Becque Henry

Chroniques consacrées à Henry Becque : biographie, œuvres théâtrales, thèmes abordés…

Le Domino à quatre de Henry Becque

Comédie en un acte, publiée en 1897 dans la revue La Vie Parisienne, représentée en 1908, après la mort de Becque.
Distribution : 6 hommes
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

L’argument

Dans un café, trois joueurs attendent le quatrième partenaire de leur partie de domino, Blanchard, mais ils redoutent sa mort car il est mal en point. Blanchard apparaît, souffreteux. Au fil des scènes, ce sont les trois joueurs qui décèdent un à un. Blanchard reste seul…

L’univers de la pièce à travers les illustrations présentes sur Gallica

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55009192s/f1.item
Groupe jouant aux dominos sur une terrasse : Auguste Mestral, Auguste Clésinger et un homme non identifié. Photographie de 1847. Source : BnF/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9014982s/f1.item
Absinthe Ducros fils… Affiche de Leonetto Cappiello. 1901. Source : BnF/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9014961m
Quina Excelsior. Chaque jour un verre de Quina Excelsior et vous aurez la santé… Massardier et Granjon, distillateurs St Etienne… Affiche de 1898. Source : BnF/ Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9003761b/f1.item
Lait de vaches bretonnes. Laiterie normale… Bornibus Aîné & Cie… : affiche de Jules Chéret. 1879. Source : BnF/Gallica

Lien vers la Biographie de Henry Becque sur Libre Théâtre
Lien vers le Théâtre de Henry Becque sur Libre Théâtre


Publication aux Editions La Comédiathèque

Une exécution, Le Domino à quatre, Les Honnêtes Femmes, La Navette.

Ces quatre courtes pièces proposent quelques scènes de vie dans la France de la fin du XIXème siècle. Henry Becque, le père de la « comédie rosse », situe l’action au guichet d’une gare de province (Une exécution), dans un café (Le Domino à quatre), chez une bourgeoise de province (Les Honnêtes Femmes) et dans le salon d’une femme entretenue à Paris (La Navette).

Ces quatre comédies ont en commun un humour pince-sans-rire, des dialogues ciselés et des chutes surprenantes. Très rarement représentées, elles offrent aux metteurs en scène créatifs une matière riche pour des distributions réduites (de 4 à 6 comédiens et comédiennes).

ISBN 9782377050857
Mars 2017
75 pages ; 18 x 12 cm ; broché.
Prix TTC : 9,90 €

Achat auprès de votre libraire ou en ligne sur les sites suivants :

Le Théâtre de Henry Becque

http://www.musee-rodin.fr/fr/collections/estampes/henry-becque
Henry Becque par Rodin.
Gravure à la pointe sèche. 1885. Source : Musée Rodin

Henry Becque est principalement connu pour deux pièces, Les Corbeaux et La Parisienne, mais nous vous invitons à découvrir l’ensemble de son œuvre : la causticité et le mordant dans la description de la petite-bourgeoisie du XIXème siècle gardent encore aujourd’hui toute leur force. 

Présenté comme le dernier des classiques ou le premier des modernes, Henry Becque a exploré différents genres : vaudeville (L’enfant Prodigue, La Navette), mélodrame (Michel Pauper), drame bourgeois (Les Corbeaux), comédie (La Parisienne, Veuve !) … Il n’a jamais voulu être rattaché à une école littéraire même si certaines de ces pièces ont été rapprochées du courant naturalisme. On a parlé également du précurseur des comédies «  rosses  » ou «  cruelles  », créées sur la scène du Théâtre-Libre.

Octave Mirbeau écrit dans un article en 1886, à propos de Michel Pauper 

M Becque lui, a des mots terribles, des motifs qui troublent, qui vous forcent à penser, à réfléchir, qui ouvrent, tout d’un coup, sur les caractères, des gouffres abominables… Avec lui, je ne me sens pas à l’aise ; il me secoue violemment sur mon fauteuil, me prend à la gorge, me crie : « Regarde-toi dans ce personnage. Voilà pourtant comment vous êtes faits, tous ! » Est-ce humain, je vous le demande ?… Il a des raccourcis qui terrifient, des sensations impitoyables sur les êtres et sur les choses, il vous oblige à descendre avec lui dans le mystère de la vie profonde.

On soulignera les effets comiques présents dans toutes ces pièces, y compris les pièces les plus noires permettant une certaine distanciation (Michel Pauper, Les Corbeaux). Certaines pièces débutent comme des drames et finissent comme des comédies (L’Exécution, L’Enlèvement), d’autres commencent comme des comédies et finissent comme des tragédies (Les Corbeaux). La construction des pièces est également remarquable avec des jeux de miroir, très élaborés entre les premières et les dernières scènes.

Dans toutes les pièces, la profondeur psychologique des personnages permet de dépasser la caricature, tout en explorant des contextes sociaux variés et en révélant notamment la cruauté du monde petit-bourgeois grâce à  des dialogues ciselés.

De nombreuses pièces mettent en scène des femmes qui prennent en main leur destin, en dehors des conventions sociales et des préjugés. 

Résumé des pièces

L’Enfant Prodigue : vaudeville de 1868. Le jeune Théodore est envoyé à Paris où il tombe amoureux de Clarisse, l’ancienne maîtresse du notaire Delaunay, ami de son père. Les quiproquos s’enchaînent quand Théodore veut épouser Clarisse alors que le notaire Delaunay puis son père viennent à Paris. Lien vers le texte sur Gallica.


Michel Pauper : drame représenté en 1870. M de la Roseraye, un industriel, exploite les découvertes de Michel Pauper, un simple ouvrier, chimiste autodidacte un peu frustre, qui boit pour se donner du courage. Michel tombe amoureux d’Hélène, la fille de l’industriel, et la demande en mariage. Mais celle-ci, romantique et exaltée, s’est éprise du comte de Rivailles, un jeune homme cynique et amoral, qui ne veut pas l’épouser. M. de la Roseraye apprend qu’il est ruiné et se suicide. Michel, transformé par sa rencontre avec Hélène ne boit plus, se consacre à son travail et dirige une fabrique. Mme De la Roseraye apprécie son intelligence et sa bonté, mais il est toujours méprisé par sa fille. Hélène révèle à l’oncle du comte de Rivailles que celui-ci a abusé d’elle. Le vieil oncle lui propose de l’épouser. Poussée par sa mère, Hélène épouse Michel, qui est devenu un patron très respecté. Le soir de ses noces, Hélène lui avoue qu’elle a aimé avant lui. Dévasté, Michel est pris d’un accès de violence. Hélène s’enfuit et se réfugie chez le comte. Michel retombe dans la boisson et sombre dans la folie.


