Biographie d’Edmond Rostand

Article paru dans le numéro spécial de la revue La Rampe du 15 décembre 1918 consacré à la mort d’Edmond Rostand (Source : Gallica)

« Edmond Rostand le plus populaire de nos auteurs dramatiques, le plus illustre de nos poètes n’est plus. La grippe stupide l’a enlevé brusquement à l’affection et à la tendresse de sa femme, de ses enfants, de sa famille et de ses amis et admirateurs si nombreux. (…)

Depuis Victor Hugo, nous n’eûmes jamais un poète aussi superbement national. La critique et le peuple l’avaient placé, dès sa prime jeunesse, au tout premier rang, et ce ne fut que justice.

Edmond Rostand naquit à Marseille le 1er avril 1868, dans une pittoresque maison de la rue Montaux. Son père, membre de l’Institut, lui fit commencer ses éludes au lycée de sa ville natale où il les poursuivit jusqu’à la seconde ; puis il vint les achever à Paris, au Collège Stanislas. Ce fut un élève fort brillant en composition française et en version latine, mais à l’exemple de maints écrivains, il ne montra nulle aptitude aux mathématiques. Seules, les études littéraires le passionnaient, et, élève de rhétorique, il commit un acte en vers Les Petits extras ; son professeur, René Doumic, qu’il devait  rencontrer plus tard à l’Académie Française, ayant par hasard découvert le manuscrit, le confisqua et infligea un sévère pensum au jeune auteur. C’était une petite comédie dans la note des vieilles pièces de Picard, il y étudiait certaines moeurs de province. Nullement découragé, le potache porta son manuscrit, – il en avait un double, – à Marx, directeur du Théâtre Cluny. Celui-ci le présenta à Gaston Marot, l’auteur Des Grandes Manœuvres, avec lequel Rostand remania son acte qui, quelque temps après, fut représenté sous le titre de Le Gant Rouge. La critique se montra fort sévère  ; seul, un  journaliste du nom de René Dorlac fit preuve d’indulgence et voulut bien reconnaître de l’avenir au débutant. René Dorlac était le pseudouyme de René Doumnic, lequel connaissait, – et pour cause – le premier péché littéraire de son élève.

En 1890, à l’âge de vingt-deux ans, il publiait Les Musardises. Le succès fut considérable  : tout le monde comprit que l’auteur était un Poète, au vrai sens du mot. Un poète qui chante avec un art exquis et délicieux et prenant ses souffrances, ses douleurs, ses joies et son amour. Cette même année il épousait Mlle Rosemonde Gérard qui fut, elle aussi, un grand et noble poète et qui resta, en dépit des années et des luttes de la vie, la fidèle et tendre compagne de Rostand, clic ne cessa d’être, – ainsi que se plaisait à le répéter un de leurs amis les plus chers, Lucien Mufheld, – « l’associée ».

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Photo de presse de la création à la Comédie-Française, le 21-05-1894. Source : BnF/Gallica

À cette époque, Edmond Rostand voulut s’essayer au théâtre, il présenta donc à la Comédie-Française un petit acte en vers Les Deux Pierrots. Malheureusement, le jour de la lecture, le Comité apprit la mort de Théodore de Banville et se fit un scrupule de recevoir une oeuvre où chantaient et pleuraient tous ces pierrots, chers au poète des Odes funambulesques. La revanche ne tarda point à venir. Jules Claretie reçut quelques mois après Les Romanesques. Cette œuvre adorable fut créée à la Maison de Molière le 21 mai 1894, avec une distribution éclatante qui réunissait les noms de Reichemberg, Le Bargy, de Féraudy, Leloir et Laugier.
 


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Affiche de Mucha pour le Théâtre de La Renaissance avec Sarah Bernhardt. Source : BnF/Gallica

Le théâtre avait définitivement conquis Edmond Rostand, il s’y consacra tout entier, et nous vîmes ainsi coup sur coup, l’apparition radieuse et triomphante de La Princesse lointaine, pièce en quatre actes que Mme Sarah Bernhardt créait au théâtre de la Renaissance, le 5 août 1895. Deux ans après, la grande tragédienne, muse sublime du Poète, représentait, le mercredi Saint, 14 avril 1897, La Samaritaine, trois tableaux où l’auteur sut ajouter de la poésie à l’Evangile lui-même.

Le 28 décembre de cette même année eut lieu la première représentation de Cyrano de Bergerac que créèrent Coquelin Aîné, Volny, Desjardins, Jean Coquelin et Marie Legault. Tout a été dit sur cette oeuvre qui enthousiasma Francisque Sarcey, Jules Lemaître et Catulle Mendès. Ce dernier compara Rostand « à un Regnard ivre de Victor Hugo, de Henri Heine, d’Alexandre Dumas et de Banville ». On peut aisément avancer que Cyrano marqua au Théâtre une date immortelle, comme autrefois les premières du Cid, d’Andromaque et de Hernani.

