Baldwin and Buckley at Cambridge par la Compagnie Elevator Repair Service

Gymnase du Lycée Mistral, jusqu’au 11 juillet 2023

Baldwin and Buckley at Cambridge, Elevator Repair Service, 2023 © Christophe Raynaud de Lage

Le rêve américain n’existe-t-il qu’aux dépens du Noir américain ? Tel était le sujet du débat organisé par la Société des étudiants de Cambridge, le 18 février 1965, qui opposa le déjà célèbre James Baldwin à un journaliste conservateur, William Buckley.

Pourquoi rejouer aujourd’hui au théâtre, en France, une joute oratoire qui s’est tenue il y a plus d’un demi siècle dans une université anglaise ? Si la question mérite d’être posée, la réponse s’impose comme une évidence dès les premières minutes du spectacle.

La force de cette proposition théâtrale réside dans les multiples questionnements qu’elle suscite chez le spectateur, presqu’à chaque phrase, en confrontant trois réalités : la situation des Afro-Américains dans les années soixante à l’époque de la lutte pour les droits civiques, leur situation actuelle dans ce même pays, mais aussi la problématique des discriminations et du racisme aujourd’hui en France.

 

L’intelligence et la sensibilité de James Baldwin dominent bien entendu le débat : la puissance des mots est au service d’une analyse historique implacable du passé esclavagiste des Etats-Unis. Mais la plaidoirie de Buckley n’est pas moins intéressante. On voit à l’œuvre toute la rhétorique réactionnaire : raisonnement économique, interprétation fallacieuse d’études, prétendu risque civilisationnel, tentative de dresser une minorité contre une autre… Autant d’arguments qui trouvent un inquiétant écho dans les propos de certains, en France, actuellement. La scène finale, qui reprend plusieurs lettres et interviews de James Baldwin et de Lorraine Hansberry, éclaire d’un autre jour ce débat, en questionnant notamment la notion de radicalité.

La compagnie américaine Elevator Repair Service recrée dans le gymnase du Lycée Mistral un dispositif quasi similaire à celui du débat original, avec trois gradins et deux pupitres. Nous redevenons étudiants, et le public ne manque pas d’applaudir la superbe tirade de Baldwin, magnifiquement interprétée par Greig Sargeant, à l’origine de ce projet.

Pour enrichir le débat démocratique, on aurait envie de proposer ce spectacle à l’Education Nationale, afin de développer l’esprit critique de la jeunesse, et montrer à ces citoyens en devenir l’importance de l’analyse des discours politiques ainsi que la puissance de l’éloquence et de la rhétorique. Quoi qu’il en soit, les professeurs d’anglais et d’histoire pourront toujours inciter leurs élèves à voir sur internet le débat qui a inspiré ce spectacle.
https://www.youtube.com/watch?v=5Tek9h3a5wQ

 

Critique de Ruth Martinez

Avec April Matthis, Gavin Price, Greig Sargeant, Christopher-Rashee Stevenson, Ben Williams
Texte James Baldwin, William F. Buckley Jr., Lorraine Hansberry
Un projet de Greig Sargeant, Elevator Repair Service
Mise en scène John Collins
Costumes Jessica Jahn
Lumière Alan C. Edwards
Son Ben Williams

Lien vers le site du Festival d’Avignon

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