L’Enlèvement : comédie représentée en 1871. La jeune Emma, choquée par la conduite de son mari Raoul De Sainte-Croix, a quitté Paris et s’est installée dans leur maison de campagne, accompagnée de sa belle-mère. Antonin De la Rouvre vient souvent lui tenir compagnie. Raoul, pressée par sa mère, tente une réconciliation, mais Emma ne le supporte plus et n’a pas l’espoir de le voir changer. Antonin annonce son départ pour les Indes. Arrive alors Antoinette, comtesse Bordogni, la maîtresse de Raoul, qui se trouve être la femme d’Antonin, qu’elle a trompé et dont il s’est séparé. Après une ultime dispute, Raoul retourne à Paris. Emma décide de partir avec Antonin pour les Indes.


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53126898h/f1.item
Dinelli, interprète d’Antonia lors de la création. Photographie, tirage de démonstration. Atelier Nadar. 1900. Source : BnF/Gallica

La Navette : comédie représentée en 1878. Antonia est entretenue par Alfred qui couvre ses besoins et ceux de son amant, Arthur. Mais Arthur en a assez de cette situation humiliante, qui l’oblige à se cacher quand Alfred vient rendre visite à Antonia. À la faveur d’un héritage, Arthur propose à la jeune femme de devenir son amant unique, mais a en contrepartie des exigences qui deviennent vite insupportables à cette dernière. Arrive alors Armand, un tout jeune homme qui aime Antonia et lui écrit des vers. Mais Alfred revient piteusement : Armand reprend son rôle d’amant de cœur…

 

 

 

 

 


Les Honnêtes Femmes : comédie représentée en 1880. À Fontainebleau, Lambert, un célibataire de trente ans un peu désœuvré, multiplie ses visites chez Mme Chevalier, une mère de famille bourgeoise. Il tente en vain de la séduire, quand arrive Geneviève, une jeune fille qui vient passer quelques jours chez Mme Chevalier. Dans un face à face savoureux, Mme Chevalier va convaincre Lambert d’épouser Geneviève.


http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.93967.html
Les Honnêtes femmes; Conférence, Poésies inédites d’Henry Becque; La Parisienne, 1904, halftone on wove paper, Gift of The Atlas Foundation 1995.76.8. Source : NGA Image

Les Corbeaux : drame représenté en 1882. Vigneron, un industriel prospère, coule des jours heureux, entouré de sa femme, de leurs trois filles, Blanche, Marie et Judith, et de son fils. Hélas, Vigneron meurt brusquement. Teissier, l’ancien associé, Bourdon, le notaire, et Lefort, l’architecte, s’entendent pour spolier et ruiner la famille. Le fils s’engage dans l’armée et les quatre femmes se retrouvent totalement démunies. Aucune aide ne viendra, ni du fiancé de Blanche, qui rompt toute relation sous la pression de sa mère, ni du jeune professeur de musique de Judith. La seule issue sera le sacrifice de Marie, qui accepte d’épouser Teissier : le vieux corbeau protégera désormais la famille des rapaces qui continuent à rôder.
Une pièce cynique et cruelle remarquablement construite.

 

 

 

 


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84363602/f432.item
Réjane dans le rôle de Clotilde, Théâtre du Vaudeville, 1885. Source : BnF/Gallica

La Parisienne : comédie représentée en 1885.  Clotilde du Mesnil est une parisienne libre, avec un mari complaisant, et un amant, Lafont. Mais Lafont est jaloux. Clotilde trompe mari et amant avec Simpson, un jeune homme qui favorise la nomination de Du Mesnil au poste dont il rêvait. La liaison dure quelques mois, puis Simpson s’éloigne et l’amant en titre reprend sa place.

La courte pièce Veuve ! (publiée en 1897) est souvent présentée comme le quatrième acte de La Parisienne.  
Clotilde vient de perdre son mari et reçoit un courrier abondant qu’elle commente. Arrive Lafont qui vient présenter ses condoléances…

Féroce avec les personnages masculins, Henry Becque dessine avec finesse le portrait d’une femme libre.

 


Une exécution : Comédie en un acte, jamais représentée. Le maire d’une petite ville achète un billet pour Paris à la gare. Le billet n’est pas pour lui mais pour Justin qui est banni de la ville.  Le maire évoque avec l’employé de la gare, le cafetier, le tailleur et le garde-champêtre les terribles méfaits commis par le fameux Justin : séduction de femmes mariées, braconnage et emprunts non remboursés… Le maire redoute l’émeute sur le passage de Justin. La tension monte tout au long de la pièce… mais il ne se passe rien. 

Le Domino à quatre : comédie en un acte, représentée en 1908, après la mort de Becque. Dans un café, trois joueurs attendent le quatrième partenaire de leur partie de domino, Blanchard, mais ils redoutent sa mort car il est mal en point. Blanchard apparaît, souffreteux. Au fil des scènes, ce sont les trois joueurs qui décèdent un à un. Blanchard reste seul… 

Le Départ : comédie en un acte, représentée en 1924, après la mort de Becque. Un atelier de couture à Paris un dimanche matin. Les ouvrières s’affairent autour de la finition d’une robe. Blanche est une ouvrière intègre et ambitieuse qui est courtisée par le fils du patron. Elle lui demande d’en parler à ses parents. Si la mère est ravie, le père interdit cette union. Il propose en revanche à Blanche de la prendre pour maîtresse ; elle refuse, il la renvoie. Lorsqu’Auguste, un simple magasinier, la demande en mariage, elle décide de céder aux avances du baron de Saint-Étienne qui lui écrit depuis longtemps.

 

 Lien vers la Biographie d’Henry Becque sur Libre Théâtre

 

 

 

 

Biographie de Henry Becque

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53123929d/f1.item
Becque. Tirage de démonstration de l’ Atelier Nadar. Source : BnF/Gallica

Henry Becque est né le 18 avril 1837 à Paris dans une famille modeste. Son oncle Michel Lubize, dramaturge, dirige le Théâtre du Vaudeville à partir de 1844. A la fin de ses études au lycée Bonaparte (devenu lycée Condorcet), le père d’Henry Becque lui trouve un emploi dans un bureau du Chemin de fer du Nord. Il quitte rapidement ce poste et travaille dans différentes administrations. Il va beaucoup au théâtre grâce à son oncle et fréquente les gens de lettres. Il rencontre le comte Potocki dont il devient le secrétaire. Grâce aux relations du comte, Henry Becque rédige le livret d’un opéra Sardanapale.

