et 1 femme.
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Un mur sépare les jardins de deux hommes qui se détestent, Bergamin et Pasquinot.  Mais Percinet et Sylvette, leurs enfants s’aiment, tels Romeo et Juliette, et se retrouvent chaque jour près du mur en cachette. En réalité, la haine entre les deux pères est un subterfuge pour que les jeunes gens, à l’esprit trop « romanesque », tombent amoureux et se marient permettant la réunion des deux propriétés. Les deux pères imaginent un faux enlèvement pour rendre possible la réconciliation entre eux. Tout se passe comme prévu, mais quand ils avouent aux deux jeunes gens leur machination, le mariage est alors compromis…

La création

Les Romanesques sont joués le 21 mai 1894 à la Comédie-Française avec deux autres pièces Le Bandeau de Marsolleau et Le Voile de Rodenbach.

La critique est très favorable. Extraits :
« Les Romanesques sont la première œuvre dramatique d’un poète évidemment bien doué. C’est une comédie d’imitation et cependant originale, grâce à une adresse remarquable, qui perce à travers les souvenirs classiques et romantiques à la fois de Regnard et de Musset. Et tandis que la langue est très montée de ton, pittoresque et picaresque, le thème est simple et bon enfant. La chose se passe dans le pays du bleu, en un temps indéterminé, car on y parle de Watteau, dont les amoureux portent le costume préféré on y trouve aussi un spadassin à allures du seizième siècle. » Le Figaro, 22/05/1894 (sur Gallica)

« Je ne vous dis pas que l’idée de cette comédie soit neuve de tout point ; mais l’exécution en a paru supérieure. C’est très brillant, tout pétillant d’esprit et, par endroit, tout éclatant d’une gaieté large et aisée. On vous prie de ne point confondre cela avec la petite chose jolie, mais grêle, qu’est le traditionnel bijou odéonien. Il y a, déjà, dans Les Romanesques, de la maîtrise. L’alliance y est naturelle et heureuse du comique et du lyrisme.
Autant que j’en puis juger à la simple audition, la versification est remarquable de souplesse et d’adresse, avec tout plein de consonances imprévues et amusantes et de jeux de rythme drôlement expressifs, mais sans vaines mièvreries livresques. Cela fait songer, on l’a dit, à Regnard, à Musset (A quoi rêvent les jeunes filles) et à Théodore de Banville ; mais cela fait surtout songer, au bout du compte, que l’auteur est un habile homme qui s’inspire avec indépendance des maîtres du rire et de la rime et qui sait nous donner à la fois, — chose devenue rare chez nous, où la beauté semble la sœur de plus en plus inséparable de la tristesse, — une impression de franche gaieté et de grâce plastique. » Jules Lemaître dans Impressions de théâtre. 8e série (Source BnF/Gallica)

Voir aussi Gil Blas, du 23 mai 1894, sur Gallica

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Les romanesques : une maquette de costume par Marcel Mültze. Source : BnF/Gallica
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Photo de presse de la création à la Comédie-Française, le 21-05-1894. Source : BnF/Gallica

L’humour en vers

                                  Alors, restons-en là !
Et, jusques à demain refermant notre livre,
Laissons, puisqu’il vous plaît, le doux Roméo vivre.
Il ferme le livre et regarde tout autour de lui.
Quel adorable endroit, fait exprès, semble-t-il,
Pour s’y venir bercer aux beaux vers du grand Will !

Percinet est surpris près du mur par son père

Bergamin.
Ta ! ta ! ta ! Voudrais-tu, blanc-bec, me faire accroire
Que tu viens ici pour les beaux yeux du mur ?
Percinet.
Voire,
Pour les beaux yeux du mur !…
Tourné vers le mur.
qui sont de bien beaux yeux
Frais sourires d’azur, doux étonnements bleus,
Fleurs profondes, clairs yeux, vous êtes nos délices,
Et si jamais des pleurs emperlent vos calices,
D’un seul baiser nous les volatiliserons !…
Bergamin.
Mais le mur n’a pas d’yeux !
Percinet.
Il a les liserons.

Au deuxième acte, Bergamin et Pasquinot se souviennent du bon temps où ils se cachaient de leurs enfants pour parler ensemble.

Bergamin.
Il fallait dépister Percinet ou Sylvette
Chaque fois qu’on venait tailler une bavette !
Pasquinot.
On risquait, chaque fois qu’on grimpait sur le mur,
La casse d’une côte, ou le bris d’un fémur.
Bergamin.
Nos conversations monoquotidiennes
Ne se pouvaient qu’au prix de ruses indiennes !
Pasquinot.
Il fallait se glisser sous les buissons épais…
C’était très amusant !
Bergamin.
Quelquefois, je rampais…
Et, le soir, aux genoux, ma culotte était verte !
Pasquinot.
L’un de l’autre il fallait, sans fin, jurer la perte.


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Publication aux Editions La Comédiathèque

Un mur sépare les jardins de deux hommes qui se détestent, Bergamin et Pasquinot. Mais Percinet et Sylvette, leurs enfants s’aiment, tels Romeo et Juliette, et se retrouvent chaque jour près du mur en cachette. En réalité, la haine entre les deux pères est un subterfuge pour que les jeunes gens, à l’esprit trop « romanesque », tombent amoureux et se marient permettant la réunion des deux propriétés. Les deux pères imaginent un faux enlèvement pour rendre possible la réconciliation entre eux. Tout se passe comme prévu, mais quand ils avouent aux deux jeunes gens leur machination, le mariage est alors compromis…
Une comédie charmante et pleine d’humour.

