Biographie de Émile Zola
Cette biographie est une compilation de plusieurs témoignages sur la vie d’Émile Zola, par Zola lui-même et par ses amis Guy de Maupassant et Paul Alexis.
L’enfance
« Je suis né le 02 avril 1840 d’un père natif de Venise et d’une mère française, originaire de la Beauce – je suis né ici à Paris, en plein centre d’un des quartiers populaires. Mon père était ingénieur et réalisa quelques grands travaux de canalisation dans la région d’Aix, près de Marseille, où il mourut en 1847. J’ai grandi en Provence de l’âge de 3 ans jusqu’à l’âge de 18 ans et j’ai commencé mes études au collège de la ville d’Aix. Revenu à Paris en 1858, j’ai connu une période de grande misère. » (Article paru dans les Annales de la Patrie, 1876)
[Lors de ses études à Aix, Zola fait la connaissance de Paul Cézanne, qu’il retrouvera à Paris]
La misère à Paris
« …Il commença alors la terrible lutte avec la vie. Elle fut acharnée cette lutte ; et pendant deux ans le futur auteur des Rougon-Macquart vécut au jour le jour, mangeant à l’occasion, errant à la recherche de la fuyante pièce de cent sous, fréquentant plus souvent le mont-de-piété que les restaurants, et, malgré tout, faisant des vers, des vers incolores, d’ailleurs, sans curiosité de forme ou d’inspiration, dont un certain nombre viennent d’être publiés par les soins de son ami Paul Alexis.
Il raconte lui-même qu’un hiver il vécut quelque temps avec du pain trempé dans l’huile, de l’huile d’Aix que des parents lui avaient envoyée ; et il déclarait philosophiquement alors : «Tant qu’on a de l’huile on ne meurt pas de faim.
D’autres fois il prenait sur les toits des moineaux avec des pièges et les faisait rôtir en les embrochant avec une baguette de rideau. D’autres fois, ayant mis au clou ses derniers vêtements, il demeurait une semaine entière en son logis, enveloppé dans sa couverture de lit, ce qu’il appelait stoïquement «faire l’Arabe» ». (Émile Zola par Guy de Maupassant, 1883, Source : BnF/Gallica)
Zola journaliste
« En 1862, entré chez Hachette, où je gagnais cent francs et où je fis d’abord des paquets. Un poème de deux mille vers que j’avais déposé un soir sur le bureau du père Hachette me fit monter au bureau de la publicité. En 1864, j’étais chef de ce bureau et je gagnais deux cents francs. C’est là que j’ai connu presque tout le journalisme et toute la littérature – Cependant, en 1864, j’avais publié mes Contes à Ninon et en 1865 ma Confession de Claude. Je ne pouvais plus rester. Je quittai la maison Hachette à la fin janvier 1866 et j’entrai immédiatement à l’événement de Villemessant, où je rendis compte des livres pendant près d’une année. Je fis un Salon qui, pour la première fois, me mit en vue ; mon éloge de Manet avait ameuté les artistes et le public. »
(Note biographique de Zola à l’intention de Daudet. Source : Présence de Zola, Editions Fasquelle, 1953)
En 1865, il rencontre Alexandrine Meley (qu’il épousera en 1870). En 1866, il publie Mes Haines, son premier recueil d’articles critiques (sur Gallica). Il est l’ami des peintres Manet, Guillemet, Pissarro ; il fait la connaissance des Goncourt. Il publie Thérèse Raquin, en 1867.
Les Rougon-Macquart
« Enfin il entreprit l’oeuvre qui devait soulever tant de bruit : les Rougon-Macquart, qui ont pour sous-titre : Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire.