Il écrit ensuite L’Enfant Prodigue, un vaudeville, accueilli fraîchement. En 1870, il fait jouer Michel Pauper en payant la salle et les comédiens. La guerre met un terme au projet. En novembre 1871, il fait représenter au Théâtre du Vaudeville une comédie de caractère L’Enlèvement. C’est un nouvel échec. Henry Becque est obligé de chercher un nouvel emploi et travaille à la Bourse. En parallèle, il participe activement aux réunions de la Sociétés des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, et rédige des chroniques et des critiques dramatiques à partir de 1876 dans le journal Le Peuple.

Il écrit à cette période Les Corbeaux. Il tente de les faire représenter sans succès. Entre-temps, il écrit la Navette et Les Honnêtes Femmes. La pièce Les Corbeaux est représentée cinq ans après à la Comédie-Française le 14 septembre 1882. Becque traverse ensuite une période difficile avec le décès de ses deux parents. Il a des problèmes d’argent et est contraint de déménager dans une modeste chambre d’hôtel dans laquelle il termine La Parisienne. La pièce est représentée au Théâtre de la Renaissance le 7 février 1885 et rencontre un certain succès : Henry Becque est enfin reconnu comme un dramaturge majeur. Becque écrit à partir de 1886 dans La Revue illustrée et donne des conférences. Il est décoré le 28 décembre 1886 de la Légion d’honneur. Le 11 novembre 1890, la pièce La Parisienne est représentée à la Comédie-Française mais reçoit un accueil désastreux. Sarcey écrit un article assassin qui alimentera une longue polémique avec Becque.

http://www.musee-rodin.fr/fr/collections/estampes/henry-becque
Henry Becque par Rodin. Gravure à la pointe sèche. 1885. Source : Musée Rodin

En 1893, Becque est invité par l’écrivain italien Sabatino Lopez à faire une tournée de conférences et de représentations en Italie. L’année suivante, il intervient en Belgique mais également au Théâtre de l’Odéon. En 1895, il publie les Souvenirs d’un auteur dramatique (disponible sur Gallica). Il publie en 1897 quatre courtes pièces : L’Exécution, Le Départ, Veuve ! et Le Domino à quatre. Il commence une nouvelle pièce Les Polichinelles qu’il ne terminera pas. André Antoine, le fondateur du Théâtre-Libre, et Octave Mirbeau rendent régulièrement visite à Henry Becque pendant cette période.

Il décède le 12 mai 1899 dans une extrême pauvreté, qui ne permet pas de payer ses obsèques. La SACD lance une souscription pour assurer à Henry Becque une concession à perpétuité au cimetière du Père-Lachaise.

Sources  : 
Eric Allen Dawson, Henry Becque, sa vie et son théâtre, 1923 sur archive.org
André Antoine, Mes souvenirs du Théâtre-Libre, 1921 sur archive.org
Articles sur les 100 ans de la naissance de Becque dans Le Journal du 17/04/137, sur Gallica

 

Lien vers l’article de Libre Théâtre sur Le Théâtre de Henry Becque.

L’enlèvement de Henry Becque

Comédie en trois actes représentée pour la première fois à Paris sur le Théâtre du Vaudeville le 18 novembre 1871.
Distribution : 3 hommes, 4 femmes
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

La jeune Emma choquée par la conduite de son mari Raoul De Sainte-Croix a quitté Paris et s’est installée dans leur maison de campagne, accompagnée de sa belle-mère. Antonin De la Rouvre vient souvent lui tenir compagnie. Raoul, pressée par sa mère, tente une réconciliation mais Emma ne le supporte plus et n’a pas l’espoir de le voir changer.  Antonin annonce son départ pour les Indes. Arrive alors Antoinette, comtesse Bordogni, la maîtresse de Raoul, qui se trouve être la femme d’Antonin, qu’elle a trompé et dont il s’est séparé. Après une ultime dispute, Raoul retourne à Paris. Emma décide partir avec Antonin pour les Indes.

Une pièce féministe ?

Même si certaines tirades sont assez verbeuses, Becque campe avec talent les différents personnages de cette pièce et notamment Emma, la jeune épouse qui refuse d’accepter la conduite de son mari et sa condition d’épouse. Alors que Henry Becque est décrit comme misogyne à son époque, certaines tirades ont fait scandale lors de sa représentation, alors que la question du divorce faisait l’objet de débats.
Le monologue de la scène 5 de l’acte III suit une discussion d’orageuse qu’Emma a eu avec sa belle-mère.

Femme vulgaire, diseuse de futilités et de lieux communs, oui, tu es bien la mère de ton fils, et tu lui es supérieure encore. Ton existence au moins ne manque pas d’harmonie ; elle a la grandeur des choses régulières. Tu as été loyale, dévouée, charitable ; tu as été frivole aussi et bornée, c’est le lot des femmes, à ce qu’il paraît, tu l’as accepté. Mais ton misérable fils, cet homme nul et malfaisant, comblé jusqu’à l’injustice des faveurs de ce monde, et qui ne rend au monde que des exactions !

Il faut prendre un parti où je ne compte plus qu’avec moi-même, après m’être sacrifiée trop longtemps. Honneur, devoir, considération, j’ai respecté ces grands mots autant qu’une autre, et j’aurais voulu donner le spectacle d’une intelligence libre soumise à des règles déterminées. Mon mari ne me l’a pas permis. Il n’est plus, à mes yeux, qu’un pavillon neutre dont il faut se couvrir ou se dégager.

Ce que je préférerais, je le sais. Me séparer, dignement, sans éclat ; mais mon mari, ou plutôt sa mère, n’y consentira jamais. Un procès m’épouvante ; que d’histoires, pour le perdre peut-être. Partir alors ! Ah! partir! que de choses dans ce mot ! Amour, épanouissement, fantaisie ! Mais c’est se déshonorer en s’affranchissant !