ISBN : 978-23-77050-92-5
Mai 2017
79 pages ; 18 x 12 cm ; broché. Prix TTC : 9,90 €

Disponible dans votre librairie et sur les sites :

La Samaritaine d’Edmond Rostand

Évangile en trois tableaux et en vers, représenté pour la première fois à Paris sur le Théâtre de la Renaissance le 14 avril 1897.
Distribution : 21 hommes, 13 femmes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

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Affiche de Mucha pour le Théâtre de La Renaissance avec Sarah Bernhardt. Source : BnF/Gallica

Premier tableau : le puits de Jacob
Les apôtres quittent Jésus pour se rendre à Sichem, afin d’acheter des vivres. Le Christ reste assis sur la margelle du puits de Jacob. Photine vient puiser de l’eau, son amphore sur l’épaule. Jésus lui demande à boire. Elle refuse parce qu’il est juif. S’engage un long dialogue tiré des Evangiles.

Deuxième tableau : la Porte de Sichem
Pierre et les disciples tentent d’acheter des vivres mais ils sont raillés par les marchands. Les apôtres s’éloignent sous les huées. Ariel est inquiet de ne pas voir revenir Photine. Elle arrive transformée et s’exprime en citation. Elle convainc petit à petit la foule.

Troisième tableau : Salvator Mundi
Jésus est sur la margelle du puits. Les apôtres s’étonnent de la discussion avec Photine. On entend alors la foule des Samaritains qui approche menée par Photine.

La création

C’est après le succès des Romanesques à la Comédie-Française que Sarah Bernhardt a demandé à Edmond Rostand de lui écrire une pièce. Cette pièce religieuse s’est jouée le Mercredi Saint, 14 avril 1897.

Sur YouTube est disponible à l’écoute l’enregistrement d’un extrait de la pièce dit par Sarah Bernhardt de 1903.

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Tableau lors de la création avec Sarah Bernhardt. Source : BnF/Gallica
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Sarah Bernhardt dans le rôle de Photine. Source : BnF/Gallica
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Sarah Bernhardt dans le rôle de Photine. Source : BNF/Gallica
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Monsieur Brémont (Jésus). Extrait de L’Art du Théâtre, 09/1903. Source : BnF/Gallica
Numéro de L’illustré théâtral du 24 avril 1897. Source : BnF/Gallica

Très belle édition illustrée par Georges Rochegrosse, sur archive.org (Edition 1910 Paris : P. Lafitte)


Max d’Ollone a proposé une adaptation lyrique du texte d’Edmond Rostand, créée à l’Opéra de Paris en juin 1937 avec Germaine Hoerner dans le rôle de Photine. Documents sur cette création sur Gallica

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Chantecler d’Edmond Rostand

Pièce en quatre actes et en vers représentée pour la première fois au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, le 7 février 1910.
Distribution : 54 hommes, 15 femmes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argumentaire

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Guitry en Chantecler par Sem, dans Modes de mars 1910. Source : BnF/Gallica

Chantecler, un fier coq règne sur la basse-cour. Son chant est tellement puissant qu’il est persuadé qu’il fait se lever le soleil chaque jour. Il est détesté des animaux nocturnes et subit les jalousies des autres animaux de la basse-cour. Chantecler tombe amoureux d’une faisane. Il se rend dans le salon littéraire de la Pintade où il tombe dans un guet-apens : il est contraint de se battre jusqu’à la mort avec un autre coq. Il sort vainqueur de cette épreuve et défend la basse-cour contre les menaces d’un épervier. Il part avec la faisane pour la forêt ; jalouse, elle lui demande de ne plus chanter, mais elle se sacrifiera par amour lorsqu’un chasseur arrivera ; mais c’est le rossignol à la voix d’or qui sera touché par les balles.

Une très belle fable poétique, lyrique et allégorique où par le truchement des animaux, tous les défauts humains sont raillés : la vanité, l’ambition, la jalousie, le cynisme, la prétention…
On croise, entre autres,  un vieux chat Matousalem, un gymkhanard, « une vieille insensible aux problèmes moraux et qui fait du footing en costume à carreaux », un paon modern-style, le Prince de l’Adjectif Inopiné… dans une  garden-potager-party.  La pièce offre de multiples morceaux de bravoure : l’hymne au soleil, le chœur des oiseaux, le chant du rossignol ou la tirade du coq célèbre pour ses allitérations.

    Oui, Coqs affectant des formes incongrues,
Coquemars, Cauchemars, Coqs et Coquecigrues,
Coiffés de cocotiers supercoquentieux…
– La fureur comme un Paon me fait parler, Messieurs ! J’allitère !… –
Et s’amusant à les étourdir d’une volubilité caquetante et gutturale
Oui, Coquards cocardés de coquilles,
Coquardeaux Coquebins, Coquelets, Cocodrilles,
Au lieu d’être coquets de vos cocoricos,
Vous rêviez d’être, ô Coqs ! de drôles de cocos !
Oui, Mode ! pour que d’eux tu t’emberlucoquasses,
Coquine ! ils n’ont voulu, ces Coqs, qu’être cocasses !
Mais, Coquins ! le cocasse exige un Nicolet !
On n’est jamais assez cocasse quand on l’est !
Mais qu’un Coq, au coccyx, ait plus que vous de ruches,
Vous passez, Cocodès, comme des coqueluches !
Mais songez que demain, Coquefredouilles ! mais
Songez qu’après-demain, malgré, Coqueplumets !
Tous ces coqueluchons dont on s’emberlucoque,
Un plus cocasse Coq peut sortir d’une coque,
– Puisque le Cocassier, pour varier ses stocks,
Peut plus cocassement cocufier des Coqs !
– Et vous ne serez plus, vieux Cocâtres qu’on casse,
Que des coqs rococos pour ce coq plus cocasse !

La création

La pièce devait être originellement jouée par Coquelin qui décéda avant la première. Lucien Guitry le remplaça dans le rôle titre. Après le succès de Cyrano et de L’Aiglon, les critiques et spectateurs attendaient avec impatience la nouvelle création d’Edmond Rostand. Mais la forme de Chantecler déconcerte.  Malgré certaines critiques haineuses (notamment du côté de la presse nationaliste) ou dubitatives, le public se presse nombreux. La pièce part ensuite en tournée dans toute la France et à l’étranger.