Voici dans quel ordre virent le jour les divers romans, parus jusqu’ici, de cette série :
La Fortune des Rougon, oeuvre large qui contient le germe de tous les autres livres. [1871]
La Curée, premier coup de canon tiré par Zola, et auquel devait répondre plus tard la formidable explosion de l’Assommoir. La Curée est un des plus remarquables romans du maître naturaliste, éclatant et fouillé, empoignant et vrai, écrit avec emportement, dans une langue colorée et forte, un peu surchargée d’images répétées, mais d’une incontestable énergie et d’une indiscutable beauté. C’est un vigoureux tableau des moeurs et des vices de l’Empire depuis le bas jusqu’au haut de ce que l’on appelle l’échelle sociale, depuis les valets jusqu’aux grandes dames. [1872]
Vient ensuite le Ventre de Paris, prodigieuse nature morte où l’on trouve la célèbre Symphonie des Fromages, pour employer l’expression adoptée. Le Ventre de Paris, c’est l’apothéose des halles, des légumes, des poissons, des viandes. Ce livre sent la marée comme les bateaux pêcheurs qui rentrent au port, et les plantes potagères avec leur saveur de terre, leurs parfums fades et champêtres. Et des caves profondes du vaste entrepôt des nourritures, montent entre les pages du volume les écoeurantes senteurs des chairs avancées, les abominables fumets des volailles accumulées, les puanteurs de la fromagerie ; et toutes ces exhalaisons se mêlent comme dans la réalité, et on retrouve, en lisant, la sensation qu’ils vous ont donnée quand on a passé devant cet immense bâtiment aux mangeailles : le vrai Ventre de Paris. [1873]
Voici ensuite la Conquête de Plassans, roman plus sobre, étude sévère, vraie et parfaite d’une petite ville de province, dont un prêtre ambitieux devient peu à peu le maître.[1874]
Puis parut la Faute de l’abbé Mouret, une sorte de poème en trois parties, dont la première et la troisième sont, de l’avis de beaucoup de gens, les plus excellents morceaux que le romancier ait jamais écrits. [1875]
Ce fut alors le tour de Son Excellence Eugène Rougon, où l’on trouve une superbe description du baptême du prince impérial. [1876]
Jusque-là, le succès était lent à venir. On connaissait le nom de Zola ; les lettrés prédisaient son éclatant avenir, mais les gens du monde, quand on le nommait devant eux, répétaient : «Ah oui ! la Curée», plutôt pour avoir entendu parler de ce livre que pour l’avoir lu du reste. Chose singulière : sa notoriété était plus étendue à l’étranger qu’en France ; en Russie surtout, on le lisait et on le discutait passionnément ; pour les Russes il était déjà et il est resté LE ROMANCIER français. On comprend d’ailleurs la sympathie qui a pu s’établir entre cet écrivain brutal, audacieux et démolisseur et ce peuple nihiliste au fond du coeur, ce peuple chez qui l’ardent besoin de la destruction devient une maladie, une maladie fatale, il est vrai, étant donné le peu de liberté dont il jouit comparativement aux nations voisines.
Mais voici que le Bien public publie un nouveau roman d’Émile Zola, l’Assommoir. [1878]Un vrai scandale se produit. Songez donc, l’auteur emploie couramment les mots les plus crus de la langue, ne recule devant aucune audace, et ses personnages étant du peuple, il écrit lui-même dans la langue populaire, l’argot.
Tout de suite des protestations, des désabonnements arrivent ; le directeur du journal s’inquiète, le feuilleton est interrompu, puis repris par une petite revue hebdomadaire, la République des Lettres, que dirigeait alors le charmant poète Catulle Mendès.
Dès l’apparition en volume du roman, une immense curiosité se produit, les éditions disparaissent, et M. Wolff dont l’influence est considérable sur les lecteurs du Figaro, part bravement en guerre pour l’écrivain et son oeuvre.
Ce fut immédiatement un succès énorme et retentissant. L’Assommoir atteignit en fort peu de temps le plus haut chiffre de vente auquel soit jamais parvenu un volume pendant la même période.
Après ce livre à grand éclat, il donna une oeuvre adoucie, Une page d’amour, histoire d’une passion dans la bourgeoisie. [1878]
[En 1878, Zola achète une petite maison de campagne à Médan, près de Poissy. En 1879, W. Busnach et O. Gastineau adaptent l’Assommoir au théâtre: c’est un énorme succès. ]
Puis parut Nana, autre livre à tapage dont la vente dépassa même celle de l’Assommoir. [1880]
Enfin la dernière oeuvre de l’écrivain Pot-Bouille, vient de voir le jour. [1882]» [Émile Zola par Guy de Maupassant, 1883, Source : BnF/Gallica]
Germinal qui raconte une grève de mineurs paraît, en mars 1885. La pièce de théâtre adaptée par Bushnach est interdite par la censure. L’année suivante, Émile Zola publie L’Œuvre, qui évoque ses années de jeunesse à Aix-en-Provence et indirectement son amitié avec Paul Cézanne.
En 1887, la publication de La Terre, entraîne de nouvelles polémiques autour de l’école naturaliste. Dans Le Figaro, cinq jeunes écrivains (P. Bonnetain, J.H. Rosny, L. Descaves, P. Margueritte et G. Guiches) affirment violemment leur hostilité à cette esthétique.
L’année suivante, Émile Zola publie Le Rêve. Il a une liaison avec Jeanne Rozerot, une jeune lingère de vingt ans engagée par sa femme. Il va mener une double vie entre son épouse et cette jeune femme. Il aura deux enfants avec Jeanne Rozerot : Denise (1889, que Zola a beaucoup photographié – voir plus bas) et Jacques (1891).
En 1890, il se présente pour la première fois à l’Académie française, sans succès. Il échouera régulièrement à toutes ses autres tentatives. Il publie La Bête humaine (1890), puis L’Argent (1891). En 1891, il est élu Président de la Société des Gens de Lettres : il va se montrer très actif dans cette charge, qu’il occupera pratiquement sans interruption jusqu’en 1896.