Ah ! que les hommes sont heureux ! Leur destinée est libre ; leurs forces indépendantes ! Ils ont tous les privilèges, ceux de la pensée et ceux de l’action ! Ils ne s’épuisent pas comme nous dans des combats intérieurs où notre vie entière est engagée et qui n’ont pour objet que l’amour. L’amour, une déchéance pour nous et pour eux un titre de plus ! Art, science, philosophie, politique, toutes les voies leur sont ouvertes. Ils écrivent, ils parlent, ils enseignent. Ils conduisent de grandes affaires ou soutiennent de grandes luttes. Ils donnent leur sang pour leur pays, et ce sacrifice à certaines heures est si solennel que les plus humbles, en tombant héroïquement, sauvent l’honneur d’une nation!

Henri Becque décrit ainsi l’accueil de cette pièce dans la préface qu’il rédige 25 ans après la première représentation : « Elle a été jouée au Théâtre du Vaudeville le dix-huit novembre mil huit cent soixante et onze. Elle a été sifflée et huée le premier soir, massacrée le lendemain par toute la critique elle a eu cinq représentations. »

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Une exécution de Henry Becque

Comédie en un acte, jamais représentée.
Distribution : 6 hommes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Le maire d’une petite ville achète un billet pour Paris à la gare. Le billet n’est pas pour lui mais pour Justin qui est banni de la ville.  Le maire évoque avec l’employé de la gare, le cafetier, le tailleur et le garde-champêtre les méfaits commis par le fameux Justin : séduction de femmes mariées, braconnage et emprunts non remboursés… Le maire redoute l’émeute sur le passage de Justin mais il ne se passe rien. On lui lance même un bouquet : « Ce bouquet-là ne peut venir que d’une femme ou d’un anarchiste » affirme le maire.

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Henry Becque par Rodin.
Gravure à la pointe sèche. 1885. Source : Musée Rodin

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Publication aux Editions La Comédiathèque

Une exécution, Le Domino à quatre, Les Honnêtes Femmes, La Navette.

Ces quatre courtes pièces proposent quelques scènes de vie dans la France de la fin du XIXème siècle. Henry Becque, le père de la « comédie rosse », situe l’action au guichet d’une gare de province (Une exécution), dans un café (Le Domino à quatre), chez une bourgeoise de province (Les Honnêtes Femmes) et dans le salon d’une femme entretenue à Paris (La Navette).

Ces quatre comédies ont en commun un humour pince-sans-rire, des dialogues ciselés et des chutes surprenantes. Très rarement représentées, elles offrent aux metteurs en scène créatifs une matière riche pour des distributions réduites (de 4 à 6 comédiens et comédiennes).

ISBN 9782377050857
Mars 2017
75 pages ; 18 x 12 cm ; broché.
Prix TTC : 9,90 €

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Le Départ de Henry Becque

Comédie en un acte, représentée pour la première fois sur le théâtre national de l’Odéon, le 21 mai 1924.
Distribution : 3 hommes, 8 femmes
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

L’argument

Un atelier de couture à Paris un dimanche matin. Les ouvrières s’affairent autour de la finition d’une robe. Blanche est une ouvrière intègre et ambitieuse qui est courtisée par le fils du patron. Elle lui demande d’en parler à ses parents. Si la mère est ravie, le père interdit cette union. Il propose en revanche à Blanche de la prendre pour maîtresse ;  elle refuse, il la renvoie. Lorsqu’Auguste un  simple magasinier la demande en mariage, elle décide de céder aux avances du baron de Saint-Étienne qui lui écrit depuis longtemps.

A propos des personnages

Becque emploie les mêmes noms d’une pièce à l’autre, donnant plus de profondeur à ses personnages.

L’héroïne de cette courte pièce s’appelle Blanche, comme l’une des filles de la terrible pièce Les Corbeaux, qui est abandonnée par son fiancé après la ruine de sa famille et sombre dans la folie. Nous retrouvons à ses côtés Marie, la sage ouvrière qui porte le même prénom que la sœur de Blanche qui se sacrifiera dans les Corbeaux .

Le propriétaire de l’atelier qui propose à Blanche de l’entretenir s’appelle Letourneur comme Alfred de la Navette qui entretient Antonia.

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Henry Becque par Rodin.
Gravure à la pointe sèche. 1885. Source : Musée Rodin

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Les Honnêtes Femmes de Henry Becque

Comédie en un acte, représentée pour la première fois à Paris, sur le théâtre du Gymnase, le 1er janvier 1880 et reprise à la Comédie-Française le 27 octobre 1886.
Distribution : 1 homme, 3 femmes
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

À Fontainebleau, Lambert, un célibataire de trente ans un peu désœuvré, multiplie ses visites chez Mme Chevalier, une mère de famille bourgeoise. Il tente en vain de la séduire, quand arrive Geneviève, une jeune fille qui vient passer quelques jours chez Mme Chevalier. Dans un face à face savoureux, Mme Chevalier va convaincre Lambert d’épouser Geneviève.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53123929d/f1.item
Becque. Auteur dramatique : [photographie, tirage de démonstration] / [Atelier Nadar]. Source : BnF/Gallica
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Publication aux Editions La Comédiathèque

Une exécution, Le Domino à quatre, Les Honnêtes Femmes, La Navette.

Ces quatre courtes pièces proposent quelques scènes de vie dans la France de la fin du XIXème siècle. Henry Becque, le père de la « comédie rosse », situe l’action au guichet d’une gare de province (Une exécution), dans un café (Le Domino à quatre), chez une bourgeoise de province (Les Honnêtes Femmes) et dans le salon d’une femme entretenue à Paris (La Navette).

Ces quatre comédies ont en commun un humour pince-sans-rire, des dialogues ciselés et des chutes surprenantes. Très rarement représentées, elles offrent aux metteurs en scène créatifs une matière riche pour des distributions réduites (de 4 à 6 comédiens et comédiennes).