Léon Blum raconte la création de Chantecler dans Comœdia (numéro complet ci-dessous)

« Je ne m’amuserai pas à ruser avec la curiosité du public. Des circonstances de tout ordre, et dont le concours ne se retrouvera peut-être plus, ont fait de Chantecler l’événement dramatique le plus extraordinaire, le plus passionnément attendu dont l’histoire du théâtre ait connaissance. Ni le Mariage de Figaro, ni même Hernani ne provoquèrent une telle attente, un tel espoir, une telle fièvre. Ce qu’on réclame du critique, dans cette occasion, ce sont moins des considérations nuancées et balancées qu’une constatation franche du fait. On veut savoir « ce que ça vaut » et « comment ça a marché. » Ce n’est pas une opinion qu’on exige, c’est un verdict.

Pour moi, je déclare sans hésiter que Chantecler a grandi l’idée que je me faisais de M. Edmond Rostand. J’admire d’abord qu’au lieu de s’assurer, avec quelque nouveau Cyrano, la certitude tranquille d’un nouveau triomphe, il ait intrépidement couru une aventure, un risque, un péril. J’admire qu’il ait non seulement cherché du nouveau, mais tenté de l’extraordinaire, qu’il se soit engagé, livré tout entier dans la plus difficile partie. J’ajoute qu’à mon avis, Chantecler est, par sa valeur littéraire intrinsèque, l’œuvre la plus belle que M. Rostand ait encore donnée. Jamais encore il n’avait fourni de façon plus convaincante la preuve de ses dons d’artiste et de poète. Ni Cyrano ni même l’Aiglon ne s’égalent aux meilleures parties de Chantecler. Maintenant, je dois reconnaître, avec la même netteté, que l’accueil fait à Chantecler ne fut pas ce triomphe incontesté, continu, unanime que les amis de l’auteur espéraient, et que le public entier escomptait joyeusement avec eux.

Le prologue et les deux premiers actes ne furent qu’une longue acclamation. Dès le commencement du troisième acte, au contraire, on sentait sourdre un malaise, on sentait se former une résistance. Résistance dont finalement M. Rostand est venu à bout, et qui ne fait peut-être qu’ajouter au prix du succès, mais qui en a cependant modifié le caractère. Ce n’est pas que personne fût insensible aux beautés certaines du poème. Elles étaient accueillies avec joie, ou même avec une sorte d’avidité et marquées aussitôt par des transports enthousiastes. Pourtant un sentiment confus avertissait les spectateurs que le développement de l’œuvre n’était pas précisément ce qu’il pouvait être, ce qu’il devait être. Et ce serait forcer les choses que de dire qu’il y eut une déception ; mais il y eut certainement un malaise. Je supplie qu’on ne se méprenne pas sur le sens de ces termes. Je ne procède pas ici par circonlocution ou par atténuation polie et l’on se méprendrait gravement si l’on essayait de « lire entre les lignes ». Je dis toute la vérité. Grossir l’expression de ma pensée ne serait pas la rétablir mais la trahir.

Comment expliquer cependant ce sentiment de malaise, d’incertitude ? Je ne crois pas, pour ma part, qu’il procède dans une mesure quelconque de la forme qu’a donnée M. Rostand à l’affabulation dramatique de son œuvre. »

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Les Animaux de Chantecler : Le chat (Chabat), la pintade (Augustine Leriche), la poule faisane (Simone), le coq superbe (Lucien Guitry) etc… : affiche de Daniel de Losques en 1910. Source : BnF/Gallica
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Lucien Guitry dans « Chantecler » d’Edmond Rostand / dessin de Yves Marevéry, 1910. Source : BnF/Gallica

Lien vers quelques articles lors de la création :

  • Revue illustrée  du 25 février 1910. Source : BnF/Gallica
  • Article enthousiaste dans Modes, de mars 1910. Source : BnF/Gallica
  • Numéro spécial de Comœdia illustré consacré à Chanteclerc, 19 février 1910.

Autres mises en scène

Du fait du nombre d’acteurs et de costumes nécessaires, cette pièce est rarement mise en scène.

Chantecler a été mis en scène par Jérôme Savary en 1994.

Jean-Christophe Averty a réalisé une adaptation pour la télévision en 1976 avec Jean Piat dans le rôle titre (extrait sur le site de l’INA, version intégrale payante sur le site de l’INA).
Pour aller plus loin
Géraldine Vogel, « Les didascalies dans le théâtre d’Edmond Rostand : entre verbe et action poétique », Coulisses [En ligne], 39 | Automne 2009, mis en ligne le 30 novembre 2016, consulté le 16 avril 2017. URL : http://coulisses.revues.org/979

L’Aiglon d’Edmond Rostand

Drame en six actes et en vers, représenté pour la première fois au Théâtre Sarah-Bernhardt, le 15 mars 1900.
Distribution : 35 hommes, 17 femmes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

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M. Rostand et son Aiglon. Dessin de A. Rouveyre. Source : BnF/Gallica

L’action débute  en septembre 1830, au palais de Schoenbrünn en Autriche. L’Aiglon est le fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise d’Autriche, appelé à sa naissance roi de Rome et maintenant duc de Reichstadt. Il a été élevé à la cour de son grand-père autrichien, l’Empereur Frantz, après l’abdication de Napoléon en 1815. L’Aiglon a 19 ans.  Autour de lui, et malgré la vigilance du Prince de Metternich, des alliances se nouent, des complots s’organisent pour le ramener en France afin qu’il succède à son père. Mais le spectre héroïque de Napoléon hante et écrase le jeune homme, idéaliste et rêveur. Il a une santé fragile et ne se sent pas prêt : il craint de ne pas être à la hauteur. Quand il est enfin convaincu par Flambeau, un ancien grognard de l’armée napoléonienne, de fuir l’Autriche pour rejoindre Paris, il est arrêté. Malade et affaibli par l’échec, il meurt à vingt-et-un ans, au Palais de Schönbrunn.

