L’École des femmes, mise en scène Philippe Adrien
Jusqu’au 2 octobre
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Rte du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris
du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 16h
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L’École des femmes : une farce tragique.
Le théâtre de la Tempête remet à l’affiche, pour notre plus grand plaisir, une mise en scène de l’École des femmes signée par Philippe Adrien. Ce dernier, en situant l’action au XIXème siècle, nous propose une lecture inédite de cette œuvre tardive de Molière, et nous rappelle habilement les raisons pour lesquelles elle fit scandale à l’époque, mêlant pour la première fois les codes de la farce et de la comédie. L’École des femmes, en effet, est une histoire de femme, de mari et d’amant caché dans le placard. Sauf que le cocu n’est pas encore marié, et que celle qui le trompe est encore vierge. De fait, en soulignant la complexité des personnages de Molière, cette mise en scène révèle de façon très originale la dimension tragique de cette comédie.
La pièce s’ouvre sur un tableau muet : l’Angélus de Millet, qui fit tant fantasmer Dali. Pour ce peintre de génie, le couple de paysans n’était pas seulement en train de prier après l’Angélus : ils se recueillaient devant le cercueil d’un enfant mort. Philippe Adrien nous donne aussi à voir dès le début de la pièce l’enterrement du « petit chat », nous fournissant ainsi une grille de lecture forte et très cohérente de ce texte, qui nous raconte la fin de l’innocence avec la naissance de la sexualité.
La farce de Molière, cependant, est toujours là : les deux serviteurs, dans la grande tradition de la Commedia dell’Arte, servent leur maître avec la plus grande bêtise, accumulant les gags. La scène du notaire est également un moment d’anthologie : Raphaël Almosni incarne un notaire totalement fou, aux gestes désordonnés.
Les décors, avec des jeux de voile et de draps couverts de sang, suggèrent la violence sous-jacente de la situation, car il s’agit bien de l’enfermement d’une jeune fille et d’un mariage forcé. La lumière dessine les espaces scéniques et donne à voir l’âme des personnages, lumineuse ou inquiétante.
Pierre Lefebvre incarne avec grâce un Horace papillonnant. Il danse, semble voler parfois sur les ailes du désir dans une chorégraphie parfaite. Valentine Galey donne à Agnès une rare consistance : ingénue, innocente, joueuse puis amoureuse et passionnée.
Patrick Paroux compose un Arnophe terriblement humain : il est d’abord risible dans sa folie de vouloir façonner Agnès, mais face à l’émancipation de sa pupille qu’il veut prendre pour femme, il devient inquiétant puis pathétique et émouvant quand il la supplie de l’aimer.
Les costumes de bourgeois et quelques éléments de décor, comme le trophée de chasse aux grandes cornes qui orne l’entrée de la maison d’Arnolphe, rendent plus évidente la glorieuse lignée de cette pièce, annonçant les vaudevilles du XIXème siècle.
Un superbe spectacle à ne pas manquer.
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Arnolphe a élevé sa pupille Agnès dans l’isolement le plus total afin de faire d’elle une épouse soumise et fidèle. La naiveté de la jeune fille doit le préserver de toute tromperie, sa hantise : « Épouser une sotte est pour n’être point sot ». Mais c’est sans compter sur les ruses et les sortilèges de l’amour naturel qui, sous les traits d’Horace, se révèle à elle. Le vieux fou, victime de son aveuglement voit se refermer le piège qu’il a lui-même dressé. Mais il aura entre-temps découvert les élans et les supplices d’un amour authentique : « Quelle preuve veux-tu que je t’en donne, ingrate ? / Me veux-tu voir pleurer ? » Agnès s’éveille sous nos yeux aux sensations, au sentiment, à la parole enfin qui, une fois conquise, constitue la véritable école de liberté. L’ oiseau est prêt à s’envoler. L’École des femmes, ou la défaite d’une tyrannie… Oui, Molière toujours, pour le défi, l’irrespect, la liberté par émancipation, qui laisse Arnolphe pantelant. Exit. Sous les rires.
avec
Patrick Paroux, Arnolphe
Valentine Galey, Agnès
Pierre Lefebvre, Horace
Joanna Jianoux, Georgette
Gilles Comode, Alain
Pierre Diot, Chrysalde
Raphaël Almosni, Le notaire, Enrique
Vladimir Ant, Oronte
Décor : Jean Haas
Lumières : Pascal Sautelet assisté de Maëlle Payonne
Musique et son : Stéphanie Gibert
Costumes : Cidalia Da Costa
Maquillages : Sophie Niesseron et Pauline Bry
Collaboration artistique : Clément Poirée
Direction technique : Martine Belloc.
Lien vers la chronique de l’Ecole des Femmes sur Libre Théâtre