ISBN 9782377050857
Mars 2017
75 pages ; 18 x 12 cm ; broché.
Prix TTC : 9,90 €

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La Navette de Henry Becque

Comédie en un acte, représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Gymnase, le 15 novembre 1878.
Distribution : 3 hommes, 2 femmes
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Antonia est entretenue par Alfred qui couvre ses besoins et ceux de l’amant d’Antonia, Arthur. Mais Arthur en a assez de cette situation humiliante, qui l’oblige à se cacher quand Alfred vient rendre visite à Antonia. À la faveur d’un héritage, il propose à Antonia de devenir son amant unique, mais a en contrepartie des exigences qui deviennent vite insupportable à Antonia. Arrive alors Armand, un tout jeune homme qui aime Antonia et lui écrit des vers…Mais Alfred revient piteusement : Armand reprend son rôle d’amant de cœur…

La création

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53126898h/f1.item
Dinelli, interprète d’Antonia lors de la création. Photographie, tirage de démonstration. Atelier Nadar. 1900. Source : BnF/Gallica

J’avais présenté les Corbeaux partout et partout ils avaient été refusés. Je n’étais pas bien en train, on le comprend, de recommencer un grand ouvrage. Je ne savais trop que faire, je fis la Navette.
Je connaissais un peu les directeurs du Palais-Royal qui avaient songé à reprendre l’Enfant prodigue et je rencontrais très souvent Plumkett. J’allai au théâtre sans le trouver et je lui laissai ma pièce.
Vingt-quatre heures après, Plumkett, avec beaucoup de bonne grâce et de politesse, me faisait reporter mon manuscrit, en me demandant autre chose.
Les Variétés appartenaient à une coterie et me paraissaient inabordables. Le Vaudeville était entre les mains de Raymond Deslandes, un sot et un niais s’il en fut, un « Claretie manqué ». Il ne me restait plus que le Gymnase.
Gondinet et moi, nous faisions partie alors de la commission des auteurs, avec cette différence que j’étais le membre le plus assidu et qu’il était le membre le moins assidu. Il vint tout justement le jour où je comptais, la séance terminée, aller voir Montigny. (…)
Je quittai la commission avec Gondinet. Nous étions toujours très heureux de nous retrouver et nous passâmes un moment ensemble. Enfin je lui dis : « Il faut que je vous quitte; je porte à Montigny une méchante pièce en un acte. »
« Ça se trouve très bien, me répondit Gondinet, je vais aussi au Gymnase, où Montigny m’a donné rendez-vous. »
« Ah ! mon cher, repris-je aussitôt, faites-moi ce plaisir. Dites à Montigny que j’ai craint de le déranger et remettez-lui ma pièce vous-même. »
« Très volontiers », me dit Gondinet.
J’avais mon manuscrit sur moi et je le lui donnai.
Gondinet, quelques jours après, m’annonça que la Navette était reçue. (…)

C’était la première fois, je le croyais du moins, après plus de dix années de théâtre, que j’allais donner une pièce tout tranquillement, sans querelles et sans obstacles. J’étais bien loin de prévoir la petite conspiration qui était déjà en train. Montigny avait avec lui deux seconds que sa mauvaise santé rendait tous les jours plus nécessaires et plus importants Derval, qui était administrateur général, et Landrol, qui était directeur de la scène. (…)
Derval et Landrol avaient lu la Navette qui les avait profondément révoltés. Le doute n’était plus possible. Montigny commençait à baisser pour avoir reçu une pièce pareille et leur devoir, à eux, était d’en empêcher la représentation.
Le premier tour que me joua Landrol ne paraîtra peut-être pas croyable, et j’en ris encore aujourd’hui. Landrol était tenu par ses fonctions de directeur de la scène d’assister à mes répétitions et de les suivre avec moi. Il s’excusa dignement auprès de mes interprètes s’il les privait de ses lumières, mais la Navette, leur dit-il, était un ouvrage tel que sa conscience ne lui permettait pas de s’y intéresser. Cette attitude de Landrol n’était pas seulement comique ; elle me créait les plus grands embarras.

Achard, qui était chargé du personnage principal, suppliait Montigny de le remplacer. Ses camarades, convaincus que la pièce ne serait jamais jouée, trouvaient très inutile de la répéter et de l’apprendre. Mlle Dinelli était la seule qui me restât fidèle. Il fallait la gagner et l’effrayer ; on y réussit. Brusquement, elle me rendit son rôle. Je ne perdis pas la tête. « Réfléchissez jusqu’à demain, lui dis-je, il y a ici une autre artiste que Montigny voulait me donner et que vous allez rendre bien heureuse. » C’est grâce à ce petit mensonge, qui n’en était un qu’à moitié du reste, que je retins Dinelli et que je ramenai les autres avec elle.
Nous répétions maintenant avec entrain. J’avais appris d’un de mes interprètes tous les détails que je viens de donner et je ne craignais pas de plaisanter Landrol ouvertement. Quand quelque chose n’allait pas et que nous étions embarrassés pour une passade « Quel malheur, disais-je, que le directeur de la scène ne soit pas ici ! »

Landrol préparait une nouvelle manœuvre, et celle-là, il le croyait du moins, devait être décisive.
La Navette était à peu près montée. Il ne lui manquait plus que le concours et le coup de pouce de Montigny. Lorsqu’il vint pour la première fois prendre sa place au milieu de nous, Landrol, au même moment, parut à l’orchestre et s’y établit. Les premières scènes furent jouées mollement, avec hésitation. Montigny intimidait ses pensionnaires. En même temps la présence de Landrol nous embarrassait tous en nous menaçant d’une tempête.
Landrol attendait le moment qu’il s’était fixé, la scène sixième, pour tout dire, où la pièce s’engage. Il se leva bruyamment
« Je ne comprends rien à c’te pièce, dit-il. Je voudrais bien que Monsieur l’auteur m’expliquât ce qui s’est passé et pourquoi ce personnage change tout à coup de caractère. » J’étais près de Montigny et je me levai à mon tour. « C’est intolérable, m’écriai-je, intolérable! »
Montigny me mit la main sur le bras et dit très posément
« Continuons. Ça va très bien comme ça. »
Le coup était manqué. Landrol l’avait pris sur un ton que Montigny, par respect pour lui-même, ne pouvait pas laisser passer. Landrol disparut aussitôt de l’orchestre, pendant que mes interprètes et moi nous échangions des clins d’œil méphistophélistiques.
Je n’en avais pas encore fini. Landrol et Derval, qui n’était pas moins monté que lui, cherchèrent autre chose. Ils lancèrent sur moi les amis de Montigny et tous les habitués de la maison.
Il ne se passa plus de jour sans que l’un d’eux ne me prît à part et ne me dît
« Vous n’allez pas donner cette pièce-là au Gymnase? Vous ne voudriez pas compromettre le théâtre pour plusieurs années. Si vous tenez à être joué ici, faites quelque chose pour ici. Portez donc la Navette au Palais-Royal, où elle sera à sa place et où on la recevra à bras ouverts. » Je répondais invariablement « Montigny sait ce qu’il a à faire. C’est à lui de prendre une décision. S’il préfère me payer l’indemnité fixée par la Société des auteurs dramatiques, je retirerai ma pièce avec plaisir, »
À la longue et bien que Montigny ne cédât pas facilement, toute cette désapprobation qui l’entourait et ne s’arrêtait pas l’avait influencé. Il cessa de venir. La répétition générale eut lieu sans qu’il y assistât. Il fit plus. Il profita d’une grande première aux Variétés et glissa ma pièce le même soir, honteusement.  »

Source : Œuvres complètes d’Henry Becque, tome 3. 1924-1926. BnF/Gallica


Lien vers la Biographie de Henry Becque sur Libre Théâtre
Lien vers le Théâtre de Henry Becque sur Libre Théâtre


Publication aux Editions La Comédiathèque

Une exécution, Le Domino à quatre, Les Honnêtes Femmes, La Navette.