Les 6 actes ont des titres symboliques : Les ailes qui poussent – Les ailes qui battent –Les ailes qui s’ouvrent – Les ailes meurtries – Les ailes brisées – Les ailes fermées.

Rostand précise son projet dans le quatrain placé en épigraphe au drame :

Grand Dieu ! ce n’est pas une cause
Que j’attaque ou que je défend,
Et ceci n’est pas autre chose
Que l’histoire d’un pauvre enfant.


La création

La pièce a originellement été créée le 15 mars 1900 au Théâtre Sarah-Bernhardt avec, dans le rôle de l’Aiglon, Sarah Bernhardt (costumée en homme),  Lucien Guitry puis Coquelin l’Ainé dans le rôle de Flambeau. La pièce fut jouée sans interruption du 15 mars au 30 octobre 1900 et partit en tournée en France et à l’étranger, notamment aux Etats-Unis.

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Source : BnF/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8438752h/f3.item
Source : BnF/Gallica
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Source : BnF/Gallica
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Dessin de Z. Bakbio. Source : Bnf/Gallica
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Constantin Coquelin dit aîné dans le rôle de Flambeau, carte postale de la tournée à New-York. Source : BnF/Gallica


L’Aiglon au Châtelet en 1945

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Article de la revue Opéra du 01/08/1945 annonçant les répétitions au Théâtre du Châtelet. Source : BnF/Gallica

L’Aiglon a été interdit pendant l’Occupation avant d’être repris et de triompher comme une œuvre patriotique pendant 2 ans au Théâtre du Châtelet, au moment de la Libération.

La première eût lieu le 3 août 1945 en présence de quatre ministres et au profit des orphelins de la Résistance, dans une mise en scène de Maurice Lehmann.  Deux « Aiglon » jouaient en alternance : Jeanne Boitel et Pierre Cresson.

Le journal Résistance du 6 juin 1945 titrait « Mozart sera l’Aiglon », Mozart étant le nom de la comédienne Jeanne Boitel lorsqu’elle était dans la clandestinité. Source Gallica.

A lire aussi l’article « le sillage des Conquérants » par Georges Duhamel, dans Témoignage chrétien du 3 août 1945 sur Gallica


Mise en scène de Jacques Sereys au Théâtre du Châtelet en 1969

Un reportage sur Jacques Seyres, metteur en scène de L’Aiglon d’Edmond Rostand, créé au théâtre du Châtelet en 1969. Extraits de la pièce et interview sur le site de l’INA

Pour en savoir plus

Le mythe de Napoléon dans l’Aiglon d’Edmond Rostand par Madeleine Roussel, Conférence du 15 juin 2009,  Académie des Sciences et Lettres de Montpellier

La légende picturale napoléonienne dans L’Aiglon d’Edmond Rostand par Philippe Bulinge, sur le site edmond-rostand.com


Tout le Théâtre d’Edmond Rostand sur Libre Théâtre
Biographie d’Edmond Rostand sur Libre Théâtre

Le théâtre d’Edmond Rostand

Tout le théâtre d’Edmond Rostand est disponible sur Libre Théâtre. 

Cyrano de Bergerac (1897)

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Constant Coquelin dit aîné créateur de Cyrano. Source : BnF/ Gallica

Comédie héroïque en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois le 28 décembre 1897, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris. Une superbe histoire d’amour et un monument du théâtre français.

Libre Théâtre permet de découvrir quelques trésors autour de cette pièce et notamment le premier film sonore en couleur de l’histoire du cinéma avec Coquelin, le créateur de Cyrano en 1897. 

Lien vers le texte intégral, les illustrations, les vidéos à propos de Cyrano de Bergerac sur Libre Théâtre

 

 

 


L’Aiglon (1900)

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Sarah Bernhardt dans l’Aiglon. Source : Bnf/Gallica

L’Aiglon est le fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise d’Autriche. Le spectre héroïque de son père hante et écrase le jeune homme, idéaliste et rêveur. Il hésite à s’enfuir de la cour d’Autriche car il ne se sent pas prêt. Quand il est enfin convaincu par Flambeau, un ancien grognard de l’armée napoléonienne, de fuir l’Autriche pour rejoindre Paris, il est arrêté. Malade et affaibli par l’échec, il meurt à vingt-et-un ans, au Palais de Schönbrunn. 

La pièce a originellement été créée le 15 mars 1900 au Théâtre Sarah-Bernhardt avec, dans le rôle de l’Aiglon, Sarah Bernhardt (costumée en homme). La pièce fut jouée sans interruption du 15 mars au 30 octobre 1900 et partit en tournée en France et à l’étranger, notamment aux Etats-Unis. 

Lien vers le texte intégral et les illustrations de l’Aiglon sur Libre Théâtre.


Chantecler (1910)

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Les Animaux de Chantecler. A ffiche de Daniel de Losques en 1910. Source : BnF/Gallica

Une très belle fable poétique, lyrique et allégorique où par le truchement des animaux, tous les défauts humains sont raillés : la vanité, l’ambition, la jalousie, le cynisme, la prétention…
On croise, entre autres, un vieux chat Matousalem, un gymkhanard, « une vieille insensible aux problèmes moraux et qui fait du footing en costume à carreaux », un paon modern-style … dans une garden-potager-party. Difficile à mettre en scène compte-tenu du nombre de comédiens et de costumes, la pièce offre de multiples tirades qui peuvent être jouées de manière isolée : l’hymne au soleil, le chœur des oiseaux, le chant du rossignol ou la tirade du coq célèbre pour ses allitérations.

Lien vers le texte intégral et les illustrations de Chantecler sur Libre Théâtre


Les Romanesques (1894)

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Les romanesques : une maquette de costume par Marcel Mültze. Source : BnF/Gallica

Comédie en trois actes et en prose représentée pour la première fois sur la scène de la Comédie-Française le 21 mai 1894. C’est le premier succès théâtral d’Edmond Rostand.

Une comédie charmante et pleine d’humour qui met en scène deux jeunes amoureux et leurs pères qui se détestent… en apparence. 