 

 


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M. Rostand et son Aiglon. Dessin de A. Rouveyre. Source : BnF/Gallica

À Cyrano de Bergerac succédait L’Aiglon, autre chef d’œuvre que Mme Sarah Bernhardt créa en son théâtre, le 10 mars 1900. Flambeau, c’était Lucien Guitry, bientôt remplacé par Coquelin Aîné qui revenait d’une tournée en Amérique où il avait fait triompher, en compagnie de l’illustre tragédienne, les œuvres de leur Poète.

Edmond Rostand avait été décoré de la Légion d’Honneur le soir même de la première de Cyrano de Bergerac. Le 14 juillet 1900, il recevait la rosette d’officier.

 

 

 


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Edmond Rostand par Jean Reutlinger. Source : BnF/Gallica

L’année suivante, Rostand présenté par Jules Claretie et Paul Hervieu faisait son entrée à l’Académie où le recevait le marquis de Voguë. Son élection qui avait été sollicitée par toute l’Académie fut un moment compromise. Edmond Rostand, fidèle à ses opinions politiques, homme loyal et de grand coeur, avait clamé bien haut sa sympathie à Alfred Dreyfus, innocent, que l’opinion stupide condamnait. Incapable d’une lâcheté, le poète de la Samaritaine s’en fît un cas de conscience, et se refusa à la moindre trahison. On voulut lui opposer un inconnu quelconque, mais la majorité du Palais Mazarin, conduite par Jules Lemaître, qui, malgré certaines divergences de vue, comprit assez tôt la faute qu’allaient commettre ces éminents confrères, accueillait le 30 mai 1901, Edmond Rostand, qui prenait place au fauteuil d’Henri de Bornier, l’auteur de La Fille de Roland.

En 1910, il était nommé commandeur de la Légion d’Honneur.


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Edmond Rostand chez lui. Photographie parue dans L’Art du théâtre, septembre 1903. Source : Gallica/BnF

Mais la maladie frappa Rostand, et pendant plusieurs mois on craignit pour sa vie. Les docteurs l’obligèrent à quitter pour longtemps la capitale. Il se retira à Cambo, en son originale villa « Arnaga » où il se plut à recevoir, avec une amabilité exquise et toujours souriante, les fidèles intimes. Il revint à Paris pour diriger ses dernières dernières du Chantecler, éclatant de vie, de soleil et de joie, qui vit le jour à la Porte Saint-Martin le 7 février 1910. Ce fut sa dernière œuvre théâtrale représentée. Il continua cependant à travailler abondamment ; il laisse un nombre respectable de pièces qui, nous l’espérons, seront prochainement montées à la Comédie-Française, chez MM. Hertz et Jean Coquelin et au théâtre Sarah Bernhardt. Rostand écrivit également maints poèmes, entre autres Le Bois Sacré que joua Mme Sarah Bernhardt, et différentes œuvres poétiques inspirées par l’actualité  ; il se montra particulièrement lyrique en criant sa haine contre Guillaume II (L’Ile des Chiens) et les responsables de la guerre et en clamant son admiration enthousiaste pour les héros, sublimes martyrs de l’horrible épopée sanglante.

Edmond Rostand ne cessa durant sa carrière d’apporter une fidèle collaboration à la presse parisienne, il écrivit notamment à Gil Blas, au Figaro, à Paris Journal, à  l’ Illustration où nous eûmes entr’autres poèmes son Bulow, et à Excelsior qui publia dernièrement un fragment de sa superbe Marseillaise.

Le jour de l’armistice, malgré l’opposition des siens, il voulut sortir pour se mêler au peuple de Paris qu’il chérissait tout particulièrement, peut-être pour trouver, en poète, l’occasion nouvelle de créer un immortel et définitif chef-d’œuvre. Hélas  ! quelques jours plus tard il dut s’aliter et le 2 décembre 1918, à 1 h. 48, il rendit le dernier soupir.

La semaine suivante, le Théâtre Sarah Bernhardt affichait L’Aiglon, – Mme Simone prenait avec succès la lourde succession de l’inoubliable créatrice – et le soir de cette première, chacun portait une fidèle pensée à celui qui, quelques jours auparavant, était encore parmi nous… Rostand ! Rostand ! sublime et délicat artisan de la Muse poétique, nous tous, les spectateurs de ce soir, pleurions l’illustre Poète, l’ami exquis que vous étiez, et nous sentîmes tout à coup dans cette salle émue, passer un grand souffle où bruissait votre, nom avec un bruit de gloire.

Ch de la Grille

Pour en savoir plus 

Lien vers le Théâtre d’Edmond Rostand sur Libre Théâtre
Site dédié à Edmond Rostand, créé par Philippe Bulinge, spécialiste de l’œuvre de Rostand : http://www.edmond-rostand.com et notamment pour en savoir plus sur la vie d’Edmond Rostand

 

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