Ces quatre courtes pièces proposent quelques scènes de vie dans la France de la fin du XIXème siècle. Henry Becque, le père de la « comédie rosse », situe l’action au guichet d’une gare de province (Une exécution), dans un café (Le Domino à quatre), chez une bourgeoise de province (Les Honnêtes Femmes) et dans le salon d’une femme entretenue à Paris (La Navette).

Ces quatre comédies ont en commun un humour pince-sans-rire, des dialogues ciselés et des chutes surprenantes. Très rarement représentées, elles offrent aux metteurs en scène créatifs une matière riche pour des distributions réduites (de 4 à 6 comédiens et comédiennes).

ISBN 9782377050857
Mars 2017
75 pages ; 18 x 12 cm ; broché.
Prix TTC : 9,90 €

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Michel Pauper de Henry Becque

Drame en cinq actes et sept tableaux, représenté pour la première fois à Paris sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin le 17 juin 1870.
Distribution : 9 hommes, 4 femmes
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

L’argument

M de la Roseraye, un industriel, exploite les découvertes de Michel Pauper, un simple ouvrier, chimiste  autodidacte un peu frustre, qui boit pour se donner du courage. Michel tombe amoureux d’Hélène la fille de l’industriel et la demande en mariage. Mais celle-ci, romantique et exaltée, s’est éprise du  comte de Rivailles, un jeune homme cynique et amoral, qui ne veut pas l’épouser.  M. de la Roseraye apprend qu’il est ruiné et se suicide.  Michel transformé par sa rencontre avec Hélène ne boit plus, se consacre à son travail et dirige une fabrique. Mme De la Roseraye apprécie son intelligence et sa bonté, mais il est toujours méprisé par sa fille. Hélène révèle à l’oncle du comte de Rivailles que celui-ci a abusée d’elle. Le vieil oncle lui propose de l’épouser. Poussée par sa mère, Hélène épouse Michel, qui est devenu un patron héroïque et très respecté. Il a de plus fait une extraordinaire découverte. Le soir de ses noces, Hélène lui avoue qu’elle a aimé avant lui. Dévasté, Michel est pris d’un accès de violence. Hélène s’enfuit et se réfugie chez le comte. Michel retombe dans la boisson et sombre dans la folie.

« Lorsque j’ai écrit Michel Pauper, j’ai rassemblé autour d’une intrigue romanesque tout ce que le socialisme d’alors comportait de revendications…. » Extraits des Souvenirs d’un auteur dramatique, par Henry Becque (Source : Gallica)

La création de Michel Pauper

« Michel Pauper fut d’abord présenté par Becque à la Comédie-Française, mais les membres du comité trouvèrent que la pièce dépassait les bornes fixées par eux à la fantaisie. Accepté à l’Odéon, M. Ghilly, le directeur de ce théâtre, mettait le manuscrit dans un tiroir et ne pensait plus à le faire jouer. Becque qui commençait déjà à avoir une âme processive, l’assigna bientôt devant les tribunaux, parce que selon lui, les théâtres subventionnés devaient jouer les jeunes de préférence. Il estimait Michel Pauper digne de n’importe quel théâtre de Paris. Le procès commenté par tous les journaux, avait éveillé la curiosité du public. Les juges ne lui ayant pas donné raison, Becque comprit qu’il fallait faire appel devant son vrai juge, l’opinion publique.  Au début de 1870, il retira sa pièce de l’Odéon et se mit à la recherche d’un théâtre disponible. M. Raphaël Félix, directeur de la Porte-Saint-Martin, était allé en Angleterre pour placer des actions de son théâtre. Becque lui écrivit pour lui demander sa scène. M. Félix lui envoya une réponse favorable et appuya le lancement de ses actions en Angleterre, en faisant valoir dans la presse que son théâtre n’était jamais forcé de fermer ses portes même en été. En effet, on était a fin de saison. Les théâtres approchaient de leur clôture annuelle. Il faisait chaud. Cela n’empêcha pas Becque de pousser jusqu’au bout le plan qu’il avait entamé. Le théâtre loué, il fallait maintenant recruter des interprètes. (…)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5450300c/f1.item
Le Théâtre illustré, n°78, 1870. Source : BnF/Gallica

Le publie goûta la pièce. Il y eut des applaudissements et quelques sourires ironiques; mais la représentation fut incontestablement un succès. Tous les critiques furent unanimes à le dire.  La presse fut bonne. Sarcey, parlant dans Le Temps de la scène du quatrième acte entre Michel et Hélène disait : « On n’écrit pas de ces scènes-là sans être né pour le théâtre. (…) Malgré  ce succès de première, nous lisons dans Le Gaulois huit jours plus tard, le 26 juin 1870 : « Les recettes de Michel Pauper deviennent de plus en plus insignifiantes, et M. Becque va être obligé de retirer sa pièce de l’affiche à cause de l’impossibilité où il se trouve de payer son cachet quotidien de cent cinquante francs à son principal interprète M. Taillade. »Il faisait trop chaud. On préférait l’air frais de la campagne à l’atmosphère étouffante du théâtre. Malheureusement on était en plein été. Et puis, ce Paris que Michel Pauper s’efforçait d’attirer était un Paris nerveux et fiévreux, entièrement pris dans les terribles préoccupations politiques  de l’heure. (…) Dix-neuf jours après la première, Becque à bout de courage, prenait une résolution désespérée ; il ordonnait de ne plus poser les affiches. Le lendemain, 8 juillet, il partait avec son héroïne pour Trouville. C’est là qu’ils apprirent que la France venait de déclarer la guerre à la Prusse. » Source : Eric Allen Dawson, Henry Becque, sa vie et son théâtre, 1923 sur archive.org.