Lien vers le texte et les illustrations des Romanesques sur Libre Théâtre

 

 

 

 


La Princesse lointaine (1895)

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Sarah Bernhardt dans le rôle de Mélissinde. Source : Bnf/Gallica

Joffroy Rudel,  un troubadour aquitain, a tant chanté la beauté légendaire de la princesse de Tripoli, Mélissinde, qu’il en est tombé amoureux. Sentant sa dernière heure venir, il veut enfin la rencontrer et organise une expédition, accompagné de son fidèle ami Bertrand d’Alamanon, troubadour de Provence. Le navire arrive près de Tripoli mais Joffroy est trop faible pour aller à la rencontre de Mélissinde. Il charge Bertrand de la convaincre de venir à son chevet. Bertrand réussit à pénétrer dans le palais. Mélissinde en le voyant est persuadée qu’il est Joffroy Rudel, dont elle connaît les poèmes et la chanson de la Princesse lointaine. Elle en tombe follement amoureuse. Bertrand, également sous le charme, lui transmet le message de Joffroy Rudel mais Mélissinde refuse d’aller le voir et persuade Bertrand de rester avec elle. Le remords peu à peu les ronge et ils décident de se rendre auprès du mourant. Mélissinde se rend compte que c’est Joffroy Rudel qu’elle aime.

Cette pièce marque la première collaboration entre Edmond Rostand et Sarah Bernhardt, alors en pleine gloire et à la recherche de nouveaux talents pour le théâtre qu’elle dirige, le Théâtre de la Renaissance. La pièce y est créée le 5 avril 1895. 

Lien vers le texte intégral et les illustrations de La Princesse lointaine sur Libre Théâtre


La Samaritaine (1897)

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Sarah Bernhardt dans le rôle de Photine. Source : BnF/Gallica

Évangile en trois tableaux et en vers, représenté pour la première fois à Paris sur le Théâtre de la Renaissance le 14 avril 1897. Cette pièce religieuse a été écrite pour Sarah Bernhardt, également directrice du théâtre de la Renaissance, qui jouait le rôle de Photine.

La mise en ligne sur Libre Théâtre est l’occasion de découvrir une très belle affiche de Mucha, un enregistrement de Sarah Bernhardt, quelques superbes photos de la grande tragédienne, une édition illustrée de la pièce…

Lien vers le texte intégral et les illustrations de la Samaritaine sur Libre Théâtre


La Dernière Nuit de Don Juan (1911)

Extrait de Vogue du 01 avril 1922. Source : BnF/Gallica

Pièce éditée après la mort d’Edmond Rostand en 1921 et créée en mars 1922 au Théâtre de la Porte Saint-Martin. La pièce est complète mais la plume n’est pas aussi brillante que dans Cyrano ou l’Aiglon : Rostand y aurait encore sans doute travaillé avant toute publication ou mise en scène. Malgré tout, cette œuvre fournit une belle matière aux metteurs en scène avec de très belles scènes autour d’un guignol, entre Don Juan et le Diable.

Don Juan est emmené par la statue du Commandeur aux Enfers mais négocie avec le Diable. Celui-ci lui accorde un sursis de dix ans. Dix ans après, le Diable revient chercher Don Juan sous les traits d’un marionnettiste. Don Juan défend l’œuvre de sa vie, mais dans une cruelle joute oratoire, le Diable va montrer à Don Juan l’échec de son existence. Don Juan croit avoir «possédé» et «connu» 1003 femmes, les ombres des femmes viennent lui prouver le contraire. Toutes arrivent masquées et lui disent quelques mots : si le séducteur en peut appeler une seule par son prénom, il sera libre. Il échoue. Don Juan affirme ensuite qu’il les a fait pleurer : si une larme est sincère et que Don Juan s’en souvient, il sera sauvé. Il échoue une nouvelle fois. Don Juan affirme ensuite avoir « fait l’aumône » mais « le pauvre » vient lui jeter l’or de l’aumône à la figure, avec mépris. Don Juan à bout d’arguments est envoyé dans la boîte à marionnettes, car il n’est même pas digne des feux de l’Enfer.

Lien vers le texte intégral et les illustrations de La Dernière Nuit de Don Juan sur Libre Théâtre.


Note : Nous n’avons pas traité les deux ouvrages de jeunesse de Rostand  Le Gant rouge, première pièce de Rostand (1888) réputée perdue pendant longtemps et redécouverte par Michel Forrier et Les Deux Pierrots (1891). À signaler également le Faust de Goethe, adapté et traduit par Edmond Rostand, paru aux Editions Théâtrales en 2007.

Lien vers la Biographie d’Edmond Rostand sur Libre Théâtre
Pour en savoir plus, se référer au site dédié à Edmond Rostand, créé par Philippe Bulinge, spécialiste de l’œuvre de Rostand : http://www.edmond-rostand.com


Extraits du numéro spécial de la revue La Rampe 

15 décembre 1918, numéro consacré à la mort d’Edmond Rostand (Source : Gallica). Article de René Wisner

«  Si la vie d’Edmond Rostand fut courte, elle fut belle. Il connut la gloire, et vécut ses dernières années au milieu d’une sorte de triomphe quotidien ; rarement, un homme eut ses ambitions littéraires satisfaites par la foule avec un si tendre empressement. (…)

Ses premiers vers, il les adressa aux ratés de la gloire, aux musiciens, aux peintres, aux poètes qui ne peuvent point fixer leurs rêves avec des notes, des couleurs ou des mots. Déjà apparaissent, dans Les Musardises, sa grâce qui sera une fleur de France portée dans toutes les capitales, son charme caressant qui fera bientôt le tour du monde. (…)
Il collabora à un ou deux vaudevilles, qui furent joués là-bas, sur la rive gauche, à Cluny. Et la Comédie-Française accueillit ses trois jolis petits actes, Les Romanesques, qui furent son Sésame, ouvre-toi, le premier sourire d’une fortune si constante.