En 1892, il publie La Débâcle, qui évoque la défaite de 1870. L’année suivante, il édite le Docteur Pascal. En juin, un grand Banquet littéraire réunit deux cents personnes, au Bois de Boulogne, pour fêter l’achèvement des Rougon-Macquart.
Il commence un nouveau cycle et publie en 1894 Lourdes, le premier volume de la série des Trois Villes. Après un grand voyage en Italie en 1899, il publie Rome, en 1896.
L’affaire Dreyfus
Émile Zola prend parti dans l’affaire Dreyfus dès 1897. Zola publie, le 13 janvier 1898, dans L’Aurore, sa « Lettre au Président de la République » (« J’accuse »). Un procès en diffamation lui est intenté par le gouvernement. Après quinze jours d’audience, il est condamné à un an d’emprisonnement, et part en exil en Angleterre, le 18 juillet. Son roman Paris est édité en mars.
Il revient d’exil le 5 juin 1899. Il publie Fécondité, le premier volume de la série des Quatre Evangiles. L’année suivante, il recueille dans La Vérité en marche, en février, ses articles écrits pendant l’affaire Dreyfus. Il publie également Travail, le deuxième volume des Evangiles.
Il meurt , le 29 septembre 1902. Vérité, le troisième volume des Evangiles est publié après sa mort (Justice, le dernier épisode, reste à l’état de notes).
Les cendres de l’écrivain sont transférées au Panthéon le 4 juin 1908.
Portrait de Zola par Maupassant
« Zola a aujourd’hui quarante et un ans. Sa personne répond à son talent. Il est de taille moyenne, un peu gros, d’aspect bonhomme mais obstiné. Sa tête, très semblable à celle qu’on retrouve dans beaucoup de vieux tableaux italiens, sans être belle, présente un grand caractère de puissance et d’intelligence. Les cheveux courts se redressent sur un front très développé, et le nez droit s’arrête, coupé net comme par un coup de ciseau trop brusque au-dessus de la lèvre supérieure ombragée d’une moustache noire assez épaisse. Tout le bas de cette figure grasse, mais énergique, est couvert de barbe taillée près de la peau. Le regard noir, myope, pénétrant, fouille, sourit, souvent méchant, souvent ironique, tandis qu’un pli très particulier retrousse la lèvre supérieure d’une façon drôle et moqueuse.
Toute sa personne ronde et forte donne l’idée d’un boulet de canon ; elle porte crânement son nom brutal, aux deux syllabes bondissantes dans le retentissement des deux voyelles.
Sa vie est simple, toute simple. Ennemi du monde, du bruit, de l’agitation parisienne, il a vécu d’abord très retiré en des appartements situés loin des quartiers agités. Il s’est maintenant réfugié en sa campagne de Médan qu’il ne quitte plus guère.
Il a cependant un logis à Paris où il passe environ deux mois par an. Mais il paraît s’y ennuyer et se désole d’avance quand il va lui falloir quitter les champs.
A Paris, comme à Médan, ses habitudes sont les mêmes, et sa puissance de travail semble extraordinaire. Levé tôt, il n’interrompt sa besogne que vers une heure et demie de l’après-midi, pour déjeuner. Il se rassied à sa table vers trois heures jusqu’à huit, et souvent même il se remet à l’oeuvre dans la soirée. De cette façon, pendant des années il a pu, tout en produisant près de deux romans par an, fournir un article quotidien au Sémaphore de Marseille, une chronique hebdomadaire à un grand journal parisien et une longue étude mensuelle à une importante Revue russe.
Sa maison ne s’ouvre que pour des amis intimes et reste impitoyablement fermée aux indifférents. Pendant ses séjours à Paris, il reçoit généralement le jeudi soir. On rencontre chez lui, son rival et ami, Alphonse Daudet, Tourgueneff, Montrosier, les peintres Guillemet, Manet, Coste, les jeunes écrivains dont on fait ses disciples, Huysmans, Hennique, Céard, Rod et Paul Alexis, souvent l’éditeur Charpentier. Duranty était un habitué de la maison. Parfois apparaît Edmond de Goncourt, qui sort peu le soir, habitant très loin.»
[Émile Zola par Guy de Maupassant, 1883, Source : BnF/Gallica]
Pour en savoir plus :
Lien vers le Théâtre de Zola sur Libre Théâtre
Lien vers le théâtre de Zola et le naturalisme sur Libre Théâtre
Exposition virtuelle de la BNF consacrée à Zola
Zola en images. 280 illustrations : portraits, caricatures, documents divers. par John Grand-Carteret, 1908. Sur archive.org
A découvrir également, Émile Zola photographe sur le site de la RMN