Texte d’Octave Mirbeau

Paru dans Gil Blas du 28 décembre 1886, à propos des représentations au Théâtre de l’Odéon de Michel Pauper. (Source  : BnF/Gallica)
Entr’acte
Dans un couloir :
Deux littérateurs, très célèbres, très décorés, se sont rencontrés. Ils causent, adossés au mur, les mains dans les poches.
— Que pensez-vous de Michel Pauper ?
— Vous savez, moi, je ne transige pas… Je suis pour le théâtre nouveau… La convention, ne me parlez pas de la convention ! Dans une pièce, je cherche l’humanité – l’humanité scénique, l’humanité-théâtre, bien entendu ; – mais enfin l’humanité. Les ficelles, les éternelles rengaines, les vieux colonels, tout le guignol démantibulé et poussiéreux de Scribe, de Sardou, je n’en veux pas… Je n’en veux pas!… Des caractères vrais, de la psychologie curieuse, des notations hardies, de grands cris poussés des entrailles même de la vie, voilà ce que je comprends, ce que j’aime. Je suis de mon temps.
— Alors, vous aimez Michel Pauper ?
— Je vais vous dire. Eh bien, non, je n’aime pas Michel Pauper. Et savez-vous pourquoi je ne l’aime pas, votre Michel Pauper ? Parce que, dans la pièce de M. Becque, il n’y a pas un seul personnage à qui je puisse m’intéresser, disons le mot, un seul personnage sympathique, sympathique ! Saisissez-vous bien ? Or, au théâtre, tout est là ! Il faut que je puisse m’intéresser à un personnage, et ce personnage ne sera intéressant qu’autant qu’il sera sympathique; il ne sera sympathique qu’autant qu’il sera intéressant. Je vous défie de sortir de ce dilemne.
— Mais qu’appelez-vous un personnage sympathique ?
— Un personnage sympathique est un personnage jeune, riche, noble, beau, doué de toutes les vertus qui, durant quatre actes, accomplit des actions prodigieuses, et épouse, au cinquième acte, une jeune fille belle et pauvre, qui a commis une faute, malgré elle. Je vais même plus loin… venez ! Il est question dans Michel Pauper d’un sergent-fourrier, qui se fait entretenir par les femmes. On s’est indigné et on a eu raison. Ces choses-là sont répugnantes, au double point de vue de la morale et du patriotisme. Et puis quoi !… Un simple sergent-fourrier, cela manque d’ampleur ! Au théâtre, l’intérêt ne commence véritablement qu’au sous-lieutenant. Mais soit !. Acceptons ce fourrier ! Alors ne dites pas qu’il est entretenu par des femmes. Vous en faites un personnage repoussant. Si M. Becque connaissait le théâtre, le vrai théâtre, il eût mis un correctif, une compensation, ce que nous autres, écrivains consciencieux, qui respectons le public, appelons une soupape. Il eût expliqué que son sergent recevait de l’argent des femmes, pour venir en aide à sa mère pauvre, par exemple, ou à sa sœur mourante. Il eût fait entrer dans cette action vilaine, l’idée sublime, consolante, d’un sacrifice, d’un dévouement. De cette façon, le fourrier devenait sympathique, sym—pa—thi—que, tout en restant odieux. Et la salle entière applaudissait, au lieu de protester. Qu’est-ce que ça lui coûtait à M. Becque ? Rien du tout. Mais, voilà, comme tous les jeunes gens d’aujourd’hui, il veut épater le public au détriment de la justice et de la vérité.
— Cependant.
— Pas de cependant, mon cher, ce que je dis là est inflexible. Nous avons des règles dramatiques, que diable!. Le fourrier de M. Becque est-il théâtre ? Non. — Mon fourrier l’est-il ? Oui…
Toute la question est là ! C’est comme son ouvrier, il est absolument raté, c’est évident. Observez, je vous prie, que je ne parle même pas de l’inconvenance qu’il y a à mettre en scène des passions basses, des habitudes pénibles, des maladies morales répulsives… J’accorde que M. Becque en a le droit. Vous voyez jusqu’où je pousse la complaisance. Mais son ouvrier ! Un ouvrier qui a du génie et qui se grise ? Franchement, est-ce humain ? est-ce psychologique ? Je dirai plus… Est-ce bien social ? De deux choses l’une. Ou son ouvrier a du génie et, dans ce cas, il est clair qu’il ne doit pas se griser. Ou il se grise et, dès lors, il n’a pas de génie. Non, mais demander aux physiologistes, aux médecins, aux…
— Pourtant, Edgar Poe.
— Vous me parlez d’un Américain !…
— Et cet ouvrier qui, perd la mémoire au point de ne pas reconnaître sa propre femme !… Vous trouvez cela possible, vous  ?… C’est senti, ça ?… C’est scientifique  ?… C’est théâtre ?… Allons, allons il faut rire…
— Pourtant, Baudelaire….
— Baudelaire!… Baudelaire  !… D’abord, il n’était pas marié. Et puis, quoi !…Baudelaire était un poète, une espèce de fou que personne jamais ne put comprendre. On m’a conté qu’un jour Baudelaire, passant devant une glace, se vit, ne se reconnut pas et se salua en disant  : «  Bonjour, monsieur,…  » C’est absurde!… Dans ces conditions que devient la pièce de M. Becque ?… C’est bien simple, il n’y a plus de pièce. il n’y a plus rien !… Toutes ces violences, toutes ces outrances, c’est très joli, mais ça ne tient pas, devant le raisonnement  !…
— Vous disiez qu’il vous fallait de l’humanité au théâtre?
— Sans doute, il me faut de l’humanité. Mais est-ce que l’humanité est incompatible avec les idées que je viens de vous exposer  ? Je veux de l’humanité certainement, de l’humanité qui s’adapte à l’état d’un monsieur, qui sort de table, va passer quelques heures au théâtre, et entend y digérer béatement, sans secousses violentes. Voilà Augier, le grand Emile Augier !… Toutes ses pièces sont remplies de personnages sympathiques. Quand on assiste à une comédie d’Augier, on se sent meilleur, positivement. On est remué doucement… on aime la vertu, l’héroïsme, le sacrifice, on voudrait se dévouer  ; on demande à épouser tout de suite une jeune fille pauvre  ; à réparer des fautes anciennes. (…) Enfin le théâtre, c’est ça !
M Becque lui, a des mots terribles, des motifs qui troublent, qui vous forcent à penser, à réfléchir, qui ouvrent, tout d’un coup, sur les caractères, des gouffres abominables… Avec lui, je ne me sens pas à l’aise ; il me secoue violemment sur mon fauteuil, me prend à la gorge, me crie : «  Regarde-toi dans ce personnage. Voilà pourtant comment vous êtes faits, tous ! » Est-ce humain, je vous le demande ?.… Il a des raccourcis qui terrifient, des sensations impitoyables sur les êtres et sur les choses, il vous oblige à descendre avec lui dans le mystère de la vie profonde. Eh bien, non !… Je viens au théâtre, moi, pour m’amuser discrètement, dormir, si j’ai cette envie, être réjoui par une jolie femme qui passe, en maillot rose, les jupes bouffantes, les bras nus, ou par une belle toilette, ou par un beau décor… Je veux pouvoir, au besoin, m’instruire de ce qui se dit sur la scène, et me contenter de spectacles plastiques ; je veux oublier les réalités, consoler mes yeux avec d’éblouissantes lumières, mon esprit avec une littérature tranquille qui coule, gentiment, toujours pareille, comme l’eau d’une fontaine ; je veux rire à un calembour, à une bonne farce, si ma rate est en humeur de se désopiler. Avec M. Becque, on ne peut pas ! Il s’accroche, ce diable d’homme, à un pan quelconque de votre être, vous entraîne avec lui, vous commande de l’écouter, et ne vous lâche que quand il a fini de parler. Avec cela que ce sont choses agréables à entendre, car, qui que vous soyez, homme ou femme, bourgeois ou noble, avocat, notaire, ou mari, chacun est assuré de recevoir son paquet  ! Les Corbeaux, la Parisienne, je sais des gens qui s’exaltent à ces pièces, ils osent même prononcer le mot de chefs-d’œuvre  !… Voulez-vous mon opinion nette, carrée, sur M. Becque  ?… Il existe des gens peu délicats qui, ayant été invités à dîner en ville, vont ensuite raconter ce qui s’est dit, ce qui s’est passé devant eux. Eh bien, on dirait que M. Becque a été invité à dîner chez l’humanité, que celle-ci lui a confié bien des secrets, et qu’il les raconte au public. C’est de l’indiscrétion. D’ailleurs, je vous avoue que je ne suis pas sans inquiétude sur l’avenir de notre théâtre. On y voit maintenant des pièces fort étranges, dont les tendances sont les plus déplorables du monde. Nous allons au gâchis littéraire, à l’anarchie dramatique. Les dieux vénérables, gardiens du goût et de la tradition, vacillent et s’effarent sur leurs piédouches de marbre ; et le Barbare est là qui les menace. Quand on pense que Shakespeare a ses entrées, libres dans nos coulisses, Shake peare, ce fou, cet épileptique, n’est-ce point à faire frémir, n’est-ce point une vraie honte nationale ? Où sont les vaudevilles joyeux d’autrefois, où pétillait la mousse des vins de France  !… Maintenant tout semble sombrer dans l’alcoolisme du gin. La Cagnotte, quel chef-d’œuvre  ! Hamlet  ! quelle farce lugubre  !