Les Romanesques, c’étaient les amants de Vérone du grand Will, qui, subitement étaient devenus tout petits ; ils étaient, eut-on cru, sortis du drame pour entrer dans l’opérette  ; ce n’était plus l’aurore ni le chant de l’alouette, c’était un feu de cheminée, et le chant de la flûte. Mais qu’ils étaient gentils, ces amants, Percinet et Sylvette avec quel plaisir on les regardait s’embrasser, auprès du mur qui séparait le parc de Bergamin du parc de Pasquinot, se conter leur amour romanesque, mais, en réalité si bourgeois, et se comparer à Andromède et à Persée. Et, à ces amourettes, à cette fête un peu grêle et toute bleue et rose, l’auteur, certainement trop modeste, n’attachait point grande importance.
«  Des costumes clairs, des rimes légères  » disait-il, en parlant d’elle.

Mais le succès des Romanesques avait été si vif, que Mme Sarah Bernhardt demanda au jeune poète un drame en vers.
Edmond Rostand écrivit donc, pour l’interprète de Racine et d’Hugo, La Princesse lointaine, qui est celle de ses œuvres que les lettrés préfèrent. Il n’a point encore acquis tout son métier ; aussi s’y montre-t-il plus poète qu’auteur dramatique. Ses afféteries, ses préciosités, ses gongorismes qui lui furent tant reprochés, n’y apparaissent que rarement ; les vers, quelquefois, souvent même, en sont simples et beaux. Jeffroy Rudelet son amour pour la « Dame » qu’il n’a jamais vue, ce voyage d’un mourant en route vers une aventure sentimentale ; ces malins qui l’entourent, et ont compris, malgré leur âme primitive, son rêve de luxe, parce que le poète est toujours un éducateur de la sensibilité ; Mélisinde, parée de lys, de bagues et de pierres précieuses, et sur les seins princiers de laquelle agonise celui qui ne vécut que pour songer à leur douceur ; cet amour irréel, et cet amant qui se meurt avant même d’avoir connu la réalité de l’amour satisfait, n’était-ce point une jolie angoisse, bercée, dans des décors éclatants, par la voix divine, où toujours les poètes retrouvèrent, embellis, l’écho de leurs vers et l’harmonie de leurs rimes.

Et peu après La Princesse lointaine, Rostand met, chez Mme Sarah Bernhardt, Jésus à la scène, dans La Samaritaine. Au près de la fontaine de Sichem, Jésus répand la bonté de ses paraboles, et vante la beauté des filles de Jacob. Photine apparaît, ayant, sur la tête, une cruche remplie d’eau. Jésus lui demande à boire, et l’on assiste à une reconstitution historique, à un tableau vivant, mais sacré. Rostand avait compris la chaste volupté qui se dégage de Jésus.
«  Je suis toujours un peu dans tous les mots d’amour  » lui avait-il fait dire. C’est pourquoi il le représente comme étant l’amour sur la terre. Aussi, le peuple se laisse-t-il enchanter par ce grand magnétiseur d’êtres, et crie-t-il, avec une foi ingénue : Miracle ! D’ailleurs, n’est-il point « très théâtre » que la courtisane ait raison contre le prêtre, le cœur contre le savoir ! Et n’est-ce point « très théâtre », un Dieu qui est en tournée chez les hommes et qui bientôt rentrera chez lui dans ses propriétés célestes.

Et puis, subitement, c’est le triomphe : Cyrano de Bergerac, ses centaines, ses milliers de représentations, à Paris, en province et à l’étranger. Toutes les ménagères récitent la recette des tartelettes amandines.
«  Battez pour qu’ils soient mousseux
Quelques œufs  »
et tous les spadassins vaguement journalistes, répètent le vers fameux de Cyrano  : «  à la fin de l’envoi, je touche.  » (…)
Il est des succès si fameux, qu’ils contraignent leur auteur à une sorte de recueillement. Aussi, après, Cyrano, Rostand garde t-il le silence pendant quelques années. Puis il est tenté par une figure d’enfant pâle et blond qui a des révoltés d’homme et des pâmoisons de femme, d’enfant qui est un demi-Dieu en lisière : le duc de Reichstadt. L’évocation de batailles célèbres, des maréchaux et des grognards de la grande armée ; du bonnet à poil historique et qui devient pièce de musée ; un roitelet que l’on traque, que l’on mure presque, et répond à tout et à tous avec des réparties éclatant comme un coup de canon et aussi une juste vision de la gloire napoléonienne qui, avant de faire l’admiration des élèves caporaux, fit la joie des corbeaux : tel était l’Aiglon.

Enfin, cocorico! Voici Chantecler, ses poules, ses oies, ses chiens, ses taupes et ses fauvettes, oeuvre qui est une sorte de pêle-mêle, une revue de la basse-cour et de la société, une satire et un chant, de l’émotion et de la blague, du coq-à-l’âne et du lyrisme.

Et maintenant, celui qui a été le peintre de Cyrano et du duc de Reichstadt, et les a fait revivre parmi nous, celui qui a créé ces figures charmantes : Mélisinde à qui il donna le sceptre et la couronne, Sylvette et Percinet à qui il fit don d’une grâce si vivante et si prenante, s’en est allé rejoindre les grandes ombres qu’il aimait. Il fut, assurent ses amis, un homme délicieux. Son œuvre prouve, sans autre besoin d’attestation, qu’il admirait les belles choses et les êtres généreux. Nous lui devons de bonnes soirées et des minutes exquises; et devant ce poète de France, qui la représenta dans ce qu’elle a de plus élégant ; de plus scintillant, de plus spirituel et de plus gracieux, reconnaissons encore une fois que la destinée a d’étranges détours, puisqu’elle place, à côté de ce soleil levant, né à peine d’hier, un crépuscule si prématuré qui prend tout entier, dans son ombre noire, le prince, le poète charmant. »

L’Art du Théâtre

Numéro spécial de la revue théâtrale consacré à Edmond Rostand, en septembre 1903

Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand

Comédie héroïque en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois le 28 décembre 1897, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris.
Distribution : 41 hommes, 13 femmes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

Le résumé

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Acte I. En 1640, dans l’Hôtel de Bourgogne, le public attend le début de la représentation. La foule des bourgeois, soldats, petits marquis discute. Christian de Neuvillette vient d’arriver à Paris pour entrer dans la compagnie des Cadets de Gascogne. Il aime en secret Roxane que le Comte de Guise convoite et qu’il souhaite marier au vicomte de Valvert. Mais alors que la représentation débute, elle est interrompue par Cyrano de Bergerac qui empêche le comédien Montfleury de se produire. Valvert intervient et provoque Cyrano : tout en bataillant, celui répond par la célèbre tirade des Nez. Le calme revient. Cyrano, secrètement amoureux de sa cousine Roxane mais dont le physique l’empêche de se déclarer, apprend que celle-ci lui fixe un rendez-vous le lendemain. Exalté, il raccompagne son ami Lignière pour le protéger d’une embuscade de cent hommes.

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Acte II. Cyrano attend Roxane dans la boutique de Rageneau, rôtisseur pâtissier et poète, alors que ses compères font le récit épique de son exploit de la veille : il a défait seul cent hommes. À son arrivée, Roxane évoque leur enfance commune, puis révèle peu à peu à Cyrano qu’elle est amoureuse du baron Christian de Neuvillette, qui vient d’être engagé dans la compagnie de Cyrano. Elle lui demande de protéger Christian. Cyrano – effondré, mais n’en montrant rien – accepte. Christian cherche à braver Cyrano pour s’imposer dans la compagnie des Cadets ; malgré les provocations de Christian, Cyrano ne réplique pas. Christian évoque alors Roxane qu’il ne peut conquérir n’ayant pas de talent oratoire. Cyrano lui propose son aide et lui donne la déclaration d’amour qu’il vient de rédiger. Christian l’accepte, sans se douter qu’elle était précisément destinée à Roxane.

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Acte III. Sur une petite place de l’ancien Marais. Le comte de Guiche rend visite à Roxane, qu’il cherche à séduire.  Alors qu’il lui annonce que le régiment de Cyrano, dans lequel sert Christian, part à la guerre, Roxane, qui veut protéger Christian, convainc le comte de laisser ce régiment à Paris. Peu après, malgré les conseils de Cyrano, Christian rencontre Roxane, mais s’avère incapable de lui parler d’amour. La jeune femme le quitte, déçue. Cyrano aide Christian à rattraper cet échec. Caché dans l’ombre sous le balcon de Roxane, il souffle à Christian ses mots, puis prend sa place et déclare à Roxane son amour, la laissant totalement charmée par un si bel esprit qu’elle pense être celui de Christian. À peine ont-ils le temps d’échanger un baiser, que Roxane et Christian sont interrompus par un capucin, qui remet à la jeune femme une lettre du comte de Guiche lui annonçant qu’il va la rejoindre cette nuit même. Roxane ruse en indiquant que le courrier du comte demande au capucin de célébrer sur le champ son mariage avec Christian. Pendant ce temps, Cyrano retarde de Guiche en se faisant passer pour un homme tombé de la lune. Arrivé à l’hôtel de Roxane, le comte la découvre mariée ; constatant qu’il a été abusé, il envoie aussitôt Christian et Cyrano combattre au siège d’Arras.

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Acte IV. Sur le champ de bataille, la compagnie que dirige de Guiche fait le siège d’Arras. Les soldats sont affamés. Cyrano franchit tous les jours les lignes ennemies, pour faire parvenir à Roxane des lettres qu’il écrit et signe du nom de Christian. Touchée par ces lettres, Roxane parvient, grâce à la complicité de Ragueneau, à se rendre au siège d’Arras avec un carrosse rempli de victuailles. Christian comprend alors que Cyrano est lui aussi amoureux de Roxane et que la jeune femme est amoureuse de l’esprit de Cyrano. Il supplie Cyrano de révéler la vérité à Roxane, mais les Espagnols attaquent le camp et le jeune homme meurt au combat. Il laisse à Roxane une dernière lettre d’adieu écrite par Cyrano. Celui-ci décide de garder le secret de son amour et demande à De Guiche de sauver Roxane.

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Acte V.  Quinze ans plus tard, Roxane, toujours amoureuse de Christian, s’est retirée dans un couvent parisien où Cyrano lui rend visite une fois par semaine. Mais, ce jour-là, Cyrano tombe dans une embuscade et arrive au couvent mortellement blessé. Alors que Roxane évoque la dernière lettre de Christian, qu’elle porte constamment sur elle, Cyrano demande à la voir et la lit à voix haute. Son ton trouble Roxane, qui reconnaît la voix qu’elle avait entendue sur son balcon ; elle s’aperçoit que Cyrano ne lit pas la lettre, la nuit est tombée, mais la connaît par cœur. Elle comprend alors « toute la généreuse imposture ». Cyrano meurt débout, son épée à la main, en emportant avec lui son « Panache ».

(Iconographie extraite du dossier de la BnF rassemblant les documents relatifs à la première représentation, consultable sur Gallica)

Cyrano : le premier film sonore en couleur de l’histoire du cinéma

Ce film a été tourné en 1900 à l’occasion d’une expérience de cinéma sonore, le Phono-Cinéma-Théâtre pendant l’Exposition Universelle de Paris. Ce film est exceptionnel à plus d’un titre : on y voit Coquelin, le créateur de Cyrano en 1897 dans un film colorisé, avec une bande son. Serge Bromberg a trouvé et restauré ce film incroyable : pour en savoir plus, interview sur le site formatcourt.com)

Parmi les autres curiosités historiques, on écoutera ou visionnera :