Une curiosité : adaptation pour le cinéma par les Frères Pathé, en 1915, Un pauvre homme de génie, réalisé par  Henry Krauss.

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Publication aux Editions La Comédiathèque

Michel Pauper, c’est l’histoire tragique d’un ouvrier chimiste autodidacte, devenu le patron respecté d’une fabrique et un scientifique de génie. Son amour éperdu pour une jeune aristocrate romantique et orgueilleuse sera le moteur de son ascension mais aussi la cause de sa déchéance.

« Lorsque j’ai écrit Michel Pauper, j’ai rassemblé autour d’une intrigue romanesque tout ce que le socialisme d’alors comportait de revendications » écrit Henry Becque dans ses Souvenirs d’un auteur dramatique. Loin des caricatures sociales, la complexité des sentiments des personnages est explorée à travers une succession de scènes tendres ou cruelles.

ISBN 9782377050796
Février 2017
68 pages ; 18 x 12 cm ; broché.
Prix TTC : 9,90 €

Disponible chez votre libraire ou en ligne sur les sites suivants :

La Parisienne de Henry Becque

Comédie en trois actes et en prose, représentée pour la première fois à Paris sur le théâtre de la Renaissance le 7 février 1885. Reprise à la Comédie-Française le 11 novembre 1890.
La courte pièce Veuve ! est souvent présentée comme le quatrième acte de La Parisienne. Elle a été publiée en 1897 dans la revue LVie Parisienne. Représentée pour la première fois en 1944 au Théâtre de Poche (indépendamment de La Parisienne). La Parisienne et Veuve ! ont été représentées à la Comédie-Française le 11/11/1986, dans une mise en scène de Paul Vecchiali.
Distribution : 3 hommes, 2 femmes
Texte intégral de la pièce La Parisienne  et de Veuve ! à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

L’argument

Clotilde du Mesnil est une parisienne libre, avec un mari complaisant et un amant, Lafont. Mais Lafont est un amant jaloux. Clotilde trompe mari et amant avec Simpson, un jeune homme qui favorise la nomination de Du Mesnil au poste dont il rêvait. La liaison dure quelques mois, puis Simpson s’éloigne et l’amant en titre reprend sa place.
Dans Veuve ! , Clotilde vient de perdre son mari et reçoit un courrier abondant qu’elle commente. Arrive Lafont qui vient présenter ses condoléances…

Quelques illustrations de représentations

Réjane dans la Parisienne photographiée par l’atelier Nadar. Source Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8405554w/f1.item
Illustration de la représentation du 11-11-1890 à la Comédie-Française. Source : BnF/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8405554w/f2.item
Extrait des Nouvelles Littéraires du 30/06/1949. Représentations à la Comédie-Française pour fêter les 50 ans de la mort d’Henry Becque. Source : BnF/Gallica

La Parisienne en vidéo

La Parisienne , Au théâtre ce soir le 18 septembre 1974,  sur le site de l’INA (extrait gratuit, intégralité en version payante)

Reportage sur la mise en scène de Didier Long en 2010, au théâtre Montparnasse à Paris avec Barbara Schulz, sur le site de CultureBox.

Pour aller plus loin

Jules Lemaître, Impressions de théâtre. Troisième série. « Une représentation de la Parisienne, de M. Henry Becque. », 18 juin 1888 sur le site de l’OBVIL

Article de Retronews sur la Parisienne (publié le 24/08/2022)

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