  • la tirade des « Non merci » par Ralph Hertz sur le site de la Bibliothèque du congrès 
  • la tirade des nez par Daniel Sorano en 1962 sur Gallica
  • l’adaptation télévisée de 1977 avec Philippe Noiret sur le site de l’INA (extraits ou version intégrale premium).
  • le reportage du Journal Télévisé du 28/12/1997 réalisé à l’occasion du centième anniversaire de la première représentation : brefs extraits de tirades  interprétées par Jacques Toja, Jean Piat, Francis Huster, Daniel Sorano, Jacques Weber, Jean Marais, Gérard Depardieu. – Extraits du film « Cyrano » de Jean-Paul Rappeneau, avec Gérard Depardieu. Lien vers le site de l’INA

Iconographie autour de Cyrano

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8528775g
Constant Coquelin dit aîné créateur de Cyrano. Source : BnF/ Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8438886n
Sarah Bernhardt dans « Cyrano de Bergerac », comédie d’Edmond Rostand en 1909. Source : Bnf/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8437190t/
Les programmes de « La Rampe ». Tournée Moncharmont-Luguet. Dessin de L. Métivet. 1898. Source : BnF/ Gallica


Dossiers pédagogiques

Pièce (Dé)montée : dossier pédagogique « Théâtre » et « Arts du cirque » du réseau SCÉRÉN en partenariat avec la MC93 à Bobigny, mise en scène de Lavaudan. Une collection coordonnée par le CRDP de l’académie  de Paris. Septembre 2013. Lien vers le site

Dossier pédagogique du TNB élaboré à l’occasion de la mise en scène de Dominique Pitoiset, avec Philippe Torreton. Lien vers le site


«  La Première de Cyrano de Bergerac  » par André Lénéka

Article paru dans le numéro spécial de la revue La Rampe du 15 décembre 1918 consacré à la mort d’Edmond Rostand (Source : Gallica)

« Soirée stupéfiante, formidable, irrésistible ! Impossible de chercher noise au moindre détail, de chicaner sur la moindre faute au cours de ces 5 actes. L’ennemi le plus intime du poète de La Princesse lointaine, entraîné par le courant électrique de l’enthousiasme le plus pur, aurait acclamé plus fort que les autres. Et voici Edmond Rostand sacré notre plus illustre poète dramatique. Cyrano a été un succès, que dis-je un succès, un triomphal succès. Et c’était justice, puisque c’était le triomphe de l’imagination, de l’esprit, de la sensibilité, de l’abnégation et de la bravoure. C’est un conte de fées, mais de l’espèce la plus captivante qui soit, l’histoire d’un vrai artiste et contée par un vrai poète».

C’est ainsi qu’un de nos confrères, parmi tant d’autres, s’exprimait. C’est ainsi que je m’exprimais en d’autres termes dans L’Etendard et dans Le Mascarille où j’avais l’honneur de tenir le double porte-plume de critique dramatique.

Car j’assistais à cet apothéose. Et ce fut inoubliable  ! Dès les premières répliques qui partaient en fusées multicolores, ce fut un délire. À la fin du premier acte on s’embrassait dans les couloirs. Le théâtre morose, triste, décevant, la tranche de vie réaliste, banale de ces quinze dernières années, qui avaient embrouillardé toute notre génération, mordaient poussière. Le panache d’Henri IV, de d’Artagnan, de Lagardère, celui de nos guerres républicaines et napoléoniennes de 1792 à 1814, sortait prestigieux de son étui fermé, enfoui dans les greniers de nos mémoires paralysées. Et quel panache  ! Celui dont la France ne saurait se passer, qu’elle semble par instant dédaigner, pour mieux le ressusciter ensuite, l’acclamer par la voix, le suivre des yeux, l’aimer dans son cœur : le panache, pour le panache  !

Sarcey, notre oncle Sarcey exultait, comme toute la critique où l’on remarquait, parmi les plus emballés, Catulle Mendès, dont on connaît le mot heureux : « Il a charmé et dompté la France et lui a reconquis le monde ». Jules Lemaître, qui déclare tout haut que c’est un chef-d’oeuvre, Henry Céard, Henry Bauer, Henry Maret, Henry Pouquier (les quatre Henry), Léon Kerst, Duquesnel, Léon-Bernard, Derosne, Adolphe Aderer et tant d’autres. Tout ce qui avait un nom dans les lettres, les arts, la politique était là. Coppée et Déroulède, celui-ci surtout débordant débordant grandiloquent mais sincère. Paul Maurice se pinçait les lèvres, mais déclarait que « l’auteur avait de l’avenir ». Paul Maurice espérait-il se tromper  ! II craignait sans doute que la gloire de Victor Hugo n’en fût atteinte ?

Le Bargy, le créateur des Romanesques, qui devait remplacer Coquelin quinze ans après dans le rôle de Cyrano, paraissait, tant il était absorbé, l’étudier déjà. Jamais première ne fut plus éclatante. Et jamais nulle salle de théâtre ne fut plus en communion avec la pensée du poète, avec le verbe et les gestes des interprètes. Du haut en bas, des galeries à l’orchestre, on était secoué, électrisé par les étincelles éblouissantes qui jaillissaient des vers de Rostand, presque à toutes les répliques, et par l’image sans cesse renouvelée des mots colorés, se heurtant, s’éclairant, vibrants, spirituels, trop spirituels. C’est le seul reproche qu’on ait pu avec quelque raison faire au poète, qui semblait vouloir, avec un cadre trop chargé d’or, dérober un instant, aux yeux du public, les beautés d’une toile de maître.

Et ce fut très beau sur la scène, et plus beau encore dans la salle. Car rien n’est beau, émouvant, comme un public, tout un public qui admire et crie son admiration. D’acte en acte, sans se lasser, on applaudissait, on suivait le poète dans le merveilleux développement de son action héroïque mais pourtant humaine, d’une humanité toute idéale, celle qui console de l’autre, celle qui nous rend meilleur et nous conduit à toutes les victoires.

Et celle-ci fut prodigieuse, éloquente, spontanée au début, enthousiaste, raisonnée et définitive, alors que Cyrano meurt en beauté, ne laissant échapper son secret au dernier acte qu’à l’ultime souffle de sa vie de dévouement, de courage et d’amour. (…)


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